Caprignano (prov. Rieti) (*) Le village déserté de

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Caprignano (prov. Rieti) (*) Le village déserté de
Caprignano (prov. Rieti) (*)
Le village déserté de Caprignano est situé en Sabine Septentrionale, sur le territoire de
l'actuelle Casperia (prov. Rieti), et a fait l'objet de plusieurs campagnes de fouilles organisées par
l'E.F.R. sous la direction de G. Noyé. Les sources écrites (BOUGARD 1988) et les travaux de terrain
(NOYÉ 1984 et 1986) ont permis de distinguer quatre grandes phases dans l'histoire du Castrum:
— Phase I [Xe (?)-XIIe s.]: occupation d'un village de bois (phase IA) attesté par de nombreux
trous de poteaux creusés dans le substrat rocheux, retrouvés sur toute la surface fouillée du site.
Seuls quelques lambeaux de sols subsistaient contenant cependant, parmi le rare matériel qu'ils
ont livré, quelques minuscules fragments de céramique a vetrina pesante a macchia (VPE). Au
milieu du XII e siècle, on commence à abandonner ce type d'habitat (phase IB) pour adopter
progressivement la pierre.
— Phase II (XIIe-XIIIe s.): construction du castrum par étapes successives. Phase IIA-B (seconde
moitié du XIIe s.): l'habitat de pierre est encore concentré au sommet. Phase IIC (début XIII e
s.): le castrum acquiert sa physionomie définitive avec la rocca au sommet et, sur la pente, des
maisons en rangées concentriques et des tours de flanquement. La Phase IID voit
l'épanouissement de l'urbanisme villageois (première moitié du XIIIe s.).
— Phase III (milieu du XIIIe s.): rupture importante dans l’histoire du castrum du fait d'une
catastrophe d'origine sans doute naturelle, causant de nombreux dommages matériels. Le village
fait l'objet de multiples remaniements sans que soit atteint le niveau de qualité, architecturale
notamment, qu'il présentait auparavant.
— Phase IV (fin du XIII e -début du XIV e s.): réaménagement très rudimentaire suivi d'une
occupation relativement prolongée (phase IVA). Une nouvelle destruction survient en 1303,
volontaire cette fois, qui démantèle partiellement la rocca (phase IVB). En partie ruinée, elle est
cependant à nouveau occupée, ainsi que plusieurs maisons du village qui bénéficient mème
parfois de réaménagements assez luxueux (phase IVC). Une seconde expédition contre le castrum
vient relativement tòt (1307) mettre fin à cette occupation du village; anéanti, celui-ci est
définitivement abandonné.
La céramique de Caprignano est encore, pour bonne partie, en cours d'étude. [455] A
ce jour, 10853 tessons ont été inventoriés mais seulement 2320 d'entre eux (céramique des
sondages III, IV et V sud) ont fait l'objet d'une analyse complète (L ÉCUYER 1987) (Fig. la-b).
Nous nous baserons donc ici sur cet échantillon qui, comme les chiffres l'indiquent, semble
d'ailleurs ètre assez représentatif du lot.
La céramique a vetrina pesante a macchia relève majoritairement de la vaisselle de table,
classe représentant 42,9% du total du mobilier étudié. Hormis les rares exemplaires de céramique a
vetrina verde et a vetrina laziale, devant ètre considérés comme produits de luxe et introduits
assez tardivement à Caprignano (respectivement fin du XIIe et début du XIIIe s.), la céramique de
table est essentiellement constituée de céramique achrome et non décorée (TAVAC). Aucun vase
cependant qui répondrait à ces critères n' ayant encore pu ètre reconstitue, il est permis de penser
que les fragments comptabilisés proviennent plutót de pots incisés achromes (INC) ou a vetrina
pesante a macchia (VPE), ces deux types de décor ne couvrant pas la surface totale des ustensiles.
Les comptages concernant la céramique a vetrina pesante a macchia ont été effectués sur la base de
la présence effective de glaçure sur les tessons. Ce type représente ainsi un peu plus de 11% de
l'ensemble du mobilier céramique (Fig. 2 a-b) et environ 26,5% de la céramique de table (Fig. 3
a-b): c'est de loin le mobilier le plus couramment attesté à Caprignano, cette production semblant
étre accessible à tout foyer, quel que soit son niveau social, ce qui n'est pas le cas pour les
*
Fouilles: G. NOYÉ, E.F.R. Etude du mobilier céramique: N. LÉCUYER.
céramiques a vetrina verde ou laziale.
La forme la plus représentée est le pichet à bec pince, corps biconique, fond plat, anse
rubanée attachée au niveau de la lèvre et du diamètre maximum de la panse. Ce pichet se presente
sous deux tailles-modules différentes (hauteur: 10 cm., diam. moyen de l'ouverture: 7 cm.; hauteur:
15 cm., diam. moyen de l'ouverture: 9 cm.) mais, en l'état d'avancement de l'étude, il nous est
encore difficile d'appréhender une évolution morphologique de cette forme (Fig. 4). L'examen
des lèvres laisse cependant envisager un effacement progressif des cols et de l'épaule (Fig. 5).
Une forme semi-ouverte correspondant à un petit pichet à corps globulaire légèrement
tassé, bord evase ou droit, lèvre indistincte ou pincée, base plane et petite anse rubanée porte
également ce type de décor. L'un des rares exemplaires ayant pu ètre reconstitués est équipé d'une
anse épaisse à section rectangulaire (Fig. 4, 3).
La vetrina pesante a macchia concerne également deux formes ouvertes. Il s'agit d'une
part d'un grand récipient à fond plat (diam.: 15 cm. environ) et important diamètre de panse, une
ou deux anses rubanées, col et ouverture encore inconnus, retrouvé en un seul exemplaire sur les
sondages étudiés mais que l’on rencontre plus couramment parmi le mobilier des zones
inventoriées. [456] La seconde est une écuelle à fond plat, lèvre interrompue applanie, parfois
marquée d'une strie sur la surface externe, dont la hauteur varie de 5 à 8 cm. pour un diamètre à
l'ouverture de 8 à 12 cm., et ce pour les rares exemplaires répertoriés à ce jour.
Ces ustensiles sont constitués d'une pâte dépurée, brun-rosé à orangé, cuite en atmosphère
réductrice à oxydante ou oxydante. Les analyses (nn. 117-122) ont montré que la méme argile
avait été utilisée pour la fabrication de la céramique de table relevée à Caprignano, de la création à
l'abandon du site: il s'agit d'une argile alluvionale plus ou moins dépurée, riche en quartz
métamorphique et contenant un abondant mica fin, dont la composition presente d'étroites
analogies avec d'autres échantillons provenant de la Sabine (Farfa, Rieti, Collalto Sabino). Les
échantillons présentés sont tous attribuables à une production locale ou sub-régionale (l'un d'entre
eux présentait les caractéristiques d'une argile de l'aire de l'Apenin central).
Trois qualités de glaçures — qui semblent chacune definir un type de fabrication — ont
été distinguées à titre expérimental:
— VPE 1: c'est une glaçure abondante, épaisse, brillante, transparente, vert olive à vert
bouteille, adhérente et non absorbée par la pâte. Elle est généralement posée sur une pâte
fermée cuite en atmosphère réductrice à oxydante, sonnante et de couleur brun-gris en
surface; [458]
— VPE 2: il s'agit d'une glaçure fine, semi-brillante, transparente, dont le teinte varie de
l'incolore au jaune et au vert pale, adhérente mais légèrement absorbée par la pâte. Celle-ci,
moins sonnante que la precèdente, est généralement cuite en atmosphère oxydante et presente
des teintes de surface proches de l'orangé;
— VPE 3: c'est une glaçure rare, fine et terne, jaune pale à vert pomme, opaque, peu adhérente et
très absorbée par l'argile. Elle est indifféremment posée sur des pâtes cuites en atmosphère
oxydante ou réductrice à oxydante dont la qualité et la couleur sont variables.
Il semble que ces disparités soient liées à une plus ou moins bonne maitrise de la technique
et qu'elles ont influé sur la vente des produits. Ainsi, la VPE 3, retrouvée dans les habitats
"pauvres", disparait relativement tot (début du XIIIe s.) au profit d'une qualité intermédiaire
(VPE 2) qui constituera le type le plus répandu sur le castrum. La VPE 1, souvent accompagnée
de céramique d'importation (vetrina verde et laziale), est caractéristique des habitats les plus
riches.
Dans tous les cas, la glaçure est éparse, le plus souvent posée en taches à raison d'une au
sommet de l'anse, de deux de part et d'autre du col, au niveau de l'ouverture, et d'une, parfois,
au sommet du bec pour les pichets (Fig. 6). La tache est généralement informe mais un
exemplaire presente un décor de traces longues (deux de chaque côté du col), parallèles et
inclinées (pichet, VPE 1, non daté).
Nous nous devons également de signaler, outre la présence de glaçure sur certaines
fusaibles, un unicum relevé dans une fosse-dépotoir de la rocca: il s'agit d'une olla acquaria à
pâte claire, fine, très dépurée, de forme courante (MAZZUCATO 1983), décorée au niveau du col, de
l'épaule et des anses, d'incisions faites après tournage, partiellement recouvertes d'une glaçure de
type VPE 1, datable de la seconde moitié du XIIIe siècle. [460]
Si l'on se réfère aux données chronologiques fournies par les fouilles de la Crypta Balbi
(MANACORDA 1986 et CRYPTA BALBI 1990), il apparaìt clairement que le mobilier céramique de
Caprignano accuse un retard typologique considérable: alors que le type disparait progressivement à
Rome à partir du milieu du XIIe siècle, la production de céramique a vetrina pesante a macchia est
encore en plein essor pendant tout le XIIIe siècle, les ustensiles de ce type restant majoritaires
pour la vaisselle de table jusqu'à l'abandon du site (Fig. 7). Ce retard de plus d'un siècle, tant
typologique que technologique, est conforté, nous l'avons vu, par la rareté des céramiques
glacurées d un type plus évolué sur le site. Comme le résultat des analyses le suggère (analyses n°
117 à 121), il faut donc imaginer une fabrique locale, en marge des courants de production des
grands centres, fournissant en céramique commune [461]. Les villages d'une micro-région dont
l'aire géographique reste à definir.
NOLWENN LÉCUYER
Bibliographie
BOUGARD 1988 = F. BOUGARD, E. HUBERT, G. NOYE, Du village deserté au castrum:
le site de Caprignano en Sabine, in Structures de l'habitat et occupation du sol dans les pays
méditerranéens: Ies méthodes et l'apport de l'archeologie extensive, Castrum 2, G. Noyé ed.,
Rome-Madrid, pp. 433-464.
Crypta Balbi 1990 = AA. VV., L'esedra della Crypta Balbi nel Medioevo (XI.XV secolo).
Archeologia urbana a Roma: il progetto della Crypta Balbi, 5, a cura di Lucia Saguì e
Lidia Paroli, Firenze, 1990.
N. LÉCUYER, 1987, Introduction à l'étude de la céramique de Caprignano, le mobilier des
sondages III, IV et V sud, Mémoire de maìtrise, Université de Haute- Bretagne,
Rennes 2, 173 p. (inédit).
MANACORDA 1986 = D. MANACORDA et al., La ceramica medievale di Roma nella stratigrafia della
Crypta Balbi, in La ceramica medievale nel Mediterraneo Occidentale, Atti del III
Congresso Internazionale (Siena-Faenza 8-12 ottobre 1984), Firenze, 1986, pp. 511­
544.
O. MAZZUCATO, 1983, Olle acquarie medioevali laziali, in Atti del XII Cong. Intern. della
ceramica, Albisola 1979, pp. 103-112.
G. NOYÉ, 1984, Caprignano (Casperia, prov. de Rieti), “ MEFREM ”, 1984-2 pp. 958-972.
G. NOYÉ, 1986, Caprignano, “MEFREM”, 1986-2, pp. 1186-1194. [462]

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