L`étude des mouvements oculaires est depuis longtemps

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L`étude des mouvements oculaires est depuis longtemps
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Aspects normaux et pathologiques de la lecture
Laurent Sparrow
Université de Lille 3 – UFR de Psychologie – Laboratoire URECA
BP 60149
59653 Villeneuve d'Ascq Cedex
[email protected]
Résumé :
Lorsque nous lisons un texte, nous n’avons pas conscience de la difficulté et de la
complexité des opérations réalisées par notre système visuel. En une fraction de
seconde, notre cerveau reconnaît les mots et accède à leur sens. Néanmoins, avant
d’arriver à tel niveau de lecture fluente, de longues séances d’apprentissage sont
nécessaires et de nombreux enfants, malgré cela, éprouvent de sérieuses difficultés
face à l’écrit. Si la lecture semble si facile au lecteur expert c’est en raison du
caractère automatisé des processus mis en jeux. De nombreux traitements cognitifs
sont réalisés, allant de la perception visuelle jusqu’à la reconnaissance des mots
pour finalement aboutir à la compréhension explicite du texte. Néanmoins, le
caractère automatique et très rapide de ces traitements rend leur étude très
complexe. Mais grâce à l’enregistrement des mouvements oculaires, ces processus
peuvent être étudiés en temps réel et de façon plus naturelle ; des mesures comme
les durées de fixations ou la position du regard permettent d’inférer les traitements
cognitifs sous-jacents au décodage et à la compréhension. Cette approche est très
fructueuse et bon nombre de processus perceptuels et linguistiques ont ainsi pu être
étudié. De plus, les investigations concernant la motricité oculaire des sujets mauvais
lecteurs ou dyslexiques ont permis de mieux localiser les étapes de traitement
perturbées chez ces sujets.
Mots clés : lecture, mouvements oculaires, accès lexical, médiation phonologique,
dyslexie.
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Abstract ;
Normal and pathological aspects of reading
While reading a text, one has no conscious access to the complex nature of the
operations in which the visual system is engaged. Within fractions of a second, the
brain identify the words and gain access to their meaning. These underlying
treatments are particularly uneasy to disentangle in the expert reader due to the
automatization of the operations. Eye movements recording provides an ecological
way to study these process in real time: it is now possible to infer the sequence of
cognitive operations leading to decoding and comprehension. Moreover, by
investigating the oculomotor responses in poor readers and dyslexic subjects, the
impaired stages of words processing have been better identified.
Keywords : reading, eyes movements, lexical access, phonological mediation,
dyslexia.
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Introduction
L’étude des mouvements oculaires est depuis longtemps considérée comme un
moyen privilégié d’investigation des processus mis en oeuvre dans la lecture (Huey,
1908 ; Javal, 1906). Les mesures oculomotrices présentent l’avantage d’être
sensibles à un grand nombre de processus cognitifs et peuvent être obtenues dans
des conditions relativement naturelles, par exemple, sans demander au sujet de
réponse particulière. En effet, les tâches habituellement utilisées dans ce domaine
consistent à présenter au sujet des mots isolés puis à enregistrer des réponses de
décision lexicale, de décision catégorielle ou de prononciation. Ces épreuves
permettent un contrôle très précis de la situation expérimentale, mais comportent un
inconvénient majeur : les procédures utilisées pour lire des mots présentés
isolements ne sont peut-être pas équivalentes à celles qui sont utilisées pour lire des
mots présentés en contexte. Une activité comme la lecture n’est peut-être pas
décomposable en plusieurs comportements élémentaires (le tout n’est pas forcément
égal à la somme des parties). De plus, ces tâches font parfois appel à des stratégies
spécifiques qui ne seront pas utilisées en lecture. Par exemple, un lecteur adulte
identifie, en moyenne, 5 mots par seconde, ce qui fait 200 ms par mot. Or, les
latences de décision lexicale les plus rapides ne descendent pas en dessous de 500
ms, ce qui représente plus du double du temps requis pour identifier un mot. Ce délai
supplémentaire représente le temps nécessaire à la prise de décision et à la
réalisation de la réponse : ces processus ne sont pas forcément impliqués dans la
lecture normale.
L’extrême rapidité des processus de reconnaissance visuelle des mots mérite d’être
soulignée puisque l’identification d’un mot nécessite que sa forme lexicale soit
distinguée de toutes les autres formes lexicales connues du lecteur et dont le nombre
est estimé entre 30 000 et 50 000 formes (sans compter les formes alternatives
comme les italiques, ou les écritures manuscrites). Afin de rendre compte de cette
rapidité, les chercheurs ont formulé l’hypothèse d’une structure de stockage très
organisée des mots appelée lexique mental. Dans ce cadre, reconnaître un mot écrit
consisterait alors à mettre en correspondance la forme physique, visuelle de ce mot
imprimé sur une page et sa représentation abstraite, stockée en mémoire, sa
représentation lexicale.
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Cette mise en correspondance et non seulement rapide mais aussi automatique, ce
qui rend son étude encore plus complexe. Chez un adulte - lecteur expert - le
caractère automatique de l'identification des mots écrits est mis en relief par l'effet dit
"stroop", qui résulte d'une interférence entre le sens d'un mot et sa forme. Ainsi,
quand on demande de nommer la couleur de l'encre d'un mot, la réponse est plus
longue quand le mot écrit est un nom de couleur qui ne correspond pas à la couleur
de l'encre, par exemple, "vert" écrit en rouge. Le lecteur expert ne peut donc pas
s’empêcher de lire, même lorsqu’on lui demande explicitement de ne pas le faire, ce
qui est le propre d'un automatisme. Cet exemple indique que l'expert a accès quasi
immédiatement et automatiquement à la forme, mais aussi au sens des mots. Ces
propriétés sont en soit très étonnantes quand on sait que la lecture est une
compétence très récemment acquise.
Phylogenèse du langage
L’écriture est une invention récente, de quelques milliers d’années. L’architecture de
notre cerveau n’a donc pas encore eu la possibilité de s’adapter aux difficultés
posées par la reconnaissance visuelle des mots, ce qui n’est pas le cas pour le
langage oral. L’analyse neuropsychologique du langage, débutée au XIXe siècle
avec des auteurs comme Broca (1861) et Wernicke (1874), a permis de mettre en
évidence des centres spécialisés dans le traitement du langage oral. Cette
spécialisation, qui résulte d’une lente évolution, facilite la production et la
compréhension du langage articulé. Or, aucune aire cérébrale ayant quelques
propriétés originales n’est spécialisée dans le traitement du langage écrit. Comme
nous le verrons un peu plus loin, on peut même spéculer qu’au contraire, ce sont les
systèmes d’écritures eux-mêmes qui ont évolué afin de s’adapter aux contraintes de
notre système visuel.
Australopithecus Afarensis s'est dressé sur ses deux pattes il y a cinq millions
d'années. Plus de deux millions et demi d'années se sont ensuite écoulées entre la
bipédie et le début de la fabrication d'outils et un autre million d'années avant le
dernier accroissement brusque de la capacité cérébrale, il y a 500 000 ans. L'Homo
Erectus quittait l'Afrique il y a 350 000 ans et laissait la place à l'Homo Sapiens
Sapiens il y a un peu plus de cent mille ans. Le moment de l'apparition du langage
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ne fait pas l'unanimité, mais il est probablement apparu quelque part en Afrique de
l'Est il y a près de 150 000 ans. En tout cas, les auteurs s’accordent pour admettre
que les conditions physiologiques et anatomiques, indispensables à l’apparition du
langage, se retrouvent chez l’Homo Sapiens-Sapiens. Les premiers crânes retrouvés
ayant une structure définitivement moderne remonteraient à 50 000 ans, mais il est
tout à fait possible que cette configuration anatomique soit le résultat d’une évolution
ayant débutée il y a 100 000 ans, chez l’Homo Erectus. En tout état de cause, la
communication (sous forme de signes) et l’utilisation de symboles (par exemple, des
coupelles creusées dans la pierre recouvrant une sépulture, des marques en croix)
sont bien antérieures à l’apparition du langage. Le langage est bien évidemment
basé sur le symbole : tel objet est représenté par un autre (oral ou visuel).
Anatomiquement, l’Homo Sapiens est très différent de ses prédécesseurs, avec en
particulier la capacité de communiquer oralement. Il est tout a fait possible que
certains ancêtres du Sapiens parlaient, mais ils devaient utiliser une langue bien
différente pour une raison simple : le système vocal permettant de produire des sons
de paroles n’apparaît que chez l’Homo Sapiens. En effet, la langue orale est
composée de sons spécifiques : il ne s’agit pas de bruits, de musique, mais de sons
bien particuliers, composé d’un mélange des deux et de résonances. Les sons sont
des vibrations de l’air. Ces vibrations sont émises par les cordes vocales puis sont
modifiées par un système très complexe de filtres appelé le tractus vocal. Ces filtres
amplifient, rajoutent des harmoniques de telle sorte qu’au final, le son produit est très
complexe, composé de plusieurs pics de fréquence. Ce sont ces pics qui permettent
de différencier les sons entre eux.
INSERER FIGURE 1
Le tractus vocal
Chez l'être humain adulte, la cavité laryngée (milieu du cou, figure 1) forme un
premier tube et les cavités buccale et nasale forment un second tube. Par
comparaison, chez tous les mammifères, le larynx est haut, presque au même
niveau que la langue et débouche immédiatement dans les cavités nasale et buccale
alors que chez l'humain adulte, le larynx est beaucoup plus bas. Cet abaissement
donne naissance à la cavité laryngée, absente chez les mammifères (figure 1). Chez
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l'australopithèque, la portion de pharynx au-dessus du larynx était bien plus petite
que chez l'homme moderne. Cet espace pharyngique restreint ne lui permettait pas
de moduler les sons produits par les cordes vocales, du moins pas autant que chez
Homo Sapiens (Lieberman, 1973). L’australopithèque utilisait probablement un
système de communication plus développé que celui des grands singes, mais son
répertoire vocal était très limité par rapport à celui de l'homme moderne. Néanmoins,
cette hypothèse d’une baisse du larynx ne nous apprend rien sur l’origine même du
langage : ce n'est certainement pas parce que Sapien peut parler qu’il s’est mis à
parler. Une autre hypothèse, plus plausible, serait de considérer que cette descente
du larynx constitue, en fait, une amélioration considérable du système vocal et donc
de la communication.
INSERER FIGURE 2
Pour bien comprendre pourquoi, il suffit de suivre le chemin parcouru par les ondes
sonores (figure 2). A l’origine des sons de parole, nous avons une vibration des
cordes vocales ayant une certaine fréquence (fréquence fondamentale). Puis, par
propagation de l’air, ces vibrations vont voyager dans les différentes cavités du
tractus vocal où elles vont entrer en résonance, c'est-à-dire qu’elles vont s’enrichir de
nouvelles fréquences. Les petites cavités vont générer des fréquences élevées (donc
des sons aiguës) alors que les cavités plus importantes vont générer des fréquences
plus basses (et donc des sons plus graves). Ces différentes fréquences vont donc
enrichir le son de base afin de produire des sons plus complexes. Ces différents pics
de fréquence sont appelés des formants. Les sons de paroles sont composés de 3
formants F1, F2 et F3 : le premier dépend de la cavité pharyngale, le deuxième de la
cavité buccale et le troisième de la position des lèvres (figure 2). Grâce à la présence
de ces formants, ces sons complexes et riches peuvent être facilement distingués.
Ce caractère distinctif permet de communiquer facilement, rapidement et de façon
efficace : les sons de paroles sont faciles à discriminer. Voilà pourquoi on considère
que la descente du larynx constitue une amélioration du système langagier : un son
riche en harmoniques est plus facile à produire et à reconnaître qu’un son pauvre en
fréquences ou composé essentiellement de bruits. Grâce à ce système, il est
possible de produire 650 sons différents (appelés phonèmes), mais, pour une langue
comme le français, en trentaine seulement de ces phonèmes est utilisée. Ce qui,
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finalement, rend ce système très économique : avec à peine 30 sons différents, nous
sommes capables de produire et de comprendre une infinité d’énoncés ! Nous
verrons un peu plus loin que les systèmes d’écriture alphabétique permettent de
relier les unités de base de l’écrit (les graphèmes comme « a » « f » mais aussi « ou
», « ph ») aux unités correspondantes de l’oral (les phonèmes, c'est-à-dire les sons
/a/, /f/…). L’écrit et l’oral sont donc reliés, et pour bien comprendre comment le
lecteur expert lit (ou comment l’enfant apprend à lire), il est nécessaire de
s’intéresser aussi à la façon dont il produit et comprend les énoncés oraux.
Spécialisation hémisphérique
Cette possibilité de prononcer des sons complexes est une chose, encore faut-il
coordonner tous les muscles impliqués et pour cela, il nous faut un cerveau
suffisamment développé pour le faire. Les études de neuropsychologie ont permis la
découverte des aires du cerveau spécialisées dans ces fonctions, grâce notamment
à l’étude des aphasies, qui est une perte partielle ou complète de l’utilisation du
langage consécutive à des lésions cérébrales. Les anarthries sont aussi un
phénomène important : il s’agit d’une perte du programme articulatoire pour
l’exécution d’un mouvement (comme la mobilité de la langue). Ces études ont
notamment débuté grâce à Broca, anthropologiste et anthropométriste, qui tenait
dans les années 1860 une consultation à l'hôpital de Bicêtre. Il a constaté qu’un de
ses patients présentait un trouble sévère de la production du langage sans atteinte
de la compréhension. L'autopsie permet à Broca de décrire l'aspect extérieur du
cerveau de son patient : il observe alors une lésion de la région frontale inférieure ;
en fait, la lésion est massive, due à une énorme hémorragie ventriculaire frontale
gauche. En 1865, Broca a étudié les cerveaux de quatre autres patients présentant
les mêmes symptômes et localise les centres du langage articulé dans le lobe
antérieur gauche. L’aphasie de Broca met en avant l’existence d’une aire critique de
la production de sons du langage articulé. Il s’agit de l’aire de Broca située dans
l’hémisphère gauche (d’où la loi de la dominance hémisphérique gauche du
langage). Lorsque les sons parviennent à une oreille, le système auditif les analyse
et envoie ensuite un message au cortex auditif. Les sons sont reçus comme
signifiants quand ils sont décodés dans l’aire de Wernicke (une aire de la
compréhension). Pour que l’on puisse simplement répéter les mots par exemple, il
faut que ce signal décodé soit transféré jusqu’à l’aire de Broca. Les ordres sont
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ensuite transmis aux aires corticales motrices qui commandent le mouvement des
lèvres, de la langue, du larynx. C’est donc grâce à cette spécialisation que le langage
oral peut être produit et compris si facilement et si rapidement.
Pour le langage écrit, les choses ne se passent pas de la même façon. Comme nous
l’avons indiqué plus haut, il n’y a pas de spécialisation particulière. Que l’on présente
un mot ou une image, les mêmes aires corticales réagiront. En effet, on pense que
l’apparition de l’écriture est trop récente pour que l’architecture de notre cerveau se
soit modifiée afin de s’adapter aux difficultés particulières de la reconnaissance
visuelle des mots. Si nous représentons l’évolution de notre espèce sur une échelle
de temps équivalente à une année, et si nous considérons que les premières formes
de langage sont apparues le 1er Janvier avec l’Homo Habilis, alors nous pourrons
dater l’apparition de l’écriture au 31 Décembre à 10 heures, c'est-à-dire, très
récemment.
Phylogenèse de l’écrit
Partout où elle est apparue, l’écriture a débuté par des systèmes de représentations
pictographiques représentant le plus fidèlement possible un objet réel. Ce type
d’écriture suppose bien sûr l’existence d’autant de signes que d’objets, ce n’est donc
pas un système très économique ni très facile à utiliser. Pour éviter la multiplicité de
ces signes, on améliora alors ce système. D’abord en permettant au dessin de
signifier non seulement l’objet dessiné mais aussi certaines réalités rattachées au
même objet : ainsi, en Mésopotamie, pays entouré de montagnes, le symbole
permettant de représenter ces montagnes symbolisera aussi par la suite l’idée de
frontière, et, au-delà de la frontière, l’étranger (figure 3). On passe ainsi du
pictogramme à l’idéogramme.
INSERER FIGURE 3
La simplification ultime, et très ingénieuse aussi, interviendra avec la création de
l’alphabet. Cette fois, on ne garde qu’un signe, simplifié à l’extrême, en ne le référant
plus ni à l’image, ni au son de l’objet désigné, mais juste au début du son. Prenons
l’exemple de la lettre « a ». Au commencement était le bœuf ou le taureau. Cet
animal avait une grande importance pour les civilisations rurales : force motrice,
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symbole d’énergie. Chez les Phéniciens, le bœuf (dont l’ancien nom sémitique est
« aleph ») ne représente plus qu’une image stylisée de la tête avec quelques
variantes. Par la suite, l’image figurative disparaît et la tête devient un simple trait sur
lequel reposent les cornes. Le signe, à l’étape suivante, tourne à 90° et les cornes
traversent la tête. Puis c’est le retournement complet de cette forme qui donnera
l'alpha grec, d’où provient le "A" de notre alphabet, qui sera en même temps associé
au premier son du mot « aleph », c'est-à-dire au phonème /a/ (figure 4).
INSERER FIGURE 4
Cet alphabet phénicien, formellement établis 1000 ans avant J.C., ne cessera d’être
modifié et simplifié. Les Grecs vont le transformer pour l’adapter à leur langue.
L’invention la plus significative des Grecs sera l’attribution à certaines lettres
phéniciennes, dont ils n’avaient pas l’usage, la valeur de voyelles : alpha (‘Α’),
l’epsilon (Ε), l’omicron (Ο) et l’upsilon (Ψ). Pour la sonorité i, ils inventèrent une
nouvelle lettre, le iota. Au début les mots étaient écrits sans séparation, mais plus
tard on les sépara les uns des autres. Dans le même ordre d’idée, les accents sont
apparus progressivement. La langue grecque avait en effet cette particularité de
posséder un accent musical qui se traduisait dans chaque mot par un changement
de hauteur portant sur une des syllabes de ce mot. L’alphabet que les Grecs avaient
hérité des Phéniciens ne tenant pas compte de telles nuances, ils inventèrent alors
les trois accents de l’écriture grecque : aigu, grave et circonflexe. Progressivement,
son par son, signe par signe, l’alphabet grec fut ainsi élaboré mais avec des
différences notables selon les régions. Mais vers 400 avant J.C., on imposa un
alphabet commun, sans variantes locales, ainsi qu’un sens de lecture, de la gauche
vers la droite. Concernant le français, dérivé du latin, la graphie actuelle a été fixée
fin du XIV sous la pression des imprimeurs.
Un même système, mais beaucoup de variantes
Ce principe alphabétique n’a pas été adopté dans toutes les civilisations. Certains
systèmes sont restés idéographiques (comme le Chinois, qui dispose de plusieurs
milliers de signes, ce qui rend son apprentissage très difficile). D’autres sont restés
syllabiques (de 80 à 120 signes). Quant au système alphabétique, une autre
variabilité apparaît concernant la façon de représenter les couples lettre-son, c'est-à-
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dire, les relations graphème-phonème. En effet, certaines langues multiplient ces
relations (langues irrégulières), alors que d’autres tendent à les réduire (langues
régulières). La langue anglaise, par exemple, dispose de 1120 graphèmes pour une
quarantaine de phonèmes. En français, on utilise 190 graphèmes pour 35
phonèmes, et en Italien, 33 pour 25 phonèmes. Voltaire, membre de l’Académie
Française, écrivait à propos d’une réforme de l’orthographe : « l’écriture est la
peinture de la voix, plus elle est ressemblante, meilleure elle est ». Mais certains
académiciens, plus conservateurs, ont préféré « suivre l’ancienne orthographe qui
distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes » !
Cette irrégularité pose d’ailleurs beaucoup de difficultés en ce qui concerne
l’apprentissage, les jeunes Italiens lisent nettement mieux et plus rapidement que les
Français et les Anglais (Paulesu et al., 2001). En effet, lors de l’apprentissage, les
enfants vont s’appuyer principalement sur une procédure de décodage (qui consiste
à relier les graphèmes aux phonèmes), ce qui est long et laborieux. L’irrégularité
d’une langue n’est pas un facteur causal déterminant en ce qui concerne les troubles
d’apprentissage de la lecture, mais représente tout de même une difficulté
supplémentaire qui ne facilitera pas l’apprentissage chez les enfants éprouvant déjà
un certain retard.
L’accès au lexique
On trouve donc dans une langue comme le français des mots dont la prononciation
peut facilement être déduite de l’orthographe (mots réguliers comme « table ») et
d’autres pour lesquels cela n’est pas possible (mots irréguliers). Le graphème « OI »
par exemple, se prononce /wa/ dans « oie », « oiseau » et /O/ dans « oignon ». Ce
mot est donc irrégulier, cela signifie qu’il est nécessaire d’apprendre sa
prononciation, et qu’il n’est pas possible de la déduire. Coltheart (1978) a d’ailleurs
constaté que la procédure utilisée pour lire les mots réguliers et irréguliers n’était pas
forcément la même. En effet, il a observé que certaines personnes étaient incapables
de prononcer les mots irréguliers, alors que la prononciation de mots réguliers, de
mots nouveaux ou d’autres qui n’existent pas dans la langue (pseudomot, comme
« clixe ») restait possible. Il observa aussi, dans un autre échantillon de sujets, que
certaines personnes étaient cette fois incapable de prononcer des mots nouveaux ou
des pseudomots tout en gardant la possibilité de lire des mots irréguliers ou
réguliers. On peut donc conclure de ces observations que, pour lire, les sujets de ces
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deux populations utilisent une procédure qui est efficace pour les mots réguliers,
mais qui reste inopérante pour les mots irréguliers dans le premier cas, comme pour
les mots nouveaux ou les pseudomots dans l’autre.
INSERER FIGURE 5
Coltheart (1978) considère donc que 2 procédures sont nécessaires afin de pouvoir
lire tous les types de mots (figure 5), mais que chez certains sujets, l’une de ces
procédures pouvait être déficiente. Une première procédure, appelée « accès
direct », fonctionne par appariement direct entre la forme visuelle du mot et sa
représentation lexicale stockée en mémoire. Les mots seraient donc reconnus sur la
base de leur orthographe. Cette procédure est efficace pour les mots irréguliers car
elle permet de récupérer en mémoire une représentation phonologique déjà stockée,
mais inopérante pour les mots nouveaux ou les pseudomots car dans ces deux cas,
il n’existe pas de représentation lexicale. Pour ces deux types de matériel, on utilise
une procédure indirecte, appelée aussi procédure d’assemblage phonologique, qui
consiste à associer aux graphèmes composant le mot ou le pseudomot, le phonème
correspondant puis à fusionner l’ensemble afin d’en déduire la prononciation. Cette
procédure d’assemblage ne peut donc pas être utilisée pour les mots irréguliers sous
peine d’aboutir à une prononciation totalement erronée (pour le mot « oignon », on
obtiendrait /wanion/ par exemple). Selon Coltheart (1978), ces deux procédures sont
utilisées en parallèle chez le lecteur expert. Si l’une de ces procédures est déficiente
cela pourrait engendrer des difficultés de lecture (dyslexie) de type différent selon le
type de procédure atteinte. La dyslexie de surface serait issue d’une déficience de
l’accès direct, le patient rencontrerait alors des difficultés pour lire les mots
irréguliers. La dyslexie phonologique, plus fréquente, serait associée à une
déficience de la procédure indirecte d’assemblage phonologique, ayant pour
conséquence des difficultés de lecture de mots nouveaux ou de pseudomots.
Dans la formulation initiale de son modèle, Coltheart (1978) considérait que les deux
procédures étaient activées automatiquement et que la procédure indirecte
d’assemblage phonologique était plus lente, à cause du processus même
d’assemblage. En effet, cette procédure se déroule en trois temps : le mot est
d’abord décomposé en graphèmes élémentaires, puis, dans un deuxième temps, on
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associe, à chacun de ces graphèmes le phonème correspondant et enfin, ces
phonèmes sont fusionnés afin d’obtenir le code phonologique final. Ces opérations
ralentissent le traitement. Par conséquent, selon Coltheart (1978), les mots fréquents
ont plus de chances d’être reconnus grâce à la voie directe puisque à force de
rencontrer ces mots, on réalise des associations directes entre la forme visuelle du
mot et leur représentation lexicale. En revanche, si le mot n’a pas été rencontré très
souvent, la médiation phonologique a plus de chances de participer à son
identification puisque ces associations directes n’ont pas pu être consolidées par la
répétition. Néanmoins, les modèles théoriques plus récents n’opposent plus la voie
directe et la voie indirecte. Ils insistent au contraire sur l’interactivité de divers
processus
et
sur
l’activation
simultanée
d’informations
phonologiques
et
orthographiques (Harm & Seidenberg, 2004).
Au début de l’apprentissage de la lecture, les enfants vont s’appuyer principalement
sur la conversion grapho-phonologique. Cela leur permet d'apprendre à lire tous les
mots réguliers (« table », « route »…). En revanche, ils font beaucoup d'erreurs
quand ils doivent lire des mots irréguliers, même très fréquents, comme « sept »,
généralement
lu
comme
« septembre ».
Comme
nous
l’avons
évoqué
précédemment, la facilité de cet apprentissage dépend de la transparence des
relations entre code écrit et code oral. S'il n'y a pas de système d'écriture totalement
transparent par rapport à l'oral, certains le sont plus que d'autres : l'espagnol, l'italien,
l'allemand, et même le français, par rapport à l'anglais. Or plus l'écriture est proche
de l'oral, plus vite et mieux les enfants apprennent à lire. Un autre point crucial est
que les études longitudinales - celles dans lesquelles on suit les mêmes enfants
pendant une longue période pour traquer les prédicteurs de l'apprentissage de la
lecture - montrent que la maîtrise du décodage est le sine qua non de cet
apprentissage, les bons décodeurs précoces étant ceux qui progressent le plus, y
compris pour la lecture de mots irréguliers (Morais, 1988 ; Sprenger-Charolles &
Casalis, 1996). La conversion grapho-phonologique permet donc la construction du
lexique orthographique et donc la possibilité d'utiliser, au fur et à mesure qu'il
s'enrichit, la procédure directe. Si la voie phonologique est déficiente, les
conséquences seront donc importantes sur l'apprentissage et les chances de devenir
un bon lecteur.
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Afin d’étudier ces processus les chercheurs ont développé des paradigmes
spécifiques (décision lexicale, décision sémantique, prononciation…) et pour assurer
un contrôle expérimental correct, ils ont procédé de manière analytique. Ainsi,
différentes étapes ont été identifiées et analysées séparément : analyse
perceptuelle, accès au lexique, accès au sens, compréhension ; de même, la
majorité des études concernait la lecture de mots isolés, quitte parfois à sacrifier la
nature même de la lecture (lire des phrases afin d’en déduire un sens) au profit
d’avantages méthodologiques.
C’est dans ce contexte que c’est développé un recours massif aux techniques
d’enregistrement des mouvements oculaires. L’avantage de cette méthode est
qu’elle donne la possibilité d’étudier la lecture en temps réel et de façon plus
naturelle ; des mesures comme les durées de fixation ou la position du regard
permettent d’inférer les processus cognitifs sous-jacents à la lecture. Cette approche
est très fructueuse et bon nombre de processus perceptuels et linguistiques ont ainsi
pu être étudiés dans des conditions normales de lecture.
Motricité oculaire dans la lecture
Au cours de la lecture, les yeux ne parcourent pas le texte de façon continue, mais
par sauts brusques appelés saccades, immédiatement suivies par des périodes de
fixation où l’œil reste immobile. L’enregistrement des saccades et des fixations
permet d’obtenir une multitude d’indices que l’on peut classer en 2 catégories : les
indices temporels (durées des fixations) et les indices spatiaux (amplitude des
saccades, lieu de fixation dans le mot). Chez le lecteur expert, la longueur moyenne
d’une saccade est de 7 à 9 caractères et la durée moyenne des fixations est
comprise entre 200 et 250 ms. Environ 10 à 15 % des saccades sont des
régressions, c'est-à-dire que le sujet retourne à un endroit du texte qui a déjà été lu
précédemment. Néanmoins, ces valeurs fluctuent énormément d’un mot à l’autre, et
l’objectif des études utilisant l’enregistrement des mouvements oculaires est de
rendre compte de cette variabilité.
Les durées de fixations sont affectées par la difficulté du traitement cognitif. Ainsi, les
mots de basse fréquence sont fixés plus longuement que les mots de fréquence
élevée. Cet effet de fréquence est classiquement interprété comme témoignant de
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l’accès lexical. On observe aussi un effet de la contrainte contextuelle, que l’on
évalue en mesurant la prédictibilité du mot, c'est-à-dire la proportion de juges qui, au
cours d’un pré-test, ont correctement prédit le mot cible à partir du contexte
précédant (par exemple, si on présente « il était une … », on constate que 90 % des
sujets répondent « fois »). En lecture, les mots prédictibles sont fixés moins
longtemps que les mots peu prédictibles.
Concernant les points de fixation, on observe que les lecteurs ont tendance à
positionner leur regard à mi-course entre le début et le milieu du mot. Ce point a été
dénommé lieu de fixation préféré (Rayner, 1979). Les points de fixation se distribuent
de façon gaussienne auteur de ce lieu de fixation préféré et ces distributions sont
sensibles à la distance de départ de la saccade et à la longueur du mot cible. Ainsi,
quand le lieu de départ de la saccade s’éloigne du mot cible, la distribution des lieux
de fixation se décale vers la gauche et la variance s’accentue.
Ces différents indices ne sont utilisables que lorsque les mots ont fait l’objet d’une
fixation, or on constate que, pour un texte simple, 17 % des mots ne sont pas fixés
par le sujet sans que, pour autant, la compréhension en soit perturbée. Ce résultat a
conduit les chercheurs à proposer un nouvel indice, la probabilité de fixation. La
longueur des mots et le lieu de départ de la saccade influent fortement et de façon
additive sur cette probabilité, la fréquence et la contrainte contextuelle ayant moins
d’influence (Brysbaert & Vitu, 1998).
Même si la majorité des saccades sont progressives (de la gauche vers la droite), on
observe entre 10 à 15 % de régressions. Ces régressions dépendent de la difficulté
du texte, de la syntaxe (Rayner & Pollatsek, 1989) mais aussi de la prédictibilité
(Zola, 1984).
La dyslexie
Dans les pays économiquement favorisés, environ 20 % à 25 % des enfants
présentent des difficultés d'apprentissage de la lecture. Un cinquième d'entre eux
(entre 3 et 6 % selon les études) peut être considéré comme dyslexiques. Mais il y a
plusieurs types de dyslexiques : les dyslexies développementales et les dyslexies
acquises. On parle de dyslexie développementale lorsqu’un enfant éprouve un retard
15
de 2 ans dans l’apprentissage de la lecture, en dépit d’un QI normal, ou d’un trouble
neurologique. La dyslexie est acquise lorsque le retard dans l’apprentissage de la
lecture (ou la perte de cette capacité) est associé à une lésion cérébrale (dans ce
cas, il existe d’autres troubles associés).
On a longtemps considéré que la dyslexie était plutôt due à un déficit visuel (les
dyslexiques confondant par exemple les « b » et les « d » ), mais les travaux récents
indiquent clairement que les dyslexiques ont un déficit phonologique (Ramus, 2001).
En général, ils n’arrivent pas à décoder correctement et rapidement les mots écrits,
surtout quand il s’agit de mots nouveaux : les procédures d’accès au lexique ne sont
pas automatisées.
La transparence de la langue est un facteur aggravant : dans une tâche de lecture de
mots nouveaux, le déficit des dyslexiques anglais apparaît plus marqué que celui des
français, qui ont eux-mêmes un déficit plus marqué que celui des Italiens (Paulesu et
al., 2001). Mais des études d’imagerie cérébrale ont montré que les mêmes zones
corticales sont sous-activées chez tous les dyslexiques, quelle que soit leur langue.
Cela nous amène à penser que ce déficit du décodage pourrait avoir une même
origine : une déficience du système d'analyse des sons de la parole. Pour utiliser les
relations entre graphèmes et phonèmes, il faut, en effet, comprendre que, par
exemple, "car" comporte trois phonèmes différents. Or, à l'intérieur d'une syllabe, les
phonèmes sont prononcés en un seul bloc (c'est ce qu'on appelle la coarticulation).
Afin d’étudier ces difficultés d’analyse phonémique on utilise des tests comportant
des épreuves de décomposition de mots en sons unitaires (compter le nombre de
sons différents entendus dans un mot, ou encore, de supprimer le premier son de
l’un de ces mots et de prononcer ce qui reste). De fait, les enfants dyslexiques ne
réussissent généralement pas à bien faire ce type de tâche. Cette capacité d’analyse
phonémique des sons de la langue constitue en fait un prédicteur des difficultés
d’apprentissage. En grande section de maternelle (donc avant l’apprentissage de la
lecture), on constate que les enfants ayant des difficultés pour réaliser ces tests
auront de fortes chances de devenir dyslexique plus tard (Lecocq, 1991).
Néanmoins, il est également important de noter que c'est l'analyse des sons du
langage qui est spécifiquement déficiente chez les dyslexiques : par exemple, ils
16
n'ont pas de difficultés quand on leur demande de reproduire sur un xylophone les
deux dernières notes d'une mélodie de trois notes (Morais, 1998).
Parmi les chercheurs travaillant sur ce problème, personne ne remet en cause cette
hypothèse selon laquelle la dyslexie serait liée à un déficit phonologique. En
revanche, certains considèrent que la dyslexie n’est pas un trouble spécifique de la
phonologie. Au contraire, ils pensent qu’au-delà de la phonologie, il existerait un
dysfonctionnement plus général qui affecterait la perception auditive, visuelle et la
motricité. Le déficit phonologique serait la conséquence d’une autre déficience. Par
exemple, selon Tallal (1980), le système auditif des dyslexiques n’aurait pas une
résolution temporelle suffisante, entraînant donc des difficultés dans la perception
des sons brefs et des transitions rapides. Or la perception de ces éléments rapides
est cruciale dans la parole, car ils permettent de différencier de nombreux phonèmes.
Par exemple, les sons /b/ et /d/ diffèrent par une transition spectrale durant
seulement 40 ms (décalage temporel entre les formants). Une déficience auditive
générale pourrait donc être à la base du déficit phonologique. Mais un certain
nombre de données empiriques contredisent cette hypothèse (Serniclaes, SprengerCharolles, Carré & Demonet, 2001). D’autres études suggèrent que les dyslexiques
souffriraient d’un déficit visuel lié à un dysfonctionnement des voies magnocellulaires
(système permettant le traitement des basses fréquences spatiales - contours des
mots par exemple - impliqué aussi dans la gestion des mouvements oculaires, voir
plus bas). Mais il semble que la proportion de dyslexiques présentant des troubles
visuels de ce type soit faible (de 0 à 25%, Ramus et al., 2003). Certains insistent
aussi sur le fait que les dyslexiques sont généralement des gens relativement
maladroits, ayant des problèmes d’équilibre et de coordination motrice. Ces
symptômes les ont conduits à proposer qu’une déficience du cervelet serait à
l’origine de la dyslexie. Enfin, Stein (2001) propose d’unifier les hypothèses auditives,
visuelles et motrices au sein de la théorie magno-cellulaire, qui postule qu’une
anomalie neurologique unique est à l’origine à la fois des troubles auditifs et visuels
et, par voie de conséquence, des troubles phonologiques (via les troubles auditifs) et
moteurs (via le cortex pariétal et le cervelet). Ces divergences théoriques sont pour
le moins embarrassantes, dans la mesure où pour chacune d’entre elles, les auteurs
proposent des méthodes de rééducation de la dyslexie très différentes les unes des
autres, ce qui constitue une source légitime d’inquiétude pour le praticien et sa
17
clientèle, la prudence est donc de rigueur (la stratégie de remédiation la plus adaptée
actuellement reste celle basée sur l’entraînement de la conscience phonologique).
Dyslexie et oculomotricité
Finalement, il s’avère que chez certains sujets, le déficit phonologique est pur, sans
aucun autre symptôme visuel, auditif ou moteur. Chez d’autre, les difficultés
d’apprentissage de la lecture s’accompagneront, en plus du déficit phonologique,
d’un syndrome sensorimoteur plus ou moins aggravant. Mais de façon plus
constante, on observe aussi chez les sujets dyslexiques, des problèmes concernant
la motricité oculaire. On constate en effet que les mouvements oculaires de sujets
dyslexiques sont différents par rapport à ceux d’une population de même âge : les
fixations sont plus longues, les saccades plus petites et la proportion de régressions
est supérieure. Ces résultats ont conduit certains chercheurs à suspecter l’existence
d’une relation causale entre ces mouvements particuliers et la dyslexie. Selon ces
hypothèses, un déficit visuel, attentionnel ou oculomoteur serait à l’origine de ces
mouvements anormaux (Pavlidis, 1981; Eden, VanMeter, Rumsey & Zeffiro, 1996 ;
Stein, 2001). Néanmoins, ces mouvements peuvent aussi être la conséquence d’un
mauvais décodage ou d’un accès lexical difficile. On retrouve une configuration de
mouvements identique (saccades plus courtes, fixations plus longues, régressions)
lorsqu’on présente au lecteur expert un texte difficile à lire. Par conséquent, pour
démontrer que les mouvements oculaires de sujets dyslexiques sont anormaux, il est
nécessaire de les étudier à l’aide de tâches n’impliquant pas une activité de lecture,
afin d’évaluer l’existence d’un déficit spécifique du système oculomoteur. Pavlidis
(1981, 1983) observe en effet que, dans un tâche de poursuite d’une cible
lumineuse, la proportion de saccades et de régressions est supérieure chez les
sujets dyslexiques par rapport à une population appariée chronologiquement mais ce
résultat n’a encore, a notre connaissance, jamais été répliqué en totalité (voir par
exemple, Biscaldi, Fischer & Aiple, 1993 ; Fischer, Biscaldi & Otto, 1993 et Olson &
Forsberg, 1993).
D’autres expériences ont permis de mettre en évidence un certain nombre de
problèmes spécifiques au sujet dyslexique concernant la poursuite lisse et la
vergence (Eden, Stein, Wood & Wood, 1994), la dominance oculaire (Stein,
Richardson & Fowler 2000), l’instabilité des fixations (Raymond, Ogden, Fagan &
18
Kaplan 1988), ou la rapidité des saccades (Fischer & Weber, 1990). Néanmoins, ces
différents mouvements ne sont pas forcément impliqués dans la lecture. D’autre part,
les programmes d’entraînement destinés à améliorer ces mouvements ne permettent
pas d’améliorer la lecture des sujets dyslexiques (Kavale & Mattson, 1983).
INSERER FIGURE 6
Comme nous venons de le voir, il est possible de mettre en évidence des différences
concernant la motricité oculaire entre sujets normaux et dyslexiques, mais celles-ci
touchent essentiellement des paramètres plutôt descriptifs comme la longueur des
saccades, le pourcentage de régressions. Or, un des avantages de l’enregistrement
des mouvements oculaires est la possibilité de mesurer d’autres paramètres qui
permettent d’analyser plus finement le déroulement temporel des processus
impliqués dans la lecture. Parmi ces indicateurs, on peut distinguer les indices
précoces : durée de première fixation sur le mot, c’est à dire, durée du premier
passage sur le mot (par exemple, durée de la fixation 1 de la figure 6) ; d’autres plus
tardifs : la durée du regard calculée en additionnant toutes les refixations intra-mot.
Par exemple, si le sujet fixe 2 fois le même mot la durée de regard sera alors égale à
la somme des durées des 2 fixations (somme des fixations 2 et 3, figure 6). Enfin, le
dernier indice tardif est la durée totale de fixation, dans ce cas, on rajoute à la durée
de regard, les régressions (somme des fixations 2, 3 et 5, voir figure 6). Ces indices
représentent différents niveaux d’avancement des procédures d’accès lexical. Ainsi,
la durée de la première fixation pourrait être influencée par des traitements de basniveau, la durée du regard serait plutôt sensible aux facteurs lexicaux et la durée
totale impliquerait un traitement de haut niveau lié à la compréhension du texte.
L’utilisation de ces paramètres nous semble particulièrement judicieuse ici car
comme nous l’avons vu précédemment, la dyslexie serait liée à une difficulté
concernant la reconnaissance des mots, l’accès lexical et le décodage phonologique
(Ramus, 2001). Rappelons que selon la « théorie phonologique », l’apprentissage
d’un système alphabétique nécessite d’établir des liens entre les représentations
mentales des lettres et des sons de parole, les phonèmes. Si un enfant a des
représentations des phonèmes dégradées, ou plus difficilement accessibles, il lui
sera plus difficile d’apprendre la correspondance entre celles-ci et les lettres, d’où
des difficultés d’apprentissage de la lecture. Par conséquent, selon la théorie
19
phonologique, on devrait observer chez les sujets dyslexiques un reflet de ces
difficultés d’accès lexical sur des indices comme la durée du regard ou les fixations
totales, mais pas sur les durées de premières fixations qui elles sont peu influencées
par les facteurs lexicaux.
Il nous semble donc avantageux de comparer des populations de sujets dyslexiques
et normaux sur la base de ces indices. Afin de mettre en évidence un déficit
oculomoteur global chez les sujets dyslexiques, il est impératif d’obtenir des
différences sensibles concernant tous les types d’indices, précoces ou tardifs. En
revanche, si les dissimilitudes ne concernent que des indices tardifs, alors
l’hypothèse selon laquelle le comportement oculomoteur particulier des sujets
dyslexiques reflète des difficultés d’accès lexical sera confirmée.
Nous avons donc demandé aux sujets (lecteurs experts et dyslexiques adultes) de
lire deux textes comprenant des items expérimentaux choisis en fonction de
plusieurs variables linguistiques : la fréquence, la longueur et la prédictibilité. Ces
facteurs sont couramment utilisés afin d’étudier les procédures d’accès lexical. Nous
avons aussi manipulé la régularité grapho-phonologique puisque les sujets
dyslexiques, selon l’hypothèse phonologique, devraient être plus sensibles à ce
facteur que les sujets normaux.
INSERER TABLEAU 1
En ce qui concerne les paramètres généraux, on constate d’importantes différences
entre normo-lecteurs et dyslexiques (tableau 1). Ces derniers lisent beaucoup moins
vite, le nombre de fixations est nettement plus important et leurs saccades sont plus
courtes. Néanmoins, cet ensemble de résultats ne peut conforter l’hypothèse d’un
déficit oculomoteur. En effet, on observe ce type de configuration chez le lecteurs
expert à qui on propose un texte difficile ou écrit dans une langue étrangère. Ces
données confirment simplement que nos sujets dyslexiques éprouvent des difficultés
à lire, ce qui nous semble logique.
En revanche, les données concernant les retours de ligne semblent plus
problématiques. Pour ce retour de ligne, le sujet doit effectuer une saccade de très
20
grande amplitude (environ 40 caractères) qui lui permettra, à partir du dernier mot
d’une ligne, d’atteindre le premier mot de la ligne suivante. Le lecteur expert parvient
à réaliser ce changement de ligne relativement précisément car on constate une
erreur pour 1/3 de ces saccades. Mais ce pourcentage est doublé chez les sujets
dyslexiques (66 %). Il est possible que ces erreurs proviennent d’un mauvais contrôle
oculomoteur.
Les durées de premières fixations (DPF) des lecteurs experts (244 ms) ne sont pas
statistiquement différentes de celles des sujets dyslexiques (252 ms). Lors du
premier passage sur le mot, les deux groupes ne se différencient pas. D’autre part,
on ne constate aucun effet des variables linguistiques sur les DPF.
INSERER FIGURE 7 et 8
L’analyse des durées de regard (DR) conduit à une toute autre conclusion.
Rappelons que cet indice est calculé en ajoutant à la DPF toutes les refixations intramot. On constate que les DR des sujets dyslexiques (531 ms) sont nettement
supérieures à celles des sujets experts (298 ms). Les effets de fréquence (figure 7)
et de longueur (figure 8) sont observés dans les 2 populations, mais sont nettement
plus importants chez les sujets dyslexiques.
INSERER FIGURE 9
Notons que les sujets dyslexiques sont particulièrement perturbés et que leur lecture
est considérablement ralentie lorsqu’on leur présente des mots capitalisant deux
difficultés (mots longs et de basse fréquence), alors que la différence entre sujets
experts et dyslexiques est nettement moins importante pour les mots faciles à lire
(mots courts et de haute fréquence, figure 9).
Jusqu’à présent, il apparaît que les facteurs fréquence et longueur agissent de
manière similaire pour les deux populations mais que les effets de ces variables sont
nettement plus marqués pour le groupe de sujets dyslexiques. Cette concordance
n’apparaît plus lorsqu’on étudie l’effet de la régularité grapho-phonologique. Cette
21
fois, aucun effet n’est observé chez les sujets experts alors que les sujets
dyslexiques éprouvent des difficultés pour lire les mots irréguliers (figure 10).
INSERER FIGURE 10
L‘analyse des fixations totales (calculées en ajoutant les régressions) confirme les
tendances précédentes. Les écarts augmentent encore (335 ms pour les sujets
experts et 658 ms pour les sujets dyslexiques). Les effets de fréquence et de
longueur sont retrouvés et les écarts entre sujets dyslexiques et lecteurs experts
s’amplifient encore. Néanmoins, l’effet de régularité constaté sur les DR (la différence
entre les mots irréguliers et réguliers était de 87.37 ms) diminue (il est maintenant de
27.49 ms) et n’est plus significatif.
INSERER FIGURE 11
En résumé, les écarts entre sujets dyslexiques et experts apparaissent lorsqu’on
prend en compte les refixations et s’amplifient lorsqu’on rajoute les régressions
(figure 11). D’autre part, ce sont essentiellement les items longs et de basse
fréquence qui occasionnent ces écarts (figure 12 et 13). En somme, les fixations ne
sont pas plus longues, mais plus nombreuses de telle sorte que, lorsqu’on les
additionne, des différences importantes apparaissent. Effectivement, le nombre
moyen de fixations par mots est de 2.80 pour les sujets dyslexiques et de 1.46 pour
les lecteurs experts. Mais les écarts sont encore plus importants lorsqu’on s’intéresse
uniquement aux mots de basse fréquence : on observe alors que les sujets
dyslexiques fixent les mots en moyenne 3.31 fois alors que chez les sujets experts,
ce nombre moyen de refixation est de 1.53. Le fait que ces refixations concernent
essentiellement des items de basse fréquence amène à penser que les difficultés
rencontrées par les dyslexiques auraient une origine lexicale.
INSERER FIGURE 12 et 13
L’analyse des lieux de fixations (i.e. la lettre fixée dans le mot) met en évidence
d’autres possibilités d’explications concernant les refixations et conduit a admettre
que des facteurs autres qu’une difficulté d’accès au lexique puisse rendre compte
22
des difficultés de lecture rencontrés chez nos sujets dyslexiques. En effet, alors que
chez le sujet normal, le point de fixation initial est placé à, environ, 39 % du mot, on
observe chez le sujet dyslexique un décalage vers la droite puisque le lieu fixé est à
44 % du mot (ce point de fixation dépassant même les 50 % pour certains mots
longs). Ce décalage rend le traitement du mot plus difficile car on constate une
augmentation significative des refixations dès que le sujet s’approche et dépasse le
centre du mot.
Conclusion
De manière générale, la configuration des résultats obtenue chez les sujets
dyslexiques est assez proche de celle enregistrée chez le lecteur expert. Dans les
deux cas, on observe une influence identique des variables classiques (fréquence,
longueur). Néanmoins, les effets sont nettement plus marqués chez le lecteur
dyslexique, ce qui montre une grande difficulté concernant l’accès lexical chez ces
sujets. Les mots longs et de basse fréquence sont extrêmement difficiles à lire et, par
un effet « boule-de-neige », l’ensemble de la lecture se retrouve très altérée et
difficile, voire pénible par moments. Certains mots sont fixés 4, voir 5 fois par le sujet,
un peu comme s’il se retrouvait « bloqué », ce qui perturbe grandement l’ensemble
des processus mnésiques impliqués dans la lecture. Le fait qu’un effet de régularité
soit observé uniquement pour la population dyslexique confirme l’hypothèse d’un
dysfonctionnement phonologique. Pourtant, nous ne mettons pas en évidence de
différence concernant les indices précoces, comme la durée de première fixation.
Ceci pourrait confirmer le fait que les mouvements oculaires particuliers du sujet
dyslexique sont une conséquence, et non une cause, de leurs difficultés de lecture.
Comme nous l’avons vu, la différence essentielle entre les deux populations
concerne les refixations : elles sont beaucoup plus nombreuses chez le sujet
dyslexique. Même si ces refixations sont influencées par des variables lexicales,
nous avons pu constater qu’elles dépendaient aussi du lieu de fixation initial. Dès
que le sujet s’approche du centre du mot, ou le dépasse, les refixations augmentent.
Pour qu’un mot soir traité de la meilleure façon possible, il faut que l’œil se pose
dans une zone à mi-course entre le début et le milieu du mot. Il semble que cette
position soit choisie de façon stratégique afin d’optimiser le traitement mais certaines
erreurs balistiques, inhérentes au système oculomoteur et à la programmation des
23
saccades, empêchent parfois d’atteindre ce point optimal (O'Regan & Lévy-Schoen,
1987). Or, chez les sujets dyslexiques, on constate que le point fixé n’est pas
toujours idéalement choisi et les erreurs de positionnement sont plus fréquentes. Ces
erreurs, à la différence des sujets normaux, occasionnent aussi une augmentation
des refixations. Néanmoins, nos données ne nous permettent pas de déterminer s’il
s’agit d’un dysfonctionnement oculomoteur ou d’un mauvais choix stratégique de la
part du sujet.
En conclusion, il apparaît clairement que les sujets dyslexiques éprouvent de
grandes difficultés d’accès au lexique. La motricité oculaire ne semble pas déficiente
(peu de différences sont constatées pour les indices précoces). Néanmoins, certains
signes montrent qu’à l’évidence, ils rencontrent quelques problèmes en ce qui
concerne le contrôle des saccades (le point fixé dans le mot est trop souvent mal
visé, ce qui entraîne des refixations). Mais nous ne savons pas encore s’il s’agit là
d’une mauvaise habitude, d’un mauvais choix stratégique ou au contraire, d’un réel
problème moteur.
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26
larynx
Figure 1 : La position du larynx chez le singe (à gauche) est plus haute que chez
l’homme (à droite), les vibrations émises par les cordes vocales peuvent résonner
dans les espaces ainsi libérés.
Troisième formant
(position des lèvres)
Fréquence
Sond’origine
d’origine
Son
Amplitude
Amplitude
Deuxième formant : cavité buccale)
Fréquence
Premier formant (cavité laryngée)
Figure 2: Le tractus vocal. A partir d’un son produit par les cordes vocales (sans pics
particuliers, à droite), le passage des vibrations à travers le tractus vocal engendrera
des pics en fréquence (ou formants, à gauche).
Figure 3 : Ecriture pictographique (symbole de « montagne ») et idéographique (le
symbole évoque alors « l’étranger »).
27
Dessin du bœuf
(« aleph »)
l’image figurative disparaît
une partie du dessin
est conservée…
rotation
…puis stylisée
nouvelle rotation, puis le symbole sera
associé au premier son du mot (le /a/
de « aleph »
Figure 4 : Processus de création de l’alphabet : l’histoire du « A ».
Représentation
sémantique
maison
mεzõ
Assemblage selon des
règles de CGP extralexicales
« maison »
Figure 5 : représentation schématique du modèle à double accès de Coltheart
(1978). Accès direct (à gauche) et indirect (à droite). Règles CGP = règles de
correspondance graphème-phonème.
28
mot cible
La poussée d’Archimède s’applique aux corps plongés dans un liquide
1
2
4
3
6
7
8
5
• fixation 4 → fixation 5 : régression
• fixation 3 : refixation (le même mot est fixé 2 fois avant que le regard ne le quitte).
• Point de fixation préféré : la fixation 2 est à 3 caractères par
rapport au début du mot et à -2 par rapport au milieu du mot soit à
33% de la longueur totale du mot
• longueur de la saccade (fixation 1 vers 2): 11 caractères
Figure 6 : Illustration des indices utilisés: régression, refixation, point de fixation
préféré, longueur de la saccade.
Vitesse de lecture (en sec.)
d'une page de 49 mots
N
D
écart
15,38
24,86
9,48
Nombre de fixations
(page de 49 mots)
N
D
écart
53,92
78,5
24,58
% de réajustements après
un retour de ligne
N
D
écart
35
66
31
Amplitude des saccades
(en caractères)
N
D
écart
8,05
5,73
-2,32
Tableau 1: Paramètres généraux des mouvements oculaires des sujets normaux (N)
et dyslexiques (D).
29
N
D
800
700
ms
600
500
400
300
200
basse
haute
Figure 7. Effet de la fréquence sur les durées de regard (en ms) pour les mots de
basse et haute fréquence, pour les sujet normaux (N) et dyslexiques (D)
30
N
D
800
700
ms
600
500
400
300
200
court
long
Figure 8. Effet de la longueur sur les durées de regard (en ms) pour les mots courts
et longs, pour les sujet normaux (N) et dyslexiques (D)
N
D
900
800
700
700
600
600
ms
ms
800
N
D
900
500
500
400
400
300
300
200
200
court
long
court
long
Figure 9. Effets conjoints de la fréquence (graphique de gauche, mots de basse
fréquence et graphique de droite, mots de haute fréquence) et de la longueur (mots
courts vs mots longs) sur les durées de regard (en ms).
31
N
D
600
550
500
ms
450
400
350
300
250
200
I
R
Figure 10. Durées de regard (en ms) pour les mots irrégulier (I) et réguliers (R), pour
les sujet normaux (N) et dyslexiques (D)
800
N
D
700
600
500
400
300
200
DPF
DR
FT
Figure 11. Ecarts (en ms) entre sujets normaux (N) et dyslexiques (D) pour les
durées de première fixation (DPF), les durées de regard (DR) et les fixations totales
(FT).
32
N
1000
D
900
800
700
600
500
400
300
200
DPF
DR
FT
Figure 12. Ecarts entre sujets normaux (N) et dyslexiques (D) pour les durées de
première fixation (DPF), les durées de regard (DR) et les fixations totales FT) pour
les items longs et de basse fréquence (en ms).
N
1000
D
900
800
700
600
500
400
300
200
DPF
DR
FT
Figure 13. Ecarts entre sujets normaux (N) et dyslexiques (D) pour les durées de
première fixation (DPF), les durées de regard (DR) et les fixations totales FT) pour
les items courts et de haute fréquence (en ms).

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