Au nom de qui et de quoi Saint-Pierre et Miquelon devient une

Transcription

Au nom de qui et de quoi Saint-Pierre et Miquelon devient une
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Au nom de qui et de quoi « sauver » Saint-Pierre et Miquelon
Une colonie française ?
Saint-Pierre et Miquelon, « (…) le département apparaît donc comme minuscule et pourtant, en
ce qui concerne la France, il représente un potentiel économique extrêmement important
puisqu’il est pratiquement au centre d’une énorme activité de pêche industrielle.
En effet, les chalutiers français fréquentent ces parages de façon ancestrale et le nom de « TerreNeuve » ne laisse pas d’évoquer les aventures les plus extraordinaires et les plus héroïques. »
Robert Genty, 1981, p.96.
La pêche « française » et son maintien justifient que ce “minuscule” archipel reste habité et français.
Les pêcheurs, encore, en 1981, sont qualifiés d’aventuriers et de héros.
Un résumé des idées qui sous-tendent la politique économique de la France quant à « notre » colonie.
Corpus de textes : descriptions, appels politiques, revendications
A partir de 1815, SPM a une place dans les textes officiels sur les colonies, dans les plus
petits ouvrages sur les colonies, sur les DOM TOM, au XXème dans les manuels scolaires de
géographie, etc. Dans les ouvrages, même spécialisés, récents, fréquemment, les propos sont
« embrumés » d’imprécisions (cf. citation supra).
Nous avons établi un corpus de textes écrits par des auteurs appartenant à trois groupes. Celui
des notables (commerçants, élus) de Saint-Pierre et Miquelon 1 (SPM), de métropolitains
rédigeant des textes officiels, prenant en charge la cause politique ou social de l’archipel et de
sa population, traitant plus ou moins directement de sa situation socio-économique et celui de
ceux qui écrivent ou parlent au nom de la population, îliens et métropolitains (métros, selon
l’expression locale).
Métropolitains
Guides des expositions coloniale, internationale,
Déclarations politiques ministérielles,
Récit de journalistes et de voyageurs,
Rapports de “missionnaires”, spécialiste des pêches, etc.
De « SPM »
Description des situations économiques (ouvrages des Légasse )
Déclarations de la Chambre de commerce
Comité des pêches et discours politiques des élus, etc.
Défense de la population
Témoignages de petits pêcheurs
Rapports de la Marine nationale (pêche sur les Grands-bancs)
Discours politiques d’élus métros, etc.
Selon la méthode anthropologique, après un analyse comparative, une mise en évidence des
variantes, nous pourrions dégager quels sont les principes fondant les discours et ceux – dans
certains cas différents, – qui ont déterminé les réalités socio-économiques (“Réalités” dans ce
texte).
Anthropologue, nous avons étudié l’évolution économique, sociale et politique de la société
de SPM (1988-1998) en prenant en compte l’histoire de la colonie. Nous n’avons pas pu
éviter d’évaluer les adéquations et les inadéquations entre les discours, les choix, les modes
d’application, les modes d’appropriation par les “locaux”, pour identifier ces idéologies sousjacentes, exprimées tant par des acteurs extérieurs qu’intérieurs.
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SPM : archipel qui se compose de trois îles (et de nombreux îlots) ; la plus grande au Nord Miquelon-Langlade au nord
d’une plus petite, St.-Pierre dont la rade, le port, est formée par la plus petite l’Ile aux Marins, aujourd’hui inhabitée alors
qu’habitent 560 p. au nord et 6400 p. à St.Pierre.
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Quelles correspondances peut-il exister entre, par exemple : la politique coloniale et le
développement SPM ; y-a-t-il une adéquation entre politique des pêches métro et
développement pêche et économie insulaire ?
Remarques
Pour appréhender l’histoire des idées économiques qui vont être véhiculées par des auteurs de
différentes origines, dont certaines seront des modèles plus ou moins permanents sans
connaître les contextes nationaux, voir internationaux, d’un secteur qui sera l’unique secteur
économique de SPM : la pêche (de la morue). Mais aussi celui de zones de vie particulières
que sont les îles, ainsi que celui générale de l’économie coloniale, aux différentes périodes ;
croisement de l’étude diachronie et synchronique.
Identification des idéologies de la « politique de colonisation » devenue, quand, comment,
celle du « développement » de l’économie de SPM.
SPM est un archipel sans indigènes, pauvre, sans richesse, ni foncières, ni naturelles ; « l’or »
est à extraire de la mer – la morue. En suivant l’évolution socio-économique de la société de
SPM nous avions identifié quatre périodes à partir de 1815, date de récupération par la France
de sa colonie : I – 1815-1910, “Les Etablissements” ; II – 1910-1945, une entreprise privée –
un comptoir ; III - 1945-1974, un port de pêche local2, IV - 1974-1994, un port de pêche
métro. A partir de 1994, une prison dorée ?
I – 1815-1910 Reconstruire une colonie pour ses habitants ? Un “poste
avancé” pour la grande pêche métro
1La grande pêche à Terre-Neuve – Un enjeu national
“Réalités”
En France la pêche commerciale et tout particulièrement le secteur de la grande pêche de la
morue, (Terre-Neuve et Islande) fait partie du développement de l’économie régionale
littorale (Nord, Bretagne nord, Normandie), mais aussi nationale – vaste embauche d’une
main-d’œuvre ainsi formée pour la Marine de guerre, sècheries, transports, commerces
intérieurs, extérieurs. La station de pêche de SPM est plusieurs fois perdue par la France,
exception faite du French-Shore (cote ouest de Terre-Neuve), gardé comme station de
sècherie permettant de maintenir cette pêcherie.
SPM, dès 1815, « notre colonie d’Atlantique Nord », appellation fréquemment utilisée, va
devenir une station stable et favoriser le développement de cette industrie.
Politique nationale d’aide financière aux armateurs à la Grande pêche (primes à
l’embarquement et pour les exportations) déterminer par la volonté de maintenir le commerce
de la morue et rester « concurrent » à l’échelle internationale.
Une production halieutique – un système marchand précapitaliste
Les pêches sont l’exploitation des ressources maritimes, côtières, (propriétés des états côtiers)
et aussi hauturières et lointaines, en l’occurrence celle des Grands bancs de Terre-Neuve,
zones internationales, en libre accès. Celles-ci sont fréquentées par les flottilles locales,
2
Dans les textes officiels est distinguée la pêche locale, “armée” et pratiquée par les locaux, les îliens, de la grande-pêche,
“armée” et pratiquée par des métropolitains.
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Canada, USA, Terre-Neuve mais aussi par celles de Grande Bretagne et du Portugal ce qui
détermine une concurrence sur les marchés, de plus en plus sévère au cours des années.
La pêche est une production aléatoire qui (en résumé) n’est profitable pour les armateurs qu’à
condition que la main d’œuvre – les pêcheurs, saleurs, etc. – ne “coûtent rien”. Au XIX et
début du XXème siècle, la survie n’est pas une limite3. Le système pêche est fondé sur un
mode de rémunération aux pièces et la pratique des avances et des crédits faites aux familles
occasionnant un endettement plus ou moins perpétuel des familles. Principal outil pour que
les armements puissent “équilibrer” les aléas de la production, pêche et salage/séchage de la
morue.
Ancien poste de pêche, la récupération de SPM est une opportunité pour la France,
l’armement à la grande pêche et le commerce du poisson. Ne pas reconstruire SPM, pôle
stratégique ne pouvait être envisagé.
Un archipel sauvage
SPM est une terre sauvage ; toutes les installations ont été détruites. Cela exige l’organisation
des services et impose l’importation de tous les biens et celle d’une main-d’œuvre, ici des
Français de race pure et bons catholiques.
2–
Construire une Colonie ? “Les Etablissements” temporaires 1815 1910
Pour la réinstallation des Français à SPM, le Ministère de la Marine a une politique : la France
reprend sa terre pour ses ressortissants et pour poursuivre à occuper “sa” zone d’activités
traditionnelle en Atlantique Nord, le French-shore et les Grands bancs. Stratégie économique
et politique. La France assure d’abord le retour des expulsés de 1776 en finançant la
reconstruction de cette colonie, leur installation et celle d’un port de pêche.
Les armateurs et commerçants – qui accompagnent cette opération coloniale, qui arment des
centaines de goélettes et mettent à la mer des milliers de marins, prennent « les choses en
main » et se rendent indépendants de la politique coloniale métro. SPM prennent le statut
d’Etablissements (temporaires et non d’occupation comme la plupart des colonies) car
l’archipel va devenir en effet leur “poste avancé” pour la pêche sur les Grands-Bancs, pêche
saisonnière (arrêtée entre septembre et janvier).
A Miquelon vont résider principalement les îliens de retour. St.-Pierre qui dispose d’une rade
devient un port aménagé, reconstruit, pour permettre à des centaines de goélettes métro
d’hiverner. Port d’avitaillement, de gréement (voile, calfatage, etc.), de transbordement des
marins, de la morue, d’exportations et d’importations dans lequel peut passer, voir hiverner
des centaines de marins et pour la sècherie des centaines de graviers4 recrutés en France.
En effet, les armateurs font venir leur main-d’œuvre, marins, artisans, commerçants,
abandonnant les « îliens », qui en 1816 rentrent « chez eux », soit 645 en 1815.
Les premiers “colons” : des abandonnés
Le modèle économique qui fonde l’histoire sociale de la population, celle des marins, des
graviers, des armements métros, correspond à celui qu’appliquent les armateurs, les
propriétaires d’entreprises, au sein d’un système de production halieutique participant à une
économie nationale française précapitaliste. Les conditions de vie, de travail et de vie à bord
des goélettes ou sur les graves de SPM de cette main-d’œuvre recrutée dans les régions
3
Cf. biblio. A.Geistdoerfer « Les marins pêcheurs à la Grande pêche à Terre-Neuve « Moins de valeur qu’une morue ».
Graviers, garçons à partir de 12 ans embarqués en France pour séjourner à SPM pour plusieurs mois pour sécher la morue
sur les graves, plages de galets ; leur misère est tout aussi terrible que celle des marins pêcheurs.
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pauvres littorales et qui, à la fin du XIXème siècle, sont dénoncés de plus en plus
fréquemment par des élus, des marins militaires (surveillance sur les Grands-bancs), et même
Albert Sarraut ; main d’œuvre traité comme de « la boette à morue ».
Pour les îliens qui, en 1815, rentrent de France « chez eux », le « modèle » qui guide la
politique économique des armateurs qui est concrétisée par les pouvoirs nationaux, est qu’ au
sein du système grande pêche, ils ne peuvent avoir de place. Ces îliens gênent les armateurs
qui s’en désintéressent totalement. Ils disposent de leur main-d’œuvre, marins pour les
goélettes, graviers pour sécher la morue sur les graves locales, etc. Deux raisons sont
données, les îliens ne sont pas formés à la grande pêche, “leur” grande pêche, et pour tout
marin embarqué de métropole, une prime octroyée à l’armement, au nom de la formation sur
les goélettes (à voiles) de marin « bons pour armer les navires de guerre ». Les îliens de retour
sont inscrits maritimes, mais exemptés de service militaire (alors de trois ans), sinon
l’archipel peut être vidée des hommes, « des chefs de famille ».
Les armateurs, au XIX s. « n’ont que faire des îliens » pour qui la réoccupation de l’archipel
est annoncée.
Cette population pauvre, ne peut que pratiquer la pêche côtière de la morue et, devenir petits
pêcheurs.
La France annonce des aides financières pour limiter la misère, mais ces aides sont discutées
et ne sont pas octroyées régulièrement. La métropole relaie ceux qui utilisent SPM,
entièrement reconstruite à ses frais, qui refusent d’embaucher ceux qui n’apportent pas de
primes.
A SPM deux histoires sont rapportés, celle des Etablissements et celle des îliens dissoute dans
la première écrites par des acteurs locaux, métros et à partir des années 1900, elles vont
s’entremêler car les îliens constituent désormais la société de l’archipel.
L’idée qui fonde l’histoire de SPM est celle que la Grande pêche doit être développée,
financée directement et indirectement par les pouvoirs publiques et pour “elle”, la
reconstruction des Etablissements qui deviennent si on en croit les textes un riche port de
commerce, une grande station d’hivernage, le siège d’un artisanat aux productions diverses,
de tous les commerces et services nécessaire pour ces flottilles, ces armateurs et ces marins
qui passaient ou restaient.
3–
« On ferme » : “crise” annoncée !
« Réalités »
SPM est, dès les années 1890, déserté par les petits armements « dits coloniaux », les flottilles
des « grands » armateurs connaissent une mutation car les chalutiers remplacent les goélettes
à voile ; des sècheries électriques sont ouvertes en métropole, dès la fin du XIXème siècle,
des Etablissements les armateurs n’ont plus besoin car désormais la flottille de grande pêche –
des chalutiers - peut être autonome de l’hivernage, des escales et de la sécherie de SPM. La
flottille dite « coloniale » ne compte plus que 10 goélettes en 1915, les ateliers de fournitures
ferment. La population, réduite aux îliens rentrés et aux hivernants sédentarisés (qui
constituent la population 500 à l’Ile aux Marins5), compte en 1902,
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Les marins, engagés sur les goélettes métro, devaient payer le voyage de retour en France quand « leur goélette » hivernait à
SPM ? Nombreux furent ceux, les jeunes qui économisaient en hivernant sur place ; beaucoup s’installèrent à St.-Pierre mais
comme l’île était occupée par les « métros » ils durent s’installer à l’Ile aux Marins, bordant la rade à l’est où n’étaient que
des dortoirs à graviers. D’où le nom de l’île précédemment appelée l’Ile aux Chiens.
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6 482 personnes, en comptant des hivernants, les artisans et à quelques marchands et
armateurs. En vingt ans elle diminue d’autant plus qu’après la Première Guerre, de nombreux
îliens rentrent chez eux en France ; en 1911 : 4 209 habitants.
Que laisse derrière eux les armateurs ? La France a-t-elle construit une colonie, un port de
pêche de la morue pour ses ressortissants ?
Remarques
On peut mettre en évidence un accord entre le Comité des Armateurs à la Grande pêche et les
Ministères ; la France a maintenu son commerce de morue et assuré la formation des
équipages, mais alors que ses deux intérêts sont affaiblis : la Marine de guerre est motorisée,
le commerce de la morue presque entièrement effectuée de métropole, par ce qui est la
politique du ministère de la Marine – “obéir” aux armateurs métros, reconstruire des
Etablissement et financer les “laisser pour compte”, enrayent la construction de SPM port de
pêche pour des îliens, future population locale, et pose les trois clefs de la mise en place du
”projet” SPM d’aujourd’hui.
La métropole annonce une politique passée dans le crible des intérêts des “gros métros”.
On construit de l’éphémère “rentable”, à court terme au nom de la défense de la population.
La France finance tout ce qui ne rapporte pas directement, afin d’assurer la survie des
« siens ». Il n’y a pas d’indigènes.
II
“Sauver notre plus vieille colonie SPM” 6
: financer un port de pêche pour avoir un comptoir privé
”Réalités”
La France se propose de déporter les îliens aux Iles Kerguelen pour chasser les mammifères
marins et donc de fermer ces Etablissement qui lui coûtent chers. Elle garde SPM qui doit
devenir une « colonie d’occupation » sous l’autorité d’un Administrateur qui remplace le
Gouverneur, ce que les notables considèrent comme du mépris soit un déclassement
administratif. Quelle colonie veut-elle construire et qu’en pensent les commerçants et
armateurs-commerçants qui sont restés et ceux qui ont construits commerce ou atelier, qui
forment bientôt la catégorie des notables. Ils se partagent les secteurs
économiques, commerces (importations, exportation, distribution intérieure), services et
artisanats. Partage inégalitaires car la famille des « seigneurs », famille basque arrivée à la fin
du XIXè siècle - « les Légasse » possèdent, au début du XXème siècle, non seulement 80%
du « comptoir », mais en outre vont diriger, socialement, moralement, religieusement,
politiquement, entre 1890 et 1940. Economiquement, ils devront partager à partir des 1930
avec les commerçants îliens enrichis par le commerce des alcools. Les Légasse 7 sont des
métros dont les entreprises de pêche et les sècheries sont en France. Ils appartiennent au
Comité des Armateurs dont ils sont et seront des membres actifs, qui, avec un ou deux autres
gros armateurs métros et avec les quelques familles de commerçants, ont des « idées » quant à
l’avenir de l’archipel, dont ils ont su évaluer les avantages et les contraintes.
« SPM devient un port de pêche côtière » afin de faire travailler « nos » familles, les hommes
à la mer, les femmes et les enfants sur les graves et dans les sècheries, et un comptoir pour
leur survie en assurant le ravitaillement et les services nécessaires à tous.
6
Titre d’un article de Michel Geistdoerfer : «Il faut sauver notre plus ancienne colonie » Dinan Républicain, 24 septembre 1936.
Des Légasse, un fils Monseigneur, un autre Délégué à l’Assemblée des Colonies ; possédaient les magasins à St.-Pierre,
Miquelon, l’Ile aux Marins.
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Colonie ? Une entreprise privée :
- d’exploitation de la richesse locale, la morue, qu’une main-d’œuvre – les pêcheurs et
leurs familles - doivent “produire” mais main-d’œuvre française, non indigène,
et - de commerce, car la survie de tous dépend de la régularité d’un ravitaillement et
de la poursuite du maintien de services en partie assurés par l’Administration coloniale.
Une interdépendance d’autant plus irréductible qu’il s’agit de vivre sur un archipel à des
milliers de km de la France et dans une zone extrême qui va être pérennisée grâce à la mise
en place d’un structure socio-économique et politique qui va être pérennisée.
1–
Mise en place de la structure = des rapports sociaux d’interdépendance pour une survie
différenciée
Une obligation – Changer « d’idées »
Une conception originale de la colonie ? Les armateurs-commerçants veulent, c’est dans
l’ordre social et économique, s’enrichir sans faille pour stabiliser « leur entreprise » de SPM,
utile pour leurs armements de grande pêche, à long terme. Ils veulent établir un port de pêche
–comptoir, mais pour que celui-ci soit conforme aux exigences d’une production halieutique
en milieu insulaire, ils vont tenir un discours particulier, différent de celui de leur
compatriotes métros, quant aux rapports qu’ils doivent établir avec la population, cette maind’œuvre, désormais indispensable pour la nouvelle entreprise coloniale à mettre en place ?
Cette idée il faut la concrétiser mais dans des conditions géographiques et sociales très
particulières - une main-d’œuvre française devant survivre, donc une limite à l’exploitation,
car en dépend “la boutique”.
Entre notables et population une interdépendance que les notables vont réussir à faire basculer
à leur profit.
Faire assurer par la France – la permanence de leur « comptoir » - devenant la garantie de la
place de celle-ci en Atlantique nord, cela va en échange leur concrétiser un partenariat avec la
France, qui en ce début de XXè siècle voudrait « oublier » SPM.
Entre la France et les notables une interdépendance va s’imposer, de manière irréversible, et
se matérialiser sous de multiples formes.
Les notables vont avec la métropole, avec les pouvoirs publics, mettre, peu à peu, en place les
outils pour que ce comptoir puisse leur assuré l’enrichissement souhaité.
2–
Les outils traditionnels leurs limites
A la pêche côtière autour de l’archipel (le French-shore est fermé en 1904) est occupée la
population ; les hommes en doris et les femmes et les enfants à terre : tranchage, salage,
séchage, transport du poisson. La pêche est saisonnière – avril-octobre– très limitée (temps,
espace) par les contraintes techniques rudimentaires, (moteur qu’en 1920), les conditions
météorologiques, etc. La production de tous est achetée par les commerçants, seuls acheteurs
qui possèdent l’ensemble des outils et services d’importation et de distribution de tout ce qui
est nécessaire pour vivre, survivre. SPM est un port de commerce obligatoire : ravitaillement
et exportation des produits de la mer et avitaillement des flottilles dernières goélette et
chalutiers des Bancs et de tous les navires de passage, en escale.
A SPM archipel, au nom des particularités locales – conditions météorologiques, insularité,
éloignement, main-d’œuvre inefficace, pour que les armateurs-commerçants fassent des
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bénéfices devant équilibrer les aléas de la production de morue salée et pour conforter leur
comptoir local, annexe indissociable et indispensable à leur entreprise en métropole, ils vont
utiliser deux outils économiques parfaitement traditionnels :
- assurer des conditions de travail et de vie minimales à leur main-d’œuvre en ne
payant pas le travail : production de poisson transformé, tâches complémentaire, et en
soumettant, asservissant, le terme fut utilisé, leur main-d’œuvre par la pratique généralisée du
troc, poisson transformé contre tous les biens de survie, l’outillage, dont le sel pour la
transformation ; soumission consolidé par un endettement – avances et crédit - pérennisé.
Système appliqué à Saint-Malo, Fécamp par les armateurs. Les commerçants ne paient le
poisson livré qu’après avoir « fait leurs comptes » soit vendu le poisson afin de ne payer que
ce qui ne met pas en danger leur entreprise.
Pour justifier leurs pratiques traditionnelles, ne pas payer le travail des pêcheurs, une pratique
celle de dévaloriser le produit de celui-ci, et d’accuser ceux-ci de mal travailler : sorties trop
courtes, productivité faible, morue mal préparée, mal tranchée, mal lavée, Les petits pêcheurs
sont abrutis, sales, ne veulent pas se donner le mal de bien préparer la morue,
incorrigibles…Les commerçants multiplient leurs plaintes écrites.
La population, petits pêcheurs et ouvrier employés main-d’œuvre vivent dans de dures
conditions physiques en effet, ils vont être, non plus abandonnés comme précédemment, ils
sont trop nombreux et désormais peuvent et doivent être inscrits dans le projet, qui va être
appliqué « SPM comptoir-entreprise privée insulaire », pour cela ils sont asservis au sein de la
“seigneurie” Légasse.
Les commerçants écrivent cependant, inlassablement vouloir le bien de la population mais,
dans les conditions de la production (aléas) et du commerce (concurrence et produits de
mauvaises qualité) il est “difficile financièrement” de leurs assurer de meilleures conditions
de vie ! Les notables y sont obligés.
Il n’est pas possible, (au contraire de la métro) de laisser mourir un îlien (de froid ou de faim)
– il faut assurer la survie – même misérable, soit le ravitaillement. Nous n’avons jamais
vraiment eu faim et l’habitat, le chauffage c’était pour les riches, nous rallumions le poêle
tous les matins, ils ne peuvent pas assurer leur commerce car la pêche est aléatoire, le
commerce de la morue difficile à cause de la concurrence locale, et suprême argument, les
pêcheurs travaillent mal.
En France, à cette époque, jusqu’à la veille de la Deuxième guerre, les pêcheurs à la grande
pêche, les travailleurs dans les ateliers, sont exploités par les armateurs, ceux qui étaient et
sont encore à SPM. Conditions de plus en plus connues et qu’acteurs politiques,
professionnels de la pêche, tentent de contrer (nous l’avons noté). A la pêche côtière les
limites de la misère sont dépassées d’où les révoltes, soutenues par la montée du socialisme et
du mouvement syndicaliste CGT. Les îliens ne bénéficieront pas directement de ces soutiens,
même si des hommes politiques plaident en leur faveur.
La France, par le biais de son administration coloniale tente de faire redresser la situation
économique de SPM de l’intérieur : taxes, douanes, impôts, etc. Entre cette administration et
les commerçants une guerre que le commerce frauduleux des alcools semble interrompre
pendant dix ans. A la veille de la Deuxième guerre où la situation des îliens n’a jamais été
aussi mauvaises socialement et économiquement et celle des commerçants aussi faste entre la
métropole et les notables le partenariat est établi.
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La France sera cependant obligée de prendre en compte ces plaintes mais à un moment où –
1930 – elle est reprend en « mains » avec les commerçant locaux l’avenir de sa colonie, soit
un encadrement politique et financier.
3–
Du discours à la structure 2ème outil - SPM en crise doit survivre « développer la petite
pêche » - Un alibi, la partie haute de l’iceberg
Les commerçants locaux veulent mettre en place des outils classiques pour mener à bien leur
entreprise – SPM-comptoir privé insulaire - et vont, alors qu’ils ne sont pas intéressés par la
production locale de morue, monnaie d’échange pour le troc avec les pêcheurs et pour
perpétuer le crédit, sinon ils aurait maintenu leur flottilles, y trouver un “intérêt”, en la
transformant indirectement en un des outils de leur enrichissement, le développement et la
monopolisation du commerce intérieur. Pour cela il leur faut des clients-main-d’œuvre
solvables mais sans les rémunérés ! Ainsi, une pratique contraire à de ce qui est annoncé
comme modèle économique de développement, mais pour cela il leur faut adhérer et faire
adhérer à une certaine idéologie quant à SPM.
« Crises et survie les deux mamelles de SPM »
SPM “un tout” – Un iceberg – Une structure pour une survie différenciée
La force politique (sens le plus large) du vocabulaire est telle que l’emploi de certains mots
permettent de rendre viable et efficace le soit disant signifiant ainsi choisi. Il en est ainsi pour
l’usage de l’expression « SPM » telle qu’elle va être inlassablement utilisée, outil idéologique
remarquable.
La notion philosophique utilisée pour donner toute son efficacité, pour donne « une force » à
SPM est celle de « crise » ; « SPM » en « crise » encadré par une valeur suprême qui sera la
« survie ».
La notion de survie, nous devrions, l’analyser dans tous ses aspects, c’est à dire ses
expressions sociales, symboliques ; ici nous ne la prenons que sous sa forme économique ;
mais celle-ci nous le savons ne peut être que parce qu’elle détient sa force sociale et
symbolique
SPM est en crise, la survie de SPM, sauver SPM, etc. : on en parle comme d’un tout, des
crises, de sa survie, de son développement, de son économie durable, de sa prospérité.
Confusion, entre un objet, la colonie SPM, et les éléments qui le composent, lui donnent son
“existence”, la société, l’entreprise privée. Ainsi neutralisation des différences sociales afin de
construire et de matérialiser cette idée, cette représentation de la société.
Au nom des « crises », de la survie de SPM qui au bord du gouffre, et de la prévision nous
coulons, au nom de nous sommes tous dans le même « bateau » aliénation que certains
résument : si Légasse quitte plus rien, sans Interpêche pas de travail et sans la France on doit
partir, les notables vont en appeler à la France. « Crise » c’est-à- dire que les commerçants ne
faisant pas profiter de leurs bénéfices la collectivité, ne voulant en aucun cas se soumettre aux
règlementations en vigueur, au nom des arguments inlassablement répétés justifiant leur
impossibilité financière de mieux traiter les îliens, celle-ci, depuis 1900, ne peut que connaître
des ruptures économiques.
Confusion désormais possible – SPM - entre la défense d’un commerce privé qui est en pleine
expansion, qui assure l’avitaillement et du travail à une population « de bras cassés » mais
français, et ce qui serait la création d’outils qui permettent à une population de travailler, de
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créer des activités productrices et qui enrichissent individuellement et collectivement et soit
source de développement culturels soit le développement de la pêche.
Une politique sociale ? Une charité
Dans le discours, les notables sauvent les îliens et de là sauvent SPM. La limite de
l’exploitation de la main-d’œuvre est obligatoirement différente de celle appliquée en France
et dans les colonies. Les notables vont utiliser, pour obtenir de la métropole des aides
multiples financières, en justification de leurs réclamations – la défense de la survie d’une
population, au nom de faits (révoltants) elle n’est pas noire, ni jaune, elle est responsable de
son sort, elle ne peut qu’être mal payée, mais elle est de race blanche pure, et catholique ( pas
de mélange avec les Terre-Neuviens protestants) et surtout, mais … elle est indispensable à la
poursuite « de notre colonie », de l’entreprise privée et donc doit rester en bonne santé
physique, une main d’œuvre difficile à renouveler et mobile8et économique, sinon la clef de la
soumission et de l’assurance des bénéfices – le troc, le crédit et les avances – ne sont pas
possibles.
« C’est la plus petite de nos colonies mais sans aucun mélange de race ; c’est aussi la plus
française » Introduction Légasse.
Un discours qui aujourd’hui nous fait penser à telle usine de poisson en France qui impose aux
pouvoirs publics d’accepter les importations de poissons sinon ils ferment l’usine et mettent au
chômage une localité … ouvrir les frontières était une pratique politique qui appartient à un
vaste programme capitaliste.
Crises survie sont les deux mamelles de SPM mais les commerçants vont devoir, face à une
métropole et surtout face aux changements socio-politiques qui s’annoncent (le Front
populaire) et qui vont s’appliquer, même de loin, à SPM, présenter un projet économique et
sociale pour que la métropole puisse “financer”.
Le développement de la pêche côtière va devenir l’alibi, le discours camouflant la mise en
place du partenariat financier métropolitain devant sauver SPM « notre plus vieille colonie ».
La mise en place du partenariat avec la métropole prend différentes formes. Elle permet aux
commerçants de consolider leur entreprise devenue à la veille de la Deuxième guerre un
iceberg. La partie apparente, la petite pêche, en déclin, et la partie immergée, le fondement,
l’entreprise-comptoir-privé. Etant donné que la petite pêche n’intéresse pas les commerçants,
celle-ci décline car les îliens, partent, s’engagent à terre comme employés des commerces et
dans les services qui sont mis en place. Mais c’est bien le haut de l’iceberg, faire survivre la
pêche et les petits pêcheurs qui vont demeurer – jusqu’à aujourd’hui – la seule image de SPM,
la seule justification à tous les demandes de financements réclamés et exigés et auxquels la
France qui modifie sa politique “coloniale” peut répondre car désormais elle a construit son
autorité politique et économique. Celle-ci s’appliquera à la Libération et
Des évènements cristallisent des rapports de force
Durant cette 2ème période confrontation entre forces internes et entre celles-ci et celles de
métropoles.
Développement de « forces internes SPM » non seulement celles du « seigneur » et de ses
“copropriétaires” petits armateurs et commerçants îliens, (Chambre de commerce, Comité de
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Les îliens sont Français et par vague ont décidé de rentrer en France, trop malheureux à SPM. Les Legasse se plaignent de
cette émigration et de l’absence d’immigration !
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défense des îles SPM, etc.), celles de l’administration qui représente la France au travers de
son administration qui veut applique une politique coloniale – souvent en confrontation
jusqu’en 1940 avec les notables locaux métros et ne va pas plier automatiquement devant eux.
Mais aussi au sein de ce qui est devenue une société différenciée, qui se structure d’où émane
une force populaire qui sera relayée par des acteurs politiques métros.
Des évènements comme le commerce illicite des alcools 1921-1933 (enrichissement des
commerçants locaux), le Front populaire, la Deuxième guerre, le régime de collaboration de
Pétain, la Libération et son gouvernement, au sein desquels SPM trouve une place (et de fait
au sein de textes, discours politiques) en devenant un lieu d’expression de forces antagonistes,
métros contre locaux et entre-locaux, créatrices de changements socio-économiques, voir
politiques.
Ces évènements perturbent la structure – iceberg - mise en place, uniquement quant à sa
forme, en obligeant à une redéfinition du statut de chaque partenaire – métropole, notables et
population.
Deux changements fondamentaux les prises de pouvoirs économiques par des « îliens » au
lendemain de la fin du commerce illicite des alcools, retrait (géographique) des métros et
retrait politique au lendemain de la Deuxième guerre, quand des îliens occupent tous les
postes de représentation désormais à l’Assemblée nationale, au Sénat, etc. « On est désormais
entre nous » ! Les uns comme les autres demeurent, dans leurs actes, leurs paroles et leurs
pratiques des notables piliers de la structure en place et garants de l’ordre social et
économique mis en place. Ils doivent changer la forme de leurs relations avec leurs proches –
les îliens.
3–
La pêche un alibi – la partie haute de l’iceberg
SPM colonie Une société bloquée
De 1910 à 1990 une idée que vont retenir tous ceux qui jamais ne cherchent à connaitre la
réalité sociale , qui est véhiculée par les notables, la métropole, et sous-tend politique métro,
discours locaux, etc. SPM est, sera un port de pêche car l’avenir de SPM – et donc des îliens
– est en mer.
1910 – 354 doris 661 petits pêcheurs
1930 – 215 (2 hommes par doris 430)
1940 – 176
-
La France - regimbe à financer le développement de sa colonie, (elle qui avait dans l’idée de
la fermer une 1ère fois et une deuxième fois en 1930) ; elle qui va inlassablement défendre la
survie de sa colonie – stratégie politique oblige et économique (la présence française en
Atlantique nord – zones de pêche, le pétrole sous-marin) – et qui matérialise sa politique en
prônant le développement de la pêche, de la production de morue, en poursuivant
momentanément l’octroi des primes aux exportations :
- en faisant construire le frigo (1923) finançant l’achat de moteurs pour les doris, en
missionnant des scientifiques biologistes marin, technicien des pêches.
A la demande et avec le soutien des armements métro encore en présence à SPM entre 1910
et 1939, la France a évité que toute pêche hauturière puisse être mise en place localement
pendant qu’en métropole celle-ci connait un vigoureux développement dans tous les ports. La
construction du frigo ne servira qu’en 1954, et les aides à l’armement de quelques chalutiers à
la veille de la 2ème guerre des échecs. Le financement, organisé par les notables, des moteurs
est la seule aide qui permet une amélioration des conditions de travail des petits pêcheurs
mais qui ne pourra pas, isolée, permettre à ceux-ci de changer de statut. Les notables prônent
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aussi le développement de la petite pêche. Ils réclament des aides pour financer des essais de
nouvelles techniques (trappes à morue), de pêche d’autres espèces que la morue, le hareng,
d’exploration de nouvelles zones, etc.
De telle sorte que la pêche côtière en 1940 est considérée comme un secteur désormais en
voie de disparition.
Tout sauf de « bons » outils - Projets et aménagement pour qui ?
En 1923 la France a autorisé SPM à participer au commerce illicite des alcools à la demande
de la Chambre de commerce locale (la pire tragédie sociale de SPM). Entre 1930 et 1936 elle
a suscité l’aménagement de la rade pour en faire un port remarquable et fait vider au profit
d’une société métro les caisses de la ville – alors “pleines” (taxes pour le commerce des
alcools), de telle sorte que SPM connaît la pire “crise” en 1931 alors que les commerçants
principalement îliens se sont enrichis de telle sorte que désormais ils constituent la Chambre
de Commerce. Les Légasse se replient en métropole ayant perdu le pouvoir politique.
Jamais, malgré tous les travaux réalisés, financés et cofinancés – métropole et localement – la
rade ne deviendra ce port d’escale tant souhaité par les commerçants, car désormais SPM
change de statut ; la France organise ses aides.
La métropole finance “tout”, sauf des outils permettant des changements socio-économiques.
Les outils que vont réclamés cette troisième voix, celle de la population, sont : une agence de
crédit (suppression du troc et des avances), recherche de diversification des pêches par celle
de valorisation des produits, des ateliers municipaux pour la transformation, des public
séchoirs et frigo gratuits mais principalement une école d'apprentissage maritime, formation
professionnelle locale pour la mise en place d’une moyenne pêche (comme chez les voisins,
Québec, Terre-Neuve …). Mais aussi, ils veulent, avec le soutien de leurs délégués (L.
Legasse a perdu son poste) et autres hommes politiques (métros) le paiement “normal” du
poisson à sa valeur et restaurer des primes aux exportations, etc.
Colonie, nous voilà - Pas de concurrence pas de pêche au large
La France, désormais avec les commerçants présente SPM port de pêche devant être
développé ; en ce nom alors que la pêche côtière est désormais en plein déclin et étant donné
la période de la guerre elle se doit d’aider sa colonie. Il faut attende, ce n’est pas un hasard
politique, que ce n’est qu’après la Libération, que pour la première fois seront subventionnés
deux îliens, commerçants, décidés, au contraire des collègues, nous sommes en 1954 où les
risques de concurrence sont désormais nuls, à investir dans la création de la Société de pêche
et de congélation (la SPEC). Armement de trois chalutiers à la pêche hauturière mais
embarquement de plusieurs marins étrangers – de Terre-Neuve – car il n’y a pas assez de
marins à SPM. Vingt ans dont les îliens, les anciens se souviennent : la SPEC elle arrangeait
les petits pêcheurs, elle nous payait.
Moment difficile pour la grande pêche, de telle sorte que la SPEC, isolée financièrement,
localement, est liquidée au profit d’une société métro Interpêche (filiale de La Caennaise) en
1974, qui durant vingt ans règne en monopolisant subventions et commerce du poisson9.
Un outil de développement local aurait pu débuter une tradition de pêche au large, remplacer
la pêche côtière moribonde, etc. Interpêche est financièrement aidée et obtient le monopole de
la pêche hauturière mais ne développera pas la pêche hauturière telle que le préconisait les
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Un îlien en accord avec quelques pêcheurs a mis en place un atelier de salage de morue et de vent : le pauvre
martyr diront les pêcheurs a été, non pas sans lutter, obligé de partir.
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accords avec le Canada 1972-1986- la création possible d’une flottille de 10 chalutiers, elle en
garde trois ou quatre.
Une société espagnole Pescanova reçoit des pouvoirs publiques “Interpêche”, soit trois
chalutiers et les usines pour « fermer boutique » quand la France a définitivement neutralisé
l’économie halieutique de SPM avec les commerçants et certains élus.
Les conditions de vie des îliens depuis la fin de la Deuxième guerre, connaissent les
améliorations nécessaires et obligatoires et même au-delà puisqu’ils ont désormais la garantie
de « survivre » mais à la condition de demeurer à SPM qui est devenu un archipel de
fonctionnaires, principal emploi, nationalisé.
Remarques
SPM, la structure – comptoir privé - mis en place en 1900 est bien consolidée ; les rapports
d’interdépendance pour une survie différenciée bien établis entre les notables et la population,
aujourd’hui l’exploitation de la population ont pris la forme de rapports de clientélisme.
La métropole a facilité, au nom d’une politique sociale, tous les projets, les activités qui
rendait possible de manière interne la survie, et l’amélioration des conditions physique de la
vie des îliens mais pas donner les moyens aux îliens de changer de statut, car à partir du
moment où SPM est entièrement dirigé économiquement et « politiquement » (en interne) par
des îliens, elle se retire, elle n’aura plus « d’idées « ? Elle a accepté de « tout » financer ce
que veulent les notables et la population, moyennant – la paix sociale – assurée par le partage
entre tous – tous les membres de la nouvelle famille - des aides métropolitaines (et
européennes). Seule ancienne colonie à ne pas demander son indépendance mais dont les
membres sont capable de casser localement « la figure » à des métros, et/ou du matériel
d’usine ou de bureau quand le bien être matériel devient insuffisant pour vivre, survivre à
SPM.
Ainsi depuis le début du XXème siècle des rapports d’interdépendance pour une survie
différenciés (de la misère hier, à la belle vie) se sont établis entre la population et les
propriétaires de SPM – entreprise plus population, et qui est le fondements de l’ordre social.
Pour que l’entreprise puisse poursuivre son enrichissement sans que la population « pâtisse »
matériellement, pour que des îliens des français, catholiques, de race blanche, la métropole a
« nationalisée » sa colonie par un assistanat généralisé.
La France en accord avec les notables a permis qu’aucun outil ne puisse être mis en place de
manière durable10 pour que SPM devienne un port de pêche, pour que les îliens puissent créer
des entreprises, acquérir des formations professionnelles applicables localement.
Les relations d’interdépendance pour une survie différenciées ceux mis en place avec
l’iceberg en 1910 qui assure une cohésion sociale, politique depuis que les pouvoirs politiques
sont entre les mains des îliens sont toujours ceux qui font «fonctionner » SPM colonie
SPM aujourd’hui est une vraie colonie selon le modèle d’Albert Sarraut – collaboration
parfaite entre colons et indigènes pour le bienfait de tous – au delà – nous dirions qu’il s’agit
d’une entreprise nationalisée. Les îliens sont des assistés obligés et consentants.
La France, désormais que la survie de SPM « semble » assurée, poursuit sa politique
internationale économique, sans se préoccuper, au delà « du politiquement correcte » des
îliens « enfermés » dans la plus vielle colonie française.
10
Nous devrions ici expliquer quelles sont les conséquences sociales et morales de ce que nous avons évoqué
précédemment, la colonisation - conséquences : pourquoi et comment aujourd’hui tout projet local devient un échec.
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Nous ne pouvons développer les images, les représentations, les idées qui fondent les discours
sur la politique économique tels qu’écrits par des représentants des ministères, les élus,
quelques économistes à propos de ce que je nommerais la IVème période de la vie de SPM
sont nombreux et beaucoup moins spécifiques car ils font partie d’une vaste et diverse
littérature politique au sein de laquelle SPM tient une place toujours particulière mais réduite
dans sa spécificité. Cette période débuterait en 1974 quand l’archipel, définitivement, est
encadré dans un assistanat généralisé, sous différentes formes, changement de statut, « faux
conflits avec le Canada », etc. Cette assistanat ne remplit plus la fonction ancienne de garantie
de la survie d’une population mais répond à la nécessité de partager ce gâteau détenu par des
concitoyens – les notables-îliens – qui doivent compenser leur statut de « riches » par cette
distribution – car désormais ce sont des relations de clientélisme – qui structure cette société
et par, autre sujet, le développement d’une idéologie identitaire et communautariste – nous
sommes une grande famille – (sans les métros) afin d’accompagner par cette survalorisation le
bien être matériel généralisé mais insuffisant pour survivre.
Aliette Geistdoerfer
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Références
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