Les chaudières à biomasse prennent le re
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Les chaudières à biomasse prennent le re
DOSSIER énergies renouvelables Les chaudières à biomasse Portés par des incitations financières, les projets de production d’énergie à partir de biomasse se multiplient. L’approvisionnement en bois sous forme de billons calibrés se fait dans un rayon de 50 km autour du site. D ans un contexte de hausse du prix des énergies fossiles, le recours à des solutions alternatives fait son chemin. Parmi elles, les chaudières à biomasse ont le vent en poupe. Plusieurs paramètres expliquent cet engouement. « La motivation majeure est de sécuriser les coûts de production d’énergie dans la durée. Un industriel prend moins de risques à passer au bois qu’à rester au gaz dont les cours subissent une grande volatilité. Ce choix se justifie aussi car il permet de réduire les rejets de CO2, ce qui serait essentiel dans le cas d’une éventuelle taxe carbone », souligne Jorge Boucas, président de NextEnergies (groupe Roullier), une société spécialisée dans la fourniture de solutions complètes de production d’énergie à partir de bois. Les chaufferies au bois sont en effet considérées comme neutres pour l’effet de serre tant que le prélèvement reste inférieur à l’accroissement forestier. Elles sont, de plus, bien adaptées aux entreprises qui consomment une énergie thermique importante, sept jours sur sept et en flux continu. Les industries alimentaires sont ainsi particulièrement concernées, surtout si Le temps de retour sur investissements est souvent de cinq ans en prenant en compte les subventions elles mettent en œuvre des opérations très énergivores comme le séchage. « Face aux incertitudes économiques, il est important d’envisager des solutions multi-énergies en intégrant notamment des énergies renouvelables locales. C’est aussi un choix vertueux car il permet, dans certains cas, de valoriser sur site, des sous-produits du process. Dans d’autres situations, si l’on opte pour le bois, cela permet de contribuer au développement économique local en pérennisant une filière forestière », explique Florence Rouet, responsable marketing du pôle 28 juin 2012 RIA N°735 Rians substitue le bois au gaz Le fabricant de produits laitiers a opté pour une chaudière à bois qui couvre 80% de ses besoins en vapeur E n démarrage depuis avril, la chaudière à bois, installée chez Laiteries H. Triballat (marque Rians), sera bientôt pleinement opérationnelle. Pour l’entreprise familiale basée dans le Cher, ce choix est le fruit d’un engagement de longue date en faveur de l’environnement et de l’ancrage territorial. « Le site de Rians bénéficie d’une implantation privilégiée, en pleine nature. Et l’entreprise a à cœur de défendre l’environnement et le développement local », explique Guillaume Brouard, responsable sécurité, énergies et environnement chez Laiteries H. Triballat. La réflexion commence il y a quelques années, après la réalisation de diagnostics énergétiques et de bilans carbone. « Nous souhaitions être moins vulnérables par rapport au prix du gaz naturel que nous utilisons depuis 2008 à la place du fioul lourd. Nous avions également la volonté de réduire notre bilan carbone. Enfin, nous sommes entourés de forêts. Le recours à la biomasse s’est donc imposé comme solution en cohérence avec les valeurs de l’entre- prise », poursuit Guillaume Brouard. Dernier argument : le soutien de l’Ademe (Fonds Chaleur) qui a permis la prise en charge de près de 50 % de l’investissement. La chaudière, d’une puissance installée de 4,5 MW, permet la production de 20 GWh de vapeur utilisée dans le process (pasteurisation, production d’eau chaude, NEP…) de fabrication des produits (faisselles, fromages, desserts), soit 80 % des besoins. Le reste est assuré par la chaudière à gaz en place qui a aussi été maintenue en secours. L’approvisionnement en bois sous forme de billons calibrés se fait dans un rayon de 50 km autour du site. Le broyage est réalisé sur place. Deux silos de 300 m3 ont été aménagés pour le stockage de la plaquette forestière, issue de cette opération. « Le broyage est une opération complémentaire que nous prenons en charge. Et nous avons choisi d’investir et de gérer nous-même la chaudière dans un souci d’autonomie », souligne Guillaume Brouard. Le gain attendu est de 4 300 à 4 800 tonnes CO2/an, soit 50 % du poste énergie. prennent le relais industriel chez Dalkia, un opérateur également très engagé dans le développement de ces solutions valorisant la biomasse. Autre facteur en faveur de ces initiatives : l’amélioration permanente des équipements disponibles. « Il existe aujourd’hui des chaudières flexibles pouvant utiliser différents types de combustibles en fonction de leur disponibilité : plaquettes, pellets, paille… Cela permet de mettre en place ces installations même en milieu périurbain et pour tous les niveaux de puissance. Les pellets par exemple, même s’ils sont plus chers que les plaquettes, fournissent six fois plus d’énergie pour un même volume, ce qui peut être intéressant pour les petites unités qui disposent de peu de place », explique Jean-Jacques Rousseau, chargé de mission biomasse chez EDF Optimal Solutions, un des opérateurs qui conçoit et réalise des installations avec des propositions de solutions de financement. Il poursuit : « et il est important dans une première étape de réaliser un pré-diagnostic pour s’assurer de la pertinence du projet et des besoins. L’objectif est aussi d’optimiser les consommations afin d’éviter de surdimensionner la chaudière. Et sur chaque site, il existe en général des gisements d’économie d’énergie ». Les laiteries au rendez-vous Mais qu’en est-il sur le plan économique ? « L’investissement est environ cinq fois plus élevé que pour une chaudière gaz, l’exploitation et la maintenance ont un coût aussi plus important, environ deux fois supérieur, mais le combustible est 25 à 35 % moins cher. Le retour sur investissement est de huit à dix ans, il peut être limité à cinq ans avec les subventions », précise encore Jorge Boucas. Il reste donc difficile d’envisager ce type de projet sans aide financière. Le soutien de l’Ademe, via le Fonds Chaleur, a sans aucun doute permis la concrétisation de nombre d’initiatives (voir encadrés). Lancée en 2009, cette subvention permet de contribuer au financement d’une nouvelle installation de production de chaleur à partir d’énergies renouvelables. Et les industries ali- Soufflet valorise les poussières de céréales Pour sécher le malt, les Malteries Soufflet ont remplacé le gaz par l’énergie de combustion des poussières de céréales produites sur place. E n septembre 2011, les Malteries Soufflet ont mis en route sur le site de Nogent-sur-Seine (Aube) une chaudière fonctionnant à base de poussières de céréales, constituées de composants d’origines (orge, maïs, blé, colza) et de structures diverses (issues, son, paille, grains cassés…). Après un transfert pneumatique vers le stockage qui permet d’assurer une autonomie de la chaudière pendant quatre à cinq jours, le combustible est introduit dans le foyer et brûlé à 1 000 °C. L’eau circulant dans la chaudière atteint ainsi 104 °C, puis est transférée vers la touraille pour réchauffer l’air grâce à un système d’échangeurs, afin de sécher le malt. Hormis le danger que présente la manipulation de poussières, l’industriel doit également faire face à une autre contrainte : l’hétérogénéité du combustible sur l’année et la variation de son pouvoir calorifique, ce qui nécessite une régulation fine. La puissance maximale est de 6 MW. 12 000 t de poussières sont nécessaires par an (60 % des volumes disponibles sur le site) pour fournir 38 000 MWh d’énergie. Les Malteries Soufflet peuvent ainsi réduire de 75 % la consommation de gaz naturel nécessaire au séchage du malt. Ce projet s’inscrit dans la démarche développement durable du groupe. La chaudière permet, en effet, de réduire de 8 700 t les émissions de CO2 aux- mentaires sont bien au rendez-vous puisque le secteur représente plus de 30 % des projets retenus. Les laiteries (Bonilait Protéines, Entremont, Laiteries H. Triballat, Sill, Nestlé, HCI…) arrivent en tête de cette sélection. Des tiers investisseurs La coopérative Isigny-Sainte-Mère a été une des premières à se lancer dans l’aventure avec une chaudière de La puissance de la chaudière est de 6 MW. quelles s’ajoutent 1 000 t produites habituellement par le transport des poussières de céréales sur un autre site pour être transformées en pellets. Le projet de 4 m€ a reçu une aide financière de l’Ademe de 1,6 M€ dans le cadre du « Fonds chaleur ». Le retour sur investissement attendu est de quatre ans. Les premiers résultats étant positifs, ce procédé devrait être étendu à cinq autres malteries du groupe. « Nous essayons de croiser nos besoins énergétiques avec les disponibilités en biomasse présentes sur chaque site », précise Thierry Berger, responsable communication du groupe. Chantal Urvoy 15 MW produisant 20 tonnes de vapeur/heure à 30 bar. Parmi les projets en cours, celui du groupe Sill Entreprises sera opérationnel au printemps 2013 sur le site de Plouvien (Finistère). La chaudière de 12 MW permettra la production de vapeur à partir de bois en plaquettes issu du bocage autour de Scrignac, en centre Bretagne, et des environs de Brest. Autre initiative : chez Senoble, sur le site de Lorris lll juin 2012 RIA N°735 29 DOSSIER énergies renouvelables Chaufferies à biomasse en agroalimentaire : 28 projets supérieurs à 1 000 tep/an soutenus par le BCIAT * BCIA 2009 BCIAT 2010 BCIAT 2011 Entreprises Site Prod. thermique Investisseur/gestionnaire (tep/an) Roquette Frères Cargill Monnard déchets Entremont (Sodiaal) Sill Soufflet Bonilait Protéines Auvergne Trituration Nestlé Montblanc Union des distilleries de la Méditerranée Laiteries H.Triballat Malterie Franco-Suisse Ajinomoto Saipol Sitpa (Nestlé) Herbignac Cheese Ingredients (HCI) Malteurop Armor Protéines Bel Herta (Nestlé ) Candia (Sodiaal) Fromagerie l'Ermitage Bongrain Euroserum Bonilait Protéines Campbell Grandes huileries Mediaco Beiheim (67) Baupte (50) Saint-Amour (39) Montauban-de-Bretagne (35) Plouvien (29) Nogent-sur-Seine (10) Saint-Flour (15) Lezoux (63) Challerande (08) Chef-du-Pont (50) Maubec (84) 29 880 11 188 6 940 4 534 3 520 3 328 3 233 3 233 2 410 1 981 1 979 Rians (18) Issoudun (36) Amiens (80) Bassens (33) Rosières-en-Santerre (80) Herbignac (44) 1 668 1 429 27 877 15 477 8 627 5 765 Roquette Frères Cargill Monnard déchets GDF Suez Energies services Sill Soufflet EDF Optimal Solutions Auvergne Trituration Nestlé Dalkia France Union des distilleries de la Méditerranée Laiteries H.Triballat Dalkia France Dalkia France Saipol Sitpa NextEnergies Vitry-le-François (51) Saint-Brice-en-Coglès (35) Cléry-le-Petit (55) Saint-Pol-de-Ternoise (62) Awoingt (59) Bulgnéville (88) Illoud (52) Port-sur-Saône (70) Chasseneuil-du-Poitou (86) Le Pontet (84) Béziers (34) 4 600 4 242 2 692 2 630 2 517 2 141 1 859 5 654 5 300 2 648 1 720 Dalkia France NextEnergies Idex Energies Herta EDF Optimal Solutions GDF Suez Energies services Bongrain GDF Suez Energies services EDF Optimal Solutions Campbell Grandes huileries Mediaco *L'appel à projets Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire (BCIAT) est géré par l'Ademe (voir encadré ci-dessous) lll (Loiret) qui produit des yaourts et crèmes dessert, une chaudière mise en place avec NextEnergies d’une puissance de 3 MW produira 10 GW/h par an sous forme de vapeur, soit l’équivalent de 920 tonnes équivalent pétrole (tep). Le combustible sera constitué de plaquette forestière et de miscanthus. Pour le montage de ces projets, différentes configurations existent. Certains industriels font le choix d’investir en direct, d’autres, les plus nombreux, optent pour un intermédiaire (Dalkia, EDF Optimal Solutions, Cofely/GDF Suez Energie Services, NextEnergies…). Ce « tiers » est chargé d’investir et d’exploiter l’installation en échange d’une redevance de location et de fourniture de vapeur permettant à l’industriel de devenir propriétaire de la chaudière à échéance du contrat. L’approvisionnement peut être géré par l’entreprise ou être inclus dans l’accord. Quel que soit le montage choisi, l’approvisionnement reste un élément clé pour assurer le bon fonc- 30 juin 2012 RIA N°735 tionnement des installations. « Une chaudière à bois est plus lourde à gérer qu’une chaudière à gaz au niveau de la réception et du contrôle de la qualité du bois. Ce dernier doit respecter un cahier des charges, comprenant notamment les limites acceptables de granulométrie, d’humidité et d’absence de corps étrangers », explique Jorge Boucas. Au niveau de la conduite même des installations, il est important de veiller à maîtriser la régulation pour éviter les baisses de pression vapeur et de surveiller les rejets en particules. Les chaudières à bois seraient-elles alors la solution miracle pour se protéger de la volatilité des cours des énergies ? Même si ses avantages sont nombreux, cette solution ne s’improvise pas. Tout d’abord, elle s’adresse aux gros consommateurs d’énergie. « Le cas le plus adapté correspond à un besoin important toute l’année, entre 4000 et 8 000 heures de fonctionnement par an », précise Jean-Christophe Pouet, chef du service bioressource de l’Ademe. « Même si les technologies se sont améliorées, elle sont plus adaptées à un fonctionnement continu. La courbe de besoin vapeur doit être linéaire avec « un talon thermique » assuré par la chaudière bois et des pointes éventuellement fournies avec une chaudière classique», souligne de son côté Grégory Ferrand, responsable développement de Cofely (GDF Suez Energie Services) Centre Ouest. Autre impératif : pouvoir disposer du combustible dans un périmètre proche et avoir la place pour le stocker. Enfin, compte tenu des investissements en jeu, ce type de projet doit s’inscrire dans une politique globale de développement durable qui souvent conjugue économie d’énergie et valorisation des territoires. isabelle gattegno Fonds Chaleur : des aides pour les EnR Créé dans le cadre du Grenelle de l’Environnement et géré par l’Ademe, le Fonds Chaleur constitue un soutien aux projets de production de chaleur renouvelable (biomasse, géothermie, solaire thermique, valorisation thermique du biogaz). Il est doté d’un montant de 1,2 milliard d’euros sur cinq ans. Dans ce cadre et afin de dynamiser la filière biomasse (70 % du Fonds Chaleur en tep), l’Ademe lance, chaque année, un appel à projets national Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire (BCIAT) à destination des entreprises des secteurs agricole, industriel et tertiaire privé souhaitant s’équiper d’installations assurant une production annuelle de chaleur à partir de biomasse (bois, déchets agricoles…) supérieure à 1 000 tep/an (voir carte ci-dessus). Les autres projets (moins de 1 000 tep/an) sont gérés par les directions régionales de l’Ademe. Quatre appels d’offres ont déjà été réalisés, le dernier étant en cours. Les dossiers doivent comprendre un diagnostic énergétique. Un nouveau BCIAT est prévu pour 2013.