Jeune et jolie
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Jeune et jolie
Jeune et jolie A la lecture du titre, je me suis demandé si ce n’était pas un film destiné aux filles ; en sortant de la projection, je me suis dit que non : certes le personnage principal est une fille et l’histoire est centrée sur elle, mais en tant que garçon je ne me suis pas ennuyé une minute. Tous les acteurs jouent bien, les séquences sont bien faites, le choix des plans aussi. L’histoire est celle d’une jeune fille qui, pendant des vacances en famille, couche pour la première fois avec un garçon, un soir sur une plage. Une fois revenue chez elle, en ville, on apprend qu’elle se prostitue ; le choc est d’autant plus grand que c’est une étudiante à première vue bien dans sa peau, avec une famille aimante et sans soucis. Elle ne fait pas ça pour l’argent, car sa famille a une bonne situation financière ; alors pourquoi ? Le réalisateur ne répondra pas et l’histoire n’a pas un début, un milieu et une fin, avec une conclusion ou un happy end. Le mystère reste donc entier tout au long du film. Sa famille apprend qu’elle se prostitue mais personne n’arrive à la comprendre. Doit-elle se prouver quelque chose ? Est-elle dans un jeu de tentation ? Tente-t-elle de combler l’absence du père ? Aucun indice n’est donné et le spectateur, transformé dès le début en voyeur, puisque les premières scènes sont vues à travers des jumelles et qu’on entre dans l’intimité d’Isabelle, doit construire son propre sens, sans aide. Certains sont du coup repoussés, notamment par la profusion de scènes de sexe qui peuvent paraître trop nombreuses et gênantes. Ce qui impressionne, c’est que si elle cesse de se prostituer lorsque sa famille découvre ce qu’elle fait, elle semble du coup prête à coucher avec son beau-père. Clairement, elle n’est jamais amoureuse d’aucun garçon. Au final, le spectateur est touché, tenté d’aider cette fille, et l’histoire est prenante, bouleversante on se prend à imaginer qu’elle peut aussi se passer dans la réalité ; on s’attache à l’actrice principale, quoique pas complètement : durant tout le film, elle donne l’impression de n’être pas vraiment présente. Ce film pose énormément de questions, aussi bien sur les raisons d’Isabelle que sur le comportement de ses parents : ont-ils les bonnes réactions ? Que ferions-nous nous-même ? Et il travaille le spectateur longtemps après, tant sur le plan moral – faut-il être choqué, faut-il réviser ses représentations sur la prostitution - que sur le plan du choix des scènes – savoir qu’elle se prostitue aurait certainement moins d’impact que ce qui nous est donné à voir, c’est-à-dire les scènes de prostitution. Il s’agit donc d’un beau film, malgré ses aspects glauques et le malaise provoqué, car le travail de réflexion et de construction du sens, sur ce que ressent Isabelle et sur ses motivations se fait à l’intérieur du spectateur. Il laisse chacun construire sa propre vision, à travers le lien qui s’établit avec cette fille. Pour ma part, je pense qu’elle se prostitue pour échapper à sa vie, où elle s’ennuie tellement que coucher avec ses clients lui permet de se mettre en valeur et de se prouver à elle-même qu’elle existe. Sébastien Pauchard