Comment en est-on arrivé à planter des haies en Champagne
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Comment en est-on arrivé à planter des haies en Champagne
Comment en est-on arrivé à planter des haies en Champagne pouilleuse ? Ou pourquoi et comment les chasseurs sont-ils devenus aménageurs ? De la chasse « cueillette »… Depuis la fin des années soixante-dix, la chasse revendique une dimension de gestion dont nos aïeuls ne se préoccupaient pas outre mesure. La nature fournissait annuellement suffisamment de perdreaux, de lièvres et de faisans, pour que la cueillette soit la règle. Les choses ont évolué. Le milieu est devenu plus hostile à la vie animale, notamment là où l’agriculture moderne a exprimé toutes ses capacités à produire à hauteur des ambitions des agronomes. La contrepartie a été soulignée après l’année de la sécheresse de 1976, date à partir de laquelle les populations de perdrix grises n’ont fait que décliner jusqu’à nos jours. Certes avec quelques soubresauts d’optimisme engendrés par des actions conduites par les techniciens de l’Office National de la Chasse et des Fédérations des Chasseurs. Le chasseur venait de comprendre que non seulement pour pérenniser son loisir, il devait s’imposer de gérer les populations gibiers, mais également qu’il lui fallait aménager leurs milieux de vie irrémédiablement grignotés par les techniques culturales performantes. … à l’amélioration des habitats du petit gibier Les premières bandes abris sont apparues dans les plaines beauceronnes ou champenoises, tranchant avec les grandes étendues de céréales, de betteraves sucrières ou encore de colza et de pommes de terre. La tôle-abri concentrait sur quelques mètres carrés 3 ou 4 buissons très bas, une tôle sur quatre piquets, un vieux pneu coupé en deux pour recueillir l’eau de pluie, un seau-agrainoir et deux pelletées de cendres pour le pouillage des perdrix. Et comme les micro-rongeurs installés sous la source du grain commençaient à attirer les belettes et autres prédateurs, la belettière complétait le dispositif pour le rendre cohérent. Le concept de la « station self-service » était né. Assez rapidement cet aménagement s’est avéré un peu simpliste et insuffisant, des programmes de subventions ont vu le jour pour réaliser haies, buissons, îlots boisés et autres plantations en zone agricole, créant ainsi une « biodiversification » que l’on considère aujourd’hui comme nécessaire pour rendre aux plaines agricoles une vocation faunistique qu’elles ont délaissée. Le chasseur aménageur de l’espace s’impose avec autant de pertinence que le chasseur gestionnaire des populations gibiers. Il n’y a pas plus d’un quart de siècle que les premières haies sont venues cloisonner la plaine productrice, leur mise en place s’étant heurtée à la génération des défricheurs de la Champagne Pouilleuse notamment. Ces derniers étaient tout sauf des replanteurs, et il a fallu faire pas mal de concessions pour réussir à imposer des séquences ligneuses en rive des parcelles de blé ou de betteraves. Le paillage plastique s’est avéré la solution technique la plus avancée pour répondre à la concurrence des graminées sur les jeunes plants (coût sans doute le plus bas quand on intègre la mise en œuvre, durabilité incontestable, efficacité maximale), même si aujourd’hui cette matière a de moins en moins la cote pour des raisons environnementales (problème de l’enlèvement et du recyclage du film plastique). Certaines essences exogènes ont été les ambassadrices de toutes les autres, le forsythia – pour ne citer que lui – apportant du jaune dans le paysage à une date où cette couleur constituait une curiosité. Avec les colzas précoces aujourd’hui, l’avenir de cette essence est sans doute remis en cause. L’actualité en matière d’aménagement de la plaine est certainement davantage de travailler à la pertinence de certains des éléments d’une haie ou d’un buisson, pour les rendre plus efficaces encore, et en phase avec les attentes sociétales et environnementales. La multifonctionnalité de l’aménagement est une piste, comme celle du développement durable en est une autre. Les paillages naturels, ou ceux issus du recyclage de nos déchets sont à l’aube de leur valorisation. Les entomologistes doivent pouvoir se retrouver sur une haie avec les ornithologues, les botanistes sur la plante bande herbacée qui la jouxte aussi. Insectes pollinisateurs, auxiliaires des cultures, oiseaux des buissons doivent pouvoir faire bon ménage avec les perdrix, les lièvres et les faisans. Quant à la sauvegarde des variétés anciennes de fruits locaux, si chère aux « Croqueurs de Pommes », le chasseur peut en être aujourd’hui un des meilleurs ambassadeurs en greffant avec d’anciennes variétés fruitières locales, les porte-greffes de fruitiers plantés dans la haie. Tout le travail d’inventaire local reste à faire, un verger conservatoire s’impose comme une ressource nécessaire à cette action. Imaginons le chasseur en maître d’ouvrage de tels aménagements, quel progrès dans l’approche cynégétique au service de notre environnement ! François SCHENINI, mai 2011 Crédits photo : Dominique Gest, Solène de Pontbriand