Critiques Musique

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Eels – Blinking Lights and Other Revelations (Etats-Unis)
« Rock »
8/10
Il me tardait de vous parler de Eels. Voilà qu'une magnifique occasion m'en
est donnée par cet album sublime, avouons le d'entrée. Après l'excellent
Souljacker orienté noise-rock, après un non moins excellent Shootenanny,
plutôt pop, nous voici confrontés à tout autre chose, un disque qu'il est
difficile de cataloguer. Bien sûr, Mark Oliver Everett, qui s'est attribué le
pseudonyme de Mr. E, semble rester ce qu'il a toujours été: un grand malade,
quelqu'un écorché par la vie. La mélancolie transpire toujours de toutes ses
chansons, même les plus gaies. Si les paroles restent souvent graves et
déprimées, musicalement parlant, il semble qu'un tournant ait été franchi depuis Shootenanny, dans
le sens où cette mélancolie s'exprime avec plus de légèreté, un peu comme d'anciens souvenirs
douloureux qui font doucement sourire. Une des choses remarquable avec cet album, c'est qu'il
réussit le pari difficile de maintenir un très bon niveau tout au cours de deux disques sur lesquels il
s'étend. Sans doute parce que comme en musique classique, certains thèmes récurrents se retrouvent
à travers tout l'album, comme le thème de Blinking Lights, qui reparaît régulièrement sous
différentes formes. D'un point de vue instrumental, tout cela est relativement dépouillé, sans pour
autant qu'on puisse caricaturer en présentant l'album comme une série d'enregistrements de E avec
sa guitare. Disons que si le piano et la guitare sont assez présents, un bon nombre de morceaux
donnent cette impression de complétude, qui fait que les quelques instruments semblent ne pas
nécessiter un accompagnement supplémentaire. En résumé, ce disque, magnifique tout du long, est
évidemment indispensable. Avec ses alternances dépressives/enjouées, l'ambiance qui s'en dégage
est assez particulière, le genre de disque à écouter bien au chaud par un froid matin d'hiver.
Maxime Lambrecht
Absynthe Minded – New Day (Belgique)
Rock
7/10
Un des grands – pour ne pas dire rares – espoirs de la scène rock flamande
actuelle. Ils sont Grand à Gand, occupent une place particulière dans le cœur de
Tom Barman (dEUS) et – alors que leur premier disque venait de sortir – ont
failli remporter la première place au Humo’s Rock Rally 2004. New Day, le
nouvel opus du jeune groupe à l’esprit toujours ailleurs, est produit par JMX
(TC Matic, Urban Dance Squad) et déjà un succès critique chez nos voisins
flamands. La musique d’Absynthe Minded forme un subtil mélange entre
sonorités rock et envolées fantaisistes plutôt jazzy. À la première écoute, on se sent un peu perdu
dans ce « melting pot » auditif, peu familier. Ce n’est donc qu’après avoir fait mijoté le disque sous
le laser des heures durant que toute la saveur et les arômes se dégagent – délicieusement. Par
rapport à Acquired Taste, cet album semble plus torturé, obscur ; même les morceaux plus
rythmiques connaissent des textes – ma foi – angoissants. Les envolées jazzy se font plus rares.
Aussi, l’expérience scénique a clairement fait infiltrer un vaste goût rock. Une constante apparente
est la mélancolie, la douce amertume qui poivre leurs chansons ici et là (One Way or Another, My
Heroics). I Don’t Buy It, avec d’un côté son intro frissonnante suivie de l’entrée vocale désemparée
de Bert Ostyn, et de l’autre le revirement à 180° en refrain presque euphorique, dévoile cette dualité
– soyons fous ! parlons d’esprit « fin-de-siècle » – qui démarque ce groupe. Petite critique tout de
même ; les gentilles chansonnettes (Substitute) c’est bien joli, mais ça n’apporte pas grand-chose à
l’esprit du disque. Je préfère alors largement le côté puissant et contraire de, au hasard, la plage
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titulaire. (Même si sur scène elle est bien plus enivrante.) Absynthe Minded n’a toujours pas de
chef-d’œuvre à ajouter à sa discographie, mais tous les ingrédients sont déjà en place. Et puis des
morceaux comme Fortune et All It Is – y a rien à redire – frôlent déjà la perfection. À découvrir
absolument, tant sur scène que sur disque.
François Haesebroek
Gorillaz – Demon Days (Grande-Bretagne)
Rock/Hip-hop
6/10
Demon Days est plus sombre que son prédécesseur et, aussi, nettement moins
radiogénique. Gorillaz est devenu le projet solo par excellence de Damon
Albarn (même si la liste d’invités est impressionnante : De La Soul, Neneh
Cherry, Roots Manuva, Shaun Ryder, etc...). C’est donc sans grande surprise
qu’on retrouve ici les lamentations dont Damon seul tient la recette, et où il
brosse le tableau d’un monde désolé et perdu. Un monde hanté par nos
démons et quelques rares âmes solitaires. Certes, une vision peu joyeuse de
l’état actuel des choses, mais on la lui connaît et on apprécie. Il chante l’hiver de sa vie, de son
vécu. Autrement dit, l’infinie tristesse déjà aperçue sur le dernier album de Blur refait surface. Des
titres comme Every Planet We Reach Is Dead et November Has Come évoquent bien cet état
d’esprit. C’est ce message aigre-doux d’un idéaliste un peu perdu dans son monde qui va droit à la
perte. Mais il y a plus. Prenez Feel Good Inc., par exemple : du Gorillaz pur sang, funky, estival.
Les paroles sont tout aussi tourmentées, mais la musique est accrocheuse à mort. Même chose pour
All Alone : musicalement, on pourrait parler d’un hymne, un Myxomatosis façon Albarn.
Textuellement… ça donne franchement moins envie de bouger. White Light et DARE (avec le
chanteur des The Streets) s’ajoutent à cette face remontée, énergique du disque. Très dansant. Puis
revient le temps du recueil. Fire Coming Out of the Monkey’s Head est la petite histoire d’un peuple
vivant en paix au pied d’une montagne (la Monkey), jusqu’au jour où des ombres étrangères
viennent envahir l’île et déranger l’équilibre… quelque chose vous vient-il à l’esprit ? Les deux
chansons qui clôturent Demon Days parviennent tant bien que mal à donner un peu d’espoir, avec
leurs chœurs gospel rassurants et apaisants. Nous en venons ainsi à la conclusion. Je n’ai pas été, à
vrai dire, renversé par ce disque. Il lui manque un petit quelque chose. L’état « démo » des
chansons, plutôt inachevées sur le plan de la production, n’y est pour rien. C’est du lo-fi, après tout.
Non, je dirais plutôt que c’est un manque de recherche dans les compositions (Oh Green World,
Dirty Harry) et de cohérence qui font sombrer quelque peu cet album. Dommage, le potentiel y
était.
François Haesebroek
Bacon Caravan Creek – Behind a Wish (Belgique)
Pop Rock
7/10
C’est bien connu et reconnu, la scène francophone est en ébullition. Bacon caravan
creek fait partie de cette nouvelle vague rock prête à éclabousser le monde de sa
classe. Découvert en 2003 lors du concourt circuit, ils avaient décroché une place
en finale terminant troisième lauréat, s’inclinant cette année la devant le rock
énergique des Hollywood porn star. Derrière ce nom farfelu (caricature de la classe
moyenne américaine), les quatre hutois ont réussi à créer une atmosphère unique mélangeant
subtilement Rock et Electro. Day after pride, morceau d’ouverture de l’album nous emmène
directement dans leur univers touchant. Une guitare simple mais pas simpliste appuyée par le chant
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assuré de Nicolas Perat et le tour est joué, on tombe sous le charme. Coma tale et relentlessly (pour
ne citer qu’eux), légèrement plus Electro reflètent au mieux cet album riche en émotions. En bref,
ils ont mis le doigt sur quelque chose ! A noter aussi que Bacon Caravan Creek est surtout un
groupe de scène recréant à la perfection l’ambiance de Behind a wish. En concert aux Nuits Botanique le
jeudi 12 mai en première partie de Millionnaire et de Out Hud.
François Randour
Superlux – Winchester Fanfare (Belgique)
Electro/Rock
7,5/10
Voici encore une révélation belge dont nous pouvons être fier. Superlux,
originaire de Liège a suivi la voix ouverte par sold out et Hollywood porn star.
S’entourant d’une flûte traversière (oui oui !!) et d’une chanteuse de jazz, les
trois fondateurs de Superlux ont réussi leur pari, un album impressionnant. Leur
Electro, encore fort imprégné de sons électriques, est efficace et directe. Des
chansons tels que Alarm, Tabloid ou Assomption II ne peuvent pas vous laisser
indifférent. Pêle-mêle, on retrouve une électro-dance de la fin des années ’80 mais aussi pas mal de
dub et de sons new wave, ce qui vous vous en doutez, est un cocktail parfait pour vous trémoussez
au rythme de la musique. En bref, comme dirait Jérôme colin, c’est bien balancé. Encore une fois,
ce groupe prend toute sa dimension sur scène alors n’hésitez pas. En concert aux Nuits Botanique le
samedi 14 mai en première partie de Mylo.
François Randour
Le peuple de l'herbe – Cube (France)
Trip-hop
7,5/10
« Si vous êtes content, amenez nous vos amis » nous ordonne le Peuple de
l’Herbe à l’épilogue de « Cube », dernier album des dj’s français. OK, je
m’exécute !
Lorsqu’un beau jour, il m’était venu à l’idée d’écouter du Peuple de
l’Herbe, je m’attendais à entendre un ragga quelque peu ronflant, genre
musical souvent associé au mot « herbe ». Mais, il n’en n’était rien. Déjà,
dans leur précédent opus (« PH test/two »), les français nous livrait déjà
cette musique entraînante et originale qu’on retrouve dans « Cube ».
Donc, autant le nom du groupe peut nous induire en erreur quant à la nature de leur son (serait-ce
voulu ??), autant le nom « Cube » désigne parfaitement ce nouvel album, bien plus affirmé que les
précédents.
En effet, au moyen d’une multitude d’influences (Dub, trip-hop, acid jazz, Funk, Hip-Hop,…) et de
« bruitages » divers parfaitement mis en musique, Le Peuple de l’Herbe a façonné un cube au burin
et au marteau avec une formidable dextérité. Il y a bien entendu les moments « forts » de l’album
(« Keep Rokin’ » « La Musique Electronique » « Cad ? ») mais c’est vraiment l’ensemble qui
impressionne. Mais, petit bémol, on peut regretter tout de même que le mariage de l’acid jazz et du
trip-hop (ce qui avait fait la renommée des précédents albums) soit passé à la trappe, au profit d’un
« emballage » plus funky. Mais bon, un dj, c’est comme un coach de foot, il a le choix entre
différentes options et, quand il gagne, il a toujours raison. Et comme c’est le cas…
François Haenecour
Mai 2005 - Le Marais
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