comment distinguer la violence conjugale de la chicane de couple

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comment distinguer la violence conjugale de la chicane de couple
COMMENT DISTINGUER LA VIOLENCE CONJUGALE
DE LA CHICANE DE COUPLE ?
Tout le monde peut un jour ou l’autre avoir des comportements
agressifs, claquer des portes, donner des coups, crier des bêtises
à sa ou son partenaire.
Est-ce de la violence conjugale ?
Ou plutôt une chicane de couple ?
En fait, c’est le contexte dans lequel l’agression s’exerce qui va
déterminer si oui ou non il s’agit de violence conjugale. La gifle
d’un conjoint envers sa partenaire par exemple peut être
interprétée de différentes façons selon les intentions de la
personne qui commet l’agression et son impact.
L’examen d’une scène d’agression repose sur quatre critères qui permettent de
faire la distinction entre une scène de violence conjugale et une chicane de couple.
1. Le type d’agression : quel type d’agression est utilisé et comment l’agression se
manifeste-t-elle?
2. Le gain recherché : y a-t-il une des deux personnes qui veut gagner à tout prix
et que veut-elle gagner ?
3. L’impact : l’agression a-t-elle un impact sur la personne qui la subit ? Quel type
d’impact?
4. L’explication : comment l’agression est-elle expliquée?
Deux autres éléments aident également à distinguer la chicane de couple de la
violence conjugale.
1. La répétition : il est important de savoir si l’agression est ponctuelle ou si elle
survient souvent.
2. Le pouvoir : il est important de comprendre le type de relation vécu par le
couple, de savoir si le pouvoir est partagé.
Comment distinguer la violence conjugale de la chicane de couple
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale – 2012
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LA VIOLENCE CONJUGALE
La violence conjugale ne surgit pas par hasard, elle s'exerce toujours dans le cadre
d'une relation amoureuse et même après une séparation. Dans le couple, il y a une
personne, toujours la même, habituellement l'homme, qui cherche à soumettre sa
partenaire (recherche du pouvoir) en l'agressant de différentes façons (agression
intentionnelle). L'agression n'est pas le simple fait de quelques gestes, de gifles ou
d'insultes ; elle renvoie à une foule de comportements quotidiens, depuis les coups
superficiels jusqu'aux blessures graves, en passant par les insultes, les menaces ou le
viol.
La violence conjugale persiste dans le temps (répétition du cycle) et installe lentement
mais sûrement une dynamique permettant à l'agresseur de garder le contrôle sur sa
partenaire. Avec le temps, celle-ci sera non seulement atteinte dans son intégrité
physique et morale, mais aussi de plus en plus décentrée d'elle-même (impact sur la
victime).
1. TYPE D’AGRESSION : Indépendamment des formes de violence utilisées
(physique, psychologique, verbale, sexuelle ou économique), les
agressions sont stratégiques et intentionnelles dans le but de dominer
l’autre.
Violence conjugale
La violence conjugale est un moyen choisi pour obtenir le pouvoir sur l’autre :
c’est une agression intentionnelle. Même si les gestes, pris isolément, ont
souvent une allure de perte de contrôle, dans leur ensemble, ils démontrent bien
l’intention de contrôle par des stratégies pouvant prendre diverses formes telles
que psychologique, verbale, physique, sexuelle ou économique.
Chicane de couple
Dans les chicanes de couple, les partenaires argumentent sur l’objet du différend
qui les oppose avec l’intention de gagner. Il peut se produire, dans des conflits
corsés, des manifestations d’agressivité qui apparaissent comme une décharge
de la tension créée par la frustration. Mais, il ne s’agit pas de gestes visant à faire
peur à l’autre ou à l’intimider.
Il est important de retenir que quels qu’en soient les origines et les motifs,
l’agression intentionnelle doit toujours être clairement distinguée de
l’agressivité.
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2. GAIN : En violence conjugale, il y a une personne qui veut gagner à tout
prix au détriment de sa victime. L’agresseur veut avoir le contrôle et le
pouvoir sur sa victime, et ce, sans avoir à négocier.
Violence conjugale
Dans une relation où sévit la violence conjugale, l’agresseur initie les agressions
et cherche à l’emporter sur l’autre. Il utilisera les moyens nécessaires pour
maintenir son pouvoir et saisira différents prétextes. Ce qui est en jeu, c’est le
désir de contrôler l’autre.
Chicane de couple
La chicane de couple s’exprime souvent par des disputes entre les deux
partenaires. Dans ce cas, il ne s’agit pas tant de gagner et d’avoir le dessus sur
l’autre mais de le convaincre de son bon droit. Bien souvent, les deux veulent
gagner, mais pas à tout prix. Ce qui est en jeu, c’est le sujet de la dispute.
3. IMPACT : La violence conjugale a un impact sur la victime, sur sa liberté de
réagir. La peur, le doute, la honte ou la culpabilité amènent généralement la
victime à se soumettre.
Violence conjugale
La violence conjugale a un effet sur la personne qui la subit : peur, honte, perte
d’estime de soi, humiliation, soumission, etc. En fait, il y a un conjoint qui veut
le pouvoir à tout prix et l’autre qui est contraint de s’y soumettre, sans
quoi… La victime ne peut donc s’exprimer librement par peur des représailles.
Ainsi, pour acheter la paix, pour rétablir un semblant d’harmonie ou éviter des
blessures plus importantes, la victime sera stratégique dans sa réaction. Sa nonsoumission ou sa réplique pourrait être source de danger pour elle et ses enfants
s’il y a lieu. Elle peut aussi juger plus approprié de se défendre verbalement ou
même physiquement, mais cette riposte sera en réaction à l’agression ; elle n’a
rien à gagner pour elle-même si ce n’est que d’avoir la paix.
Chicane de couple
Dans une chicane de couple, les deux partenaires ne se sentent ni menacés ni
craintifs, mais plutôt sur un pied d’égalité. Ils sont donc libres et spontanés dans
leurs propos et leurs réactions.
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4. EXPLICATION : Dans un contexte de violence conjugale, le partenaire qui
agresse trouve une façon de justifier ses actions parce qu’il ne veut pas
perdre le pouvoir.
Violence conjugale
Dans une relation où se vit de la violence conjugale, l’agresseur ne veut pas être
pris en défaut. Il refuse de perdre le pouvoir, il refuse de s’expliquer et utilise
diverses stratégies pour se justifier. Par exemple, il banalise son geste ou
encore prétend qu’il a été provoqué. Il invoque la légitime défense ou bien des
circonstances atténuantes telles que le stress, une enfance malheureuse, l’alcool,
etc. Il s’arrange pour ne pas être responsable de ses actions et c’est en se
justifiant qu’il évite de mettre son pouvoir en jeu.
Chicane de couple
Dans une chicane de couple, les partenaires n’ont rien à cacher ni aucun
pouvoir à préserver. Ainsi, ils expliquent leur geste avec transparence. Ils
peuvent également reconnaître leurs torts et s’excuser.
En plus de ces quatre critères, deux questions supplémentaires aident à
distinguer la violence conjugale de la chicane de couple.
Y a-t-il répétition de l’agression?
Le facteur de répétition est présent dans un contexte de violence conjugale. Celleci se répète au rythme d’un cycle de violence, c’est-à-dire suivant les quatre phases,
et se maintient grâce aux stratégies de justifications.
La violence conjugale s’exprime à travers des stratégies cycliques et récurrentes.
Elle persiste dans le temps et il est aisé de reconnaître les étapes du cycle d’une
crise à l’autre. Il y a en fait une dynamique qui s’installe progressivement où
l’agresseur emploie une gamme de stratégies pour que sa victime obtempère à ses
désirs, quand et comme il le veut.
Dans le cas des chicanes de couple, même si certains sujets de discorde peuvent
être récurrents (par exemple, le partage des tâches domestiques), il n’y a pas
nécessairement de pattern qui s’installe. Les prises de bec se vivent généralement
en toute transparence et les rôles sont interchangeables. Parfois l’un est à l’origine
de la dispute et parfois l’autre.
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Le pouvoir est-il partagé dans le couple?
Le partage du pouvoir dans le couple est un autre indice. Dans une relation où se vit
de la violence conjugale, l’agresseur détient le pouvoir. Même si la relation semble
plus ou moins égalitaire en période de calme, elle bascule à l’avantage de
l’agresseur durant l’agression et à la suite de celle-ci. La relation inégalitaire s’installe
dans le couple, au-delà des agressions.
Dans le cas des chicanes de couple, la relation demeure relativement égalitaire
avant, pendant et après les prises de bec. Dans une relation égalitaire, il n’y a pas de
volonté de contrôle et de domination. C’est ce qui permet aux deux membres du
couple de conserver leur liberté, de s’exprimer, d’argumenter et de réagir librement,
sans crainte de représailles.
En bref
• L’enjeu premier de la violence conjugale est pour l’un de gagner à tout prix sur
l’autre, d’obtenir le pouvoir au moyen d’agressions, alors que dans les chicanes
de couple, il s’agit de gagner sur le différend et de convaincre l’autre de son plein
droit.
• En contexte de violence conjugale, il y a des agressions dont l’intention est la
domination, alors que dans une chicane de couple, il y a de l’argumentation sur
l’objet du différend. Il peut toutefois y avoir des gestes ou des paroles agressifs
sans pour autant viser à rendre l’autre personne impuissante et la blesser.
• La violence conjugale est organisée et persistante dans sa progression (à travers
son cycle) alors que la chicane de couple est souvent non planifiée, même si
certains sujets de discorde peuvent revenir.
• La violence conjugale a un effet destructeur sur la victime, la met dans
l’impuissance et l’oblige à une réaction stratégique devant l’agression, alors que
dans une chicane de couple, il y a une liberté de réaction puisque la peur de
l’autre est absente.
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