Michèle Lesbre - Mairie de Fuveau

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Michèle Lesbre - Mairie de Fuveau
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Michèle Lesbre
Née en 1939, Michèle Lesbre interrompt sa carrière dans l’éducation nationale au profit de l’écriture.
Si ses premières publications sont plutôt des romans noirs, elle trouve avec Nina par hasard (2001)
une écriture singulière et régulière animant des récits dans lesquels les personnages sont traversés par
l’Histoire sans en faire des romans historiques ou lourds. Fidèle à son éditrice, Sabine Wespieser,
Michèle Lesbre acquiert une certaine notoriété dès 2005 avec les multiples prix remportés par la Petite
Trotteuse, puis avec le succès critique du Canapé rouge, finaliste du prix Goncourt en 2007. Elle a été
nommée chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres en janvier 2010. Dés lors, elle fait partie des
auteurs incontournables qui ont un style bien à eux, libres des tendances, jouant le jeu de la fiction et
dont, comme le dit son éditrice, l’œuvre « hante[…] la mémoire ». Ces écrits sont d’une sensibilité
rare, dépouillés de tout superflu, conférant au lecteur une certaine sérénité.
Bibliographie :
La Belle Inutile, Le Rocher, 1991
Un homme assis, Manya, 1993
Une simple chute, Actes Sud, 1997
Que la nuit demeure, Actes Sud, 1999
Victor Dojlida, une vie dans l'ombre, Noésis, 2001
Nina par hasard, Le Seuil, 2001
Boléro, Sabine Wespieser, 2003
Un certain Felloni, Sabine Wespieser, 2004
La Petite Trotteuse, Sabine Wespieser, 2005
Le Canapé rouge, Sabine Wespieser, 2007
Sur le sable, Sabine Wespieser, 2009
Nina par hasard, Sabine Wespieser, 2010
Mais d'où venez-vous ?, avec Sylvie Granotier, Seuil, 2010
Un lac immense et blanc, Sabine Wespieser, 2011
Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Michèle_Lesbre
http://www.evene.fr/celebre/biographie/michele-lesbre-16151.php
http://www.swediteur.com/auteur.php?id=12
INTERVIEW MICHELE LESBRE : Une écriture hors du temps
Emilie Valentin pour Evene.fr - Novembre 2005 - Le 02/11/2005 : http://www.evene.fr/livres/actualite/interview-michelelesbre-227.php
Michèle Lesbre est l'auteur de 'La Petite Trotteuse', l'un de ces rares
romans qui, sans tambours ni trompettes, parviennent à se frayer un
chemin parmi l'avalanche de la rentrée littéraire. Un coup de cœur, du bouche-à-oreille et
beaucoup de talent, tout simplement.
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La narratrice de 'La Petite trotteuse' emporte le lecteur avec elle dans une quête. Mais que recherchet-elle ? Officiellement, une maison, puisqu'elle en visite trente. Et ce qu'elle trouve, finalement, c'est
son histoire, sa famille, et surtout elle-même, à travers quelques souvenirs de son père, remontés à la
surface des années après sa mort, lorsque par hasard, elle découvre sa montre. Michèle Lesbre a écrit
ce roman à partir de bribes de son histoire personnelle, Evene l'a rencontrée.
Dans quelle mesure peut-on dire que 'La Petite trotteuse' est un livre autobiographique ?
La montre est la véritable origine du livre : j'ai trouvé la montre de mon père et j'ai su que j'allais
écrire un roman. J'ai fait cette découverte douloureuse, et j'ai décidé de l'utiliser pour écrire. Mais pas
une autobiographie. Parce que pour bien parler de soi il faut parler des autres. J'ai donc travaillé, à
partir de cette montre de mon père, pour faire un roman lisible par tous. Parce que finalement,
écrire, c'est transformer la douleur, l'émotion, les faits, les expériences, en quelque chose
d'universel. Quand je dis transformer, je ne sous-entends pas dénaturer, mais construire. C'est pour
cela que ce point de départ, la montre, sa découverte, je le fais vivre à la narratrice. Qui n'est pas moi
mais qui est un peu moi.
Et comment se sent-on quand on termine un roman si personnel ?
C'est un livre d'apaisement, de paix. Je suis allée au bout. Trouver cette montre, écrire ce livre. Tout
livre participe à construire son auteur, parce que écrire, c'est faire un travail sur soi. Tous les gens qui
écrivent sont dans une quête de soi. Moi je passe par la fiction parce que c'est en cela que je crois,
c'est elle qui parle le mieux de la vie, et même de l'Histoire. La fiction me permet de prendre une
bonne distance avec moi-même, de construire quelque chose qui va devenir universel, de
faire bouger. C'est dans la fiction que je suis plus proche de moi. Si je me raconte sous la forme
d'une biographie, j'ai l'impression de paraphraser ma vie.
Pour un roman intitulé 'la Petite trotteuse', il est surprenant de trouver une trame si souple,
un récit si peu chronologique. Comme parvenez-vous à prendre autant de libertés avec le
rapport au temps sans que le lecteur ne se sente perdu ?
Il s'agit d'un roman sur le temps, les différents temps qui nous construisent, les chemins vers la
lumière. J'ai d'ailleurs choisi de situer le roman sur les bords de Loire, pour leur lumière. La narratrice
flotte dans différents temps. Car on est toujours en interaction entre différentes époques. Le présent
est fluctuant, il y a toujours un peu du passé qui survient. Les temps résonnent les uns avec les autres,
le présent est impalpable, toujours en mouvement. Et ma narratrice s'abandonne à cela. Dans ce
tourbillon dans lequel elle flotte. À travers les maisons que son père a dessinées, elle entre en contact
avec lui. Cet homme silencieux, mystérieux. Même s'il est mort tôt, une relation s'est entretenue entre
eux dans le temps. Une relation à partir de celui qu'elle croit qu'il est. On se fait toujours une idée
des autres. Mais qui sont vraiment les autres ? Il y a une part inaccessible dans chaque être. Une part
de doute qu'il faut accepter pour se construire. On peut même dire que c'est elle-même qu'elle cherche
à travers cette quête. La découverte de la montre la plonge dans la ruine, dans un chagrin qu'elle croit
insurmontable. Mais elle se rend compte qu'elle a vécu.
Et c'est en visitant des maisons qu'elle prend conscience de cela ?
Oui, car les lieux sont très porteurs. Ils peuvent être les personnages à part entière.
Un magazine littéraire a dit que la lumière et le temps étaient traités comme des
personnages dans ce roman. Cela m'a fait plaisir. Il en est de même pour l'espace, je
crois en la force des lieux. Dans 'La Petite trotteuse' ils ont une grande importance. La
narratrice visite des maisons. Pas des maisons neuves car c'est dans des lieux qui
portent les traces d'autres personnes qu'elle se libère de son propre décor et qu'elle
arrive à surmonter l'émotion de la montre. C'est ce qui m'arrive quand je vais dans un lieu qui n'est
pas le mien pour écrire. Tout à coup je trouve une disponibilité, une concentration que je trouve de
façon moindre chez moi. La semaine dernière j'ai passé quatre jours dans un lieu neutre et j'ai réussi à
mettre en place l'embryon de mon prochain roman. Car c'est en sortant, en allant aux devants de
l'aventure que l'on arrive à se trouver. Mon prochain roman se consacrera d'ailleurs certainement à
l'espace et au voyage, aux déplacements qui permettent de trouver notre vraie place dans le monde.
Partir, c'est partir à sa propre quête.
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Et la vôtre, de quête, est passée par l'écriture ?
La vie se construit par étapes, pour moi il y a eu la Seconde Guerre mondiale, celle qui m'a vu naître,
puis l'Algérie, mai 1968, et aussi le rapport à mon père. J'ai longtemps rodé, dans mes romans, autour
de la guerre, et mes derniers livres y ont pris racine. 'La Petite trotteuse' clos en quelque sorte un
cycle sur cette guerre. Dans 'Un certain Felloni' (éditions Sabine Wespieser), j'ai écrit l'histoire d'un
homme ordinaire qui part à vélo et se fait prendre dans une embuscade fasciste, et 'Victor Dojlida, une
vie dans l'ombre' (éditions Agnès Viénot), celle d'un fils d'immigrés. Mes romans sont des récits dans
lesquels l'Histoire et les événements traversent la vie d'un personnage.
Le contexte historique est donc très important dans vos romans. Mais dans 'La Petite
Trotteuse', ce sont également les références théâtrales qui structurent le récit. C'est un
domaine que vous aimez ?
La littérature est ce qui me lie au monde. C'est par là que je parviens à trouver ma place, à me situer.
Mais le théâtre, c'est là que tout se dit, que tout se joue. Il a un sens politique, dans le bon sens du
terme. Dans les textes classiques on retrouve les grandes questions, le sens de la vie. Dans le cinéma
et la littérature, on trouve cela aussi, mais au théâtre il y a quelque chose de plus. Cela vient de la
beauté du texte et surtout de la présence humaine, des gens qui sont sur scène et qui se mettent en
danger. Quand je sors du théâtre, j'ai le sentiment d'être allée chercher de la nourriture. C'est pour
cela que je vais au théâtre, pour trouver du sens.
Vous aimeriez écrire pour le théâtre ?
Je connais une comédienne qui a aimé mon roman et pour qui j'aimerais écrire un monologue, mais
quand j'y pense l'envie me vient, et le trac aussi. Déjà au théâtre de la Colline, quand mon texte a été
lu par Anne Alvaro, il était porté par une voix, par un comédien. Cela ajoute une émotion. Je ne sais
pas si je suis prête à écrire pour être jouée. La présence humaine, la voix, cela me tétanise. J'écris
pour un lecteur anonyme. Chacun lit avec ce qu'il est, avec son expérience, son passé. Alors parfois,
les gens lisent des choses que je n'ai pas voulu écrire. Mais, je l'accepte très bien. Je le fais moi-même
en tant que lectrice. C'est bien, parce que cela veut dire qu'un échange s'opère.
NINA PAR HASARD. Nina est apprentie coiffeuse à Roubaix. Sa mère, Susy, travaille dans une des
dernières petites usines textiles du nord de la France. Dans l’univers clos de ces deux femmes, les
hommes ne sont que des passions ravageuses pour la mère, des pères impossibles pour la fille qui, au
sortir de l’adolescence, a sur le monde un regard d’une singulière lucidité.
Avec son premier salaire, Nina a décidé de souhaiter son anniversaire à Susy en l’emmenant au bord
de la mer. C’était sans compter avec Delplat, le patron cynique qui tous les vendredis vient « se faire
rafraîchir » au salon de coiffure, sans compter avec Legendre, le contremaître aux comportements
sadiques à l’origine de la grève, sans compter avec l’accident du travail de Louise, la meilleure amie de
Susy, ni avec le naufrage des idéaux et des illusions dans le rude monde des adultes. Pourtant les
bonheurs fugaces, les bals du dimanche, la belle solidarité des femmes, et aussi Arnold, l’ami de Nina
(qui lui montre les oiseaux et l’emmène au théâtre où elle rêve à une autre Nina, celle de La Mouette),
laissent ouvertes les portes d’un ailleurs possible.
Michèle Lesbre vit à Paris. Après avoir écrit des romans noirs, c’est avec Nina par hasard, publié pour
la première fois aux éditions du Seuil en 2001, que Michèle Lesbre est passée à la littérature générale.
http://www.librairiedialogues.fr/article/1227442-nina-par-hasard-roman-michele-lesbre-s-wespieser
LA PETITE TROTTEUSE. D’un geste machinal, j’avais mis la montre en marche. Le tic-tac avait surgi
avec une violence inattendue. J’avais cru ne pas survivre à ce bruit presque imperceptible, cette course
inexorable de la petite trotteuse qui me donnait le vertige. Trente ans après sa mort, mon père me
quittait de nouveau. La douleur était entrée en moi d’un seul coup. M. L.
Depuis qu’elle a retrouvé cette montre, la narratrice s’est elle-même mise en mouvement : suivant une
impulsion implacable, elle visite des maisons, comme pour retrouver le lieu d’un rendez-vous manqué.
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Alors qu’elle est au bout de son improbable quête, le présent se substitue de plus en plus souvent, en
autant de fondus enchaînés, à des scènes de sa vie passée : dans l’hôtel où elle s’est installée, le gros
chat orange la renvoie à celui qui l’attend quelque part, mais aussi au compagnon de ses jeux de petite
fille ; les pas de son voisin se superposent à ceux de son père, lourds de chagrin ; l’ombre de sa mère,
silhouette frivole, rôde…
Dans la maison du bord de mer, dernière étape du périple, la houle des souvenirs l’assaille : les images
de son enfance qui commença avec la guerre, celles des uniques vacances en famille, un désastre,
celles d’esquisses de maisons aussi, dessinées par un père triste et mystérieux, mort trop tôt et avec
qui pourtant elle n’a pas cessé de s’entretenir.
Peu à peu se construit, sous nos yeux, et presque à l’insu de la narratrice, un magnifique et subtil
roman des origines : les fils de sa vie se dénouent, ses engagements s’éclairent à la lumière des idées
qu’elle soupçonne avoir été celles de son père… et elle connaît enfin l’apaisement.
Jamais Michèle Lesbre n’est allée si loin dans l’entrelacement de son expérience intime et de la fiction,
et jamais elle n’a montré de manière si lumineuse le pouvoir rédempteur des mots, qu’elle tisse
comme un enchantement.
http://www.librairiedialogues.fr/article/251844-la-petite-trotteuse-roman-michele-lesbre-s-wespieser
LE CANAPÉ ROUGE. Parce qu’elle était sans nouvelles de Gyl, qu’elle avait naguère aimé, la narratrice
est partie sur ses traces. Dans le transsibérien qui la conduit à Irkoutsk, Anne s’interroge sur cet
homme qui, plutôt que de renoncer aux utopies auxquelles ils avaient cru, tente de construite sur les
bords du Baïkal un nouveau monde idéal.
À la faveur des rencontres dans le train et sur les quais, des paysages qui défilent et aussi de ses
lectures, elle laisse vagabonder ses pensées, qui la renvoient sans cesse à la vieille dame qu’elle a
laissée à Paris. Clémence Barrot doit l’attendre sur son canapé rouge, au fond de l’appartement d’où
elle ne sort plus guère. Elle brûle sans doute de connaître la suite des aventures d’Olympe de Gouges,
auteur de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, de Marion du Faouët qui, à la tête
de sa troupe de brigands, redistribuait aux miséreux le fruit de ses rapines, et surtout de Milena
Jesenská qui avait traversé la Moldau à la nage pour ne pas laisser attendre son amant. Autour du
destin de ces femmes libres, courageuses et rebelles, dont Anne lisait la vie à l’ancienne modiste, une
belle complicité s’était tissée, faite de confidences et de souvenirs partagés. À mesure que se poursuit
le voyage, les retrouvailles avec Gyl perdent leur importance. Arrivée à son village, Anne ne cherchera
même pas à le rencontrer…
Dans le miroir que lui tend de son canapé rouge Clémence, l’éternelle amoureuse, elle a trouvé ce qui
l’a entraînée si loin : des raisons de continuer, malgré les amours perdues, les révolutions ratées et le
temps qui a passé.
Le dixième livre de Michèle Lesbre est un roman lumineux sur le désir, un de ces textes dont les échos
résonnent longtemps après que la lecture en est achevée.
http://www.librairiedialogues.fr/article/611325-le-canape-rouge-roman-michele-lesbre-s-wespieser
Le Lac immense et blanc. « Je réinvente ma vie dans le désordre en mélangeant les temps, les
lieux, les êtres chers, mais c’est tout de même ma vraie vie. Peut-être que cette journée est un cadeau
plutôt qu’un empêchement et un rendez-vous manqué. J’attendais l’Italien, c’est Antoine qui est venu,
dans le silence de la ville qui est une autre ville, lointaine et familière à la fois. » M. L.
Par un matin de neige, la narratrice attend dans une gare un homme qu’elle ne connaît pas : elle a
envie de parler de Ferrare avec cet étranger qui, tous les mercredis matin, dans ce Café lunaire où ils
ont leurs habitudes, évoque inlassablement sa ville d’origine. Elle a pris sa journée, mais l’homme
n’arrive pas par le train habituel.
Dès lors le temps s’étire, en autant de fondus enchaînés que favorise la blancheur environnante : les
grilles du Jardin des Plantes s’estompent, laissant place au « lac immense et blanc », noyé sous la
neige de l’Aubrac, où Édith Arnaud vécut ses premières amours et ses premiers combats politiques.
Elle n’a jamais revu Antoine, le jeune homme en colère qui, à l’aube des années soixante, voulait
changer le monde. Sa silhouette traverse le récit et bientôt se superpose à celle de l’Italien du delta du
Pô, dont les brumes hantent le paysage mental de cette femme rompue à l’usage du monde.
Le temps qui passe, la perte des illusions et les rendez-vous manqués ont pourtant éveillé en elle une
joyeuse mélancolie. Témoin ses dialogues loufoques avec le corbeau freux du Jardin des Plantes… Dans
le silence et la blancheur de cette journée particulière, la solitude a moins que jamais le goût des
renoncements.
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Entrelaçant fiction et expérience intime, Michèle Lesbre est, dans ce récit lumineux, au plus près d’ellemême.
http://www.librairiedialogues.fr/livre/1804289-un-lac-immense-et-blanc-michele-lesbre-sabinewespieser