Étude exploratoire d`un questionnaire sur les troubles de la

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Étude exploratoire d`un questionnaire sur les troubles de la
L’Encéphale (2008) 34, 517—525
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
PSYCHOPATHOLOGIE
Étude exploratoire d’un questionnaire
sur les troubles de la personnalité
An exploratory study of a personality
disorders questionnaire
M. Bouvard ∗, P. Cosma
Département de psychologie, université de Savoie, Jacob-Bellecombette, B.P. 1104,
73011 Chambéry cedex, France
Reçu le 5 avril 2006 ; accepté le 24 août 2007
Disponible sur Internet le 26 décembre 2007
MOTS CLÉS
Trouble de la
personnalité ;
Dimensions normales
de la personnalité ;
Questionnaire des
troubles de la
personnalité ;
Questionnaire de
personnalité révisé et
abrégé d’Eysenck
KEYWORDS
Personality disorder;
Normal personality
dimensions;
Personality
Questionnaire;
Eysenck Personality
Questionnaire
Revised-Abbreviated
∗
Résumé L’objectif de la recherche est d’évaluer un questionnaire sur les troubles de la personnalité dans un groupe d’étudiants français. Deux questionnaires ont été administrés, le
questionnaire des troubles de la personnalité d’Hyler et le questionnaire de personnalité révisé
et abrégé d’Eysenck. Les sujets ont été classés à partir de leurs réponses au questionnaire
d’Hyler (le PDQ-4 plus) et un mini entretien en sujets contrôles ou sujets présentant un (ou
des) troubles de la personnalité. Nous avons ensuite comparé les sujets ayant atteint le seuil
pathologique à un trouble de la personnalité aux sujets indemnes de troubles de la personnalité et aux sujets présentant d’autres troubles de la personnalité (selon le PDQ-4 plus) sur
les dimensions normales de la personnalité d’Eysenck. Cette étude préliminaire est le premier
rapport concernant la version française du questionnaire sur les troubles de la personnalité
d’Hyler.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Summary
Introduction. — This exploratory study combined a preliminary evaluation of the French version
of Hyler’s [Hyler S.E. Personality Questionnaire (PDQ-4 plus). New York: New York State Psychiatric Institute; 1994] Personality Diagnostics Questionnaire (PDQ-4 plus) with an investigation into
whether Eysenck’s personality dimensions allow us to differentiate between subjects diagnosed
by the PDQ-4 plus as showing at least one personality disorder (PD) and control subjects.
Participants. — A group of 129 French undergraduate students completed the PDQ-4 plus, a
self-report questionnaire designed to assess the 12 PDs of the DSM-IV (10 PDs and two additional diagnoses included in the appendix of the DSM-IV), and, at the same time, the Eysenck
Personality Questionnaire Revised-Abbreviated (EPQ RA).
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (M. Bouvard).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2007.08.006
518
M. Bouvard, P. Cosma
Methods. — The PDQ-4 plus diagnoses were scored using a two-stage process in which students with questionnaire scores at or above the threshold level for at least one PD (82
students = 63.56%) were asked to complete individual interviews about the PDs concerning them.
In order to minimize the number of false positives generated, these interviews were scored using
the Clinical Significance Scale. Following these interviews, 35 students (27.13%) were classified
as showing one or more PDs. The remaining 84 students (72.87%) were classified as control
subjects (no PDs). In the population as a whole, studies have shown the prevalence of any
DSM-IV defined personality disorder to be between 9 and 15%; however, personality disorders
are much more frequently diagnosed in younger subjects (Ekselius L., Tillfors M., Furmark T., &
Fredrikson M. Personality disorders in the general population: DSM-IV and ICD-10 defined prevalence as related to sociodemographic profile. Personality and Individual Differences, 2001,
30: 311—320).
The second step in the study was to compare EPQ RA scores for the control subjects, subjects
showing a particular PD and subjects showing the other PDs.
Results. — For all the PDs studied, the control subjects attained lower scores on the Neuroticism
scale than the subjects showing one or more PDs. Subjects showing depressive or schizotypal
PDs attained particularly high scores on the Neuroticism scale: a result that differentiates these
subjects from the control subjects and from subjects showing other PDs. Scores on the Extraversion scale were similar for all the subjects with the exception of those showing depressive
or schizotypal PDs. Subjects with a depressive or a schizotypal PD were generally more introverted than the control subjects and the subjects showing other PDs. Significant differences
between all three groups of subjects were noted on the Psychoticism scale, at least for the PDs
studied here. Psychoticism scale scores were generally higher for the subjects showing one or
more PDs than for the control subjects, except in the cases of the subjects showing compulsiveobsessional and paranoiac PDs, whose Psychoticism scores were not significantly different from
those of the control subjects. The Psychoticism scores for the subjects with antisocial (cluster
B) or schizotypal (cluster A) PDs were statistically higher than the scores for the control subjects
and for the subjects showing other PDs.
In summary, Neuroticism was more prevalent among the subjects showing depressive and
schizotypal PDs. In terms of extraversion, only subjects showing depressive and schizotypal
PDs could be differentiated from the control subjects and from the subjects showing other PDs.
Psychoticism was more prevalent amongst the subjects showing depressive and schizotypal PDs.
Conclusion. — In order to verify the results of this preliminary study, which was carried out
using a relatively small group of subjects, this work must be replicated using a larger and more
representative group of subjects.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Les critères diagnostiques de l’Association de psychiatrie
américaine, le DSM-IV (APA, 1) comme les critères diagnostiques internationaux de l’Organisation mondiale de la
santé (OMS, CIM 10) répertorient l’ensemble des troubles
mentaux dont les troubles de la personnalité. Le DSM-IV
place ces derniers sur un axe indépendant par rapport aux
troubles de l’axe I et utilise un système plutôt catégoriel.
Ainsi, le trouble de la personnalité peut coexister avec un
trouble de l’axe I. Dix troubles de la personnalité ont été
décrits et répertoriés dans le système américain, avec deux
troubles de la personnalité encore à l’étude dans la version IV et décrits dans les annexes du manuel. Pour aider
au diagnostic des troubles de la personnalité (l’axe II), des
entretiens semi-structurés comme des questionnaires ont
été créés. La comparaison d’un questionnaire avec un clinicien montre, en général, que le questionnaire génère
plus de troubles de personnalité que le clinicien et que
l’agrément clinicien/questionnaire est faible [13,14,15].
Des études sur le questionnaire de diagnostics de la personnalité d’Hyler montrent que le nombre de troubles de la
personnalité est plus élevé dans le questionnaire que dans
les entretiens, que se soit dans une population hospitalisée [10] ou dans une population de consultants [19]. Les
entretiens seraient moins sensibles aux faux positifs que les
questionnaires. En revanche, ils demandent beaucoup de
temps (deux à trois heures), en particulier avec des sujets
présentant des troubles de la personnalité associés à une
pathologie mentale (anxiété ou dépression, par exemple).
Les questionnaires sont un moyen plus rapide pour établir un
diagnostic que les entretiens semi-structurés, avec la limite
citée. Le diagnostic établi par un clinicien à partir de ses
connaissances d’un système diagnostique s’avère peu fidèle
(fidélité interjuges), souvent il se limite à un diagnostic.
Enfin, il établit son diagnostic à partir de sa connaissance historique et actuelle du sujet alors que les outils d’évaluation
se situent dans un temps déterminé et permettent de visionner l’ensemble des troubles de la personnalité [25,26]. Ainsi,
les études contrôlées demandent la confirmation du diagnostic clinique par des outils d’évaluation tels des entretiens
semi-structurés ou des questionnaires. Pour faciliter la passation en situation clinique ou en recherche, les auteurs de
deux entretiens (IPDE et SCID) font précéder l’entretien d’un
questionnaire alors qu’Hyler [12] fait suivre son questionnaire sur les troubles de la personnalité d’un mini entretien.
Le modèle catégoriel des catégories diagnostiques internationales en ce qui concerne les troubles de la personnalité
Étude exploratoire d’un questionnaire sur les troubles de la personnalité
coexiste avec le modèle hiérarchique de la personnalité
normale « soutenu » par les psychologues. La personnalité
normale peut se décrire selon des dimensions fondamentales qui se subdivisent en sous dimensions ou facettes selon
un modèle hiérarchique. Cette approche dimensionnelle
de la personnalité a permis la recherche des dimensions fondamentales de la personnalité avec un consensus
actuel autour de cinq dimensions (extraversion, agréabilité, conscience, névrosisme, ouverture). Le NEO PI R est le
questionnaire le plus utilisé permettant d’évaluer les cinq
grands facteurs. Cependant, des auteurs plus classiques,
tels Eysenck et al., proposent un modèle dimensionnel à
seulement deux, voire trois dimensions. Dans leur dernier
modèle [8], trois dimensions fondamentales sont décrites.
L’Extraversion se caractérise par l’émotion positive. Elle
comprend des traits tels que, la sociabilité, l’activité, la
domination, la recherche de sensation, l’affirmation de soi.
Le névrosisme se caractérise par l’instabilité, l’émotion
négative. Cette dimension comprend des traits tels que, la
culpabilité, l’anxiété, le manque d’estime de soi, la timidité. Un sujet ayant un score élevé à cette dimension est
décrit comme anxieux, inquiet, tendu avec une humeur
souvent dépressive et des sentiments de culpabilité. La troisième dimension, le Psychoticisme, est la plus contestée du
modèle : elle n’a pas été reprise dans les autres modèles
dimensionnels contrairement aux deux autres dimensions.
Elle se caractérise par l’impulsivité, la contrainte, voire
une « dureté de l’esprit ». Elle comprend des traits tels
que, l’agressivité, l’égocentrisme, l’impulsivité, la créativité, le comportement antisocial, le manque d’empathie.
Pour certains, cette troisième dimension évaluerait le
comportement antisocial qui précède la psychose tardive,
voire la personnalité antisociale, elle représente pour
Eysenck [7] à la fois un trait commun à toutes les psychoses
et un continuum entre la conduite empathique et la conduite
schizoïde.
Des études ont recherché quelles dimensions fondamentales et quelles facettes du modèle des cinq grands facteurs
pouvaient caractériser les troubles de la personnalité. En
particulier, les dimensions « extraversion », « névrosisme » et
« agréabilité » sont fortement associées aux troubles de personnalité, alors que les dimensions « conscience » et surtout
« ouverture » le sont moins [2,4]. Ainsi, Blais [2] a étudié des
patients ayant un trouble de la personnalité en comparant
les diagnostics de l’axe II avec les dimensions des cinq grands
facteurs. Le névrosisme, l’extraversion et l’agréabilité sont
associés à six troubles de personnalité sur dix. La dimension
« conscience » est corrélée trois fois de manière significative
avec un trouble de personnalité. La dimension « ouverture »
a seulement une corrélation significative avec un trouble
de personnalité. Cette étude confirme, sur une population présentant des troubles de la personnalité, le peu de
liens entre les troubles de la personnalité et les dimensions
« conscience » et surtout « ouverture ». De la même manière,
Jang, Livesley, & Vernon [16] ont mis en évidence les relations entre les trois dimensions fondamentales d’Eysenck
(EPQ R) et un instrument dimensionnel d’évaluation des
troubles de la personnalité de Livesley et Jackson. Les
principaux résultats de l’analyse en facteurs sont que la
dimension N capture une détresse psychologique générale,
la dimension E se retrouve dans le même facteur que la
personnalité antisociale ou la psychopathie, le troisième
519
facteur est constitué par la dimension P, l’échelle de mensonge et le trouble des conduites. Wilberg et al. [27] ont
administré le NEO-PI-R à des sujets présentant une personnalité borderline et des sujets présentant une personnalité
évitante. La personnalité évitante est associée à des hauts
niveaux de névrosisme et d’agréabilité, et à de bas niveaux
d’extraversion et de conscience. La personnalité borderline
de son côté, est associée à un haut niveau de névrosisme
et à de bas niveaux d’agréabilité, d’extraversion et de
conscience. La majorité des sujets (88 %) présentant une
personnalité évitante ont des scores élevés à la dimension
névrosisme et des scores faibles à la dimension extraversion alors que 65 % des sujets présentant une personnalité
borderline ont des scores élevés à la dimension névrosisme
et des scores faibles à la dimension agréabilité. Il semblerait donc que les dimensions permettant de différencier la
personnalité borderline et la personnalité évitante soient
l’extraversion et l’agréabilité.
L’objectif de notre étude est d’explorer un questionnaire sur les troubles de la personnalité dans un groupe
d’étudiants (n = 129). Dans un premier temps, un questionnaire sur les troubles de la personnalité (le PDQ-4 plus
d’Hyler, [12]) a été administré en même temps que le
questionnaire de personnalité révisé et abrégé d’Eysenck.
L’intérêt du PDQ-4 plus est de permettre le diagnostic des
dix troubles de la personnalité selon le DSM-IV et de deux
troubles additionnels (passif agressif et dépressif). Dans un
second temps, les étudiants ayant atteint un seuil pathologique au questionnaire PDQ-4 plus ont été revus pour un
entretien, comme indiqué par Hyler, afin de maintenir ou
non le seuil pathologique des troubles de la personnalité.
La première étape de la recherche a donc été d’établir les
sujets qui présentaient un (des) trouble(s) de la personnalité de ceux qui n’en présentaient pas d’après les critères
du PDQ-4 plus. Ces sujets ont été considérés comme ayant
des troubles de la personnalité analogues à des sujets cliniques, mais sub-cliniques dans la mesure où ils n’avaient
pas consulté pour ces troubles et bien qu’ils signalent une
certaine détresse. Ensuite, nous avons comparé les sujets
présentant un trouble de la personnalité particulier (d’après
les critères du PDQ-4 plus) aux sujets contrôles et aux sujets
présentant d’autres troubles de la personnalité sur les trois
dimensions fondamentales décrites par Eysenck.
Méthodologie
Sujets
Les questionnaires ont été proposés à des étudiants de
l’université de Savoie (France) recrutés dans la filière
« psychologie » (n = 67) et la filière « lettres » c’est-à-dire littérature et langues étrangères (n = 62). Les étudiants ont été
invités par groupes à remplir les formulaires proposés sur le
mode du volontariat et de l’anonymat. La passation collective était suivie d’une passation individuelle si les réponses
au questionnaire de personnalité d’Hyler étaient au seuil.
Dans deux cas, les troubles ont été suffisamment importants pour que, à la demande du sujet lui-même, il ait
été nécessaire de lui offrir un entretien d’orientation vers
une consultation spécialisée. Les deux filières sont comparables au niveau de l’âge (moyenne : 21,34 ans pour la filière
520
« psychologie » et 20,23 ans pour la filière « lettres ») et de
la durée des études (moyenne : 1,67 année pour la filière
« psychologie » et 1,50 année pour la filière « lettres »).
L’étendue en ce qui concerne l’âge est de 18 à 54 ans.
La proportion de sujets masculins (quatre pour la filière
« psychologie » et six pour la filière « lettres » et de sujets
féminins (63 pour la filière « psychologie » et 56 pour la filière
« lettres ») est comparable dans les deux filières. Enfin, le
nombre de sujets présentant des troubles de la personnalité
au seuil est également comparable dans les deux filières (19
sur 67 dans la filière « psychologie » et 16 sur 62 dans la filière
« lettres »).
M. Bouvard, P. Cosma
la version anglaise. En général, les hommes ont des scores
plus élevés à l’échelle de psychoticisme et les femmes aux
échelles de névrosisme et de mensonge. La version utilisée
est celle que nous avons mise au point à partir du questionnaire de personnalité d’Eysenck forme révisée publié dans
l’ouvrage de Bouvard [3].
Statistiques
Des analyses de variance paramétriques suivies du test de
Fisher ont été réalisées pour la comparaison des groupes de
sujets sur les variables continues. Les variables nominales
ont été étudiées à l’aide du khi-deux.
Outils d’évaluation
Résultats
Questionnaire de diagnostics de la personnalité
(Personality Diagnostic Questionnaire) de Hyler
Il a pour objectif l’évaluation des troubles de la personnalité selon les critères diagnostiques de l’Association
psychiatrique américaine [1]. La traduction française du
questionnaire est celle publiée dans l’ouvrage de Bouvard
[3]. Nous avons utilisé la version PDQ-4 plus qui « inclut » les
deux diagnostics additionnels des personnalités négativiste
(passive agressive) et dépressive [11]. Les items du questionnaire se présentent sous la forme vrai/faux. Une fois
le questionnaire rempli et corrigé, il est conseillé d’utiliser
l’échelle de signification clinique afin de limiter les faux
positifs très fréquents avec les questionnaires ainsi le clinicien peut reprendre les troubles de la personnalité ayant
atteint un seuil pathologique et vérifier sous la forme d’un
mini entretien que le patient a bien répondu dans le sens
d’un trouble de la personnalité. Il faut rappeler que Rodgers, Callahan et Chabrol [21] ont proposé la révision de
six items sur les 99 items de cette traduction pour une
meilleure adaptation aux troubles de la personnalité. Il est
difficile d’établir la validité des outils des troubles de la
personnalité. La version anglaise a bénéficié de deux études
comparant le PDQ-4 avec un entretien structuré. La version
française n’a pas été étudiée à notre connaissance.
Questionnaire de personnalité d’Eysenck- forme révisée
abrégée
Il a été proposé par Francis, Brown et Philipchalk [5] et
représente une version abrégée du questionnaire révisé de
personnalité d’Eysenck (Eysenck Personality QuestionnaireRevised, EPQ-R, 8). Le questionnaire de personnalité
d’Eysenck révisé comprend 25 items par dimensions fondamentales du fait de la modification de l’échelle de
psychoticisme en raison de la faiblesse de ses qualités
psychométriques dans la version précédente (EPQ). La
réduction proposée par Francis et al. [5] comprend six items
dans la version révisée abrégée, ce qui porte l’ensemble à 24
items. Le questionnaire a été étudié sur des adultes américains et anglais, des étudiants américains, anglais, israéliens
et français [9,17,18,23]. La structure factorielle à quatre
facteurs a été vérifiée sur la version anglaise [9,17] et une
version française [18]. D’après Lewis et al. [18] les coefficients alpha de consistance interne varient de 0,69 à 0,84
pour l’échelle d’extraversion, de 0,66 à 0,77 pour l’échelle
de névrosisme, de 0,28 à 0,74 pour l’échelle de psychoticisme et de 0,58 à 0,76 pour l’échelle de mensonge dans
PDQ-4 plus
Après avoir rempli le questionnaire, les sujets ayant des
troubles de la personnalité au seuil pathologique, sont revus
au cours d’un entretien. Il leur est tout d’abord demandé
s’ils maintiennent toutes les réponses d’un trouble de la
personnalité puis ils doivent dire depuis combien de temps
ces caractéristiques sont présentes (moins d’un an, entre
un an et cinq ans, la plus grande partie de votre vie ou dès
avant l’âge de 18 ans) ; si les caractéristiques font partie
d’eux même ou dépendent de leur humeur, si les caractéristiques leur créent des difficultés et si cela les inquiètent. De
plus, l’évaluateur doit vérifier la présence ou non de trouble
de l’axe I. Le Tableau 1 montre l’intérêt du mini entretien
chez les étudiants. La seule passation du questionnaire sur
les troubles de la personnalité retient 82 sujets (63,56 %)
au seuil pour au moins un trouble de la personnalité. La
revue des items (item positif ou négatif) permet seulement
de réduire le nombre de sujets à 73 (56,58 %). Ce sont les différentes questions posées par l’examinateur qui diminuent
le nombre de sujets positifs. Finalement, 35 sujets ont un
trouble de la personnalité selon les critères du PDQ-4 plus,
ce qui représente 27,13 % de la population interrogée. Parmi
les sujets, huit ont un trouble de la personnalité, six en présentent deux, treize en ont trois et huit sujets en ont quatre
et plus (cinq sujets ont quatre troubles de la personnalité,
un en a cinq et deux en ont huit). Notons que parmi les 47
sujets non retenus pour avoir un trouble de la personnalité,
12 présentent un trouble de l’axe I (six dysthymies et six
phobies sociales) alors que parmi les 35 sujets retenus, six
ont également un trouble de l’axe I (quatre dysthymies et
deux phobies sociales). Le Tableau 2 donne la répartition des
sujets ayant des troubles de la personnalité au seuil pathologique. Nous avons retenu dans les analyses ultérieures les
catégories ayant un nombre de sujets supérieur ou égal
à cinq, à savoir les troubles de la personnalité évitante
(n = 22), dépressive (n = 17), borderline (n = 18), obsessionnelle compulsive (n = 13), paranoïaque (n = 9), antisociale
(n = 6), et schizotypique (n = 5).
Questionnaire de personnalité d’Eysenck révisé et
abrégé (EPQ R A)
Seuls les principaux résultats du Tableau 3 vont être
commentés. L’échelle de névrosisme montre une différence
Étude exploratoire d’un questionnaire sur les troubles de la personnalité
Tableau 1
521
Nombre de sujets au seuil au PDQ-4 plus.
TP
Questionnaire
Après revue des items
Après entretien (résultat final)
Paranoïaque
Histrionique
Antisocial
POC
Négativiste
Schizoïde
Narcissique
Evitant
Dépressif
Schizotypique
BDL
Dépendante
Nombre de sujets
40
13
11
52
12
5
10
54
31
15
39
4
82 (63,56 %)
31
7
7
39
9
3
4
41
28
11
25
2
73 (56,58 %)
9
3
6
13
3
2
0
22
17
5
18
2
35 (27,13 %)
significative entre les groupes de sujets pour l’ensemble
des troubles de la personnalité retenus. Les sujets ayant
un trouble de la personnalité évitante, borderline, obsessionnelle compulsive, paranoïaque et antisociale selon le
PDQ-4 plus se différencient des sujets sans trouble de
la personnalité (sujets contrôles) sur l’échelle de névrosisme. Seuls les sujets ayant un trouble de la personnalité
dépressive et les sujets ayant un trouble de la personnalité
schizotypique se différencient des sujets contrôles et des
sujets ayant un autre trouble de la personnalité. L’échelle
d’extraversion montre une différence significative seulement pour le trouble de la personnalité schizotypique et
le trouble de la personnalité dépressive. Les sujets ayant un
trouble de la personnalité dépressive comme les sujets ayant
un trouble de la personnalité schizotypique (selon le PDQ-4
plus) ont un score moins élevé que les sujets contrôles
et des sujets ayant un autre trouble de la personnalité.
L’échelle de psychoticisme différencie les trois groupes de
sujets sur l’ensemble des troubles de la personnalité retenus. Cependant, elle ne différencie que les sujets ayant un
trouble de la personnalité des sujets contrôles à l’exception
des sujets ayant un trouble de la personnalité obsessionnelle compulsive et paranoïaque qui restent comparables
aux sujets contrôles sur cette dimension. La différence est
particulièrement significative pour les troubles de la per-
Tableau 2
sonnalité antisociale et schizotypique. Elle différencie les
sujets ayant l’un de ces troubles (selon le PDQ-4 plus) des
sujets contrôles et des sujets ayant un autre trouble de la
personnalité.
Discussion
Dans notre étude, 35 sujets ont au moins un trouble de la
personnalité selon les critères du PDQ-4 plus, ce qui représente 27,13 % de la population interrogée. L’estimation dans
la population générale varie de 9 à 14,8 % chez des sujets
issus de la population générale [6,11,22]. Plus exactement
dans l’étude de Samuels et al. [22], 9 % de la population
générale présente des troubles de la personnalité à l’aide
d’un entretien (International Personality Disorder Examination, IPDE), alors que la prévalence est à 11,1 % pour
le recueil des troubles de la personnalité à l’aide d’un
questionnaire (DIP Q) dans l’étude d’Ekselius et al. [6].
La prévalence est égale à 14,8 % dans l’étude NESARC [11]
réalisée sur la population adulte américaine et aurait été
encore plus élevée si les troubles de la personnalité borderline, narcissique et schizotypique avaient été évalués.
Il semble que nous ayons donc un pourcentage plus élevé
que dans la population générale en raison de l’âge (20 ans),
Répartition des troubles après entretien selon le PDQ-4 plus.
TP
Evitante (cluster C)
Dépressive
BDL (cluster B)
POC (cluster C)
Parano (cluster A)
Antisociale (cluster B)
Schizotypique (cluster A)
Histrionique (cluster B)
Négativiste
Dépendante (cluster C)
Schizoïde (cluster A)
Narcissique (cluster B)
Nombre de sujets
22
17
18
13
9
6
5
3
3
2
2
0
Sur 35 sujets avec TP (%)
Sur 129 sujets (%)
62,85
48,57
51,42
37,14
25,717
17,14
14,28
8,57
8,57
5,71
5,71
—
17,05
13,17
13,95
10,07
6,97
4,65
3,87
2,32
2,32
1,55
1,55
—
522
Tableau 3
M. Bouvard, P. Cosma
Résultats au questionnaire de personnalité d’Eysenck (EPQ RA).
Avec un TP évitant n = 22
Névrosisme
4,81 (1,22)
Extraversion
3,63 (1,59)
Psychoticisme
2,04 (1,09)
Mensonge
2,72 (1,72)
Test PLSD de Fisher
Névrosisme : sans TP < TP évitant et sans TP < autres TP
Psychoticisme : sans TP < TP évitant
Mensonge : sans TP > autres TP
Avec un TP BDL n = 18
Névrosisme
5,11 (1,02)
Extraversion
3,55 (1,54)
Psychoticisme
1,94 (1,16)
Mensonge
2,88 (1,53)
Test PLSD de Fisher
Névrosisme : sans TP < autres TP et sans TP < TP BDL
Psychoticisme : sans TP < TP BDL
Mensonge : sans TP > autres TP
Autres TP
Sans TP N = 94
F
p
4,53
4,30
1,53
2,15
2,78
4,45
1,27
3,28
19,23
2,71
4,18
4,49
<0,0001
0,07
0,01
0,01
(1,56)
(1,31)
(1,26)
(1,14)
Autres TP N = 17
Sans TP N = 94
F
p
4,29
4,23
1,76
2,11
2,78
4,45
1,27
3,28
20,63
2,70
3,43
5,17
<0,0001
0,06
0,03
0,006
Avec un TP depressive n = 17
(1,64)
(1,43)
(1,20)
(1,49)
Autres TP N = 18
Névrosisme
5,35 (0,93)
4,11 (1,41)
Extraversion
3,29 (1,68)
4,44 (1,09)
Psychoticisme
2,00 (1,22)
1,72 (1,12)
Mensonge
2,70 (1,61)
2,33 (1,49)
Test PLSD de Fisher
Névrosisme : sans TP < autres TP < TP dépressive
Extraversion : sans TP > TP dépressive et autres TP > TP dépressive
Psychoticisme : sans TP < TP dépressive
Mensonge : sans TP > autres TP
Avec un POC n = 13
Névrosisme
5,23 (0,72)
Extraversion
3,62 (1,54)
Psychoticisme
1,93 (1,43)
Mensonge
2,62 (1,45)
Test PLSD de Fisher
Névrosisme : sans TP < TP POC et sans TP < autres TP
Psychoticisme : autres TP > sans TP
Mensonge : autres TP < sans TP et sans TP > TP POC
(1,64)
(1,48)
(1,12)
(1,36)
(1,64)
(1,48)
(1,12)
(1,36)
Sans TP N = 94
F
p
2,78
4,45
1,27
3,28
22,76
4,62
3,59
4,10
<0,0001
0,01
0,03
0,01
(1,64)
(1,48)
(1,12)
(1,36)
Autres TP N = 22
Sans TP N = 94
F
p
4,40
4,04
1,81
2,59
2,78
4,45
1,27
3,28
20,54
2,20
3,35
3,87
<0,0001
0,11
0,03
0,02
Avec un TP paranoïaque N = 9
Névrosisme
4,66 (1,87)
Extraversion
3,88 (1,61)
Psychoticisme
1,55 (1,13)
Mensonge
2,00 (1,73)
Test PLSD de Fisher
Névrosisme : sans TP < TP parano et sans TP < autres TP
Psychoticisme : autres TP > sans TP
Mensonge : TP parano < sans TP
(1,53)
(1,46)
(0,90)
(1,62)
(1,64)
(1,48)
(1,12)
(1,36)
Autres TP N = 26
Sans TP N = 94
F
p
4,73
3,88
1,96
2,69
2,78
4,45
1,27
3,28
19,07
1,85
3,77
4,63
<0,0001
0,16
0,02
0,01
(1,15)
(1,50)
(1,18)
(1,73)
(1,64)
(1,48)
(1,12)
(1,36)
Étude exploratoire d’un questionnaire sur les troubles de la personnalité
523
Tableau 3 (Suite ).
Avec un TP antisocial N = 6
Autres TP N = 29
Névrosisme
4,66 (1,36)
4,72 (1,36)
Extraversion
3,66 (1,75)
3,93 (1,48)
Psychoticisme
2,83 (0,98)
1,65 (1,11)
Mensonge
2,66 (1,03)
2,48 (1,63)
Test PLSD de Fisher
Névrosisme : sans TP < TP antisocial et sans TP < autres TP
Psychoticisme : TP antisocial > sans TP et TP antisocial > autres TP
Mensonge : sans TP < autres TP
Avec un TP schizotypique N = 5
Autres TP N = 30
Névrosisme
6,00 (0,00)
4,50 (1,33)
Extraversion
2,40 (1,14)
4,13 (1,43)
Psychoticisme
2,80 (1,30)
1,70 (1,08)
Mensonge
2,20 (1,78)
2,56 (1,52)
Test PLSD de Fisher
Névrosisme : sans TP < autres TP < TP schizotypique
Extraversion : TP schizotypique < sans TP et TP schizotypique < autres TP
Psychoticisme : TP schizotypique > sans TP et TP schizotypique > autres TP
Mensonge : TP schizotypique > sans TP
du statut professionnel (étudiants), et surtout du recueil
de données (questionnaire). En effet, l’étude d’Ekselius et
al. [6] a montré que l’âge (entre 18 et 34 ans) et le statut professionnel (étudiants ou non employés) étaient des
catégories où le nombre de trouble de la personnalité était
le plus fréquent. Par ailleurs, il a souvent été montré qu’un
questionnaire est plus sensible aux faux positifs qu’un entretien. Enfin, rappelons que nous avons utilisé un instrument
qui recueille 12 troubles de la personnalité (les dix troubles
de la personnalité du DSM-IV et deux troubles à l’étude).
Cependant, l’âge des sujets (entre 18 et 20 ans) constitue
une limite de notre étude puisqu’il est difficile d’évaluer la
persistance des traits depuis la fin de l’adolescence avec un
recul suffisant. L’entretien après la passation du questionnaire sur les troubles de la personnalité permet de passer
de 82 sujets (63,56 %) à 35 sujets (27,13 %) ayant atteint le
seuil pour au moins un trouble de la personnalité. La revue
des items positifs permet seulement de réduire le nombre
de sujets à 73 (56,58 %). Les différentes questions posées
par l’examinateur ramènent le nombre de sujets ayant un
trouble de la personnalité à environ 30 % des étudiants de
premières années et de recenser la présence de troubles de
l’axe I chez 18 sujets soit 13,95 % de l’ensemble (avec six
sujets ayant un diagnostic de l’axe I et de l’axe II). La difficulté a été de noter la permanence des troubles chez des
sujets très jeunes (18—19 ans) comme nous l’avons déjà indiqué. Le recul des événements de la vie est beaucoup plus
difficile à estimer pour l’évaluateur par rapport à un sujet
de 30 ans par exemple. Le nombre de sujets ayant un trouble
de la personnalité obsessionnelle compulsive et celui de la
personnalité paranoïaque chutent après l’entretien car ils
ne semblent apporter aucune gêne au sujet à la différence
par exemple, des troubles de la personnalité évitante et
dépressive. Il est à remarquer que le trouble de la personnalité dépressive a été retenu de manière assez fréquente dans
notre étude. Il est vraisemblable que ce trouble ait été sur-
Sans TP N = 94
F
p
2,78
4,45
1,27
3,28
16,24
1,93
6,25
3,82
<0,0001
0,14
0,002
0,02
(1,64)
(1,48)
(1,12)
(1,36)
Sans TP N = 94
F
p
2,78
4,45
1,27
3,28
21,67
4,95
5,49
3,93
<0,0001
0,008
0,005
0,02
(1,64)
(1,48)
(1,12)
(1,36)
estimé compte tenu des limites de l’étude. Les troubles de
la personnalité narcissique, passive agressive, histrionique,
schizoïde et dépendante sont peu fréquents dans notre
échantillon alors que les troubles de la personnalité évitante, borderline, dépressive et obsessionnelle compulsive
sont les plus fréquents. Une étude récente sur le questionnaire et l’entretien du SCID II (critères du DSM-IIIR) utilisés
chez des étudiants et après contrôle de l’état dépressif
[20] montre que sur 113 sujets, 34 (30,08 %) présentent
au moins un trouble de la personnalité et sont considérés
comme des sujets analogues aux sujets pathologiques. Ainsi,
dans la population étudiante, du moins au cours des premières années d’université, la proportion de sujets ayant
des résultats analogues à des sujets présentant le diagnostic de trouble de la personnalité semble plus élevée que
dans la population générale lors d’un recueil de données à
partir d’un questionnaire. Cette recherche est une première
étape dans l’étude de la version française du questionnaire
des troubles de la personnalité d’Hyler, le PDQ-4 plus, réalisée avec des étudiants. Il nous apparaît difficile de faire la
part de ce qui revient à un trouble de la personnalité (axe II)
et ce qui revient à un trouble de l’axe I chez de très jeunes
adultes (18—19 ans). Pour limiter cet écueil, nous aurions pu
ajouter un entretien semi-structuré de l’axe I pour mieux
les contrôler et ne pas nous contenter de notre entretien
clinique. L’ajout d’un entretien suite au questionnaire sur
les troubles de la personnalité nous semble indispensable
pour améliorer les qualités psychométriques de l’outil et
diminuer le nombre de faux positifs. Nous avons utilisé le
terme sub clinique ou sujet analogue à un sujet clinique
par prudence, car les sujets ont été recrutés à l’université
et n’avaient pas fait de démarches thérapeutiques pour les
troubles de la personnalité. Cependant, il reste possible que
le mode de recueil de données surestime la probabilité des
troubles, il faudra donc confirmer sur un autre groupe les
résultats obtenus.
524
Nous nous sommes focalisés pour la suite de l’étude,
sur les sujets présentant un trouble de la personnalité évitante, borderline, dépressive, obsessionnelle compulsive,
paranoïaque, antisociale et schizotypique au seuil au PDQ-4
plus et les sujets contrôles. Pour l’ensemble des troubles
de la personnalité étudiés (TP), l’échelle de névrosisme
est moins élevée chez les sujets sans TP (sujets contrôles)
que chez les sujets ayant des troubles de la personnalité
au seuil. L’échelle de névrosisme apparaît particulièrement
élevée chez les sujets ayant un trouble de la personnalité
dépressive et les sujets ayant un trouble de la personnalité
schizotypique au seuil au PDQ-4 plus : elle les différencie
du groupe témoin et du groupe de sujets ayant d’autres
troubles de la personnalité (selon le PDQ-4-plus). L’échelle
d’extraversion ne permet pas souvent de différencier les
sujets de l’étude, sujets au seuil pour les troubles de la personnalité et sujets « contrôles ». Elle apparaît significative
seulement pour deux troubles de la personnalité : le trouble
de la personnalité dépressive et le trouble de la personnalité schizotypique. Les sujets ayant un TP dépressif au
seuil au PDQ-4 plus sont plus introvertis que les deux autres
groupes (sujets contrôles et sujets ayant un autre TP au
seuil), il en est de même pour le TP schizotypique. L’échelle
de psychoticisme permet de différencier les trois groupes
de sujets, du moins pour les troubles de la personnalité
retenus dans l’étude. Elle est plus élevée dans l’ensemble
chez des sujets « sub cliniques » par rapport à des sujets
contrôles à l’exception de deux troubles de la personnalité,
le trouble de la personnalité obsessionnelle compulsive et
le trouble de la personnalité paranoïaque. Dans ces deux
catégories, les sujets présentant ces deux TP au seuil au
PDQ-4 plus ne se différencient pas des sujets contrôles.
Elle est statistiquement plus élevée chez les sujets présentant un trouble de la personnalité antisociale (cluster B) par
rapport aux deux autres groupes (contrôle et sujets ayant
d’autres TP) et chez les sujets classés comme présentant
un trouble de la personnalité schizotypique (cluster A). En
définitive, le questionnaire d’Eysenck, EPQ RA permet de
retrouver les résultats concernant l’échelle de névrosisme.
En effet, quel que soit l’outil ou le modèle, la non spécificité
de l’échelle N est retrouvée [24]. La majorité des recherches
utilisent le NEO PI R qui évalue les « cinq facteurs » et surtout
les facettes des dimensions fondamentales. La combinaison des facettes permet une meilleure différenciation des
troubles de la personnalité contrairement au questionnaire
d’Eysenck qui ne s’intéresse qu’aux dimensions fondamentales. L’échelle d’extraversion est seulement utile pour deux
troubles de la personnalité, le TP dépressive et le TP schizotypique, elle est non significative pour différencier les
autres troubles à l’étude. Plusieurs hypothèses peuvent être
avancées pour expliquer ce résultat : le contenu des items
de l’EPQ RA, la taille de nos groupes de sujets, le mode
de calculs (comparaison de moyennes au lieu de corrélations). L’échelle de psychoticisme est surtout utile dans le
trouble de la personnalité antisociale et schizotypique. À
notre connaissance, il n’existe pas d’études avec un outil
diagnostic des troubles de la personnalité et les dimensions
fondamentales d’Eysenck. Une seule autre étude recensée
dans le domaine [16] s’intéresse à l’EPQ R (une version
réduite de l’EPQ mais pas abrégée) et à un questionnaire
d’évaluation de la personnalité dimensionnelle (DAPP BQ).
Les auteurs rapportent une analyse en facteurs et des
M. Bouvard, P. Cosma
analyses en régression. Les principaux résultats sont que
l’échelle E et le trouble de la personnalité antisociale sont
dans une même dimension, l’échelle P et les troubles des
conduites dans une autre. Le fait que la personnalité antisociale et les troubles des conduites se retrouvent dans deux
dimensions pose question, il est possible que cela soit dû
au contenu des items des questionnaires ou à l’échantillon
de sujets et devra être vérifié. Nous retrouvons seulement
partiellement ces résultats avec l’échelle P.
En résumé, les sujets présentant un trouble de la personnalité schizotypique (selon le PDQ-4 plus) se différencient
des autres sujets analogues à des sujets pathologiques et
des sujets contrôles sur les trois dimensions fondamentales
d’Eysenck. Les sujets présentant un trouble de la personnalité dépressive se différencient des deux autres groupes
de sujets sur deux dimensions de la personnalité, le névrosisme et l’extraversion. Les sujets présentant un trouble de
la personnalité antisociale (toujours selon le questionnaire
d’Hyler) se différencient des sujets contrôles et des sujets
pathologiques sur la dimension de psychoticisme. L’échelle
d’extraversion est rarement élevée chez les sujets de notre
recherche à la différence de l’échelle de névrosisme. Enfin,
le questionnaire d’Hyler donne un taux plus élevé que celui
de la population générale de sujets au seuil pour un (des)
troubles de la personnalité. La surestimation des troubles de
la personnalité par questionnaire peut être invoquée cependant, cette proportion d’étudiants au seuil des troubles de
la personnalité a été trouvée par Nelson Gray et al. [20]
avec un questionnaire et un entretien (SCID II). D’autres
études seront donc nécessaires, notamment l’étude de la
validité du questionnaire, en particulier il sera intéressant
de comparer la version francophone du questionnaire PDQ-4
plus à celle d’un entretien semi-structuré des troubles de la
personnalité.
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