Biens publics - Article spécialisé
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BIENS PUBLICS Défaillance du marché Quand tout le monde consomme et personne ne veut payer Vous avez probablement déjà hésité devant le chapeau d’un musicien de rue... Si vous êtes indécis, c’est parce qu’un tel artiste joue pour tous les badauds, que ceux-ci lui donnent une pièce ou non. Vous vous êtes dit: pourquoi devrais-je payer, moi qui suis encore en formation? Les autres pourraient le faire…! En même temps, vous avez pris conscience du fait que, si tout le monde agissait ainsi, le musicien de rue arrêterait de jouer. Et pourtant, vous n’avez finalement rien donné. Vous vous êtes simplement mêlé aux spectateurs, à ceux qui écoutent et approuvent d’un sourire, mais ne sortent pas leur porte-monnaie. Le matin suivant, le musicien n’était plus là et vous avez dû renoncer à ce petit «stimulant» matinal. Dommage! Si chacun avait mis la main à la poche, pour donner ne serait-ce qu’un petit quelque chose, le musicien serait sûrement revenu. Une action concertée étant toutefois difficile à mettre en œuvre, vous avez chassé cette idée de votre esprit et poursuivi votre chemin. Effets externes positifs La musique de l’artiste de rue équivaut à ce que les économistes appellent un «bien public». Ce type de bien présente deux caractéristiques: d’une part, personne ne peut être exclu de son utilisation ni de sa consommation. Cette particularité est désignée par le terme de «non-excluabilité»: tout le monde a le droit d’écouter la musique du musicien de rue, personne ne peut en être exclu. D’autre part, le fait que d’autres personnes consomment ce bien public ne perturbe pas l’utilisation individuelle de ce même bien. On parle dans ce cas de «non-rivalité» – un nombre pratiquement illimité de personnes peuvent écouter la musique sans se gêner mutuellement. Ainsi, les biens publics déploient des effets externes positifs: le musicien de rue a égayé la matinée des passants sans que ces derniers aient à payer. Version décembre 2016 Biens publics purs Les biens qui satisfont en tous points aux caractéristiques de la non-excluabilité et de la non-rivalité sont appelés «biens publics purs». Ce type de bien est rare. Une notion connue de tous, par exemple le théorème de Pythagore, est qualifiée de bien public pur. Les biens qui correspondent en grande partie à cette définition sont désignés par «biens publics». Ainsi, la musique du musicien de rue est un bien public, mais elle n’est pas un bien public pur. En effet, on ne peut en principe empêcher personne de l’écouter, mais si la foule est trop nombreuse, les badauds qui se trouvent dans les derniers rangs n’entendront plus la musique. Défaillance du marché Les personnes qui tirent gratuitement avantage d’une prestation telle que la musique du musicien de rue tout en comptant sur les contributions des autres adoptent un comportement de «profiteurs». C’est probablement ce comportement – certes rationnel sur le plan individuel – qui a dissuadé le musicien de rue de revenir. Lorsqu’un bien public n’est pas proposé en quantité suffisante par manque d’incitations financières, les économistes parlent d’«approvisionnement insuffisant». L’insuffisance de l’approvisionnement dans le cas des biens publics constitue un exemple de défaillance du marché. Autres types de biens La majorité des biens de tous les jours (comme les vêtements, les denrées alimentaires ou les articles de loisir) n’est cependant pas concernée par une telle situation. En effet, les consommateurs sont prêts à payer pour de tels biens, car seuls ceux qui paient peuvent en profiter. Les biens remplissant les conditions d’excluabilité ainsi que de rivalité dans la consommation ou l’utilisation sont désignés en économie par le terme de «biens privés». Les biens publics sont également à distinguer des «biens communs». Pour ce qui est de ces derniers, personne ne peut être exclu de leur consommation ni de leur utilisation, mais celleci, contrairement à celle des biens publics, est soumise à rivalité. Les exemples de biens communs les plus souvent évoqués sont les poissons dans les eaux internationales et le réseau routier public saturé. Les biens communs ne sont pas menacés par un approvisionnement insuffisant, mais ils risquent une surexploitation. 1|2 BIENS PUBLICS Défaillance du marché Solutions possibles Il existe différentes manières de lutter contre l’insuffisance de l’approvisionnement dans le cas des biens publics. L’élément décisif consiste à savoir à qui profite l’effet positif externe du bien public. Ainsi, lorsque le bien public profite à un groupe restreint, ce dernier peut imposer à ses membres de verser une contribution au bien public en question. Si tous les membres du groupe sont d’accord sur ce point, ils peuvent recourir à des mesures telles que les sanctions ou les récompenses. Cette attente vis-à-vis des individus, voire la pression exercée sur ceux-ci, sont soutenues par les normes sociales en vigueur. Dans le cas des biens publics dont les effets externes positifs bénéficient à toute la société, pénaliser les profiteurs ou récompenser les contributeurs ne permet généralement pas d’atteindre l’objectif visé et représente une mesure difficilement applicable. C’est pourquoi, au niveau de la société, les biens publics sont souvent financés par l’Etat, qui peut se procurer l’argent nécessaire en prélevant des impôts. Cela ne se justifie néanmoins que si l’utilité des biens publics ainsi financés est supérieure aux coûts de l’intervention étatique. L’essentiel en bref Au sens économique, deux caractéristiques sont déterminantes pour les biens publics: • personne ne peut être exclu de la consommation ni de l’utilisation des biens publics (non-excluabilité) • ce faisant, personne ne réduit la possibilité des autres d’en faire usage ou de les consommer (non-rivalité). D’une façon générale, on distingue les types de biens économiques suivants: Rivalité dans la consommation Aucune rivalité dans la consommation Excluabilité Biens privés Biens de club (ou biens à péage) Non-excluabilité Biens communs Biens publics • Quand quelqu’un procure un avantage à d’autres personnes sans que celles-ci aient à offrir de dédommagement, on parle d’«effet externe positif». • Les personnes qui tirent avantage de biens publics sans payer sont appelées des «profiteurs». • Les avantages offerts par les biens publics (et par tous les biens qui génèrent des effets externes positifs) conduisent souvent à un approvisionnement trop faible de ces biens, qui ne sont plus mis à disposition par le marché, ou plus en quantité suffisante. En effet, les incitations à procéder autrement sont trop importantes. Ce phénomène constitue un exemple de défaillance du marché. • Dans les groupes, les sanctions ou les récompenses peuvent permettre de lutter contre l’insuffisance de l’approvisionnement. A l’échelle de la société, le financement public peut représenter une solution. Version décembre 2016 2|2