Hélène Tropé - Dicat - Universitat de València

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Hélène Tropé - Dicat - Universitat de València
Les Gitans dans le royaume de Valence
aux XVIe et XVIIe siècles
Hélène Tropé
Pour Vicente Graullera Sanz, qui connaît comme personne les
fonds d’archives de Valence.
En signe de très grande gratitude.
Les études dont nous disposons sur les étrangers dans l’Espagne
de l’époque moderne sont aujourd’hui fort nombreuses. Les travaux
pionniers d’Antonio Morel Fatio sur la présence des Allemands,
d’Albert Girard sur les étrangers dans la vie économique de l’Espagne
et sur le commerce français à Séville et à Cadix ont été complétés de
façon substantielle par ceux, magistraux, d’Antonio Domínguez Ortiz
sur les étrangers1 et notamment sur les Gitans2. Le sujet continue à
intéresser les chercheurs comme le prouvent les nombreuses et récentes
études qui complètent la bibliographie existante3.
S’il est juste de considérer avec Domínguez Ortiz que parmi
les immigrants arrivant en Espagne aux XVIe et XVIIe siècles, il
convient de distinguer nettement les hommes d’affaires des misérables
(pícaros, mendiants, etc.), il n’en reste pas moins vrai que les Gitans ou
Bohémiens constituent sans nul doute un groupe spécifique à bien des
égards. Considérés comme de nobles étrangers et bien reçus lors de
leur arrivée en Espagne vers 1425, il semble qu’assez vite cet accueil
bienveillant se transmua en une franche hostilité4. Contrairement aux
nouveaux-chrétiens de juifs (judéo-convers) ou aux morisques, même
si l’authenticité de leur foi fut parfois mise en doute (par exemple parce
qu’ils ne pratiquaient pas de mariage religieux, se mariaient quelques
fois avec des parentes, ne baptisaient pas toujours leurs enfants, etc.),
ils ne constituaient pas, à proprement parler, une minorité religieuse
puisqu’ils se disaient catholiques, et la relative clémence de l’Inquisition
à leur égard a été largement démontrée5. Leurs différences étaient
donc autres même si le déracinement des Gitans, à l’instar de celui des
morisques, ainsi que le traitement social des deux communautés et le
regard porté sur eux par la société vieille-chrétienne sédentaire, ont
parfois conduit à assimiler les deux groupes ethniques et les Cortès à
adopter à l’égard des uns et des autres des mesures très semblables.
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Hélène Tropé
Depuis la législation répressive jusqu’à la littérature de création,
de nombreux témoignages attestent qu’ils étaient ressentis comme
particulièrement indésirables, y compris comme les plus importuns
parmi tous les mendiants étrangers, ainsi que le montre par exemple
ce passage de Mateo Alemán sur les différentes façons de demander
l’aumône :
« […] les Allemands qui gueusent en chantant et de compagnie, les
Français en priant, les Gitans en importunant, les Portugais en pleurant, les
Italiens en haranguant, les Espagnols en faisant les bravaches, et se rendent par
là réplicards, impatients et peu aimables »6.
Tout en ne perdant pas de vue la situation générale des Gitans
dans la Péninsule, nous nous proposons d’analyser dans ce travail
le traitement réservé dans le royaume de Valence à ceux qui en
franchirent les frontières à compter du début du XVe siècle, le plus
souvent appelés Bomians dans la documentation locale. Complétant
modestement les recherches pionnières de Sebastián García Martínez7
sur les Gitans à Valence, nous montrerons que cette communauté,
qui n’eut jamais aucun accès au pouvoir ni à la représentation, tout
en vivant en symbiose avec les populations sédentaires, a cultivé ses
différences dans un esprit d’autoconservation, tandis que la classe
dominante, tout au contraire, s’efforçait de gommer celles-ci en
criminalisant tout le groupe ethnique et en l’assimilant, lorsque cela
était possible, aux bandits, vagabonds et délinquants qui sévissaient à
l’époque dans le royaume.Toutefois, l’exhibition — parfois burlesque
et en tout cas toujours festive — de figures de Gitanes et de Gitans
lors de certaines processions du XVIIe siècle valencien nous informe
de la récupération, par les pouvoirs religieux et civils de cette cité,
de ces figures de proscrits, à l’instar d’autres images de marginaux, à
des fins d’auto-propagande. Dans la symbolique, le Gitan, banni mais
dont on ne parvient pas à se défaire, est réinjecté imaginairement
dans l’image globale de la société que les autorités se plaisent à
montrer lors de ces fêtes comme un corps social idéalisé qui inclut
jusqu’à ceux qu’il marginalise et, comme dans le cas des Gitans, qu’il
exècre tout à la fois.
Après avoir évoqué les premiers temps de l’arrivée des Gitans en
Espagne, nous analyserons la législation valencienne les concernant
et quelques cas significatifs exhumés des archives, essentiellement des
procès criminels. Puis, nous nous intéresserons à l’assimilation, dans les
représentations mentales valenciennes, d’un Gitan idéal, c’est-à-dire
folklorique et non délinquant, à travers l’analyse de la présence dans
les fêtes et les processions de certaines figures de Gitans, imités ou
véritables.
Les Gitans dans le royaume de Valence
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On peut distinguer avec María Helena Sánchez Ortega8 trois grandes
étapes dans l’évolution du traitement législatif réservé aux Gitans dans
la Péninsule : une époque de tolérance depuis leur arrivée au début
du XVe siècle jusqu’à la reconquête du royaume de Grenade (1492) :
les Gitans ont alors le statut de pèlerins et sont bien acceptés. Une fois
la Reconquête achevée, à partir du moment où les Rois Catholiques
commencent à mener une politique d’unification religieuse et
territoriale, la multiplication de ces tribus gitanes et leurs différences
culturelles inquiètent. Certes, leur nombre était sans commune mesure
avec celui des quelque 300 000 morisques que comptait l’Espagne à
la fin du XVIe siècle : le premier recensement de la population gitane
dont on dispose date de 1783 ; elle est alors évaluée à 10 000 individus,
chiffre qu’elle devait être loin d’atteindre à la fin du XVIe siècle9.
Toutefois, la singularité de leur mode de vie et surtout leurs relations
conflictuelles avec le reste de la population étaient souvent source
de désordre public. En conséquence, une politique d’ostracisme fut
adoptée, visant à les expulser, politique qui sera poursuivie au moyen
d’une série de pragmatiques répétitives jusqu’en 1633, date à laquelle
Philippe IV, conscient du vide considérable laissé par l’expulsion des
morisques, fait disparaître le décret d’expulsion. Commence alors une
troisième étape caractérisée par des tentatives d’assimilation à la société
vieille-chrétienne de tous les Gitans qui n’ont pas de métier, parlent
une langue qui leur est propre — ressentie par les vieux-chrétiens
comme un jargon —, et sont vêtus à leur façon10. Cette troisième
période finirait, selon Teresa San Román, avec la pragmatique de
Ferdinand VI de 1749 qui ouvre une époque d’assimilation forcée
assortie de coercition et de menaces11. Tel est le cadre général dans
lequel s’insère notre étude.
Les premiers temps
L’origine des Gitans a donné lieu à toutes sortes de conjectures, et
cela dès le XVIIe siècle, comme le montre par exemple, un imprimé
datant de cette époque, dont l’auteur, anonyme, se perd en hypothèses
à leur sujet12. S’y trouvent reflétées toutes les représentations mentales
que la société vieille-chrétienne a forgées et transmises de génération
en génération jusqu’à nos jours à l’issue du très long affrontement de
deux cultures que tout oppose.
Comme l’avance l’auteur de ce document et le confirment d’autres
sources13, les Gitans arrivèrent en Espagne au début du XVe siècle en
deux vagues successives : ceux de la première disaient qu’ils venaient
de la Petite Égypte (nom de Chypre et de la Syrie au Moyen Âge)
et dès lors, on les dénomma « Égyptiens » (Egipcianos) ; en réalité,
membres d’une caste inférieure du nord de l’Inde, ils étaient partis du
nord de ce pays vers l’an mille et avaient séjourné en Syrie, à Chypre,
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en Cilicie, ainsi qu’en Bohême ; que ce soit parce qu’ils détenaient
des sauf-conduits donnés par le roi de ce dernier pays ou parce qu’ils
y avaient vécu un temps, arrivés en Espagne, on les appela parfois
bohemios en castillan et bomians (parfois bomials, pour bohemians) dans
toute l’aire linguistique catalane et notamment au royaume de Valence.
Ils arrivèrent par les Pyrénées dans le premier tiers du XVe siècle
(à partir de 1425)14, conduits par des chefs qui s’arrogeaient les titres
de « comtes » et de « ducs » et étaient munis de lettres de recommandation
de l’Empereur d’Allemagne et du Pape. Ils prétendaient être des
pèlerins se rendant aux lieux saints pour y purger le péché d’apostasie
commis sous la pression des musulmans qui les avaient forcés à abjurer
la foi chrétienne15. Comme cela a été interprété depuis une perspective
ethno-historique, il s’agissait là d’une habile stratégie économique et
d’auto-défense selon laquelle les représentants de ces groupes excipèrent
d’une (fausse) noblesse qui leur permit de s’adresser au pouvoir royal
en prétendant être porteurs de bulles papales : selon leurs dires, le chef
de l’Église les avait admis à nouveau au sein de la chrétienté et pour
cette raison, ils se devaient d’effectuer des pèlerinages vers les lieux
de grande ferveur religieuse. Cela leur permit d’obtenir une totale
exemption fiscale, des facilités d’hébergement et bien sûr la protection
des rois sur la route jacobéenne, ainsi que l’accès à un marché de ventes
d’animaux et d’objets, et des facilités économiques et commerciales16.
Cette errance des premiers temps leur permit de jeter les bases d’une
certaine utilisation du territoire fondée sur des circuits commerciaux
périodiquement parcourus, avec des points clés où trouver jonc et
sparte pour fabriquer des paniers puis les vendre, prairie et eau pour
les chevaux et des marchés où faire commerce du bétail, aiguiser les
couteaux, etc.17, bref, les bases d’un mode de vie en totale symbiose avec
la population sédentaire, voire aux dépens de cette dernière. Les Gitans
se répandirent ainsi dans toute l’Espagne et obtinrent la protection des
autorités locales. C’est ainsi, par exemple, que le 21 avril 1460, Don
Martí, comte de la Petite Égypte, se présenta à Castellón de la Plana, à
la tête d’une petite communauté d’hommes et de femmes ; il prétendit
que cette dernière était en pèlerinage (va de romiatge) et le Justícia ainsi
que les jurés de cette localité leur délivrèrent un sauf-conduit18.
La seconde « vague » sont les « Gitans de Grèce » ou grecianos qui,
fuyant ce pays sous la pression des Turcs, arrivèrent en Espagne par la
Méditerranée dans le dernier tiers du XVe siècle (à partir de 1488)19.
Les uns et les autres furent d’abord bien accueillis, tant par les
rois que par les nobles et les conseils municipaux20, mais bientôt les
frictions avec la société vieille-chrétienne commencèrent, les rendant
indésirables et même honnis. Dès la fin du XVe siècle, dans le royaume
de Valence comme ailleurs, ils suscitaient méfiance et aversion parmi
les vieux-chrétiens : c’est ainsi, par exemple, que le 2 septembre 1484,
le Justícia, ainsi que les jurats de Castellón, considérant les maux et les
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troubles qu’ils occasionnaient, ordonnèrent leur départ21. Bientôt une
législation répressive fut adoptée à leur encontre. Il n’est d’ailleurs
sans doute pas anodin que la documentation historique relative
aux Gitans, plutôt rare, soit essentiellement de nature législative et
judiciaire, ce qui semble donner la mesure des conflits générés par
leur présence. Toutefois, il est vrai que pour ces marginaux comme
pour d’autres, les seuls documents subsistant émanent des groupes
dominants et non des Gitans eux-mêmes. On ne dispose donc que
d’un seul point de vue, celui des diverses autorités ; le discours qui est
tenu sur ce groupe est par définition orienté dans le sens du refus et
de la répression.
Législation répressive et demandes d’expulsion
La législation existant pour les XVe-XVIIe siècles a été étudiée
essentiellement pour la Couronne de Castille22. Les études sont
beaucoup plus rares concernant les territoires de la couronne d’Aragon
et notamment le royaume de Valence23.
Afin de mieux comprendre comment la législation valencienne
s’insère dans le cadre plus général de la Péninsule, il convient de
rappeler que la première mesure répressive concernant les Gitans est
la pragmatique des Rois Catholiques, datée du 4 mars 149924, qui
fait obligation à ceux des deux Couronnes d’apprendre un métier ou
d’entrer au service d’un maître dans un délai de soixante jours. Les
souverains soulignent qu’ils ont été informés que les Gitans errent
de village en village sans exercer de métiers connus. Pour autant, ils
mendient, volent, pratiquent la divination et usent de toutes sortes de
subterfuges malhonnêtes pour assurer leur survie et cela alors même
que, toujours d’après les monarques, ils sont aptes au travail et peuvent
servir autrui de façon à assurer leur subsistance.
On perçoit clairement dès cette première législation une volonté
de lutter contre le vol mais aussi de fixer cette population nomade qui
se déplace par groupes difficiles à contrôler.
Obligation leur est faite de prendre un métier connu ou de servir un
maître ; à défaut, ils devront quitter l’Espagne sous peine de cent coups
de fouet, de bannissement perpétuel lors de la première contravention
et, si ces Gitans, après avoir été bannis, revenaient, une autre peine
plus grave leur serait appliquée : on leur couperait les oreilles (afin de
pouvoir ensuite reconnaître facilement les récidivistes), ils seraient mis
à la chaîne durant soixante jours et à nouveau expulsés et, à la troisième
contravention, faits prisonniers à vie. Des considérations tenant au désir
de préserver l’ordre public semblent présider à ces dispositions ; en tout
cas, il n’est nullement question de manquement à l’ordre politique
ou religieux. Il s’agit là d’une première différence importante avec les
mobiles qui motivèrent l’expulsion des juifs et des morisques.
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Cette mesure — la première d’une longue série destinée à tenter
d’intégrer les nouveaux venus à la société vieille-chrétienne — ne
semble pas, loin s’en faut, avoir porté ses fruits. Bientôt chassés de tous
les territoires péninsulaires, ils errent d’un lieu à l’autre, d’un royaume
à l’autre. De nombreuses dispositions juridiques placent ceux qu’à
l’époque on nomme en Castille, comme dans cette pragmatique de
1499, egipcianos, dans la même catégorie que les « voleurs, rufians et
vagabonds ».
Le royaume de Valence reçut aussi la visite de ceux que l’on trouve
dénommés dans la documentation en ancien dialecte valencien de
l’époque le plus souvent Bomians,parfois Xitanos ;en effet,ses nombreuses
frontières avec la Castille, la Catalogne et l’Aragon facilitaient les allées
et venues de ces derniers.
Dans un premier temps, comme ailleurs, ils furent bien reçus,
par exemple en 1460, 1471 et 1472, mais bientôt ils devinrent vite
indésirables : à Castellón une délibération du consell aboutit à décider
de les expulser en 1484 : « car ces gens, les Bohémiens, sont source de
bien des maux dans la ville et aux alentours »25.
Comme dans les territoires voisins, la législation répressive
valencienne, constamment réitérée, témoigne des difficultés
rencontrées non seulement pour tenter de les intégrer dans le tissu
social de la société sédentaire, mais encore, une fois expulsés lorsqu’ils
s’y refusaient, pour les empêcher de revenir. En effet, leur itinérance
perpétuelle, et donc le retour sur les mêmes lieux, leur était nécessaire
non seulement, sans doute, pour maintenir les liens sociaux et familiaux
entre tribus, mais aussi pour exercer leurs activités traditionnelles ; ces
dernières requéraient des déplacements permanents pour se rendre
sur les divers lieux où se trouvaient les matières premières et la
clientèle. Cette utilisation très particulière du territoire par ces éternels
étrangers — surtout lorsque ces derniers étaient nombreux et que
les moyens liés à leur survie se raréfiaient, les conduisant au vol26 —,
n’était évidemment pas du goût des autorités des divers territoires
et des royaumes traversés ; celles-ci, logiquement, tentaient toutes de
les expulser en même temps. Ne pouvant se volatiliser, les diverses
tribus passaient de l’un à l’autre, se croisaient, franchissant leurs circuits,
formant leurs réseaux de solidarité et enfreignant donc à intervalles
réguliers les diverses législations de bannissement.
Concernant celle du royaume de Valence, les demandes d’expulsion
des Gitans et la répression commencent en 1547 aux Cortès de Monzón,
présidées par le prince Philippe, futur Philippe II. Elles s’inscrivent
dans un contexte de désordre public généralisé qui, tant au XVIe
qu’au XVIIe siècle, constitue l’une des préoccupations majeures des
autorités politiques et judiciaires et donne lieu à une législation pénale
valencienne destinée à lutter contre toutes sortes de délits susceptibles
de troubler l’ordre public : jeux illégaux, possession et usages d’armes,
Les Gitans dans le royaume de Valence
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et tous les comportements jugés asociaux comme le banditisme, un
mal endémique, mais aussi la feinte pauvreté et le vagabondage27, trois
maux auxquels les Gitans se trouvent associés dans les mentalités et
sans doute aussi en partie dans la réalité. Mais la législation forale n’est
pas ou est mal appliquée, raison pour laquelle les Cortès interviennent
à plusieurs reprises pour demander au roi l’adoption de mesures
appropriées. De plus, la dégradation de la situation économique du
royaume de Valence a jeté sur les routes et les chemins vagabonds et
mendiants, et a entraîné la multiplication des actes de délinquance.
Dans la législation destinée à lutter contre cette dernière, on observe un
amalgame entre le banditisme et l’appartenance à l’ethnie des Bomians.
Cortès de 1547
C’est ainsi qu’en 1547, aux Cortès de Monzón, le bras ecclésiastique
et le bras royal dénoncent les méfaits commis par les bomians et
demandent qu’ils soient expulsés et que des peines soient adoptées
à l’encontre de ceux qui commettent des délits. L’amalgame entre
le groupe ethnique que constituent les Gitans et les vagabonds — la
marginalité sociale — est encore patent :
« Seigneur, de nombreux groupes de vagabonds, hommes et femmes, que
l’on appelle « Bohémiens » se déplacent dans le royaume de Valence, lesquels
se consacrent à prendre et à voler et à tromper femmes et personnes naïves. Ces
gens ne nous semblent pas devoir être tolérés ni admis dans un royaume bien
gouverné, quel qu’il soit, et pour cette raison, nous, les deux bras ecclésiastique
et royal, nous supplions Sa Majesté de nous faire la grâce d’ordonner que ceux
que l’on nomme Bohémiens se voient imposer des peines sévères et soient
bannis du royaume de Valence et que de lourdes pénalités soient appliquées
aux officiers de justice qui n’exécuteraient pas cette mesure d’expulsion, la
moitié étant destinée à sa Majesté et l’autre moitié au fonds commun de la
ville sur les territoires de laquelle ces Bohémiens sont entrés »28.
L’héritier de la couronne, en l’absence de son père, répondit :
« Il plaît à Sa Majesté qu’ils soient renvoyés et bannis. Et à la première
infraction au bannissement, qu’ils soient fouettés. Et pour les suivantes, qu’ils
soient plus gravement punis encore, à la discrétion du juge ; et que l’officier qui
n’exécutera pas ces mesures encoure la pénalité de deux cents sous à chaque
fois, […] »29.
Cette législation était relayée par les vice-rois comme le montrent
respectivement les bans du duc de Segorbe, publiés le 3 décembre 1560,
et ceux du 22 juin 1575, de don Vespasiano Gonzaga, du 3 septembre
1578, du duc de Nájera et du 24 juillet 1581, de Francisco de Moncada :
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Hélène Tropé
tout Gitan contrevenant pour la seconde fois à ces mesures serait
envoyé quatre ans aux galères30. En même temps, la réitération de ces
bans prouve la difficulté de faire appliquer ces mesures.
Cortès de 1564
Les années passèrent et bien entendu, le vagabondage persista dès
lors que les mesures existantes étaient inapplicables, les Gitans, chassés
de toutes parts, devant se déplacer sans cesse de royaume en royaume.
En 1564, les états ou ordres (estamentos) sollicitèrent de Philippe II
la conversion en Privilège (fur) de l’acte de cour approuvé en 1547
aux Cortès de Monzón. En conséquence, l’expulsion ou bandeig
des « hommes et des femmes vagabonds qu’on appelle Bohémiens
(Bomians) » fut rétablie dans tout le royaume de Valence31.
Cortès de 158532
Manifestement, cette législation était très difficile à appliquer et
le vagabondage presque impossible à éradiquer et, lors des Cortès
suivantes, réunies à Monzón en 1585, on revient sur la mesure et
l’on insiste à nouveau pour que « les Bohémiens, les vagabonds et
les étrangers (advenizos) soient expulsés de tout le royaume ». Cette
fois, la hâte d’expulser est plus grande encore : le délai pour accomplir
l’expulsion sera de trente jours seulement. La gravité des peines
encourues par les contrevenants manifeste le désir d’en finir : les galères
pour les hommes, cent coups de fouet pour les femmes.
Toutefois, à travers l’exception prévue à l’application de la
mesure d’expulsion, il est patent que ce qui est recherché, c’est la
sédentarisation des Gitans; ce que l’on veut, c’est qu’ils renoncent
une bonne fois pour toutes à leur mode de vie nomade traditionnel,
qu’ils se fixent dans des lieux de résidence bien déterminés et qu’ils
se consacrent au travail de la terre. Bref, qu’ils se conduisent comme
les vieux-chrétiens du royaume : en effet, il est prévu que seront
autorisés à demeurer dans ce dernier tous ceux qui pourront prouver
qu’ils sont établis depuis un an dans un lieu déterminé et qu’ils ont
une maison et des biens qui leur appartiennent, situés en dehors
des lieux de résidence des morisques. Il est fait interdiction à ces
Gitans « en voie de sédentarisation » de s’éloigner de plus d’une
lieue de leur village sans autorisation du Seigneur ou du Justícia et
d’accueillir chez eux d’autres Gitans vagabonds. Il est intéressant
de constater que le désir de séparer les communautés gitanes et
morisques transparaît dans ces dispositions; il est permis de penser
que ce qu’a observé Mercedes García-Arenal au sujet des cédules
destinées à empêcher les contacts entre morisques et Gitans à
Grenade se trouve ici confirmé33.
Les Gitans dans le royaume de Valence
127
L’on voit donc qu’un double objectif préside à ces dispositions :
sédentariser les Gitans, les mêler aux vieux-chrétiens et empêcher
leurs contacts non seulement avec des Gitans vagabonds non encore
sédentarisés, mais aussi avec des morisques. Autrement dit, ce qui
est recherché est une intégration pleine et entière des Gitans à la
société vieille-chrétienne et une acculturation la plus totale possible.
À défaut, l’expulsion apparaît comme un moindre mal.
Il s’agissait cependant d’une mesure apparemment difficile, voire
impossible à appliquer et tout cela fut peine perdue car le nombre
de Gitans ne cessa d’augmenter, et avec ce dernier, celui des larcins
commis dans les villes et les villages les moins peuplés.
Cortès de 160434
Face à ce qui, au début du XVIIe siècle, apparaît comme une
véritable menace pour l’ordre public et un échec à la fois de la
politique d’assimilation et des mesures d’expulsion, les états ou
ordres se plaignirent en 1604 de ce que, malgré les mesures adoptées
relatives au bannissement des Gitans du royaume sous peine d’envoi
aux galères, certains se présentaient souvent dans des villages peu
peuplés tels qu’Alpuente, Ares et Titaguas (situés au nord-ouest du
royaume, à la limite de la frontière avec l’Aragon), ainsi qu’en d’autres
lieux, pour s’y livrer au pillage et à de véritables razzias, les habitants
des villages concernés ne parvenant pas à se défendre face aux hordes
de Gitans venus pour les piller. Les trois bras supplièrent le monarque
de faire appliquer rigoureusement les mesures d’expulsion et les
peines prévues quand bien même les Gitans prétendraient qu’ils
étaient établis et domiciliés dans le royaume. De plus, il fut décidé que
désormais ces derniers ne pourraient plus se déplacer par groupes de
plus de deux personnes ni en compagnie des femmes en raison des
préjudices considérables causés par ces dernières.
Il est fort intéressant de comparer ces mesures avec celles prises en
Castille au lendemain de l’expulsion générale des morisques : la même
sévérité semble présider au traitement des deux groupes ethniques
de la part des vieux-chrétiens. En effet, dans les deux Couronnes,
au problème d’assimilation posé par les Gitans, répondent mesures
d’expulsion et peines rigoureuses. À Valence, les mesures envisagées
sont l’expulsion ou des peines extrêmement sévères, comme les
galères. Cependant, peut-être parce que dans une Castille déserte
et désertifiée après l’expulsion des morisques35, on avait encore plus
besoin de bras qu’à Valence pour cultiver, il semble qu’on tenta encore
de les assimiler en les attachant au travail de la terre, c’est-à-dire,
d’une certaine façon en tentant de les fixer à la glèbe tout en leur
interdisant de pratiquer leurs métiers traditionnels, et en particulier
tous ceux qui supposaient des déplacements : vente de chevaux,
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Hélène Tropé
vannerie, etc. C’est en tout cas ce que semble indiquer la disposition
adoptée à Madrid le 15 octobre 1611 :
« En la villa de Madrid, a quinze días del mes de octubre de mil seiscientos
i onze años, los Señores del Consejo, consultado con su Magestad, dixeron
que aviendo visto los grandes daños que se seguían de no executar las penas
impuestas por Leyes destos Reynos contra los Gitanos o Egipcianos, i de
consentirles usar de otros oficios que no fuesen los tocantes a la labranza y
cultura de la tierra, mandaron que se advierta a los Alcaldes desta corte y las
demás justicias della i desta villa y se escriba a los alcaldes de chancillerías y
Audiencias destos Reynos y a los corregidores y a las demás justicias a quien
esto toca que guarden y cumplan todo lo contenido en las leyes destos reynos,
tocante a los dichos Egipcianos, […]. I que en quanto por la Ley doze del
Título onze del Libro octavo de la República, se manda a los dichos Egipcianos,
que cada uno dellos vivan por oficios conocidos, que mejor supieren aprovecharse,
estando de estada en los lugares, donde acordaren assentar o tomar vivienda de
Señores, a quien sirvan, se entienda que los oficios an de ser los tocantes a la
labrança y cultura de la tierra, i no otros, so la pena contenida en la Ley treze
del dicho título onze, y assí lo proveyeron y mandaron »36.
De toute évidence, à Valence comme ailleurs, les dispositions
successivement adoptées s’avéraient inefficaces et l’on revenait sans
cesse sur celles-ci pour en demander l’application ; c’est ainsi qu’à
nouveau, le 7 juillet 1607, un ban royal est crié, exigeant le respect du
Privilège 221 des Cortès célébrées à Valence en 1604 sur l’expulsion
des Gitans du royaume37. Entre-temps, l’expulsion des morisques du
royaume de Valence a lieu, laissant les anciens villages de morisques
totalement déserts. Attirés par cette aubaine inespérée, les tribus de
Gitans expulsés affluent à nouveau et le duc de Feria, vice-roi de
Valence, fait crier à son tour un ban les 16 et 23 juillet 1616 ramenant
cette fois le délai prévu pour l’expulsion à quinze jours38, mesure
renouvelée le 27 janvier 1623 par le marquis de Pobar, vice-roi39. Le
ban du 1er juillet 1624, consacré exclusivement aux Gitans, constate
tout d’abord qu’ils ne sont d’aucune utilité pour le bien public et que,
tout au contraire, ils se montrent extrêmement préjudiciables dès lors
qu’ils errent et commettent des vols et toutes sortes de délits et de
crimes, assassinant tant sur les chemins royaux que dans les villages où
ils passent, se déplaçant en bandes, munis d’armes interdites, perturbant
la paix. Dès lors le vice-roi dispose qu’ils soient expulsés dans un délai
de 30 jours. Les peines prévues sont cent coups de fouet et dix ans de
galères pour les hommes et cent coups de fouet pour les femmes. Ce
ban est à nouveau publié le 14 février 1628 par le marquis de los Vélez,
vice-roi40.
La très grave crise politique des années 1640, due notamment à
l’Union des Armes décrétée par Olivares, n’épargna pas le royaume de
Les Gitans dans le royaume de Valence
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Valence, mis lui aussi à contribution pour renflouer les finances d’une
Castille exsangue, aggravant les tensions politiques et sociales, tandis
que le banditisme faisait rage. À Noël et durant l’été 1646, il sembla que
le royaume suivrait le chemin des révoltes catalanes contre le pouvoir
central41. Le comte d’Oropesa, vice-roi, bien décidé à lutter contre
tous les troubles de l’ordre public, n’oublia pas d’inclure l’expulsion
des Gitans dans sa politique de restauration de l’ordre. Dans un édit du
29 août 1646, il leur donna trente jours pour quitter le royaume ; de
nouveau, à l’automne 1648, il répéta cette mesure, réduisant le délai à
dix jours pour que les Gitans sortent de la ville, puis quinze pour qu’ils
sortent du royaume42.
Ce panorama doit être complété par l’édit du comte de Cifuentes,
vice-roi de Valence, expulsant les Gitans de la ville et du royaume le
25 mai 168543, et par celui du marquis de Castel Rodrigo, vice-roi, du
25 janvier 1695, qui reprend cette mesure44.
Cette législation, qui n’est pas fondamentalement différente de
celle que l’on trouve dans le reste de l’Espagne, doit être complétée
par l’analyse des discours juridiques et politiques tenus à l’égard des
Gitans, discours qui très souvent sont largement en résonance avec
cette législation.
Discours politiques
et juridiques
Passé l’Âge d’Or des premiers temps, à Valence, comme dans toute
l’Espagne, des voix s’élevèrent pour peindre un noir portrait des Gitans,
dénoncer leurs méfaits, légitimer les demandes d’expulsion, exiger
cette dernière45. C’est ainsi que le Valencien Juan Lorenzo Palmireno,
dans El estudioso cortesano, paru en 1573, dénonçait la fausseté de leur
prétendu statut de pèlerins :
« Fingen que salieron de Egypto Menor, y que tienen su peregrinación
por penitencia y para probar esto muestran cartas del Rey de Polonia, pero
mienten, porque su vida no es de penitentes, sino de perros y ladrones; [...]
habló con ellos en lengua de Egypto, dezían que como havía mucho tiempo
que eran salidos de ella, no la entendían. Hablóles en griego vulgar, como
hablan hoy en la Morea, y Archipiélagos, unos entendían, otros no, ansí que
pues todos no entienden, señal es que la lengua que traen es fingida y de
ladrones »46.
Nous voyons ici se faire jour une tendance à nier que l’on puisse
naître gitan, et donc à refuser de reconnaître l’altérité et l’identité
irréductible des Gitans ; en effet, d’après Palmireno, être gitan serait un
mode de vie acquis, identifiable à celui des mendiants et des bandits. On
décèle dans ce discours un véritable déni de l’existence d’une identité
130
Hélène Tropé
gitane, déni que l’on retrouve dans les mesures adoptées par Philippe
IV en 1633, qui, tout à la fois, face au vide laissé par l’expulsion des
morisques, renonça à les expulser mais en même temps leur interdit de
porter des vêtements particuliers, de parler leur langue et de vivre de
façon différente des vieux-chrétiens :
« No parece conveniente expedirlos porque la despoblación en que se
hallan estos reinos después que salieron los moriscos y las que causan las
necesidades presentes no pueden sufrir ninguna evacuación por ligera que sea,
principalmente de esta gente, que no son gitanos por naturaleza, sino por
artificio y bellaquería y enmendados se reducirán a la forma de vida de los
demás »47.
Parallèlement, en Castille, dans un mémoire imprimé dont le
prologue est daté de 1618, Pedro Salazar de Mendoza s’adresse à
Philippe II pour réclamer leur bannissement48.
L’année suivante, Pedro de Moncada, fait paraître plusieurs avis
ou arbitrios destinés à remédier aux maux qui affectent l’Espagne. Le
septième discours répertorie les méfaits des Gitans et souligne leur
nocivité, réclamant leur bannissement49.
Juan de Quiñones, alcalde de casa y corte, publie à Madrid en 1631
son Discurso contra los gitanos50. S’adressant au monarque, celui-ci
commence par se référer à l’assaut par des Gitans d’une voiture qui
venait des Flandres et apportait un courrier au monarque. Après avoir
raconté les diligences accomplies pour retrouver le courrier et châtier
les coupables, l’auteur entame dans des termes très durs un véritable
réquisitoire contre les Gitans : « Esta vil canalla son huidos por delitos
o deudas, gente amotinada y facinerosa, que no pudiendo estar en
lugares conocidos, se retiran a los montes y lugares escondidos para
ocultarse ». Tout le mémoire est à l’avenant. L’auteur les accuse même
de cannibalisme, ce qui n’est pas sans faire écho à la relation en vers de
romance d’un fait divers, publiée en 1617 et intitulée : Relation véritable
des cruautés et vols importants commis à Sierra Morena par des Gitans, bandits
de grands chemins, qui tuèrent un religieux et le mangèrent rôti et une Gitane
qui mangea sa tête bien cuite. De la justice qui fut faite et des châtiments qu’ils
reçurent51.
En 1644, Pedro de Villalobos fait paraître ses Discursos iurídicos
políticos en razón de que a los gitanos bandoleros de estos tiempos no les vale
la iglesia para su inmunidad52. S’élevant contre l’immunité ecclésiastique
ou droit d’asile qui permettait aux Gitans de se réfugier dans les églises
pour échapper à la justice, l’auteur, professeur de droit à l’Université
de Salamanque et doyen de cette dernière, expose les raisons qui, selon
lui, justifient l’abolition de ce droit d’asile pour les Gitans. Pour ce
faire, il prend comme exemple un certain Santiago Maldonado, qu’il
qualifie de « Gitan délinquant » (Gitano vandolero). On remarque
Les Gitans dans le royaume de Valence
131
d’ailleurs que, dès le titre, les Gitans sont assimilés à des bandoleros,
c’est-à-dire à des bandits. Ce Gitan s’était réfugié dans une église et
le corregidor de Toro, enfreignant le droit d’asile, l’avait ouverte de force
pour l’en sortir, l’arrêter et le mettre en prison ; un procès s’en était
suivi, le vicaire de Salamanque s’étant plaint de cette violation du droit
d’asile. L’auteur rappelle que les voleurs connus et les bandits de grands
chemins ne jouissent pas de l’immunité ecclésiastique ; cependant aux
yeux du procureur (fiscal), il n’avait pas été établi que l’accusé était bien
le Maldonado connu de tous comme voleur. Dès lors, notre auteur
témoigne et s’acharne à prouver le contraire et insiste sur la dangerosité
dudit Maldonado et sur son impiété, soutenant que lui et ceux de sa
tribu dorment dans les églises avec leurs concubines, y faisant aussi
entrer les chevaux, laissant l’église au matin dans un état inqualifiable,
y blasphémant et préparant les attaques et les mauvais coups à venir. À
son sens, ce sont de mauvais chrétiens. Il réfère tous les vols commis
par la bande de malfaiteurs (quadrilla) de Maldonado et le crime que
ce dernier a perpétré dans un autre lieu sacré, un cimetière, sur la
personne d’une pauvre femme dont la seule offense avait été de lui
reprocher ses mauvaises actions. Il réclame que Maldonado soit puni et
qu’il ne puisse jouir de l’immunité ecclésiastique.
Maldonado fut mis à mort à cause de l’assassinat qu’il avait commis53.
Postérieurement, la question de l’exclusion des Gitans du bénéfice du
droit d’asile fera l’objet de plusieurs réunions et discussions de la Junta
de Gitanos fondée en 1721 à l’initiative du monarque, entre autres pour
déterminer si les Gitans devaient en bénéficier ou pas. Une commission,
créée ex professo pour trancher ce point épineux, autorisera en 1745,
avec l’accord du souverain pontife, l’arrestation des Gitans délinquants
réfugiés dans les églises54.
L’évocation de ce cas nous conduit tout naturellement à analyser
quelques procès conservés aux archives du royaume de Valence,
procès qui nous permettent d’appréhender du point de vue de la
micro-histoire les cas singuliers de certains Gitans qui eurent à faire à
la justice.
Devant les juges
En 1547, Francisco, Gitan, comparut devant ses juges, accusé de
vol55. Selon un témoin à charge, il s’agissait d’un vagabond et d’un
voleur patenté, qui avait coutume d’errer et de voler en compagnie
d’autres Gitans, et était connu pour avoir commis mille larcins dans la
ville de Valence et dans d’autres localités du royaume et en tous lieux.
Selon ce témoin, pour mieux pouvoir voler, Francisco était toujours
muni de gants et d’instruments destinés à ouvrir portes et serrures.
C’est ainsi que ce Gitan, se promenant dans les divers villages de
la plaine de Valence pour voir ce qu’il pourrait voler, était arrivé
132
Hélène Tropé
nuitamment à Alboraya et, grâce aux crochets et aux outils dont il
était muni, avait ouvert la porte de la demeure de Jaume García,
paysan de ce village, et lui avait volé la somme de onze livres et
quatre sous. Il avait chargé l’un de ses enfants, âgé de neuf ou dix ans,
de faire le guet devant la porte. Or, le bruit qu’il faisait tandis qu’il
opérait à l’intérieur de la maison, fut perçu par deux personnes qui se
mirent à crier « Au voleur ! ». Le Gitan avait pris la fuite, emportant
l’argent et laissant son fils toujours posté aux aguets, lequel fut fait
prisonnier. Lorsqu’on interrogea ce dernier, il avoua que son père
se nommait Francisco, que c’était un Gitan et il révéla le lieu où
celui-ci demeurait en compagnie d’autres Gitans. Le Justícia s’y rendit
et trouva en chemin Francisco, qui avait sur lui l’argent volé ; il fut
arrêté et emprisonné. Le procès est malheureusement incomplet et
on ne connaît pas la sentence.
Être expulsé, ne pas accomplir la condamnation et continuer à
voler pouvait s’avérer fatal pour les Gitans qui étaient alors envoyés
aux galères. C’est en tout cas ce qui arriva en janvier 1579 à Miquel
Hernández, Gitan originaire d’Andalousie, qui avait été trouvé errant
dans la ville de Valence et pour autant contrevenant aux furs. Il fut
arrêté et jeté en prison. De plus, il fut accusé d’avoir volé les jours
précédents des bobines de fil et des espadrilles dans des boutiques de
certains alfatiers ou vendeurs de sparte56. Précédemment, on l’avait déjà
surpris en train de voler des instruments de labour dans une ferme,
et le 21 mars 1578, il avait été condamné à être fouetté et expulsé.
Peine perdue ! Il était resté, et en juin on l’avait à nouveau surpris
en train de voler et cette fois, on l’avait arrêté, jugé et condamné à
recevoir cent coups de fouet à la vue de tous dans les endroits habituels
(peine infamante), à restituer en double ce qu’il avait volé, à payer les
dépens du procès et enfin, au bannissement, mais il n’avait pas quitté
le royaume. Les témoins attestèrent qu’il s’agissait bien d’un Gitan,
qu’il ne travaillait pas, n’avait pas de métier connu et était un mendiant
(gallofo). En janvier 1579, il fut condamné à quatre ans de galère.
Les Gitans pouvaient parfois bénéficier des témoignages de voisins
attestant qu’ils étaient devenus des paysans et n’étaient plus des errants.
Mais, comme semble l’indiquer un procès de 1582, chaque fois que
cela était possible, les royaumes se renvoyaient mutuellement leurs
Gitans, quel que soit le degré de sédentarisation de ces derniers. C’est
ce qui paraît ressortir du procès de Cristòfol de Malla dont la sentence
d’expulsion fut rendue le 10 mars 158257. Le document indique :
egipcium vulgo ditum bomia et vagabundum. Les alguazils l’avaient trouvé
à l’entrée du village de Borriol, localité située près de Castellón.
L’ayant interrogé pour savoir ce qu’il faisait là, il avait répondu qu’il
était domicilié dans le royaume. Voyant qu’il portait des balluchons
typiques de ceux des Gitans à l’époque, ils l’arrêtèrent, le fouillèrent
et trouvèrent parmi ses effets une de ces épées de grande taille dont
Les Gitans dans le royaume de Valence
133
le port était interdit, et un pistolet à silex. Les trois Gitans avaient
aussi des chevaux dont les alguazils soupçonnèrent qu’ils pouvaient
avoir été volés. Lors du procès, certains témoins à décharge attestèrent
que l’un d’eux était originaire d’une localité du royaume d’Aragon
(Estor), où il possédait des terres, des vignes et une ferme et n’était pas
considéré comme un Gitan, mais comme un laboureur. En application
de la législation en vigueur, il fut condamné à être fouetté et banni à
perpétuité.
Un autre procès58 nous confirme que les Gitans, ainsi que certaines
pragmatiques le leur reprochaient, étaient parfois munis d’armes
interdites. Le 6 avril 1591, Joan de Mena, Joan de la Guaya et Gaspar
Montero, âgés respectivement de vingt-quatre, vingt-trois et trente
ans, furent fait prisonniers dans la localité valencienne de Moixent, au
sud-ouest du royaume. Ils étaient entrés en passant par Villena, Ayora,
Ontinyent et avaient été trouvés errant et donc contrevenant aux
dispositions en vigueur. L’un portait une épée à nu (una espasa sense
vayna). De plus, les juges considérèrent les vols qui avaient eu lieu
tant à Moixent qu’en d’autres localités des environs et principalement
sur les chemins. Lorsqu’ils furent arrêtés, les soupçons se portèrent
immédiatement sur eux « dès lors que ce sont des personnes suspectes
et de mauvaise foi » (per ser com son gent sospitosa y de mala fe). Ils furent
expulsés de la ville et du royaume.
Le procès de Cathalina59, Gitane, qui eut lieu en 1598, nous
permet de comprendre comment les mesures d’expulsion étaient
appliquées, au cas par cas. À l’époque du procès, cette Gitane est veuve
de Francisco de Torralba, Gitan condamné à Saragosse et mort aux
galères. Elle a vingt-cinq ans et est venue au royaume de Valence en
compagnie de Joan, son frère. Elle est faite prisonnière parce qu’elle
est gitane et qu’elle a été trouvée errant dans la ville de Valence, et
donc contrevenant aux mesures d’expulsion en vigueur. Le 13 mars
1598, elle est condamnée aux coups de fouet prévus par la loi et au
bannissement perpétuel de la ville et du royaume.
C’est aussi en 1598 que Père Riera (alias Catarrochi),Maria Ximénez,
Luisa Alvarado, Catalina Torres et María Hernández furent traduits en
justice60. Lorsque le Justícia s’était approché du moulin de Cuart, il
avait d’abord vu deux Gitanes en train de laver des chemises et deux
hommes, « dont un de couleur de coing cuit, de ceux qu’on appelle
mulâtres » ; apercevant le Justícia, l’un des deux s’était jeté dans un canal
d’irrigation où on l’avait trouvé caché ; on avait ensuite découvert un
autre homme, dissimulé parmi les broussailles, ainsi qu’une marmite,
une besace, un quart de dinde déjà rôti et d’autres choses encore.
Le Justícia les avait faits prisonniers et conduits à la prison de Quart.
Interrogé sur les raisons de son comportement, Père Riera — celui
qui avait sauté dans le canal à l’arrivée du Justícia — reconnut que les
gens de justice lui inspiraient de la terreur et qu’il ne voulait pas être
134
Hélène Tropé
pris en compagnie d’autres Gitans ; il avoua ensuite qu’ils s’apprêtaient
à consommer une dinde et prétendit qu’il l’avait trouvée morte.
Dans le groupe de Gitans arrêtés ce jour-là se trouvait aussi María,
Gitane, de langue gitane (gitana de habit y llengua gitana), dont le mari
ramait sur les galères de Sa Majesté — on se souviendra en effet qu’à
Valence, les Cortès de 1585 avaient prévu parmi les peines applicables
aux Gitans les galères à perpétuité61. Celle-ci prétendit que la dinde,
objet présumé du délit, leur avait été vendue par un garçon originaire
d’un village de morisques. La suivante, Cathalina Toresset, célibataire
âgée de neuf ans, avança pour sa défense que la dinde leur avait été
donnée par cet enfant morisque.
Pere Riera avait été précédemment condamné au bannissement
et au cas où il contreviendrait à cette peine, à trois ans de galère.
Considérant qu’il était récidiviste dès lors qu’il avait été trouvé à
Cuart, il fut condamné aux trois années de galères prévues par la loi
et au bannissement perpétuel de la ville et du royaume de Valence ; les
Gitanes quant à elles — à l’exception de la Gitane mineure — furent
condamnées à être fouettées et au bannissement perpétuel et, en cas de
récidive, à recevoir deux cents coups de fouets.
Autre procès significatif. Le 16 octobre 1606, Joan Phelip Alvarado,
Gitan âgé de vingt-cinq ans, fils de Gitans, fut fait prisonnier à
Guadasuar, localité du royaume62. Le 28 septembre, lui et trois autres
Gitans (Domingo, Baltazar et Joan), avaient attaqué sur le chemin royal
— ce qui constituait une circonstance aggravante63 — des charretiers,
leur portant des coups de couteaux et d’épées et leur volant plusieurs
biens, dont un âne chargé de sacs qu’ils allèrent ensuite revendre à
Llíria en disant qu’ils l’avaient trouvé dans un trou. Ils furent arrêtés et
emprisonnés.
Interrogé, Alvarado nia les faits en bloc, prétendant qu’il était
laboureur et vivait de son travail. On lui demanda où il travaillait et il
donna le nom du village de Carcaxent et admit que cela faisait deux
mois qu’il avait cessé de travailler. Il prétendit qu’un jeune morisque
et lui avaient échangé leurs ânes et qu’il ignorait que la bête de ce
dernier avait été volée, et lui dupé. Mais Alvarado était connu de tous
pour être un voleur qui avait déjà dérobé douze mules précédemment.
Un témoin à charge, qui le connaissait depuis son enfance, attesta qu’il
n’avait jamais vu ce Gitan travailler mais divaguer au contraire avec les
autres Gitans dans le village.
Dans la sentence, les juges consignent que le prévenu passe son
temps à errer dans le royaume en compagnie d’autres Gitans et Gitanes,
s’habillant et parlant comme eux, qu’il est toujours en compagnie de
gens de mauvaise vie, qu’il ne travaille pas, est tenu pour un voleur et
un grand fripon et qu’il est connu pour avoir commis de nombreux
larcins. Il a été vu de nombreuses fois avec un pistolet à silex et
lorsque l’alguazil l’a arrêté à Guadana, il portait un fusil chargé. Ils
Les Gitans dans le royaume de Valence
135
soulignent qu’il convient de « purger le royaume de tels vagabonds ».
Le document, incomplet, ne nous informe malheureusement pas de
la sentence.
Du procès suivant, daté de 160964, il reste un mémoire qui contient
la liste des objets volés à Jaume Joan Arimon, marchand originaire
de Gênes, résidant à Barcelone, par une Gitane répondant au nom
de Caterina Boniana. Après le vol elle embarqua dans une galère se
rendant à Gênes mais elle fut arrêtée à Valence grâce à une lettre de
dénonciation d’un certain Pere Terres Fuster et au mémoire. Assorti
de témoignages à charge, ce dernier était destiné à la faire condamner.
Parmi les objets volés se trouvaient des pièces de valeur telles que
plusieurs agnus dei en or, des bijoux (bagues) et des tissus (draps), le
tout étant évalué à 141 livres et 18 sous. Le procès n’est pas complet
mais il y a fort à parier que la Gitane fut lourdement condamnée.
Lorsque des Gitans étaient arrêtés et expulsés, leurs biens faisaient
l’objet d’un inventaire comme le montre celui, daté du 11 avril 1612,
des biens de Domingo Mendoça et de ses complices gitans que le
Justícia avait poursuivis et arrêtés à Ademuz en compagnie de quelques
Gitanes. Les biens inventoriés furent évalués à 131 livres, 13 sous et 6
deniers65.
Le procès intenté à Joan de Montoya en 1620 illustre les vaines
tentatives d’un Gitan, manifestement intégré au corps social, d’échapper
à l’expulsion66. Le 27 octobre 1620, Joan de Montoya, Gitan, comparut
devant la justice. Il affirma qu’il vivait depuis plus de quarante ans
dans le royaume de Valence, qu’il était marié et avait des enfants et
une famille. Il affirma avoir habité à Chelva et posséder (à l’époque
du procès) une maison située à Villafranca où il travaillait comme
forgeron. Légitimement marié à Lucrecia de Malla avec qui il avait
deux fils, il demanda à ce que ni lui ni sa famille ne soient compris dans
le ban récemment publié contre les Gitans et leurs descendants — il
y a tout lieu de supposer qu’il s’agit de l’un des bans, précédemment
mentionnés, du duc de Feria, datés des 16 et 23 juillet 1616, fixant le
délai prévu pour l’expulsion des Gitans à quinze jours. Les témoins
comparurent et assurèrent le connaître et connaître son épouse et ses
fils. Un témoin affirma qu’il avait même connu son frère ; d’autres,
son père. Le document, incomplet ne comporte pas la sentence. En
revanche, par un autre procès intenté à ses fils67, Ginés de Montoya, et
Sebastià de Montoya, qui furent faits prisonniers, l’on sait que le père
avait été expulsé. Il avait d’autres fils, sans doute plus jeunes, et qui ne
furent pas emprisonnés : Agostí, José, Salomón.
Il n’est pas indifférent que le procès mentionne les actes de baptême
des deux fils emprisonnés : on sait en effet que parmi les reproches que
l’on faisait aux Gitans concernant leur impiété, figurait l’accusation
selon laquelle ils ne baptisaient pas toujours leurs enfants. Ces baptêmes
étaient en quelque sorte des preuves de bonne conduite. Quoi qu’il
136
Hélène Tropé
en soit, le document, très lacunaire, ne nous en dit pas plus. On sait
seulement que les deux fils furent relâchés.
Par ailleurs, l’on sait que l’aristocratie protégeait parfois les Gitans,
leur délivrant des sauf-conduits. C’est en tout cas ce que semble
indiquer une lettre du monarque au vice-roi, envoyée depuis Madrid
et datée du 30 août 1695, qui fait allusion à des événements s’étant
produit à Teresa (aujourd’hui Teresa de Cofrentes), les Justícias ayant
refusé d’admettre dans cette localité des Gitans munis d’une lettre du
duc de Gandie. Le monarque rappelle que le vice-roi, le 25 janvier
1695, avait à nouveau fait publier un ban réitérant les précédentes
mesures d’expulsion et il demande l’application de ce ban68.
À la fin de la période de notre étude, il semble que les dispositions
prises pour la Castille, tendant à ne plus bannir les Gitans face au
dépeuplement des campagnes consécutif à l’expulsion des morisques,
furent parfois imposées aux autorités valenciennes, non sans susciter
de fortes réticences. En tout état de cause, le cas de la Gitane María
de Montoya, qui avait obtenu du monarque en 1680 la permission
de vivre dans le royaume avec ses enfants, fit s’opposer durant une
quinzaine d’années la Junta de Contrafueros, dont la fondation fut
obtenue en 1645 lors de la dernière réunion des Cortès valenciennes,
et les vice-rois, d’origine castillane. L’autorisation accordée à la Gitane
par le monarque dérogeait bien sûr aux mesures d’expulsion des
Gitans sans cesse répétées et elle fut contestée par cette Junta qui finit
par obtenir sa révocation. De même, en avril 1684, la Junta exposa
au vice-roi, le comte de Cifuentes, que la présence et circulation de
nombreux Gitans dans le royaume, même munis des autorisations
royales pour y demeurer, étaient contraires aux fueros et elle informa
le vice-roi qu’en l’absence de réaction idoine de sa part, il faudrait
en référer au monarque lui-même. La Junta obtint gain de cause : le
25 mai 1685 un nouveau ban ordonnait l’expulsion de tous les Gitans.
De plus, un ordre du roi daté du 25 janvier 1695 faisait obligation au
vice-roi, le comte de Castel Rodrigo, d’expulser tous les Gitans et de
poursuivre au pénal tous ceux qui auraient enfreint la loi (notamment
en vagabondant), y compris María de Montoya (celle-ci avait quitté
le royaume et était partie un temps en Castille). Ces mesures — sans
aucun doute — reflétaient fidèlement l’opinion publique, très hostile
à la permanence des Gitans dans le royaume69.
Il est intéressant de constater que quelques années auparavant, dans
un mémoire du 6 juin 1690, Luis de Moscoso y de Osorio, comte
d’Altamira, vice-roi de 1688 à 1690, avait exposé, outre le problème
posé par certains Gitans nés dans le royaume et qui avaient obtenu
la délivrance de sentences royales les naturalisant valenciens, que les
danses esquissées par certains Gitans lors des festivités organisées à
l’occasion de la célébration du Corpus Christi pouvaient constituer
une atteinte aux fueros (contrafuero)70. La participation de ces Gitans par
Les Gitans dans le royaume de Valence
137
des danses avait été organisée par les autorités municipales après que le
vice-roi les avait autorisées et certains Gitans résidant à Valence avaient
dansé publiquement. La Junta de contrafueros, ignorant qu’ils avaient
été naturalisés, avait déclaré dans sa session mensuelle que cela portait
atteinte aux Privilèges, ces derniers statuant que les Gitans devaient
être expulsés.
Au-delà de ces protestations de la sourcilleuse Junta, l’on sait que
les autorités des divers royaumes aspiraient à annuler sinon cette
communauté, du moins les signes extérieurs qui proclamaient sa
non-assimilation à la société majoritaire : leurs vêtements voyants, leur
concentration dans un même endroit, leur langue, leur participation aux
danses et représentations théâtrales. Comme le souligne très justement
Antonio Gómez Alfaro71, cette tentative du législateur d’interdire les
signes extérieurs de la différence gitane se fit jour alors même que le
théâtre comportait déjà des personnages de Gitans et de Gitanes et que
leurs danses, qui avaient la faveur de tous les publics, étaient réclamées
dans de nombreuses célébrations festives. Le phénomène mérite d’être
étudié et analysé dans toute sa complexité.
La participation des Gitanes et des Gitans aux
célébrations festives : du bannissement législatif
à l’assimilation festive ou burlesque
En effet, le bannissement des Gitans voulu par le législateur d’un côté
et leur présence dans des fêtes où tout le corps social est représenté de
l’autre, dans les processions du Corpus Christi72 notamment, paraissent
à première vue fort contradictoires. En réalité, les deux phénomènes
ne sont peut-être pas à mettre sur le même plan. Si le législateur
interdit, le politique au sens large — et les autorités municipales et
ecclésiastiques, sans aucun doute, menaient une certaine politique —
traite les problèmes, les règle plus ou moins, a en tout cas intérêt à faire
croire qu’il les règle ; et donc à offrir une représentation harmonieuse
du corps social qu’il dirige, et une image positive de lui-même de
façon à rester le plus longtemps possible dans les postes de pouvoir.
Le politique a aussi intérêt à contenter ceux qu’il dirige mais aussi à
les amuser et si possible à les divertir. Il doit aussi gérer la culpabilité
collective diffuse que certaines décisions d’exclusion ou les refus en
général génèrent plus ou moins inconsciemment dans le corps social,
comme un « retour de bâton » inattendu.
Quoi d’étonnant dès lors à ce que les autorités civiles et religieuses
chargées d’organiser une fête qui a valeur de modèle pour toutes les
autres — le Corpus Christi — aient choisi de faire en sorte que divers
marginaux participent à la procession ? Dans le temps sacré de la fête,
bien différent du temps profane du législateur, les marginaux ont
droit de cité. De là, la participation attestée des fous et des orphelins
138
Hélène Tropé
à de très nombreuses processions festives dans l’Espagne des XVIe et
XVIIe siècles, à commencer par les fêtes valenciennes73. De là aussi
ces danses de Gitanes et de Gitans dans de nombreuses fêtes baroques
espagnoles. Nous en donnerons un exemple sommaire mais significatif
avant de nous centrer sur le cas valencien.
Comme l’a montré François Reynaud74, à Tolède, des danses
spontanées avaient lieu, notamment de Gitans et de Gitanes, danses
qui n’avaient pas été prévues par le chapitre de la cathédrale mais qui
plaisaient beaucoup et étaient dès lors généreusement rétribuées. Ce
fut le cas, par exemple, d’une « danse de Gitans et de Gitanes » lors de
la célébration du Corpus de 1674.
À Valence, selon l’antique cérémonial du Corpus, le matin du jour
précédant la célèbre procession, à sept heures, une procession sortait de
la Maison des chars ou rocas, procession qui se composait de :
« El capellan de la ciudad a cavallo con bonete y gualdrapa, Danza de los
momos con estandarte, Danza de la diablera con estandarte, Danzas quatro
o mas de toqueados, Danza de gitanas fingidas, Misterio del Rey Herodes,
Misterio de San Cristoval, con estandarte blanco, Misterio de Adan y Eva »75.
On voit donc que ces danses de Gitanes faisaient partie intégrante
de l’esprit de la fête. En effet, dès 1588, à l’imitation de ce qui se
faisait en Castille (en particulier à Tolède et à Madrid), les jurats de
Valence décidèrent que la procession inclurait désormais huit géants
(quatre paires). Ces derniers représentaient les quatre parties du monde
connues jusqu’alors (Europe, Asie, Amérique, Afrique) et symbolisaient
l’adhésion à l’Eucharistie de tous les continents. Aux géants, on ajouta
deux nains : la conjonction des deux signifiait que petits et grands
adoraient le Seigneur de la même façon. Ils parurent pour la première
fois dans la procession du Corpus de l’année suivante76. L’inventaire
des frais engagés précise que furent fabriquées quatre paires de géants
(homme et femme à chaque fois) représentant deux Espagnols, deux
Turcs, deux Gitans et deux Noirs. Il semble que de façon significative
ceux qu’on appelait populairement en valencien espanyols avaient
vocation à représenter toute l’Europe et que les dénommés turcs
renvoyaient aux asiatiques. En réalité, à Valence, les géants espagnols,
gitans, turcs et noirs étaient surtout une image de ceux qui habitaient
le royaume à l’époque ou bien le menaçaient : les autochtones, les
Gitans invasifs dont on ne parvenait pas à se débarrasser et très difficiles
à assimiler, les Turcs qui faisaient sans cesse des descentes sur le littoral
et bien sûr les esclaves noirs77.
Ces géants, qui dansaient des danses typiques des nations
représentées, apparaissaient non seulement dans la procession du
Corpus, mais encore lors des fêtes de Notre-Dame des Désemparés,
Les Gitans dans le royaume de Valence
139
Saint-Roch, Saint-Louis-Bertrand et Saint-Vincent-Ferrier, de même
que lors des fêtes extraordinaires données à l’occasion d’un événement
exceptionnel comme l’atteste, par exemple, Felipe de Gauna dans sa
Relation des festivités célébrées lors des noces de Philippe III :
« […] A los quales seguian otro gigante de la propia largaria y grandeza
que los sobredichos, el qual venia vestido al traxe de nascion gitano, como lo
hera, […].Y a su lado llevaba a su buena compañera, que era una gitana de
la misma altaria y grandessa quel gigante gitano, su compañero, la qual salio
vestida al propio traxe de gitana […]; y ansi puestos estos dos gitanos de
frente de Sus Majestades y Altessas, con la buena mussica que trayan, baylaron
a la gitanesca maravillosamente de bien con sus meneos y mudanzas diferentes
que los demas »78.
Il est d’ailleurs bien attesté que, pour satisfaire les idéaux de variété
et de nouveauté propres à la fête baroque, au XVIIe siècle, les festivités
du Corpus valencien comportèrent tous les ans à cette époque, de
façon régulière, des danses de Gitanes ou de Gitans, réels ou imités79.
Valence n’avait certes pas l’exclusivité de ces figures de Gitans : dans
les fêtes ou manifestations festives d’autres villes de la Péninsule, on
exploitait de la même façon l’altérité essentielle et irréductible que
comportait dans l’imaginaire collectif la figure du Gitan, notamment
lorsque, comme dans la procession du Corpus, on voulait signifier la
diversité de tous les peuples de la terre qui adoraient l’Eucharistie, la
religion catholique ou encore le monarque. Ce fut le cas, par exemple,
à Ségovie pour l’entrée en 1615 d’Isabelle de Bourbon, épouse du
prince Philippe : une troupe de gens masqués (máscara) figurait les sept
planètes et était suivie de personnages représentant chacun une nation :
un Arménien, un Gitan, un Persan, un Allemand, un Portugais80. Il est
d’ailleurs curieux de constater que le Gitan, qui, par définition, n’a pas
de territoire, pas de pays, pas de terre, pouvait en venir à représenter
dans les mentalités et l’imaginaire collectif de l’époque une « nation » et
parfois « un continent ». Sans aucun doute était exploitée dans ces
représentations sa part d’éternelle et d’irréductible « étrangeté ». Celui
qui, dans l’imaginaire collectif, n’est de nulle part, n’est-il pas aussi de
partout ?
C’est ainsi que selon la chronique d’une procession de gens masqués
qui eut lieu à Ségovie en 1610, l’Afrique était représentée par une
Gitane en raison d’un jeu sur le signifiant gitano à partir de l’étymon
Egipto :
« Siguióse luego África en trage de gitana, por ser Egipto buena parte de
África. Iua asimismo ricamente adereçada en su hacanea, con lacayos, pages y
dança conformes a este trage. La letra era : Es Ignacio mi Atlante; él sustenta
la fee que hay en mi suelo como el Atlante el estrellado cielo »81.
140
Hélène Tropé
Les danses de Gitans, à Valence comme ailleurs, faisaient les délices
du public82. Concernant la cité du Levant, le journal ou Dietari de
Joaquim Aierdi atteste que des figures de Gitans furent exhibées en de
multiples occasions festives, par exemple le 29 octobre 1661, lorsqu’on
célébra les Festes de la colocacio dels sants martirs de Senta Catalina Martir
(récupération dans les catacombes de six ou huit corps de saints) et que
l’on organisa la Processo dels sants martirs de Senta Cathalina Martir per a
la col.locacio :
« Anaven, primer, tots los officis ab ciris, […]. Después, un carro triünfant
ab sentab Cathalina Martir de masoneria, molt ben ataviada y vestida.
Después anaven los chagants y nanos de la ciutat, y en lo discurs de la
proceso moltes dances molt diferents. Después anaven les relichions, y cada
convent portava unes andes ab un sant mártir que en la Seu se li entregava;
después les parroquies, y cada una de aquelles portava unes andes […]. Entre
les dances que anaven en dita proceso, ne anava una de certs fadrins, tots
vestits de negre ab botons de plata, que dansaven moltes y diferents danses,
y entre elles un torneo al so de arpa y llaüt; y altra dansa de chitanes, que
eren certs fadrins tepiners vestits de chitanes, los quals, al so de tabalet y
dolsaina ballaven diferents balls de molta primor, ab diferents mudanses; altra
dansa de toqueados, de fadrins llauradors, ab les robes de casaquetes vermelles
y blanques de la ciutat; altra dansa, dels momos, també ab les robes de la
ciutat »83.
De même, à l’occasion de la naissance du prince, le futur Charles II,
en 1661, une procession de cavaliers vêtus en Gitans parut dans la ville :
« Encamisada en València, per lo princep. Dit dia, en la nit, agué en
València una encamisada de 24 cavallers ab aches blanques, tots vestits de
chitanes, molt ricament, que regosicharen molt la ciutat, fent moltes corregudes,
aixi en lo Real com en moltes parts de València »84.
Le 11 février 1662, à l’occasion du bref d’Alexandre VII en faveur
du Mystère de l’Immaculée Conception, coïncidant avec l’époque de
la célébration du traditionnel Carnaval estudiantin reconverti pour la
circonstance en fête religieuse, l’Université de Valence organisa une
fête et il y eut des danses de Gitanes déguisées, dans le patio et la place
de l’Estudi et dans toute la ville85. Lors de la procession, trente-neuf
chars ou rocas sortirent : certains transportaient des personnes et des
animaux vivants ; à côté des chars de fous, de muses, de chiens et
de chats, parut un char de Gitanes86. Selon Juan Bautista Valda,
chroniqueur de la fête, le Dimanche de Quasi modo, il y eut aussi une
procession au cours de laquelle on put admirer un char transportant
des personnages richement vêtus, déguisés en Gitans et en Gitanes, en
train de danser :
Les Gitans dans le royaume de Valence
141
« Después de este carro iva una dança de mentidos Gitanos y Gitanas, con
ricas polleras, costosos faldellines, vistossísimos tocados, con perfeta semejança
del traje y natural imitaçión de sus mudanças, vueltas y agilidades que
acompañavan el último carro, no menos hermoso que el segundo […] »87.
Lors de la procession du 14 février 1662 organisée par la ville, la
corporation des roperos fit aussi paraître un char. Celui-ci fut précédé
d’une danse de Gitans et de Gitanes qui, d’après Valda, le chroniqueur,
— et le détail est intéressant — était interprétée par d’authentiques
Gitans :
« ROPEROS. Antecedía el estandarte y bandera del Oficio de Roperos
este hermoso carro, diole motivo a la invención la cercanía de vivir este gremio
en la Parroquia de San Juan, y assí quiso imitar y reducir a la distancia de
su carro la misteriosa visión del sagrado Apocalipsis, assumto de su altar, con
quanta perfección se executasse, bien lo dize el dibuxo, con imitación propia
delineado, sacó también delante del carro una dança de verdaderas Gitanos y
Gitanos, que haciendo primorosas vueltas, y mudanças, dio al concurso mucho
entretenimiento »88.
À nouveau, en janvier 1664, des fêtes furent organisées et le
samedi 26, une procession organisée par l’Université, pour le même
motif que précédemment, au cours desquelles il y eut des danses de
Gitans interprétés par des étudiants licenciés :
« Después, dos danses de chitanes, que tots eren licenciados molt ricament
vestits »89.
On est fondé à s’interroger sur le sens de la participation d’un
groupe ethnique aussi honni que les Gitans et les Gitanes à des fêtes
fondamentalement conservatrices, d’autant plus qu’en certaines
circonstances, il s’agissait de vrais Gitans. À vrai dire, comme l’a bien
montré Pilar Pedraza90, ces fêtes valenciennes étaient aussi des soupapes
de sécurité qui permettaient l’expression, à tout moment contrôlée, de
tendances alternatives plus ou moins subversives au sein d’une société
conservatrice. En représentant sur un mode festif, voire burlesque,
ces danses de Gitanes et de Gitans, les autorités les donnaient à voir
comme des objets folkloriques aussi passifs et inoffensifs que tous
les autres. Ces figures amusaient et permettaient une libération de
l’énergie populaire, ainsi habilement canalisée. La part d’audace que
ces personnages représentaient dans des fêtes à caractère religieux était
habilement reconduite vers l’exaltation du Saint-Sacrement pour le
plus grand profit des autorités qui donnaient d’elles-mêmes, par la
même occasion, l’image d’un pouvoir efficace capable de faire danser
jusqu’à ceux qu’elles essayaient — avec plus ou moins de succès —
142
Hélène Tropé
d’assimiler dans la société ou de rejeter. Il s’agissait en dernière instance
d’une assimilation burlesque, à tous égards très habile et réussie.
Au terme de cette étude, on ne peut que prendre acte de
l’incompréhension et des refus qui, à l’époque moderne, ont
présidé, de la part de la société vieille-chrétienne valencienne, et
en général espagnole, à la perception des différences inhérentes à ce
groupe ethnique : vêtements, langue, mœurs, coutumes, modes de
subsistance fondées sur une tentative de vivre, non pas aux marges
de la société sédentaire, mais en totale symbiose avec cette dernière.
Ces refus de la différence ont débouché pour les vieux-chrétiens sur
deux attitudes successives : dans un premier temps, expulser ; puis, le
dépeuplement consécutif à l’expulsion des morisques, dans la seconde
moitié du XVIIe siècle, aboutit à des tentatives timides et souvent
vaines d’assimiler, toujours en tentant de faire cesser ce que d’aucuns
nomment aujourd’hui « le nomadisme parasitaire » de ce groupe,
fondement de son économie et de sa survie ; en somme, refus par la
société vieille-chrétienne de l’altérité fondamentale d’un peuple qui
erre depuis des siècles et qui a fondé précisément ses lois, ses coutumes,
son économie et même son identité sur le voyage. Du côté des Gitans,
très probablement, en réponse à ces refus, une haine et un mépris
des vieux-chrétiens et une culture de la soustraction à cet autre de
tout ce qui est possible de lui prendre, le tout accompagné d’un repli
identitaire sur ses coutumes.
Au cours des XVIe et XVIIe siècles, le traitement législatif
des multiples problèmes d’ordre public posés par les Gitans a été
fondamentalement répressif. Les procès retrouvés dans les archives nous
ont montré avec quelle rigueur cette législation a été appliquée. Ils
nous ont aussi permis de nous approcher très brièvement — par éclairs
— du quotidien des Gitans. Nous pensons par exemple au pittoresque
tableau qu’offre de la communauté, sans le vouloir, ce procès de 1598
où l’on relate la scène où le Justícia perturbe par son arrivée les agapes
champêtres du groupe qui se disposait à déguster une dinde rôtie, le
plongeon du Gitan dans le canal, le départ précipité d’un autre pour
se réfugier dans les broussailles, la victoire du Justícia qui parvient à les
arrêter, les inventives allégations des uns et des autres pour expliquer
l’origine de l’un des objets du délit, la dinde.
Quoi qu’il en soit, les tentatives de la société vieille-chrétienne
valencienne de se débarrasser de ce groupe ou de l’assimiler semblent
largement avoir échoué tandis que les Gitans parvenaient à survivre et
à se perpétuer malgré les milliers d’exécutions et d’envois aux galères.
Mais si, historiquement, l’assimilation fut un échec relatif, il est curieux
de constater la place que, paradoxalement, dès l’époque moderne,
les Gitans ont pris dans l’imaginaire collectif et les représentations
culturelles, à commencer par leur participation attestée, que ce soit par
Les Gitans dans le royaume de Valence
143
de vrais Gitans ou des figures les imitant, aux danses typiques dans les
processions festives valenciennes des XVIe et XVIIe siècles, soit autant
de tentatives finalement très réussies, de la part des autorités, pour
juguler l’inquiétante altérité de ces éternels « étranges étrangers ».
Annexes
BNE :VC/107/60, Información sobre los Gitanos y su historia, s. l., s. e., s. d,
2 fols.
En Sevilla un amigo de buenas letras me dixo que se acordava aver leydo
en una epístola dedicatoria de Aldo Manucio que esta gente son Cigios,
que es una provincia de Circasia, y que avrá que se derramaron por estas
Provincias cientos y cinquenta años : parece que ayuda esta opinión llamarse
en Italia Cingaros.Y quanto al tiempo, la Premática del año de 1499, que
fue la primera que dellos habla, donde dize que ha muchos años que andan
vagando, que se verifica en cinquenta antes della, y ciento después.
A uno de los Historiadores del rey nuestro señor le parece que vinieron
con los Moros más ha de setecientos anos y hicieron asiento en el Aragall,
lugar del duque de Osuna, no lejos de Sevilla, no dice de dónde.
A otro historiador, le parece que vinieron de Bohemia, no dize quándo.
Lo que dellos se puede colegir es que oyeron a sus mayores aver venido
los unos de Egipto y los otros de Grecia, y ansí unos se llaman Egypcianos,
y otros Grecianos, y ay entre ellos diferencia conocida en las costumbres, en
el trage y en algunos vocablos. Los Egypcianos son holgazanes, andan más a
caballo, sus mujeres trahían los rodetes grandes, y mantones. Han usado y usan
más el hurtar que el engañar con palabras y embustes.
Los Grecianos son todos herreros, usan más el engañar con palabras que el
hurtar. No han usado los rodetes grandes y mantones, tienen algunos vocablos
diferentes. Júntanse ordinariamente Gitanos con Gitanas y Grecianos con
Grecianas.
Los unos y los otros han acostumbrado andar repartidos por familias con
cabeças a quien llaman Conde. A este obedecen, no es el más viejo, como
entre algunas gentes se ha usado, sino el que tiene más brío para mandarlos.Y
aunque estén de asiento en algunos // lugares reconocen su Conde y acuden
a él con sus deferencias.
Y aunque determinadamente no se sepa de dónde vinieron, ni quándo,
sábese muy bien que es gente abominable y perversa, que vive de robos, hurtos
y engaños, sin ley divina, ni humana, no solamente inútil a la República pero
la más perjudicial que jamás hubo : y es bien de maravillar que en Provincia
de tanta pulicia como son Italia, Francia y España, y donde con tanto cuidado
se castigan los vicios, y ordenan todas las cosas al bien público, aya perseverado
esta gente en su manera de vivir tantos años, no solamente incorregibles, pero
más adelante en sus vicios que nunca, por estar más diestros en saber hurtar
y engañar y en saberse defender de los ministros de justicia. Enseñan en
naciendo los hijos a hurtar y engañar : como hurtarán de día, como de noche,
144
Hélène Tropé
como en el campo y como en poblado, dándoles infinitas traças para ello y
para engañar las casadas, las doncellas, las biudas, las viejas, las moças. Donde
y como han de trocar lo que hurtan. A quien echarán la culpa quando los
cogen con el hurto en las manos, que sea persona que no pueda yr a galeras.
Para casarse se informan quál es las más diestra en el hurtar, y engañar, y la
buscan : no reparan en que sea parienta, ni casada con otro, que en juntándose
con ella, y diciendo ‘ésta es mi mujer’, les parece que basta.Y algunas vezes las
compran a sus maridos, o las reciben en prendas : y ansí ay muchas más diestras
en hurtar y engañar que son entre ellos muy estimadas como son la Tejuleta,
la Peñuela, la Pucha, la Poquita, y otras muchas. Son más perjudiciales las
mujeres que los hombres, porque con más libertad andan de puerta en puerta,
y entran en todas las casas y tientan a todas las mujeres con sus engaños : topan
algunas fáciles y muchas cosas puestas a mal recaudo.
Los condes tienen por costumbre embiar a hurtar a los hombres de noche,
y a las mujeres de día, tomándoles cuenta, y reparten los hurtos.
Y aunque algunos condes tienen casas de asiento en algunos lugares,
acuden a las ferias con sus mujeres y familia, recogen lo que hurtan los demás,
y lo truecan y venden.
Son tantos los hurtos, robos, engaños y embustes que se les han averiguado
en esta comisión que sería menester prolixa historia para contarlos. Ha
llegado su atrevimiento a usar de fuerça, violencia y armas en algunos lugares
pequeños para hazerse // dar alojamiento y comida : y a vueltas robar o
saquear lo que ay.
Natale Conti, historiador grave destos tiempos, tratando de los sucesos
del ano de 72, dize que en tierra de Parma se juntaron muchos Cingaros
y compraron una casería y alrededor della hizieron muchas cuevas tapando
las bocas con ramas y yerva. Y fueron tanto los robos y salteamientos que
hizieron que fue necesario juntar en Parma trecientos hombres de guerra
para destruirlos.
El año de 87 en el Estado de Milán, hizieron los Cingaros tantos excessos
que don Gabriel de la Cueva, Governador del mandó echar vando, que
dentro de tres días saliessen de todo el estado, so pena de cinco años de galera
los hombres y açotes las mujeres, y dio licencia para que los desvalijasen y
puso pena de la vida a los que no siendo Gitanos se juntasen con ellos por
gozar de la vida licenciosa.
En estos Reynos ha avido mucho cuidado de remediar este desorden por
pragmática, el año de 1499 se mandó que viviesen de asiento en los lugares,
por oficios conocidos, o con señores, que les diesen lo que hubiesen menester.
Lo mismo se mandó en las Cortes del año de 525 y en las de 1528 y
en las de 1539 se mandó que cualquier gitano que fuesse hallado solo o
acompañado, sin tener officio, o vivir con señor, fuesse condenado a galeras
por seis años, teniendo edad conveniente. De todas estas leyes se colige que no
sólo se han de castigar los Gitanos que anduvieron vagando, sino también los
holgazanes.Y conforme a ellas yo oso afirmar que no ay en España ninguno
que no debe ser castigado con la pena dellas, porque si ay algunos que no
Les Gitans dans le royaume de Valence
145
andan vagando, que son pocos : ninguno ay que no sea holgazán. Los que son
herreros es de cumplimiento y no lo usan. Las mujeres jamás toman rueca, ni
aguja en la mano.
En las Cortes de Madrid de 1586 se mandaron guardar las pregmáticas
dichas y que fuesse Capítulo de Corregidores y que no pudiessen vender
cosa ninguna en feria ni fuera della sin testimonio de las cosas que sacan
para vender del lugar donde viven de asiento. También se ha hecho caso de
Hermandad, y mandado que se remitan en Aragón y se han proveydo muchos
juezes contra ellos.
Últimamente, a suplicación mía el Consejo // mandó que ningún juez
diesse licencia a los Gitanos, para que saliessen del lugar donde eran vecinos, so
pena de cinquenta mil maravedís.Y que siendo hallados fuera de su vecindad,
se castiguen como vagabundos, con que está proveydo bastantissimamente
lo que conviene, para que esta gente se reforme y viva trabajando como los
demás naturales o del todo se acaben si los juezes ordinarios lo ponen en
execución como son obligados.
Han usado y usan muchos papeles falsos de licencias para vagar : pero tan
bárbaros, que con poca atención se echa de ver que lo son.
Abréviations
AHN : Archivo Histórico Nacional
ARV : Archivo del Reino de Valencia
BNE : Biblioteca nacional de España
BUV : Universidad de Valencia, Biblioteca General e Histórica
NOTES
1. Antonio Morel Fatio, Les Allemands en Espagne du XVe au XVIIIe siècle
(RFE, 1922, 277-97) ; Albert Girard, « Les étrangers dans la vie économique
de l’Espagne aux XVIe et XVIIe siècles », Annales d’histoire économique et sociale,
tome V, novembre 1933 ; Albert Girard, Le commerce français à Séville et Cadix
au temps des Habsbourg. Contribution à l’étude du commerce étranger en Espagne
aux XVIe et XVIIe siècles, Bordeaux, Féret & fils ; Paris, E. de Boccard, 1932 ;
Antonio Domínguez Ortiz, « Los extranjeros en la vida española durante el
siglo XVII », Estudios de Historia Social de España, IV, vol. 2, Madrid, CSIC,
1960 (publié à nouveau dans Antonio Domínguez Ortiz, Los extranjeros en
la vida española durante el siglo XVII y otros artículos, Sevilla, Diputación, 1996,
p. 15-181).
2. Antonio Domínguez Ortiz, « Documentos sobre los gitanos españoles
en el siglo XVII », Homenaje a Julio Caro Baroja, Madrid, Centro de
Investigaciones sociológicas, 1978, p. 319-326.
3. Par exemple, María Begoña Villar García y Pilar Pezzi Cristóbal (eds.),
Los extranjeros en la España moderna (actas del I Coloquio Internacional,
146
Hélène Tropé
Málaga 28-30 de noviembre de 2002), Málaga, Graficas Digarza, S.L, 2003,
2 vols.; Tamar Herzog, Vecinos y extranjeros : hacerse español en la Edad Moderna,
Madrid, Alianza Editorial, 2006; María Teresa Pérez Villalba, « Franceses en la
Valencia del siglo XVI : apuntes acerca del proceso de integración y trayectoria
ejemplar del mercader Joan Augier », Estudis, 38, 2012, p. 323-345.
4. Bernard Leblon, Les Gitans d’Espagne, Paris, PUF, 1985, p. 17-29.
5. Helena Sánchez Ortega, « Les Gitans espagnols face à l’Inquisition »,
Études tsiganes, 2, 1978, p. 21-26 ; id., La Inquisición y los gitanos, Madrid,Taurus,
1988.
6. Mateo Alemán, Guzman d’Alfarache, Ire partie, livre III, chap. 2, in Romans
picaresques espagnols, introduction, chronologie, bibliographie par Maurice
Molho, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1968, p. 280, cité par
Antonio Domínguez Ortiz, « Los extranjeros… », p. 342.
7. Sebastián García Martínez, « Otra minoría marginada : los gitanos bajo
los Austrias », Primer Congreso de historia del País Valenciano, celebrado en Valencia
del 14 al 18 de abril de 1971, 3 vols., Valencia, Universidad, 1976, vol. III,
p. 251-269.
8. Sur cette évolution historique, voir María Helena Sánchez Ortega, El
problema gitano desde una perspectiva histórica, Madrid, Asociación de Antiguos
Alumnos del Instituto Escuela, 1981.
9. Ramón Menéndez Pidal (dir.), Historia de la Cultura Española, vol. 1, El
siglo del Quijote (1580-1680). Religión, filosofía, ciencia, Madrid, Espasa Calpe,
1996, p. 991.
10. Sur cette évolution historique, voir María Helena Sánchez Ortega, El
problema gitano desde una perspectiva histórica, op. cit.
11. Sur la périodisation possible, voir Teresa San Román, La diferencia
inquietante. Viejas y nuevas estrategias culturales de los gitanos [primera edición :
1997] Madrid, Siglo XXI, 2010 (Segunda edición), p. 12-14.
12. BNE :VC/107/60, Información sobre los Gitanos y su historia, s. l., s. e., s.
d, 2 fols.Voir la transcription en annexe du présent article.
13. Voir notamment Amada López de Meneses, « La inmigración gitana
en el siglo XV (Apuntes para su estudio) », in Martínez Ferrando, archivero.
Miscelánea de estudios dedicados a su memoria, Barcelona, Asociación Nacional
de Bibliotecarios, Archiveros y Arqueólogos, 1968, p. 239-263; María Helena
Sánchez Ortega, « Los gitanos españoles desde su salida de la India hasta
los primeros conflictos en la península », Espacio, Tiempo y Forma, Serie IV,
Historia Moderna, t. 7, 1994, p. 319-354.
14. Amada López de Meneses, « La inmigración gitana en España », loc.
cit., p. 3.
15. María Helena Sánchez Ortega, « Los gitanos españoles desde su salida
de la India... loc.cit., (voir en particulier p. 322).
16. Voir les sauf-conduits produits par les Rois Catholiques en faveur
de plusieurs chefs de communautés gitanes se rendant en pèlerinage à
Saint-Jacques de Compostelle entre 1480 et 1491 : José Luis González Arpide,
Pilar Rodríguez Valverde, « La diáspora gitana : la tolerancia de los primeros
Les Gitans dans le royaume de Valence
147
años análisis etno-histórico) », loc. cit., documents 1, 5, 6, 7, p. 150-151 et
154-157.
17.Voir Teresa San Román, La diferencia inquietante, op. cit., p. 16-17.
18. Amada López de Meneses, « La inmigración gitana en España », loc.
cit., p. 7.
19. Amada López de Meneses, « Gitanos en España en 1415 » en Pomezia,
77, 1965, p. 80-83 ; idem, « El documento más antiguo relativo a la inmigración
gitana en España », Pomezia, II, 1967 ; idem, « La inmigración gitana en España
en el siglo XV (apuntes para su estudio) », en Martínez Ferrando, archivero.
Miscelánea de estudios dedicados a su memoria, Madrid, 1968, p. 239-263 ;
id., « Los gitanos llegan a Andalucía en el segundo tercio del siglo XV »,
Pomezia, 31, 1968, p. 104-107 ; id., « Novedades sobre la inmigración gitana
a Espanya al segle XV », in Estudis d’Historia Medieval, 1971, t. IV, p. 145-161 ;
Daniel Cremades, « Les premiers Gitans à Murcie », Études tsiganes, 1974,
p. 5-7 ; María Helena Sánchez Ortega, « Los gitanos españoles desde su salida
de la India… », loc. cit., p. 330-331.
20. José Luis González Arpide, Pilar Rodríguez Valverde, « La diáspora
gitana : la tolerancia de los primeros años, análisis etno-histórico) » en Revista
de Estudios Humanísticos, 1988, p. 143-157.
21. Archivo municipal de Castellón, Libro Cons. 73 : « pe[r] quant las
gens dels bohemians fa gran dam en la vila e terme, […], lo manem que de
continent se’n vagen », cité par Amada López de Meneses, « La inmigración
gitana en España », loc. cit., p. 11.
22. Pour la Castille, voir notamment Enrique Garrido Díez de
Baldeón, « Estudio aproximativo de la legislación relativa a la etnia gitana en
los siglos XV, XVI y XVII : dificultades, controversias, aplicación y escritos
de los memorialistas y arbitristas », Tiempos modernos, 23, 2011, n° 2, p. 1-40;
pour la Castille et la Navarre, voir aussi María Helena Sánchez, Los gitanos
españoles. El periodo borbónico, Madrid, Castellote, 1977, p. 83-135. Une partie
de la législation anti-gitane (pour toute l’Espagne) peut être consultée sur le
portail de « Legislación Histórica de España » : http://www.mcu.es/archivos/
lhe/. Le recueil le plus complet de législation relative aux Gitans est celui
d’Antonio Gómez Alfaro, Legislación histórica española dedicada a los gitanos,
Los Palacios y Vfca. (Sevilla), Junta de Andalucía. Consejería de Igualdad y
Bienestar Social, 2009.
23. On dispose néanmoins de l’article déjà cité de Sebastián García
Martínez, loc. cit. ; ainsi que de travaux complémentaires : Luis Revest
Corzo, « Gitanos en Castellón », Boletín de la Sociedad Castellonense de Cultura,
t. XL, 1964, p. 1-19; José María Doñate Sebastia, « Gitanos en Villareal »,
Boletín de la Sociedad Castellonense de Cultura, t. XL, 1964, p. 172-182; Pere
Saborit Badenes, « Gitanos en Castellón 1717-1745 », Estudios castellonenses,
1, 1982, p. 291-312; Jesús Salinas Catalá, « Gitanos valencianos », Pensamiento
y cultura gitanos, 44, 2008, p. 48-52.
24. BNE, R/14090, fol. 356v-358r : « […] A vos los egipcianos que andays
vagando por estos nuestros reynos y senorios con vuestras mujeres e hijos y
148
Hélène Tropé
casas salud y gracia. Sepades que nos es hecha relación que vosotros andays
de lugar en lugar muchos tiempos y años ha sin tener officio ni otra manera
de vivir alguna de que vos mantengays salvo pediendo limosnas y hurtando
trafagando engañando y haziendoos hechizeros […] ».
25. Luis Revest Corzo, « Gitanos en Castellón », Boletín de la Sociedad
Castellonense de Cultura, XL, 1964, p. 17-18 : « per quant la gents dels boemians
fa gran dan en la Vila e terme de aquella ».
26. Sur l’organisation socio-économique des Gitans, dénommée par
certains auteurs « nomadisme parasitaire », voir José Capdevila Orozco,
Errantes y expulsados (normativa juridica contra gitanos, judios y moriscos), Córdoba,
Francisco Baena, 1991, p. 33-34.
27. Emilia Iñesta Pastor, « El derecho penal en las cortes valencianas de
los siglos XVI y XVII », in Corts i Parlaments de la Corona d’Aragó. Unes
institucions emblematiques en una monarquia composta (Remedios Ferrero Micó,
Lluís Guia Marín, eds.), València, Universitat de València, 2008, p. 621-639.
Sur le banditisme à Valence, voir Sebastià García Martínez, Bandolers, corsaris i
moriscos,València, Eliseu Climent, 1980.
28. C’est nous qui traduisons.Voir le texte original : Furs, capitols, provisions
e actes de cort fets en la vila de Monço … MDXXXXVII,Valencia, en casa de Ioan
de Mey, MDXXXXVII, Capítulos del brazo eclesiástico y real n° 2, p. 14.
Voir aussi Furs, capitols, provisions e actes de cort (1547), in BNE, Furs de Valencia,
INC/1313 (8), fol. 14 : « Del bandeig, e penes dels Bomians axi homens com
dones que van per lo regne de Valencia ». Señor, com moltes companyies
de hòmens e dones vagabunts, ques dihem Bomians, vajen per lo Regne
de València : la vida dels quals es furtar y robar e enganar dones e persones
simples, per hon semblant gent no deu ésser tollerada ni admesa en ningun
regne que sia ben regit, supliquen per ço los dits dos braços Ecclesiàstich y
Real sia mercè de vostra Alteza prouehir e manar que los tals, ques dihen
Bomians, sien ab imposició de greus penes bandejats del dit regne de València,
imposant als officials grans penes si no executaran lo dit bandeig, applicadors
la mitad als còfrens de sa Magestat, e laltra mitad al comú de la ciutat e vila
Real en terme de la qual los tals Bomians seran entrats, e lo justícia no haurà
executat en les persones e béns de aquelles ».
29. Ibid.: « Plau a sa Alteza que sien expellits y bandejats; y per la primera
fractió del bandeig sien açotats; y per les altres contrafactions sien punits
més greument a arbitre del jutge; y lo oficial qui no executarà dites penes
incórrega en pena de doscents sous per cascuna vegada, applicadors als còfrens
de sa Magestad ».
30. Le ban du 22 juin est consultable à la BUV, Real crida y edicte sobre coses
concernents al be comu de la present Ciutat y Regne de Valencia y bona administracio de
la justicia,Valence, s. e., 1560; le texte se trouve aussi aux Archives du royaume :
ARV, Real Cancillería, 699. Il est cité par Sebastián García Martínez, loc. cit.,
p. 254 et par Antonio Gómez Alfaro, op. cit., p. 54 ; de même, voir BUV,VAR
283-28 et VAR 283-32 et Ms. 697-10 (textes transcrits par Antonio Gómez
Alfaro, op. cit., p. 66, 68, p. 73).
Les Gitans dans le royaume de Valence
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31. Furs, capitols, provisions e actes de corts fets y atorgats per la S. C.R.M.
del Rey Don Phelip nostre senior… en les Corts generals per aquell celebrades als
regnicols de la ciutat y regne de Valencia en la vila de Monço, en lo any MDLXIIII,
Valencia, Ioan Mey, 1565, cap. 116, fol. 17v. : « Ques guarde lo act de Cort
del any MDXLVII del bandeig dels bomians : Item, Senyor, com ab acte de
cort, fet en lo any M.D.XLVII en la present vila de Monço a supplicacio
dels dos braços Ecclesiastich y Real, sia estat per V. Magestad provehit que los
homens e dones vagabunts, ques dihen Bomians, sien bandejats del regne de
Valencia, imposant perals contrahents, e encara als jutges que no executaran
dites penes segons en dit act de cort es contengut, e ara lo bras militar es
content de adherir al dit act de cort. Perço suppliquen los dits tres braços a
V. Magestat sia sa merce manar que dit act de cort sia Fur puix ara los tres
braços concordament ho suppliquen e que tot lo contengut en aquell sia
inviolablement observat. Plau a sa Magestat ».
32. BNE, R/31720(1), fol. 14r : Furs, capitols, provisions, e actes de cort, fets y
atorgats per la S.C.R.M. del rey don Phelip nostre senyor en la vila de Monço, en lo any
M.D.LXXXV, fol. 14r. : Que los Bomians sien de nou bandejats de tot lo regne
ab veu de publica crida, sots les penes en lo infrascrit Capitol contengudes,
exceptats aquells que de un any continuo a esta part estaran avuehinats en lo
regne y tindran casa o altres bens sitis, fora de llochs de Moriscos, los quals no
puixen exir sens llicencia del senyor, o Iusticia una llegua lluny sots les penes
infrascrites. CAP. XCIII - Item que per deguda execucio del bandeig dels
Bomians per furs dispost, millorant y ajustant adaquells sia prouehit y manat
que ab veu de publica crida per les ciutats y viles reals (segons es de costum)
sien de nou bandejats de tot lo regne dins termini de trenta dies, sots pena
de galeres perpetues irremissiblement executadora : e les dones sots pena de
cent açots per la primera vegada, y de doscents per la segona, y per la tercera
en majors penes arbitries : del qual bandeig sien exceptats aquells que de un
any continuo a esta part estaran avehinats dins lo regne, y tindran casa o altres
bens sitis, puix no sien en llochs de Moriscos, los quals dits Bomians exceptats,
no puixen anar diuagant per lo regne, ni exir mes de una llegua del terme
hon habitaran y seran auehinats, sino portant llicencia per escrits del señor o
del Iusticia de la poblacio de la qual seran vehins : y que no puixen recollir
ni receptar Bomians vagabundos y advenizos : y que fent lo contrari de dites
prouisions, encorreguen en pena de galeres perpetues. Plau a sa Magestat ».
33. Mercedes García- Arenal, « Morisques et Gitans », Mélanges de la Casa
de Velázquez, tome 14, 1978, p. 503-510 (voir en particulier p. 504).
34. BNE, R/31720(2), Furs, capitols, provisions, e actes de corts, fets y atorgats
per la S.C.R.M. Del rey Don Phelip nostre senyor en les Corts generals
per aquell celebrades als regnicols de la Ciutat y Regne de Valencia, en lo
monestir de glorios Sanct Domingo, en lo any M.DCIIII, Valencia, Pere
Patricio Mey, 1607, Cortes de 1604, fuero CCXXI, fol. 42r : « Que los Furs
del desterro dels Bobians sien guardats, no obstant pretenguen que son vehins en o
present Regne.Y que no puguen anar junts mes de dos, y sens mullers y altres dones.
Item, encara que per Fur del present Regne estan desterrats generalment
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Hélène Tropé
de aquell tots los bobians, ab imposicio de de pena de galeres, y no obstant
dites disposicions forals, e imposicions de penes, aquells acudeixen molt de
ordinari a les masades de la vila de Alpuente, aldees de Ares, y Titaguas,
que son de poch vehinat, y en altres parts del Regne, en les quals parts
fan notables furts, sens podersels resistir, per ser molts aquells en numero.
Suppliquen perço los dits tres Braços a vostra Magestat, que los dits Furs sien
punctualment observats, y les dites penes executades ; no obstant pretenguen
que son vehins en lo present Regne. Y no podense aço obtenir, los sia
manat, sots les dites penes, que no puixen anar junts de dos en amunt ; y
que vajen sens les mullers, ni altres dones algunes en sa companyia, per los
notables danys que tambe aquelles fan. Plau a sa Magestat ».Voir aussi le texte
reproduit dans Las Cortes valencianas de Felipe III, ed. Eugenio Císcar Pallarés,
Valencia, Universidad de Valencia, 1974.
35.Voir sur ce point Mercedes García-Arenal, « Morisques et Gitans… »,
op. cit. p. 507.
36. BNE (2/35590, núm. 158, fol. 37), Autos y acuerdos del Consejo de que
se halla memoria en su archivo desde el año MDXXXII hasta el de MDCXLVIII,
mandólos imprimir el ilustrísimo Señor Don Diego de Riaño y Ganboa, Madrid,
Diego Díaz de la Carrera, 1649.
37.Voir Antonio Gómez Alfaro, op. cit., p. 93.
38. Ibid., p. 100-101.
39. Ibid., p. 105-106.
40. Ibid., p. 112.
41. James Casey, The kingdom of Valencia in the seventeenth Century,
Cambridge, Cambridge University Press, 1979, p. 166 et suiv.
42. ARV, Real Cancillería, núm. 601, p. 119-120; Antonio Gómez Alfaro,
op. cit., p. 124 et 126.
43. Ibid., p. 137.
44. Ibid., p. 149.
45.Voir FranciscoVázquez García, La invención del racismo. Nacimiento de la
biopolítica en España, 1600-1940, Tres Cantos (Madrid), Akal, 2009.
46. Cité par Margarita Torrione, « La lengua del gitano de España, seña
de identidad excluyente (siglos XV-XIX) », in Margarita Torrione (ed.),
Lengua, libertad vigilada, Toulouse, Université de Toulouse, 1993, p. 129-153;
voir aussi Manuel Martínez Martínez, « Los gitanos en el reinado de Felipe
II (1556-1598). El fracaso de una integración », Chronica Nova, 30, 2003,
p. 401-430 (en particulier p. 406-407).
47. Pragmatique de 1633 (AHN, Consejos, Ly. 7133), citée par
FranciscoVázquez García, op. cit., p. 82, note 74.
48. Biblioteca de Palacio, Madrid (A-B4, C5), Pedro Salazar de Mendoza,
Memorial de el hecho de los Gitanos para informar el ánimo de el Rey nuestro Señor
de lo mucho que conviene al servicio de Dios y bien de estos Reynos desterallos de
España, s. l., s. e., s. a., 26 p. Sur ce mémoire, voir Ramón Menéndez y Pelayo
(dir.), El siglo del Quijote, op. cit., p. 1005-1006.
49.Voir José Capdevila Orozco, Errantes y expulsados, op. cit., p. 38-50.
Les Gitans dans le royaume de Valence
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50. BNE (R/19717), Juan de Quiñones, Discurso contra los gitanos, Madrid,
Por Juan Gonçález, 1631.
51. C’est nous qui traduisons. Le titre d’origine est Relación verdadera de las
crueldades, y robos grandes que hazían en Sierra Morena unos gitanos salteadores, los
quales mataron un religioso y le comieron asado y una Gitana la cabeça cozida, y de
la justicia, y castigos que dellos se hizo en la Villa de Madrid Corte de su Magestad
a onze de Noviembre. Año de 1617, Barcelona, en la Imprenta de Esteban
Liberós, 1618; reproduit en fac-similé par Henry Ettinghausen, Noticies del
segle XVII : La Premsa a Barcelona entre 1612 i 1628, Barcelona, Ajuntament —
Arxiu Municipal de Barcelona, 2002, p. 167-170, n° 32. Sur cette Relation,
voir Augustin Redondo, « Le bandit à travers les pliegos sueltos des XVIe et
XVIIe siècles », in Le bandit et son image au Siècle d’Or, Madrid — Paris, Casa
de Velázquez — Publications de la Sorbonne, 1991, p. 123-138 (voir p. 126,
note 10).
52. BNE (R/3859), Pedro de Villalobos, Discursos iurídicos políticos en razón
de que a los gitanos bandoleros de estos tiempos no les vale la iglesia para su inmunidad
[…] autor el doctor Pedro de Villalobos, Salamanca, por Diego de Cosio, 1644
(26 f.).
53. Voir Domínguez Ortiz, « Documentos sobre los gitanos españoles »,
loc. cit., p. 321.
54.Voir Alejandro Martínez Dhier, La condición social y jurídica de los gitanos
en la legislación histórica española,Tesis doctoral, Granada, Universidad de Granada,
2007, p. 306-314.
55. ARV, Procesos de Gobernación, caja 4418, n° 382.
56. ARV, Procesos de Gobernación, n° 930, caja 4441 (1579, 27 de Giner
1579).
57. ARV, Real Audiencia, Procesos criminales, Segunda parte, n° 368, caja
36.
58. ARV, Real Audiencia, Procesos criminales, Segunda parte, n° 422.
59. ARV, Real Audiencia, Procesos, Tercera Parte, Apéndice núm. 2629
(1594).
60. ARV, Gobernación, Procesos, n° 1279, caja 4465, fol. 1r-11r.
61. En 1539, la condamnation aux galères fut instaurée comme peine
spécifique pour les Gitans ; en 1552, pour les voleurs et les vagabonds. En
1560, on renouvela cette disposition en l’étendant à tous ceux qui « étaient
des Gitans, s’habillaient ou vivaient comme eux ». Sur la condamnation
aux galères, voir Manuel Martínez Martínez, Los forzados de Marina. El
caso de los gitanos (1700-1765), recurso electrónico (CD-Rom), Almería,
Ediciones Universidad de Almería, 2007 (voir en particulier, p. 83-118); cf.
María Helena Sánchez Ortega, « Los gitanos españoles desde su salida de la
India… », p. 337.
62. ARV, Procesos criminales, Segunda Parte, caja 53, exp. 543.
63. BNE, Furs, capitols (INC/1313 (8), fol. 6 : « De coneixenca de crims
fets en camins reals ».
64. ARV, Manaments y Empares, 1609, libro 5, mano 51, fol. 6r-14r.
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Hélène Tropé
65. ARV, Mestre Racional, núm. 6 936 (15).
66. ARV, Procesos Real Audiencia, Parte III, Apéndice, núm. 7305: Joan
de Montoya, gitano, contra los procuradores fiscales de Sa Magestat (1621).
67. ARV, Procesos criminales n° 785, caja 4434.
68. ARV, Real, n° 595, fol. 157r./v.
69. Sur l’affaire María de Montoya, voir ARV, Real, fol. 178r-180r; Real,
n° 592. Epistolarum, 1684, fols. 52, 140r, 141r; Sebastián García Martínez, loc.
cit., p. 262-265.
70. ARV, Real, Epistolarum Carlos II. Reg. 593, fols. 140v-142r; Sebastián
García Martínez, loc. cit., p. 264, note 68.
71. Antonio Gómez Alfaro, op. cit., p. 14.
72. Une très intéressante lecture ethnographique de la procession du
Corpus Christi valencien comme expression d’une harmonie désirée est
proposée par Antoni Ariño, Festes, rituals i creences,València, Edicions Alfons El
Magnànim, 1988, p. 365-405.
73. Hélène Tropé, « Fêtes et représentations des marginaux à Valence
aux XVIe et XVIIe siècles », in Écriture, pouvoir et société en Espagne aux
XVIe et XVIIe siècles. Hommage du CRES au Professeur Augustin Redondo,
Paris, Publications de la Sorbonne, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001,
p. 347-363 ; id., Locura y sociedad en la Valencia de los siglos XV al XVII : los locos
del Hospital de los Inocentes (1409-1512) y del Hospital General (1512-1699),
Valencia, Diputación de Valencia, Centre d’Estudis d’Història Local, 1994,
p. 341-369.
74. François Reynaud, « Contribution à l’étude des danseurs et des
musiciens des fêtes du Corpus Christi et de l’Assomption de Tolède aux XVIe
et XVIIe siècles », Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 10, 1974, p. 133-168
(voir p. 152).
75. Fèlix Cebriá y Arazil, Ceremonial de la ciudad de Valencia para la fiesta del
Corpus, Valencia, Ayuntamiento, 1958, p. 19.
76. Salvador Carreres Zacarés, Los gigantes de la Procesión del Corpus,
Valencia, Ayuntamiento, 1960, p. 12-13 et 19-23; Antonio Cortés, Corpus de
Valencia : la procesión, València, Ajuntament de València, Concejalía de Fiestas
y Cultura Popular, 2009, p. 40-41; Enric A. Llobregat, Francesc Jarque, El
Corpus de València,València, Tres i quatre, 1978.
77. Sur l’esclavage à Valence, voir Vicente Cortés Alonso, La esclavitud
en Valencia durante el reinado de los Reyes Católicos (1479-1516), Valencia,
Ayuntamiento, 1964;Vicente Graullera Sanz, La esclavitud en Valencia en los siglos
XVI y XVII,Valencia, Instituto Valenciano de Estudios Históricos, Institución
Alfonso el Magnánimo, CSIC, 1978; id., « La esclavitud en Valencia. Los
libertos y su integración social », in Captifs et captivités en Méditerranée à l’époque
moderne (Colloque International, Université de Nice-Sophia Antipolis, 10-12
mai 2012), à paraître.
78. Felipe de Gauna, Relación de las fiestas celebradas en Valencia con motivo del
casamiento de Felipe III,Valencia, Imprenta de F.Vives Mora, p. 555.
79. Alfonso Carles Pitarch, « Las danzas populares en la fiesta del corpus
Les Gitans dans le royaume de Valence
153
Christi de Valencia desde sus orígenes hasta el siglo XIX », Yakka. Revista de
estudios yeclanos, 1996, 7, p. 58.
80. Jenaro Alenda y Mira, Relaciones de solemnidades y fiestas públicas de
España, Madrid, Sucesores de Rivadeneyra, 1903, t. I, p. 180-81; voir Teresa
Ferrer Valls, « La fiesta en el Siglo de Oro : en los márgenes de la ilusión
teatral », Teatro y fiestas del Siglo de Oro en tierras europeas de los Austrias, Madrid,
SEACEX, 2003, p. 27-37.
81. Relación de una máscara que en otras fiestas se hizo en Segouia a la de la
beatificación de Nuestro Padre San Ignacio, en Jenaro Alenda y Mira, Relaciones
de solemnidades, op. cit., núm. 150, p. 150-151; cité par Jesús Gallego Montero,
Edición crítica y estudio de los « Dialogos de apacible entretenimiento » de Gaspar
Lucas Hidalgo, Memoria para optar al título de doctor bajo la dirección de Ana
Vian Herrero, Madrid, Universidad Complutense de Madrid, 2011, p. 210.
82. Voir José Deleito y Piñuela, También se divierte el pueblo, Madrid,
Espasa-Calpe, 1966, p. 76-83.
83. Joaquim Aierdi, Dietari, a cura de Vicent Josep Escartí, Barcelona,
Barcino, 1999, p. 187. C’est nous qui soulignons.
84. Ibid., p. 196.
85. Ibid., p. 211.
86. Voir Pilar Pedraza, Barroco efímero en Valencia, Valencia, Ayuntamiento,
1982, p. 55.
87. Juan Bautista de Valda, Solenes fiestas que celebró Valencia a la inmaculada
concepción de la Virgen María por el Supremo decreto de N. S. S. Pontífice Alexandro
VII,Valencia, Gerónimo Vilagrasa, 1663, p. 284.
88. Juan Bautista Valda, op. cit., p. 462-463; reproduit par Pilar Pedraza, op.
cit., p. 262 ; voir aussi Joaquim Ayerdi, op. cit., p. 239.
89. Joaquim Ayerdi, op. cit., p. 326.
90. Pilar Pedraza, op. cit., notamment p. 19-26.

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