Hélène Tropé - Dicat - Universitat de València
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Hélène Tropé - Dicat - Universitat de València
Les Gitans dans le royaume de Valence aux XVIe et XVIIe siècles Hélène Tropé Pour Vicente Graullera Sanz, qui connaît comme personne les fonds d’archives de Valence. En signe de très grande gratitude. Les études dont nous disposons sur les étrangers dans l’Espagne de l’époque moderne sont aujourd’hui fort nombreuses. Les travaux pionniers d’Antonio Morel Fatio sur la présence des Allemands, d’Albert Girard sur les étrangers dans la vie économique de l’Espagne et sur le commerce français à Séville et à Cadix ont été complétés de façon substantielle par ceux, magistraux, d’Antonio Domínguez Ortiz sur les étrangers1 et notamment sur les Gitans2. Le sujet continue à intéresser les chercheurs comme le prouvent les nombreuses et récentes études qui complètent la bibliographie existante3. S’il est juste de considérer avec Domínguez Ortiz que parmi les immigrants arrivant en Espagne aux XVIe et XVIIe siècles, il convient de distinguer nettement les hommes d’affaires des misérables (pícaros, mendiants, etc.), il n’en reste pas moins vrai que les Gitans ou Bohémiens constituent sans nul doute un groupe spécifique à bien des égards. Considérés comme de nobles étrangers et bien reçus lors de leur arrivée en Espagne vers 1425, il semble qu’assez vite cet accueil bienveillant se transmua en une franche hostilité4. Contrairement aux nouveaux-chrétiens de juifs (judéo-convers) ou aux morisques, même si l’authenticité de leur foi fut parfois mise en doute (par exemple parce qu’ils ne pratiquaient pas de mariage religieux, se mariaient quelques fois avec des parentes, ne baptisaient pas toujours leurs enfants, etc.), ils ne constituaient pas, à proprement parler, une minorité religieuse puisqu’ils se disaient catholiques, et la relative clémence de l’Inquisition à leur égard a été largement démontrée5. Leurs différences étaient donc autres même si le déracinement des Gitans, à l’instar de celui des morisques, ainsi que le traitement social des deux communautés et le regard porté sur eux par la société vieille-chrétienne sédentaire, ont parfois conduit à assimiler les deux groupes ethniques et les Cortès à adopter à l’égard des uns et des autres des mesures très semblables. 120 Hélène Tropé Depuis la législation répressive jusqu’à la littérature de création, de nombreux témoignages attestent qu’ils étaient ressentis comme particulièrement indésirables, y compris comme les plus importuns parmi tous les mendiants étrangers, ainsi que le montre par exemple ce passage de Mateo Alemán sur les différentes façons de demander l’aumône : « […] les Allemands qui gueusent en chantant et de compagnie, les Français en priant, les Gitans en importunant, les Portugais en pleurant, les Italiens en haranguant, les Espagnols en faisant les bravaches, et se rendent par là réplicards, impatients et peu aimables »6. Tout en ne perdant pas de vue la situation générale des Gitans dans la Péninsule, nous nous proposons d’analyser dans ce travail le traitement réservé dans le royaume de Valence à ceux qui en franchirent les frontières à compter du début du XVe siècle, le plus souvent appelés Bomians dans la documentation locale. Complétant modestement les recherches pionnières de Sebastián García Martínez7 sur les Gitans à Valence, nous montrerons que cette communauté, qui n’eut jamais aucun accès au pouvoir ni à la représentation, tout en vivant en symbiose avec les populations sédentaires, a cultivé ses différences dans un esprit d’autoconservation, tandis que la classe dominante, tout au contraire, s’efforçait de gommer celles-ci en criminalisant tout le groupe ethnique et en l’assimilant, lorsque cela était possible, aux bandits, vagabonds et délinquants qui sévissaient à l’époque dans le royaume.Toutefois, l’exhibition — parfois burlesque et en tout cas toujours festive — de figures de Gitanes et de Gitans lors de certaines processions du XVIIe siècle valencien nous informe de la récupération, par les pouvoirs religieux et civils de cette cité, de ces figures de proscrits, à l’instar d’autres images de marginaux, à des fins d’auto-propagande. Dans la symbolique, le Gitan, banni mais dont on ne parvient pas à se défaire, est réinjecté imaginairement dans l’image globale de la société que les autorités se plaisent à montrer lors de ces fêtes comme un corps social idéalisé qui inclut jusqu’à ceux qu’il marginalise et, comme dans le cas des Gitans, qu’il exècre tout à la fois. Après avoir évoqué les premiers temps de l’arrivée des Gitans en Espagne, nous analyserons la législation valencienne les concernant et quelques cas significatifs exhumés des archives, essentiellement des procès criminels. Puis, nous nous intéresserons à l’assimilation, dans les représentations mentales valenciennes, d’un Gitan idéal, c’est-à-dire folklorique et non délinquant, à travers l’analyse de la présence dans les fêtes et les processions de certaines figures de Gitans, imités ou véritables. Les Gitans dans le royaume de Valence 121 On peut distinguer avec María Helena Sánchez Ortega8 trois grandes étapes dans l’évolution du traitement législatif réservé aux Gitans dans la Péninsule : une époque de tolérance depuis leur arrivée au début du XVe siècle jusqu’à la reconquête du royaume de Grenade (1492) : les Gitans ont alors le statut de pèlerins et sont bien acceptés. Une fois la Reconquête achevée, à partir du moment où les Rois Catholiques commencent à mener une politique d’unification religieuse et territoriale, la multiplication de ces tribus gitanes et leurs différences culturelles inquiètent. Certes, leur nombre était sans commune mesure avec celui des quelque 300 000 morisques que comptait l’Espagne à la fin du XVIe siècle : le premier recensement de la population gitane dont on dispose date de 1783 ; elle est alors évaluée à 10 000 individus, chiffre qu’elle devait être loin d’atteindre à la fin du XVIe siècle9. Toutefois, la singularité de leur mode de vie et surtout leurs relations conflictuelles avec le reste de la population étaient souvent source de désordre public. En conséquence, une politique d’ostracisme fut adoptée, visant à les expulser, politique qui sera poursuivie au moyen d’une série de pragmatiques répétitives jusqu’en 1633, date à laquelle Philippe IV, conscient du vide considérable laissé par l’expulsion des morisques, fait disparaître le décret d’expulsion. Commence alors une troisième étape caractérisée par des tentatives d’assimilation à la société vieille-chrétienne de tous les Gitans qui n’ont pas de métier, parlent une langue qui leur est propre — ressentie par les vieux-chrétiens comme un jargon —, et sont vêtus à leur façon10. Cette troisième période finirait, selon Teresa San Román, avec la pragmatique de Ferdinand VI de 1749 qui ouvre une époque d’assimilation forcée assortie de coercition et de menaces11. Tel est le cadre général dans lequel s’insère notre étude. Les premiers temps L’origine des Gitans a donné lieu à toutes sortes de conjectures, et cela dès le XVIIe siècle, comme le montre par exemple, un imprimé datant de cette époque, dont l’auteur, anonyme, se perd en hypothèses à leur sujet12. S’y trouvent reflétées toutes les représentations mentales que la société vieille-chrétienne a forgées et transmises de génération en génération jusqu’à nos jours à l’issue du très long affrontement de deux cultures que tout oppose. Comme l’avance l’auteur de ce document et le confirment d’autres sources13, les Gitans arrivèrent en Espagne au début du XVe siècle en deux vagues successives : ceux de la première disaient qu’ils venaient de la Petite Égypte (nom de Chypre et de la Syrie au Moyen Âge) et dès lors, on les dénomma « Égyptiens » (Egipcianos) ; en réalité, membres d’une caste inférieure du nord de l’Inde, ils étaient partis du nord de ce pays vers l’an mille et avaient séjourné en Syrie, à Chypre, 122 Hélène Tropé en Cilicie, ainsi qu’en Bohême ; que ce soit parce qu’ils détenaient des sauf-conduits donnés par le roi de ce dernier pays ou parce qu’ils y avaient vécu un temps, arrivés en Espagne, on les appela parfois bohemios en castillan et bomians (parfois bomials, pour bohemians) dans toute l’aire linguistique catalane et notamment au royaume de Valence. Ils arrivèrent par les Pyrénées dans le premier tiers du XVe siècle (à partir de 1425)14, conduits par des chefs qui s’arrogeaient les titres de « comtes » et de « ducs » et étaient munis de lettres de recommandation de l’Empereur d’Allemagne et du Pape. Ils prétendaient être des pèlerins se rendant aux lieux saints pour y purger le péché d’apostasie commis sous la pression des musulmans qui les avaient forcés à abjurer la foi chrétienne15. Comme cela a été interprété depuis une perspective ethno-historique, il s’agissait là d’une habile stratégie économique et d’auto-défense selon laquelle les représentants de ces groupes excipèrent d’une (fausse) noblesse qui leur permit de s’adresser au pouvoir royal en prétendant être porteurs de bulles papales : selon leurs dires, le chef de l’Église les avait admis à nouveau au sein de la chrétienté et pour cette raison, ils se devaient d’effectuer des pèlerinages vers les lieux de grande ferveur religieuse. Cela leur permit d’obtenir une totale exemption fiscale, des facilités d’hébergement et bien sûr la protection des rois sur la route jacobéenne, ainsi que l’accès à un marché de ventes d’animaux et d’objets, et des facilités économiques et commerciales16. Cette errance des premiers temps leur permit de jeter les bases d’une certaine utilisation du territoire fondée sur des circuits commerciaux périodiquement parcourus, avec des points clés où trouver jonc et sparte pour fabriquer des paniers puis les vendre, prairie et eau pour les chevaux et des marchés où faire commerce du bétail, aiguiser les couteaux, etc.17, bref, les bases d’un mode de vie en totale symbiose avec la population sédentaire, voire aux dépens de cette dernière. Les Gitans se répandirent ainsi dans toute l’Espagne et obtinrent la protection des autorités locales. C’est ainsi, par exemple, que le 21 avril 1460, Don Martí, comte de la Petite Égypte, se présenta à Castellón de la Plana, à la tête d’une petite communauté d’hommes et de femmes ; il prétendit que cette dernière était en pèlerinage (va de romiatge) et le Justícia ainsi que les jurés de cette localité leur délivrèrent un sauf-conduit18. La seconde « vague » sont les « Gitans de Grèce » ou grecianos qui, fuyant ce pays sous la pression des Turcs, arrivèrent en Espagne par la Méditerranée dans le dernier tiers du XVe siècle (à partir de 1488)19. Les uns et les autres furent d’abord bien accueillis, tant par les rois que par les nobles et les conseils municipaux20, mais bientôt les frictions avec la société vieille-chrétienne commencèrent, les rendant indésirables et même honnis. Dès la fin du XVe siècle, dans le royaume de Valence comme ailleurs, ils suscitaient méfiance et aversion parmi les vieux-chrétiens : c’est ainsi, par exemple, que le 2 septembre 1484, le Justícia, ainsi que les jurats de Castellón, considérant les maux et les Les Gitans dans le royaume de Valence 123 troubles qu’ils occasionnaient, ordonnèrent leur départ21. Bientôt une législation répressive fut adoptée à leur encontre. Il n’est d’ailleurs sans doute pas anodin que la documentation historique relative aux Gitans, plutôt rare, soit essentiellement de nature législative et judiciaire, ce qui semble donner la mesure des conflits générés par leur présence. Toutefois, il est vrai que pour ces marginaux comme pour d’autres, les seuls documents subsistant émanent des groupes dominants et non des Gitans eux-mêmes. On ne dispose donc que d’un seul point de vue, celui des diverses autorités ; le discours qui est tenu sur ce groupe est par définition orienté dans le sens du refus et de la répression. Législation répressive et demandes d’expulsion La législation existant pour les XVe-XVIIe siècles a été étudiée essentiellement pour la Couronne de Castille22. Les études sont beaucoup plus rares concernant les territoires de la couronne d’Aragon et notamment le royaume de Valence23. Afin de mieux comprendre comment la législation valencienne s’insère dans le cadre plus général de la Péninsule, il convient de rappeler que la première mesure répressive concernant les Gitans est la pragmatique des Rois Catholiques, datée du 4 mars 149924, qui fait obligation à ceux des deux Couronnes d’apprendre un métier ou d’entrer au service d’un maître dans un délai de soixante jours. Les souverains soulignent qu’ils ont été informés que les Gitans errent de village en village sans exercer de métiers connus. Pour autant, ils mendient, volent, pratiquent la divination et usent de toutes sortes de subterfuges malhonnêtes pour assurer leur survie et cela alors même que, toujours d’après les monarques, ils sont aptes au travail et peuvent servir autrui de façon à assurer leur subsistance. On perçoit clairement dès cette première législation une volonté de lutter contre le vol mais aussi de fixer cette population nomade qui se déplace par groupes difficiles à contrôler. Obligation leur est faite de prendre un métier connu ou de servir un maître ; à défaut, ils devront quitter l’Espagne sous peine de cent coups de fouet, de bannissement perpétuel lors de la première contravention et, si ces Gitans, après avoir été bannis, revenaient, une autre peine plus grave leur serait appliquée : on leur couperait les oreilles (afin de pouvoir ensuite reconnaître facilement les récidivistes), ils seraient mis à la chaîne durant soixante jours et à nouveau expulsés et, à la troisième contravention, faits prisonniers à vie. Des considérations tenant au désir de préserver l’ordre public semblent présider à ces dispositions ; en tout cas, il n’est nullement question de manquement à l’ordre politique ou religieux. Il s’agit là d’une première différence importante avec les mobiles qui motivèrent l’expulsion des juifs et des morisques. 124 Hélène Tropé Cette mesure — la première d’une longue série destinée à tenter d’intégrer les nouveaux venus à la société vieille-chrétienne — ne semble pas, loin s’en faut, avoir porté ses fruits. Bientôt chassés de tous les territoires péninsulaires, ils errent d’un lieu à l’autre, d’un royaume à l’autre. De nombreuses dispositions juridiques placent ceux qu’à l’époque on nomme en Castille, comme dans cette pragmatique de 1499, egipcianos, dans la même catégorie que les « voleurs, rufians et vagabonds ». Le royaume de Valence reçut aussi la visite de ceux que l’on trouve dénommés dans la documentation en ancien dialecte valencien de l’époque le plus souvent Bomians,parfois Xitanos ;en effet,ses nombreuses frontières avec la Castille, la Catalogne et l’Aragon facilitaient les allées et venues de ces derniers. Dans un premier temps, comme ailleurs, ils furent bien reçus, par exemple en 1460, 1471 et 1472, mais bientôt ils devinrent vite indésirables : à Castellón une délibération du consell aboutit à décider de les expulser en 1484 : « car ces gens, les Bohémiens, sont source de bien des maux dans la ville et aux alentours »25. Comme dans les territoires voisins, la législation répressive valencienne, constamment réitérée, témoigne des difficultés rencontrées non seulement pour tenter de les intégrer dans le tissu social de la société sédentaire, mais encore, une fois expulsés lorsqu’ils s’y refusaient, pour les empêcher de revenir. En effet, leur itinérance perpétuelle, et donc le retour sur les mêmes lieux, leur était nécessaire non seulement, sans doute, pour maintenir les liens sociaux et familiaux entre tribus, mais aussi pour exercer leurs activités traditionnelles ; ces dernières requéraient des déplacements permanents pour se rendre sur les divers lieux où se trouvaient les matières premières et la clientèle. Cette utilisation très particulière du territoire par ces éternels étrangers — surtout lorsque ces derniers étaient nombreux et que les moyens liés à leur survie se raréfiaient, les conduisant au vol26 —, n’était évidemment pas du goût des autorités des divers territoires et des royaumes traversés ; celles-ci, logiquement, tentaient toutes de les expulser en même temps. Ne pouvant se volatiliser, les diverses tribus passaient de l’un à l’autre, se croisaient, franchissant leurs circuits, formant leurs réseaux de solidarité et enfreignant donc à intervalles réguliers les diverses législations de bannissement. Concernant celle du royaume de Valence, les demandes d’expulsion des Gitans et la répression commencent en 1547 aux Cortès de Monzón, présidées par le prince Philippe, futur Philippe II. Elles s’inscrivent dans un contexte de désordre public généralisé qui, tant au XVIe qu’au XVIIe siècle, constitue l’une des préoccupations majeures des autorités politiques et judiciaires et donne lieu à une législation pénale valencienne destinée à lutter contre toutes sortes de délits susceptibles de troubler l’ordre public : jeux illégaux, possession et usages d’armes, Les Gitans dans le royaume de Valence 125 et tous les comportements jugés asociaux comme le banditisme, un mal endémique, mais aussi la feinte pauvreté et le vagabondage27, trois maux auxquels les Gitans se trouvent associés dans les mentalités et sans doute aussi en partie dans la réalité. Mais la législation forale n’est pas ou est mal appliquée, raison pour laquelle les Cortès interviennent à plusieurs reprises pour demander au roi l’adoption de mesures appropriées. De plus, la dégradation de la situation économique du royaume de Valence a jeté sur les routes et les chemins vagabonds et mendiants, et a entraîné la multiplication des actes de délinquance. Dans la législation destinée à lutter contre cette dernière, on observe un amalgame entre le banditisme et l’appartenance à l’ethnie des Bomians. Cortès de 1547 C’est ainsi qu’en 1547, aux Cortès de Monzón, le bras ecclésiastique et le bras royal dénoncent les méfaits commis par les bomians et demandent qu’ils soient expulsés et que des peines soient adoptées à l’encontre de ceux qui commettent des délits. L’amalgame entre le groupe ethnique que constituent les Gitans et les vagabonds — la marginalité sociale — est encore patent : « Seigneur, de nombreux groupes de vagabonds, hommes et femmes, que l’on appelle « Bohémiens » se déplacent dans le royaume de Valence, lesquels se consacrent à prendre et à voler et à tromper femmes et personnes naïves. Ces gens ne nous semblent pas devoir être tolérés ni admis dans un royaume bien gouverné, quel qu’il soit, et pour cette raison, nous, les deux bras ecclésiastique et royal, nous supplions Sa Majesté de nous faire la grâce d’ordonner que ceux que l’on nomme Bohémiens se voient imposer des peines sévères et soient bannis du royaume de Valence et que de lourdes pénalités soient appliquées aux officiers de justice qui n’exécuteraient pas cette mesure d’expulsion, la moitié étant destinée à sa Majesté et l’autre moitié au fonds commun de la ville sur les territoires de laquelle ces Bohémiens sont entrés »28. L’héritier de la couronne, en l’absence de son père, répondit : « Il plaît à Sa Majesté qu’ils soient renvoyés et bannis. Et à la première infraction au bannissement, qu’ils soient fouettés. Et pour les suivantes, qu’ils soient plus gravement punis encore, à la discrétion du juge ; et que l’officier qui n’exécutera pas ces mesures encoure la pénalité de deux cents sous à chaque fois, […] »29. Cette législation était relayée par les vice-rois comme le montrent respectivement les bans du duc de Segorbe, publiés le 3 décembre 1560, et ceux du 22 juin 1575, de don Vespasiano Gonzaga, du 3 septembre 1578, du duc de Nájera et du 24 juillet 1581, de Francisco de Moncada : 126 Hélène Tropé tout Gitan contrevenant pour la seconde fois à ces mesures serait envoyé quatre ans aux galères30. En même temps, la réitération de ces bans prouve la difficulté de faire appliquer ces mesures. Cortès de 1564 Les années passèrent et bien entendu, le vagabondage persista dès lors que les mesures existantes étaient inapplicables, les Gitans, chassés de toutes parts, devant se déplacer sans cesse de royaume en royaume. En 1564, les états ou ordres (estamentos) sollicitèrent de Philippe II la conversion en Privilège (fur) de l’acte de cour approuvé en 1547 aux Cortès de Monzón. En conséquence, l’expulsion ou bandeig des « hommes et des femmes vagabonds qu’on appelle Bohémiens (Bomians) » fut rétablie dans tout le royaume de Valence31. Cortès de 158532 Manifestement, cette législation était très difficile à appliquer et le vagabondage presque impossible à éradiquer et, lors des Cortès suivantes, réunies à Monzón en 1585, on revient sur la mesure et l’on insiste à nouveau pour que « les Bohémiens, les vagabonds et les étrangers (advenizos) soient expulsés de tout le royaume ». Cette fois, la hâte d’expulser est plus grande encore : le délai pour accomplir l’expulsion sera de trente jours seulement. La gravité des peines encourues par les contrevenants manifeste le désir d’en finir : les galères pour les hommes, cent coups de fouet pour les femmes. Toutefois, à travers l’exception prévue à l’application de la mesure d’expulsion, il est patent que ce qui est recherché, c’est la sédentarisation des Gitans; ce que l’on veut, c’est qu’ils renoncent une bonne fois pour toutes à leur mode de vie nomade traditionnel, qu’ils se fixent dans des lieux de résidence bien déterminés et qu’ils se consacrent au travail de la terre. Bref, qu’ils se conduisent comme les vieux-chrétiens du royaume : en effet, il est prévu que seront autorisés à demeurer dans ce dernier tous ceux qui pourront prouver qu’ils sont établis depuis un an dans un lieu déterminé et qu’ils ont une maison et des biens qui leur appartiennent, situés en dehors des lieux de résidence des morisques. Il est fait interdiction à ces Gitans « en voie de sédentarisation » de s’éloigner de plus d’une lieue de leur village sans autorisation du Seigneur ou du Justícia et d’accueillir chez eux d’autres Gitans vagabonds. Il est intéressant de constater que le désir de séparer les communautés gitanes et morisques transparaît dans ces dispositions; il est permis de penser que ce qu’a observé Mercedes García-Arenal au sujet des cédules destinées à empêcher les contacts entre morisques et Gitans à Grenade se trouve ici confirmé33. Les Gitans dans le royaume de Valence 127 L’on voit donc qu’un double objectif préside à ces dispositions : sédentariser les Gitans, les mêler aux vieux-chrétiens et empêcher leurs contacts non seulement avec des Gitans vagabonds non encore sédentarisés, mais aussi avec des morisques. Autrement dit, ce qui est recherché est une intégration pleine et entière des Gitans à la société vieille-chrétienne et une acculturation la plus totale possible. À défaut, l’expulsion apparaît comme un moindre mal. Il s’agissait cependant d’une mesure apparemment difficile, voire impossible à appliquer et tout cela fut peine perdue car le nombre de Gitans ne cessa d’augmenter, et avec ce dernier, celui des larcins commis dans les villes et les villages les moins peuplés. Cortès de 160434 Face à ce qui, au début du XVIIe siècle, apparaît comme une véritable menace pour l’ordre public et un échec à la fois de la politique d’assimilation et des mesures d’expulsion, les états ou ordres se plaignirent en 1604 de ce que, malgré les mesures adoptées relatives au bannissement des Gitans du royaume sous peine d’envoi aux galères, certains se présentaient souvent dans des villages peu peuplés tels qu’Alpuente, Ares et Titaguas (situés au nord-ouest du royaume, à la limite de la frontière avec l’Aragon), ainsi qu’en d’autres lieux, pour s’y livrer au pillage et à de véritables razzias, les habitants des villages concernés ne parvenant pas à se défendre face aux hordes de Gitans venus pour les piller. Les trois bras supplièrent le monarque de faire appliquer rigoureusement les mesures d’expulsion et les peines prévues quand bien même les Gitans prétendraient qu’ils étaient établis et domiciliés dans le royaume. De plus, il fut décidé que désormais ces derniers ne pourraient plus se déplacer par groupes de plus de deux personnes ni en compagnie des femmes en raison des préjudices considérables causés par ces dernières. Il est fort intéressant de comparer ces mesures avec celles prises en Castille au lendemain de l’expulsion générale des morisques : la même sévérité semble présider au traitement des deux groupes ethniques de la part des vieux-chrétiens. En effet, dans les deux Couronnes, au problème d’assimilation posé par les Gitans, répondent mesures d’expulsion et peines rigoureuses. À Valence, les mesures envisagées sont l’expulsion ou des peines extrêmement sévères, comme les galères. Cependant, peut-être parce que dans une Castille déserte et désertifiée après l’expulsion des morisques35, on avait encore plus besoin de bras qu’à Valence pour cultiver, il semble qu’on tenta encore de les assimiler en les attachant au travail de la terre, c’est-à-dire, d’une certaine façon en tentant de les fixer à la glèbe tout en leur interdisant de pratiquer leurs métiers traditionnels, et en particulier tous ceux qui supposaient des déplacements : vente de chevaux, 128 Hélène Tropé vannerie, etc. C’est en tout cas ce que semble indiquer la disposition adoptée à Madrid le 15 octobre 1611 : « En la villa de Madrid, a quinze días del mes de octubre de mil seiscientos i onze años, los Señores del Consejo, consultado con su Magestad, dixeron que aviendo visto los grandes daños que se seguían de no executar las penas impuestas por Leyes destos Reynos contra los Gitanos o Egipcianos, i de consentirles usar de otros oficios que no fuesen los tocantes a la labranza y cultura de la tierra, mandaron que se advierta a los Alcaldes desta corte y las demás justicias della i desta villa y se escriba a los alcaldes de chancillerías y Audiencias destos Reynos y a los corregidores y a las demás justicias a quien esto toca que guarden y cumplan todo lo contenido en las leyes destos reynos, tocante a los dichos Egipcianos, […]. I que en quanto por la Ley doze del Título onze del Libro octavo de la República, se manda a los dichos Egipcianos, que cada uno dellos vivan por oficios conocidos, que mejor supieren aprovecharse, estando de estada en los lugares, donde acordaren assentar o tomar vivienda de Señores, a quien sirvan, se entienda que los oficios an de ser los tocantes a la labrança y cultura de la tierra, i no otros, so la pena contenida en la Ley treze del dicho título onze, y assí lo proveyeron y mandaron »36. De toute évidence, à Valence comme ailleurs, les dispositions successivement adoptées s’avéraient inefficaces et l’on revenait sans cesse sur celles-ci pour en demander l’application ; c’est ainsi qu’à nouveau, le 7 juillet 1607, un ban royal est crié, exigeant le respect du Privilège 221 des Cortès célébrées à Valence en 1604 sur l’expulsion des Gitans du royaume37. Entre-temps, l’expulsion des morisques du royaume de Valence a lieu, laissant les anciens villages de morisques totalement déserts. Attirés par cette aubaine inespérée, les tribus de Gitans expulsés affluent à nouveau et le duc de Feria, vice-roi de Valence, fait crier à son tour un ban les 16 et 23 juillet 1616 ramenant cette fois le délai prévu pour l’expulsion à quinze jours38, mesure renouvelée le 27 janvier 1623 par le marquis de Pobar, vice-roi39. Le ban du 1er juillet 1624, consacré exclusivement aux Gitans, constate tout d’abord qu’ils ne sont d’aucune utilité pour le bien public et que, tout au contraire, ils se montrent extrêmement préjudiciables dès lors qu’ils errent et commettent des vols et toutes sortes de délits et de crimes, assassinant tant sur les chemins royaux que dans les villages où ils passent, se déplaçant en bandes, munis d’armes interdites, perturbant la paix. Dès lors le vice-roi dispose qu’ils soient expulsés dans un délai de 30 jours. Les peines prévues sont cent coups de fouet et dix ans de galères pour les hommes et cent coups de fouet pour les femmes. Ce ban est à nouveau publié le 14 février 1628 par le marquis de los Vélez, vice-roi40. La très grave crise politique des années 1640, due notamment à l’Union des Armes décrétée par Olivares, n’épargna pas le royaume de Les Gitans dans le royaume de Valence 129 Valence, mis lui aussi à contribution pour renflouer les finances d’une Castille exsangue, aggravant les tensions politiques et sociales, tandis que le banditisme faisait rage. À Noël et durant l’été 1646, il sembla que le royaume suivrait le chemin des révoltes catalanes contre le pouvoir central41. Le comte d’Oropesa, vice-roi, bien décidé à lutter contre tous les troubles de l’ordre public, n’oublia pas d’inclure l’expulsion des Gitans dans sa politique de restauration de l’ordre. Dans un édit du 29 août 1646, il leur donna trente jours pour quitter le royaume ; de nouveau, à l’automne 1648, il répéta cette mesure, réduisant le délai à dix jours pour que les Gitans sortent de la ville, puis quinze pour qu’ils sortent du royaume42. Ce panorama doit être complété par l’édit du comte de Cifuentes, vice-roi de Valence, expulsant les Gitans de la ville et du royaume le 25 mai 168543, et par celui du marquis de Castel Rodrigo, vice-roi, du 25 janvier 1695, qui reprend cette mesure44. Cette législation, qui n’est pas fondamentalement différente de celle que l’on trouve dans le reste de l’Espagne, doit être complétée par l’analyse des discours juridiques et politiques tenus à l’égard des Gitans, discours qui très souvent sont largement en résonance avec cette législation. Discours politiques et juridiques Passé l’Âge d’Or des premiers temps, à Valence, comme dans toute l’Espagne, des voix s’élevèrent pour peindre un noir portrait des Gitans, dénoncer leurs méfaits, légitimer les demandes d’expulsion, exiger cette dernière45. C’est ainsi que le Valencien Juan Lorenzo Palmireno, dans El estudioso cortesano, paru en 1573, dénonçait la fausseté de leur prétendu statut de pèlerins : « Fingen que salieron de Egypto Menor, y que tienen su peregrinación por penitencia y para probar esto muestran cartas del Rey de Polonia, pero mienten, porque su vida no es de penitentes, sino de perros y ladrones; [...] habló con ellos en lengua de Egypto, dezían que como havía mucho tiempo que eran salidos de ella, no la entendían. Hablóles en griego vulgar, como hablan hoy en la Morea, y Archipiélagos, unos entendían, otros no, ansí que pues todos no entienden, señal es que la lengua que traen es fingida y de ladrones »46. Nous voyons ici se faire jour une tendance à nier que l’on puisse naître gitan, et donc à refuser de reconnaître l’altérité et l’identité irréductible des Gitans ; en effet, d’après Palmireno, être gitan serait un mode de vie acquis, identifiable à celui des mendiants et des bandits. On décèle dans ce discours un véritable déni de l’existence d’une identité 130 Hélène Tropé gitane, déni que l’on retrouve dans les mesures adoptées par Philippe IV en 1633, qui, tout à la fois, face au vide laissé par l’expulsion des morisques, renonça à les expulser mais en même temps leur interdit de porter des vêtements particuliers, de parler leur langue et de vivre de façon différente des vieux-chrétiens : « No parece conveniente expedirlos porque la despoblación en que se hallan estos reinos después que salieron los moriscos y las que causan las necesidades presentes no pueden sufrir ninguna evacuación por ligera que sea, principalmente de esta gente, que no son gitanos por naturaleza, sino por artificio y bellaquería y enmendados se reducirán a la forma de vida de los demás »47. Parallèlement, en Castille, dans un mémoire imprimé dont le prologue est daté de 1618, Pedro Salazar de Mendoza s’adresse à Philippe II pour réclamer leur bannissement48. L’année suivante, Pedro de Moncada, fait paraître plusieurs avis ou arbitrios destinés à remédier aux maux qui affectent l’Espagne. Le septième discours répertorie les méfaits des Gitans et souligne leur nocivité, réclamant leur bannissement49. Juan de Quiñones, alcalde de casa y corte, publie à Madrid en 1631 son Discurso contra los gitanos50. S’adressant au monarque, celui-ci commence par se référer à l’assaut par des Gitans d’une voiture qui venait des Flandres et apportait un courrier au monarque. Après avoir raconté les diligences accomplies pour retrouver le courrier et châtier les coupables, l’auteur entame dans des termes très durs un véritable réquisitoire contre les Gitans : « Esta vil canalla son huidos por delitos o deudas, gente amotinada y facinerosa, que no pudiendo estar en lugares conocidos, se retiran a los montes y lugares escondidos para ocultarse ». Tout le mémoire est à l’avenant. L’auteur les accuse même de cannibalisme, ce qui n’est pas sans faire écho à la relation en vers de romance d’un fait divers, publiée en 1617 et intitulée : Relation véritable des cruautés et vols importants commis à Sierra Morena par des Gitans, bandits de grands chemins, qui tuèrent un religieux et le mangèrent rôti et une Gitane qui mangea sa tête bien cuite. De la justice qui fut faite et des châtiments qu’ils reçurent51. En 1644, Pedro de Villalobos fait paraître ses Discursos iurídicos políticos en razón de que a los gitanos bandoleros de estos tiempos no les vale la iglesia para su inmunidad52. S’élevant contre l’immunité ecclésiastique ou droit d’asile qui permettait aux Gitans de se réfugier dans les églises pour échapper à la justice, l’auteur, professeur de droit à l’Université de Salamanque et doyen de cette dernière, expose les raisons qui, selon lui, justifient l’abolition de ce droit d’asile pour les Gitans. Pour ce faire, il prend comme exemple un certain Santiago Maldonado, qu’il qualifie de « Gitan délinquant » (Gitano vandolero). On remarque Les Gitans dans le royaume de Valence 131 d’ailleurs que, dès le titre, les Gitans sont assimilés à des bandoleros, c’est-à-dire à des bandits. Ce Gitan s’était réfugié dans une église et le corregidor de Toro, enfreignant le droit d’asile, l’avait ouverte de force pour l’en sortir, l’arrêter et le mettre en prison ; un procès s’en était suivi, le vicaire de Salamanque s’étant plaint de cette violation du droit d’asile. L’auteur rappelle que les voleurs connus et les bandits de grands chemins ne jouissent pas de l’immunité ecclésiastique ; cependant aux yeux du procureur (fiscal), il n’avait pas été établi que l’accusé était bien le Maldonado connu de tous comme voleur. Dès lors, notre auteur témoigne et s’acharne à prouver le contraire et insiste sur la dangerosité dudit Maldonado et sur son impiété, soutenant que lui et ceux de sa tribu dorment dans les églises avec leurs concubines, y faisant aussi entrer les chevaux, laissant l’église au matin dans un état inqualifiable, y blasphémant et préparant les attaques et les mauvais coups à venir. À son sens, ce sont de mauvais chrétiens. Il réfère tous les vols commis par la bande de malfaiteurs (quadrilla) de Maldonado et le crime que ce dernier a perpétré dans un autre lieu sacré, un cimetière, sur la personne d’une pauvre femme dont la seule offense avait été de lui reprocher ses mauvaises actions. Il réclame que Maldonado soit puni et qu’il ne puisse jouir de l’immunité ecclésiastique. Maldonado fut mis à mort à cause de l’assassinat qu’il avait commis53. Postérieurement, la question de l’exclusion des Gitans du bénéfice du droit d’asile fera l’objet de plusieurs réunions et discussions de la Junta de Gitanos fondée en 1721 à l’initiative du monarque, entre autres pour déterminer si les Gitans devaient en bénéficier ou pas. Une commission, créée ex professo pour trancher ce point épineux, autorisera en 1745, avec l’accord du souverain pontife, l’arrestation des Gitans délinquants réfugiés dans les églises54. L’évocation de ce cas nous conduit tout naturellement à analyser quelques procès conservés aux archives du royaume de Valence, procès qui nous permettent d’appréhender du point de vue de la micro-histoire les cas singuliers de certains Gitans qui eurent à faire à la justice. Devant les juges En 1547, Francisco, Gitan, comparut devant ses juges, accusé de vol55. Selon un témoin à charge, il s’agissait d’un vagabond et d’un voleur patenté, qui avait coutume d’errer et de voler en compagnie d’autres Gitans, et était connu pour avoir commis mille larcins dans la ville de Valence et dans d’autres localités du royaume et en tous lieux. Selon ce témoin, pour mieux pouvoir voler, Francisco était toujours muni de gants et d’instruments destinés à ouvrir portes et serrures. C’est ainsi que ce Gitan, se promenant dans les divers villages de la plaine de Valence pour voir ce qu’il pourrait voler, était arrivé 132 Hélène Tropé nuitamment à Alboraya et, grâce aux crochets et aux outils dont il était muni, avait ouvert la porte de la demeure de Jaume García, paysan de ce village, et lui avait volé la somme de onze livres et quatre sous. Il avait chargé l’un de ses enfants, âgé de neuf ou dix ans, de faire le guet devant la porte. Or, le bruit qu’il faisait tandis qu’il opérait à l’intérieur de la maison, fut perçu par deux personnes qui se mirent à crier « Au voleur ! ». Le Gitan avait pris la fuite, emportant l’argent et laissant son fils toujours posté aux aguets, lequel fut fait prisonnier. Lorsqu’on interrogea ce dernier, il avoua que son père se nommait Francisco, que c’était un Gitan et il révéla le lieu où celui-ci demeurait en compagnie d’autres Gitans. Le Justícia s’y rendit et trouva en chemin Francisco, qui avait sur lui l’argent volé ; il fut arrêté et emprisonné. Le procès est malheureusement incomplet et on ne connaît pas la sentence. Être expulsé, ne pas accomplir la condamnation et continuer à voler pouvait s’avérer fatal pour les Gitans qui étaient alors envoyés aux galères. C’est en tout cas ce qui arriva en janvier 1579 à Miquel Hernández, Gitan originaire d’Andalousie, qui avait été trouvé errant dans la ville de Valence et pour autant contrevenant aux furs. Il fut arrêté et jeté en prison. De plus, il fut accusé d’avoir volé les jours précédents des bobines de fil et des espadrilles dans des boutiques de certains alfatiers ou vendeurs de sparte56. Précédemment, on l’avait déjà surpris en train de voler des instruments de labour dans une ferme, et le 21 mars 1578, il avait été condamné à être fouetté et expulsé. Peine perdue ! Il était resté, et en juin on l’avait à nouveau surpris en train de voler et cette fois, on l’avait arrêté, jugé et condamné à recevoir cent coups de fouet à la vue de tous dans les endroits habituels (peine infamante), à restituer en double ce qu’il avait volé, à payer les dépens du procès et enfin, au bannissement, mais il n’avait pas quitté le royaume. Les témoins attestèrent qu’il s’agissait bien d’un Gitan, qu’il ne travaillait pas, n’avait pas de métier connu et était un mendiant (gallofo). En janvier 1579, il fut condamné à quatre ans de galère. Les Gitans pouvaient parfois bénéficier des témoignages de voisins attestant qu’ils étaient devenus des paysans et n’étaient plus des errants. Mais, comme semble l’indiquer un procès de 1582, chaque fois que cela était possible, les royaumes se renvoyaient mutuellement leurs Gitans, quel que soit le degré de sédentarisation de ces derniers. C’est ce qui paraît ressortir du procès de Cristòfol de Malla dont la sentence d’expulsion fut rendue le 10 mars 158257. Le document indique : egipcium vulgo ditum bomia et vagabundum. Les alguazils l’avaient trouvé à l’entrée du village de Borriol, localité située près de Castellón. L’ayant interrogé pour savoir ce qu’il faisait là, il avait répondu qu’il était domicilié dans le royaume. Voyant qu’il portait des balluchons typiques de ceux des Gitans à l’époque, ils l’arrêtèrent, le fouillèrent et trouvèrent parmi ses effets une de ces épées de grande taille dont Les Gitans dans le royaume de Valence 133 le port était interdit, et un pistolet à silex. Les trois Gitans avaient aussi des chevaux dont les alguazils soupçonnèrent qu’ils pouvaient avoir été volés. Lors du procès, certains témoins à décharge attestèrent que l’un d’eux était originaire d’une localité du royaume d’Aragon (Estor), où il possédait des terres, des vignes et une ferme et n’était pas considéré comme un Gitan, mais comme un laboureur. En application de la législation en vigueur, il fut condamné à être fouetté et banni à perpétuité. Un autre procès58 nous confirme que les Gitans, ainsi que certaines pragmatiques le leur reprochaient, étaient parfois munis d’armes interdites. Le 6 avril 1591, Joan de Mena, Joan de la Guaya et Gaspar Montero, âgés respectivement de vingt-quatre, vingt-trois et trente ans, furent fait prisonniers dans la localité valencienne de Moixent, au sud-ouest du royaume. Ils étaient entrés en passant par Villena, Ayora, Ontinyent et avaient été trouvés errant et donc contrevenant aux dispositions en vigueur. L’un portait une épée à nu (una espasa sense vayna). De plus, les juges considérèrent les vols qui avaient eu lieu tant à Moixent qu’en d’autres localités des environs et principalement sur les chemins. Lorsqu’ils furent arrêtés, les soupçons se portèrent immédiatement sur eux « dès lors que ce sont des personnes suspectes et de mauvaise foi » (per ser com son gent sospitosa y de mala fe). Ils furent expulsés de la ville et du royaume. Le procès de Cathalina59, Gitane, qui eut lieu en 1598, nous permet de comprendre comment les mesures d’expulsion étaient appliquées, au cas par cas. À l’époque du procès, cette Gitane est veuve de Francisco de Torralba, Gitan condamné à Saragosse et mort aux galères. Elle a vingt-cinq ans et est venue au royaume de Valence en compagnie de Joan, son frère. Elle est faite prisonnière parce qu’elle est gitane et qu’elle a été trouvée errant dans la ville de Valence, et donc contrevenant aux mesures d’expulsion en vigueur. Le 13 mars 1598, elle est condamnée aux coups de fouet prévus par la loi et au bannissement perpétuel de la ville et du royaume. C’est aussi en 1598 que Père Riera (alias Catarrochi),Maria Ximénez, Luisa Alvarado, Catalina Torres et María Hernández furent traduits en justice60. Lorsque le Justícia s’était approché du moulin de Cuart, il avait d’abord vu deux Gitanes en train de laver des chemises et deux hommes, « dont un de couleur de coing cuit, de ceux qu’on appelle mulâtres » ; apercevant le Justícia, l’un des deux s’était jeté dans un canal d’irrigation où on l’avait trouvé caché ; on avait ensuite découvert un autre homme, dissimulé parmi les broussailles, ainsi qu’une marmite, une besace, un quart de dinde déjà rôti et d’autres choses encore. Le Justícia les avait faits prisonniers et conduits à la prison de Quart. Interrogé sur les raisons de son comportement, Père Riera — celui qui avait sauté dans le canal à l’arrivée du Justícia — reconnut que les gens de justice lui inspiraient de la terreur et qu’il ne voulait pas être 134 Hélène Tropé pris en compagnie d’autres Gitans ; il avoua ensuite qu’ils s’apprêtaient à consommer une dinde et prétendit qu’il l’avait trouvée morte. Dans le groupe de Gitans arrêtés ce jour-là se trouvait aussi María, Gitane, de langue gitane (gitana de habit y llengua gitana), dont le mari ramait sur les galères de Sa Majesté — on se souviendra en effet qu’à Valence, les Cortès de 1585 avaient prévu parmi les peines applicables aux Gitans les galères à perpétuité61. Celle-ci prétendit que la dinde, objet présumé du délit, leur avait été vendue par un garçon originaire d’un village de morisques. La suivante, Cathalina Toresset, célibataire âgée de neuf ans, avança pour sa défense que la dinde leur avait été donnée par cet enfant morisque. Pere Riera avait été précédemment condamné au bannissement et au cas où il contreviendrait à cette peine, à trois ans de galère. Considérant qu’il était récidiviste dès lors qu’il avait été trouvé à Cuart, il fut condamné aux trois années de galères prévues par la loi et au bannissement perpétuel de la ville et du royaume de Valence ; les Gitanes quant à elles — à l’exception de la Gitane mineure — furent condamnées à être fouettées et au bannissement perpétuel et, en cas de récidive, à recevoir deux cents coups de fouets. Autre procès significatif. Le 16 octobre 1606, Joan Phelip Alvarado, Gitan âgé de vingt-cinq ans, fils de Gitans, fut fait prisonnier à Guadasuar, localité du royaume62. Le 28 septembre, lui et trois autres Gitans (Domingo, Baltazar et Joan), avaient attaqué sur le chemin royal — ce qui constituait une circonstance aggravante63 — des charretiers, leur portant des coups de couteaux et d’épées et leur volant plusieurs biens, dont un âne chargé de sacs qu’ils allèrent ensuite revendre à Llíria en disant qu’ils l’avaient trouvé dans un trou. Ils furent arrêtés et emprisonnés. Interrogé, Alvarado nia les faits en bloc, prétendant qu’il était laboureur et vivait de son travail. On lui demanda où il travaillait et il donna le nom du village de Carcaxent et admit que cela faisait deux mois qu’il avait cessé de travailler. Il prétendit qu’un jeune morisque et lui avaient échangé leurs ânes et qu’il ignorait que la bête de ce dernier avait été volée, et lui dupé. Mais Alvarado était connu de tous pour être un voleur qui avait déjà dérobé douze mules précédemment. Un témoin à charge, qui le connaissait depuis son enfance, attesta qu’il n’avait jamais vu ce Gitan travailler mais divaguer au contraire avec les autres Gitans dans le village. Dans la sentence, les juges consignent que le prévenu passe son temps à errer dans le royaume en compagnie d’autres Gitans et Gitanes, s’habillant et parlant comme eux, qu’il est toujours en compagnie de gens de mauvaise vie, qu’il ne travaille pas, est tenu pour un voleur et un grand fripon et qu’il est connu pour avoir commis de nombreux larcins. Il a été vu de nombreuses fois avec un pistolet à silex et lorsque l’alguazil l’a arrêté à Guadana, il portait un fusil chargé. Ils Les Gitans dans le royaume de Valence 135 soulignent qu’il convient de « purger le royaume de tels vagabonds ». Le document, incomplet, ne nous informe malheureusement pas de la sentence. Du procès suivant, daté de 160964, il reste un mémoire qui contient la liste des objets volés à Jaume Joan Arimon, marchand originaire de Gênes, résidant à Barcelone, par une Gitane répondant au nom de Caterina Boniana. Après le vol elle embarqua dans une galère se rendant à Gênes mais elle fut arrêtée à Valence grâce à une lettre de dénonciation d’un certain Pere Terres Fuster et au mémoire. Assorti de témoignages à charge, ce dernier était destiné à la faire condamner. Parmi les objets volés se trouvaient des pièces de valeur telles que plusieurs agnus dei en or, des bijoux (bagues) et des tissus (draps), le tout étant évalué à 141 livres et 18 sous. Le procès n’est pas complet mais il y a fort à parier que la Gitane fut lourdement condamnée. Lorsque des Gitans étaient arrêtés et expulsés, leurs biens faisaient l’objet d’un inventaire comme le montre celui, daté du 11 avril 1612, des biens de Domingo Mendoça et de ses complices gitans que le Justícia avait poursuivis et arrêtés à Ademuz en compagnie de quelques Gitanes. Les biens inventoriés furent évalués à 131 livres, 13 sous et 6 deniers65. Le procès intenté à Joan de Montoya en 1620 illustre les vaines tentatives d’un Gitan, manifestement intégré au corps social, d’échapper à l’expulsion66. Le 27 octobre 1620, Joan de Montoya, Gitan, comparut devant la justice. Il affirma qu’il vivait depuis plus de quarante ans dans le royaume de Valence, qu’il était marié et avait des enfants et une famille. Il affirma avoir habité à Chelva et posséder (à l’époque du procès) une maison située à Villafranca où il travaillait comme forgeron. Légitimement marié à Lucrecia de Malla avec qui il avait deux fils, il demanda à ce que ni lui ni sa famille ne soient compris dans le ban récemment publié contre les Gitans et leurs descendants — il y a tout lieu de supposer qu’il s’agit de l’un des bans, précédemment mentionnés, du duc de Feria, datés des 16 et 23 juillet 1616, fixant le délai prévu pour l’expulsion des Gitans à quinze jours. Les témoins comparurent et assurèrent le connaître et connaître son épouse et ses fils. Un témoin affirma qu’il avait même connu son frère ; d’autres, son père. Le document, incomplet ne comporte pas la sentence. En revanche, par un autre procès intenté à ses fils67, Ginés de Montoya, et Sebastià de Montoya, qui furent faits prisonniers, l’on sait que le père avait été expulsé. Il avait d’autres fils, sans doute plus jeunes, et qui ne furent pas emprisonnés : Agostí, José, Salomón. Il n’est pas indifférent que le procès mentionne les actes de baptême des deux fils emprisonnés : on sait en effet que parmi les reproches que l’on faisait aux Gitans concernant leur impiété, figurait l’accusation selon laquelle ils ne baptisaient pas toujours leurs enfants. Ces baptêmes étaient en quelque sorte des preuves de bonne conduite. Quoi qu’il 136 Hélène Tropé en soit, le document, très lacunaire, ne nous en dit pas plus. On sait seulement que les deux fils furent relâchés. Par ailleurs, l’on sait que l’aristocratie protégeait parfois les Gitans, leur délivrant des sauf-conduits. C’est en tout cas ce que semble indiquer une lettre du monarque au vice-roi, envoyée depuis Madrid et datée du 30 août 1695, qui fait allusion à des événements s’étant produit à Teresa (aujourd’hui Teresa de Cofrentes), les Justícias ayant refusé d’admettre dans cette localité des Gitans munis d’une lettre du duc de Gandie. Le monarque rappelle que le vice-roi, le 25 janvier 1695, avait à nouveau fait publier un ban réitérant les précédentes mesures d’expulsion et il demande l’application de ce ban68. À la fin de la période de notre étude, il semble que les dispositions prises pour la Castille, tendant à ne plus bannir les Gitans face au dépeuplement des campagnes consécutif à l’expulsion des morisques, furent parfois imposées aux autorités valenciennes, non sans susciter de fortes réticences. En tout état de cause, le cas de la Gitane María de Montoya, qui avait obtenu du monarque en 1680 la permission de vivre dans le royaume avec ses enfants, fit s’opposer durant une quinzaine d’années la Junta de Contrafueros, dont la fondation fut obtenue en 1645 lors de la dernière réunion des Cortès valenciennes, et les vice-rois, d’origine castillane. L’autorisation accordée à la Gitane par le monarque dérogeait bien sûr aux mesures d’expulsion des Gitans sans cesse répétées et elle fut contestée par cette Junta qui finit par obtenir sa révocation. De même, en avril 1684, la Junta exposa au vice-roi, le comte de Cifuentes, que la présence et circulation de nombreux Gitans dans le royaume, même munis des autorisations royales pour y demeurer, étaient contraires aux fueros et elle informa le vice-roi qu’en l’absence de réaction idoine de sa part, il faudrait en référer au monarque lui-même. La Junta obtint gain de cause : le 25 mai 1685 un nouveau ban ordonnait l’expulsion de tous les Gitans. De plus, un ordre du roi daté du 25 janvier 1695 faisait obligation au vice-roi, le comte de Castel Rodrigo, d’expulser tous les Gitans et de poursuivre au pénal tous ceux qui auraient enfreint la loi (notamment en vagabondant), y compris María de Montoya (celle-ci avait quitté le royaume et était partie un temps en Castille). Ces mesures — sans aucun doute — reflétaient fidèlement l’opinion publique, très hostile à la permanence des Gitans dans le royaume69. Il est intéressant de constater que quelques années auparavant, dans un mémoire du 6 juin 1690, Luis de Moscoso y de Osorio, comte d’Altamira, vice-roi de 1688 à 1690, avait exposé, outre le problème posé par certains Gitans nés dans le royaume et qui avaient obtenu la délivrance de sentences royales les naturalisant valenciens, que les danses esquissées par certains Gitans lors des festivités organisées à l’occasion de la célébration du Corpus Christi pouvaient constituer une atteinte aux fueros (contrafuero)70. La participation de ces Gitans par Les Gitans dans le royaume de Valence 137 des danses avait été organisée par les autorités municipales après que le vice-roi les avait autorisées et certains Gitans résidant à Valence avaient dansé publiquement. La Junta de contrafueros, ignorant qu’ils avaient été naturalisés, avait déclaré dans sa session mensuelle que cela portait atteinte aux Privilèges, ces derniers statuant que les Gitans devaient être expulsés. Au-delà de ces protestations de la sourcilleuse Junta, l’on sait que les autorités des divers royaumes aspiraient à annuler sinon cette communauté, du moins les signes extérieurs qui proclamaient sa non-assimilation à la société majoritaire : leurs vêtements voyants, leur concentration dans un même endroit, leur langue, leur participation aux danses et représentations théâtrales. Comme le souligne très justement Antonio Gómez Alfaro71, cette tentative du législateur d’interdire les signes extérieurs de la différence gitane se fit jour alors même que le théâtre comportait déjà des personnages de Gitans et de Gitanes et que leurs danses, qui avaient la faveur de tous les publics, étaient réclamées dans de nombreuses célébrations festives. Le phénomène mérite d’être étudié et analysé dans toute sa complexité. La participation des Gitanes et des Gitans aux célébrations festives : du bannissement législatif à l’assimilation festive ou burlesque En effet, le bannissement des Gitans voulu par le législateur d’un côté et leur présence dans des fêtes où tout le corps social est représenté de l’autre, dans les processions du Corpus Christi72 notamment, paraissent à première vue fort contradictoires. En réalité, les deux phénomènes ne sont peut-être pas à mettre sur le même plan. Si le législateur interdit, le politique au sens large — et les autorités municipales et ecclésiastiques, sans aucun doute, menaient une certaine politique — traite les problèmes, les règle plus ou moins, a en tout cas intérêt à faire croire qu’il les règle ; et donc à offrir une représentation harmonieuse du corps social qu’il dirige, et une image positive de lui-même de façon à rester le plus longtemps possible dans les postes de pouvoir. Le politique a aussi intérêt à contenter ceux qu’il dirige mais aussi à les amuser et si possible à les divertir. Il doit aussi gérer la culpabilité collective diffuse que certaines décisions d’exclusion ou les refus en général génèrent plus ou moins inconsciemment dans le corps social, comme un « retour de bâton » inattendu. Quoi d’étonnant dès lors à ce que les autorités civiles et religieuses chargées d’organiser une fête qui a valeur de modèle pour toutes les autres — le Corpus Christi — aient choisi de faire en sorte que divers marginaux participent à la procession ? Dans le temps sacré de la fête, bien différent du temps profane du législateur, les marginaux ont droit de cité. De là, la participation attestée des fous et des orphelins 138 Hélène Tropé à de très nombreuses processions festives dans l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles, à commencer par les fêtes valenciennes73. De là aussi ces danses de Gitanes et de Gitans dans de nombreuses fêtes baroques espagnoles. Nous en donnerons un exemple sommaire mais significatif avant de nous centrer sur le cas valencien. Comme l’a montré François Reynaud74, à Tolède, des danses spontanées avaient lieu, notamment de Gitans et de Gitanes, danses qui n’avaient pas été prévues par le chapitre de la cathédrale mais qui plaisaient beaucoup et étaient dès lors généreusement rétribuées. Ce fut le cas, par exemple, d’une « danse de Gitans et de Gitanes » lors de la célébration du Corpus de 1674. À Valence, selon l’antique cérémonial du Corpus, le matin du jour précédant la célèbre procession, à sept heures, une procession sortait de la Maison des chars ou rocas, procession qui se composait de : « El capellan de la ciudad a cavallo con bonete y gualdrapa, Danza de los momos con estandarte, Danza de la diablera con estandarte, Danzas quatro o mas de toqueados, Danza de gitanas fingidas, Misterio del Rey Herodes, Misterio de San Cristoval, con estandarte blanco, Misterio de Adan y Eva »75. On voit donc que ces danses de Gitanes faisaient partie intégrante de l’esprit de la fête. En effet, dès 1588, à l’imitation de ce qui se faisait en Castille (en particulier à Tolède et à Madrid), les jurats de Valence décidèrent que la procession inclurait désormais huit géants (quatre paires). Ces derniers représentaient les quatre parties du monde connues jusqu’alors (Europe, Asie, Amérique, Afrique) et symbolisaient l’adhésion à l’Eucharistie de tous les continents. Aux géants, on ajouta deux nains : la conjonction des deux signifiait que petits et grands adoraient le Seigneur de la même façon. Ils parurent pour la première fois dans la procession du Corpus de l’année suivante76. L’inventaire des frais engagés précise que furent fabriquées quatre paires de géants (homme et femme à chaque fois) représentant deux Espagnols, deux Turcs, deux Gitans et deux Noirs. Il semble que de façon significative ceux qu’on appelait populairement en valencien espanyols avaient vocation à représenter toute l’Europe et que les dénommés turcs renvoyaient aux asiatiques. En réalité, à Valence, les géants espagnols, gitans, turcs et noirs étaient surtout une image de ceux qui habitaient le royaume à l’époque ou bien le menaçaient : les autochtones, les Gitans invasifs dont on ne parvenait pas à se débarrasser et très difficiles à assimiler, les Turcs qui faisaient sans cesse des descentes sur le littoral et bien sûr les esclaves noirs77. Ces géants, qui dansaient des danses typiques des nations représentées, apparaissaient non seulement dans la procession du Corpus, mais encore lors des fêtes de Notre-Dame des Désemparés, Les Gitans dans le royaume de Valence 139 Saint-Roch, Saint-Louis-Bertrand et Saint-Vincent-Ferrier, de même que lors des fêtes extraordinaires données à l’occasion d’un événement exceptionnel comme l’atteste, par exemple, Felipe de Gauna dans sa Relation des festivités célébrées lors des noces de Philippe III : « […] A los quales seguian otro gigante de la propia largaria y grandeza que los sobredichos, el qual venia vestido al traxe de nascion gitano, como lo hera, […].Y a su lado llevaba a su buena compañera, que era una gitana de la misma altaria y grandessa quel gigante gitano, su compañero, la qual salio vestida al propio traxe de gitana […]; y ansi puestos estos dos gitanos de frente de Sus Majestades y Altessas, con la buena mussica que trayan, baylaron a la gitanesca maravillosamente de bien con sus meneos y mudanzas diferentes que los demas »78. Il est d’ailleurs bien attesté que, pour satisfaire les idéaux de variété et de nouveauté propres à la fête baroque, au XVIIe siècle, les festivités du Corpus valencien comportèrent tous les ans à cette époque, de façon régulière, des danses de Gitanes ou de Gitans, réels ou imités79. Valence n’avait certes pas l’exclusivité de ces figures de Gitans : dans les fêtes ou manifestations festives d’autres villes de la Péninsule, on exploitait de la même façon l’altérité essentielle et irréductible que comportait dans l’imaginaire collectif la figure du Gitan, notamment lorsque, comme dans la procession du Corpus, on voulait signifier la diversité de tous les peuples de la terre qui adoraient l’Eucharistie, la religion catholique ou encore le monarque. Ce fut le cas, par exemple, à Ségovie pour l’entrée en 1615 d’Isabelle de Bourbon, épouse du prince Philippe : une troupe de gens masqués (máscara) figurait les sept planètes et était suivie de personnages représentant chacun une nation : un Arménien, un Gitan, un Persan, un Allemand, un Portugais80. Il est d’ailleurs curieux de constater que le Gitan, qui, par définition, n’a pas de territoire, pas de pays, pas de terre, pouvait en venir à représenter dans les mentalités et l’imaginaire collectif de l’époque une « nation » et parfois « un continent ». Sans aucun doute était exploitée dans ces représentations sa part d’éternelle et d’irréductible « étrangeté ». Celui qui, dans l’imaginaire collectif, n’est de nulle part, n’est-il pas aussi de partout ? C’est ainsi que selon la chronique d’une procession de gens masqués qui eut lieu à Ségovie en 1610, l’Afrique était représentée par une Gitane en raison d’un jeu sur le signifiant gitano à partir de l’étymon Egipto : « Siguióse luego África en trage de gitana, por ser Egipto buena parte de África. Iua asimismo ricamente adereçada en su hacanea, con lacayos, pages y dança conformes a este trage. La letra era : Es Ignacio mi Atlante; él sustenta la fee que hay en mi suelo como el Atlante el estrellado cielo »81. 140 Hélène Tropé Les danses de Gitans, à Valence comme ailleurs, faisaient les délices du public82. Concernant la cité du Levant, le journal ou Dietari de Joaquim Aierdi atteste que des figures de Gitans furent exhibées en de multiples occasions festives, par exemple le 29 octobre 1661, lorsqu’on célébra les Festes de la colocacio dels sants martirs de Senta Catalina Martir (récupération dans les catacombes de six ou huit corps de saints) et que l’on organisa la Processo dels sants martirs de Senta Cathalina Martir per a la col.locacio : « Anaven, primer, tots los officis ab ciris, […]. Después, un carro triünfant ab sentab Cathalina Martir de masoneria, molt ben ataviada y vestida. Después anaven los chagants y nanos de la ciutat, y en lo discurs de la proceso moltes dances molt diferents. Después anaven les relichions, y cada convent portava unes andes ab un sant mártir que en la Seu se li entregava; después les parroquies, y cada una de aquelles portava unes andes […]. Entre les dances que anaven en dita proceso, ne anava una de certs fadrins, tots vestits de negre ab botons de plata, que dansaven moltes y diferents danses, y entre elles un torneo al so de arpa y llaüt; y altra dansa de chitanes, que eren certs fadrins tepiners vestits de chitanes, los quals, al so de tabalet y dolsaina ballaven diferents balls de molta primor, ab diferents mudanses; altra dansa de toqueados, de fadrins llauradors, ab les robes de casaquetes vermelles y blanques de la ciutat; altra dansa, dels momos, també ab les robes de la ciutat »83. De même, à l’occasion de la naissance du prince, le futur Charles II, en 1661, une procession de cavaliers vêtus en Gitans parut dans la ville : « Encamisada en València, per lo princep. Dit dia, en la nit, agué en València una encamisada de 24 cavallers ab aches blanques, tots vestits de chitanes, molt ricament, que regosicharen molt la ciutat, fent moltes corregudes, aixi en lo Real com en moltes parts de València »84. Le 11 février 1662, à l’occasion du bref d’Alexandre VII en faveur du Mystère de l’Immaculée Conception, coïncidant avec l’époque de la célébration du traditionnel Carnaval estudiantin reconverti pour la circonstance en fête religieuse, l’Université de Valence organisa une fête et il y eut des danses de Gitanes déguisées, dans le patio et la place de l’Estudi et dans toute la ville85. Lors de la procession, trente-neuf chars ou rocas sortirent : certains transportaient des personnes et des animaux vivants ; à côté des chars de fous, de muses, de chiens et de chats, parut un char de Gitanes86. Selon Juan Bautista Valda, chroniqueur de la fête, le Dimanche de Quasi modo, il y eut aussi une procession au cours de laquelle on put admirer un char transportant des personnages richement vêtus, déguisés en Gitans et en Gitanes, en train de danser : Les Gitans dans le royaume de Valence 141 « Después de este carro iva una dança de mentidos Gitanos y Gitanas, con ricas polleras, costosos faldellines, vistossísimos tocados, con perfeta semejança del traje y natural imitaçión de sus mudanças, vueltas y agilidades que acompañavan el último carro, no menos hermoso que el segundo […] »87. Lors de la procession du 14 février 1662 organisée par la ville, la corporation des roperos fit aussi paraître un char. Celui-ci fut précédé d’une danse de Gitans et de Gitanes qui, d’après Valda, le chroniqueur, — et le détail est intéressant — était interprétée par d’authentiques Gitans : « ROPEROS. Antecedía el estandarte y bandera del Oficio de Roperos este hermoso carro, diole motivo a la invención la cercanía de vivir este gremio en la Parroquia de San Juan, y assí quiso imitar y reducir a la distancia de su carro la misteriosa visión del sagrado Apocalipsis, assumto de su altar, con quanta perfección se executasse, bien lo dize el dibuxo, con imitación propia delineado, sacó también delante del carro una dança de verdaderas Gitanos y Gitanos, que haciendo primorosas vueltas, y mudanças, dio al concurso mucho entretenimiento »88. À nouveau, en janvier 1664, des fêtes furent organisées et le samedi 26, une procession organisée par l’Université, pour le même motif que précédemment, au cours desquelles il y eut des danses de Gitans interprétés par des étudiants licenciés : « Después, dos danses de chitanes, que tots eren licenciados molt ricament vestits »89. On est fondé à s’interroger sur le sens de la participation d’un groupe ethnique aussi honni que les Gitans et les Gitanes à des fêtes fondamentalement conservatrices, d’autant plus qu’en certaines circonstances, il s’agissait de vrais Gitans. À vrai dire, comme l’a bien montré Pilar Pedraza90, ces fêtes valenciennes étaient aussi des soupapes de sécurité qui permettaient l’expression, à tout moment contrôlée, de tendances alternatives plus ou moins subversives au sein d’une société conservatrice. En représentant sur un mode festif, voire burlesque, ces danses de Gitanes et de Gitans, les autorités les donnaient à voir comme des objets folkloriques aussi passifs et inoffensifs que tous les autres. Ces figures amusaient et permettaient une libération de l’énergie populaire, ainsi habilement canalisée. La part d’audace que ces personnages représentaient dans des fêtes à caractère religieux était habilement reconduite vers l’exaltation du Saint-Sacrement pour le plus grand profit des autorités qui donnaient d’elles-mêmes, par la même occasion, l’image d’un pouvoir efficace capable de faire danser jusqu’à ceux qu’elles essayaient — avec plus ou moins de succès — 142 Hélène Tropé d’assimiler dans la société ou de rejeter. Il s’agissait en dernière instance d’une assimilation burlesque, à tous égards très habile et réussie. Au terme de cette étude, on ne peut que prendre acte de l’incompréhension et des refus qui, à l’époque moderne, ont présidé, de la part de la société vieille-chrétienne valencienne, et en général espagnole, à la perception des différences inhérentes à ce groupe ethnique : vêtements, langue, mœurs, coutumes, modes de subsistance fondées sur une tentative de vivre, non pas aux marges de la société sédentaire, mais en totale symbiose avec cette dernière. Ces refus de la différence ont débouché pour les vieux-chrétiens sur deux attitudes successives : dans un premier temps, expulser ; puis, le dépeuplement consécutif à l’expulsion des morisques, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, aboutit à des tentatives timides et souvent vaines d’assimiler, toujours en tentant de faire cesser ce que d’aucuns nomment aujourd’hui « le nomadisme parasitaire » de ce groupe, fondement de son économie et de sa survie ; en somme, refus par la société vieille-chrétienne de l’altérité fondamentale d’un peuple qui erre depuis des siècles et qui a fondé précisément ses lois, ses coutumes, son économie et même son identité sur le voyage. Du côté des Gitans, très probablement, en réponse à ces refus, une haine et un mépris des vieux-chrétiens et une culture de la soustraction à cet autre de tout ce qui est possible de lui prendre, le tout accompagné d’un repli identitaire sur ses coutumes. Au cours des XVIe et XVIIe siècles, le traitement législatif des multiples problèmes d’ordre public posés par les Gitans a été fondamentalement répressif. Les procès retrouvés dans les archives nous ont montré avec quelle rigueur cette législation a été appliquée. Ils nous ont aussi permis de nous approcher très brièvement — par éclairs — du quotidien des Gitans. Nous pensons par exemple au pittoresque tableau qu’offre de la communauté, sans le vouloir, ce procès de 1598 où l’on relate la scène où le Justícia perturbe par son arrivée les agapes champêtres du groupe qui se disposait à déguster une dinde rôtie, le plongeon du Gitan dans le canal, le départ précipité d’un autre pour se réfugier dans les broussailles, la victoire du Justícia qui parvient à les arrêter, les inventives allégations des uns et des autres pour expliquer l’origine de l’un des objets du délit, la dinde. Quoi qu’il en soit, les tentatives de la société vieille-chrétienne valencienne de se débarrasser de ce groupe ou de l’assimiler semblent largement avoir échoué tandis que les Gitans parvenaient à survivre et à se perpétuer malgré les milliers d’exécutions et d’envois aux galères. Mais si, historiquement, l’assimilation fut un échec relatif, il est curieux de constater la place que, paradoxalement, dès l’époque moderne, les Gitans ont pris dans l’imaginaire collectif et les représentations culturelles, à commencer par leur participation attestée, que ce soit par Les Gitans dans le royaume de Valence 143 de vrais Gitans ou des figures les imitant, aux danses typiques dans les processions festives valenciennes des XVIe et XVIIe siècles, soit autant de tentatives finalement très réussies, de la part des autorités, pour juguler l’inquiétante altérité de ces éternels « étranges étrangers ». Annexes BNE :VC/107/60, Información sobre los Gitanos y su historia, s. l., s. e., s. d, 2 fols. En Sevilla un amigo de buenas letras me dixo que se acordava aver leydo en una epístola dedicatoria de Aldo Manucio que esta gente son Cigios, que es una provincia de Circasia, y que avrá que se derramaron por estas Provincias cientos y cinquenta años : parece que ayuda esta opinión llamarse en Italia Cingaros.Y quanto al tiempo, la Premática del año de 1499, que fue la primera que dellos habla, donde dize que ha muchos años que andan vagando, que se verifica en cinquenta antes della, y ciento después. A uno de los Historiadores del rey nuestro señor le parece que vinieron con los Moros más ha de setecientos anos y hicieron asiento en el Aragall, lugar del duque de Osuna, no lejos de Sevilla, no dice de dónde. A otro historiador, le parece que vinieron de Bohemia, no dize quándo. Lo que dellos se puede colegir es que oyeron a sus mayores aver venido los unos de Egipto y los otros de Grecia, y ansí unos se llaman Egypcianos, y otros Grecianos, y ay entre ellos diferencia conocida en las costumbres, en el trage y en algunos vocablos. Los Egypcianos son holgazanes, andan más a caballo, sus mujeres trahían los rodetes grandes, y mantones. Han usado y usan más el hurtar que el engañar con palabras y embustes. Los Grecianos son todos herreros, usan más el engañar con palabras que el hurtar. No han usado los rodetes grandes y mantones, tienen algunos vocablos diferentes. Júntanse ordinariamente Gitanos con Gitanas y Grecianos con Grecianas. Los unos y los otros han acostumbrado andar repartidos por familias con cabeças a quien llaman Conde. A este obedecen, no es el más viejo, como entre algunas gentes se ha usado, sino el que tiene más brío para mandarlos.Y aunque estén de asiento en algunos // lugares reconocen su Conde y acuden a él con sus deferencias. Y aunque determinadamente no se sepa de dónde vinieron, ni quándo, sábese muy bien que es gente abominable y perversa, que vive de robos, hurtos y engaños, sin ley divina, ni humana, no solamente inútil a la República pero la más perjudicial que jamás hubo : y es bien de maravillar que en Provincia de tanta pulicia como son Italia, Francia y España, y donde con tanto cuidado se castigan los vicios, y ordenan todas las cosas al bien público, aya perseverado esta gente en su manera de vivir tantos años, no solamente incorregibles, pero más adelante en sus vicios que nunca, por estar más diestros en saber hurtar y engañar y en saberse defender de los ministros de justicia. Enseñan en naciendo los hijos a hurtar y engañar : como hurtarán de día, como de noche, 144 Hélène Tropé como en el campo y como en poblado, dándoles infinitas traças para ello y para engañar las casadas, las doncellas, las biudas, las viejas, las moças. Donde y como han de trocar lo que hurtan. A quien echarán la culpa quando los cogen con el hurto en las manos, que sea persona que no pueda yr a galeras. Para casarse se informan quál es las más diestra en el hurtar, y engañar, y la buscan : no reparan en que sea parienta, ni casada con otro, que en juntándose con ella, y diciendo ‘ésta es mi mujer’, les parece que basta.Y algunas vezes las compran a sus maridos, o las reciben en prendas : y ansí ay muchas más diestras en hurtar y engañar que son entre ellos muy estimadas como son la Tejuleta, la Peñuela, la Pucha, la Poquita, y otras muchas. Son más perjudiciales las mujeres que los hombres, porque con más libertad andan de puerta en puerta, y entran en todas las casas y tientan a todas las mujeres con sus engaños : topan algunas fáciles y muchas cosas puestas a mal recaudo. Los condes tienen por costumbre embiar a hurtar a los hombres de noche, y a las mujeres de día, tomándoles cuenta, y reparten los hurtos. Y aunque algunos condes tienen casas de asiento en algunos lugares, acuden a las ferias con sus mujeres y familia, recogen lo que hurtan los demás, y lo truecan y venden. Son tantos los hurtos, robos, engaños y embustes que se les han averiguado en esta comisión que sería menester prolixa historia para contarlos. Ha llegado su atrevimiento a usar de fuerça, violencia y armas en algunos lugares pequeños para hazerse // dar alojamiento y comida : y a vueltas robar o saquear lo que ay. Natale Conti, historiador grave destos tiempos, tratando de los sucesos del ano de 72, dize que en tierra de Parma se juntaron muchos Cingaros y compraron una casería y alrededor della hizieron muchas cuevas tapando las bocas con ramas y yerva. Y fueron tanto los robos y salteamientos que hizieron que fue necesario juntar en Parma trecientos hombres de guerra para destruirlos. El año de 87 en el Estado de Milán, hizieron los Cingaros tantos excessos que don Gabriel de la Cueva, Governador del mandó echar vando, que dentro de tres días saliessen de todo el estado, so pena de cinco años de galera los hombres y açotes las mujeres, y dio licencia para que los desvalijasen y puso pena de la vida a los que no siendo Gitanos se juntasen con ellos por gozar de la vida licenciosa. En estos Reynos ha avido mucho cuidado de remediar este desorden por pragmática, el año de 1499 se mandó que viviesen de asiento en los lugares, por oficios conocidos, o con señores, que les diesen lo que hubiesen menester. Lo mismo se mandó en las Cortes del año de 525 y en las de 1528 y en las de 1539 se mandó que cualquier gitano que fuesse hallado solo o acompañado, sin tener officio, o vivir con señor, fuesse condenado a galeras por seis años, teniendo edad conveniente. De todas estas leyes se colige que no sólo se han de castigar los Gitanos que anduvieron vagando, sino también los holgazanes.Y conforme a ellas yo oso afirmar que no ay en España ninguno que no debe ser castigado con la pena dellas, porque si ay algunos que no Les Gitans dans le royaume de Valence 145 andan vagando, que son pocos : ninguno ay que no sea holgazán. Los que son herreros es de cumplimiento y no lo usan. Las mujeres jamás toman rueca, ni aguja en la mano. En las Cortes de Madrid de 1586 se mandaron guardar las pregmáticas dichas y que fuesse Capítulo de Corregidores y que no pudiessen vender cosa ninguna en feria ni fuera della sin testimonio de las cosas que sacan para vender del lugar donde viven de asiento. También se ha hecho caso de Hermandad, y mandado que se remitan en Aragón y se han proveydo muchos juezes contra ellos. Últimamente, a suplicación mía el Consejo // mandó que ningún juez diesse licencia a los Gitanos, para que saliessen del lugar donde eran vecinos, so pena de cinquenta mil maravedís.Y que siendo hallados fuera de su vecindad, se castiguen como vagabundos, con que está proveydo bastantissimamente lo que conviene, para que esta gente se reforme y viva trabajando como los demás naturales o del todo se acaben si los juezes ordinarios lo ponen en execución como son obligados. Han usado y usan muchos papeles falsos de licencias para vagar : pero tan bárbaros, que con poca atención se echa de ver que lo son. Abréviations AHN : Archivo Histórico Nacional ARV : Archivo del Reino de Valencia BNE : Biblioteca nacional de España BUV : Universidad de Valencia, Biblioteca General e Histórica NOTES 1. Antonio Morel Fatio, Les Allemands en Espagne du XVe au XVIIIe siècle (RFE, 1922, 277-97) ; Albert Girard, « Les étrangers dans la vie économique de l’Espagne aux XVIe et XVIIe siècles », Annales d’histoire économique et sociale, tome V, novembre 1933 ; Albert Girard, Le commerce français à Séville et Cadix au temps des Habsbourg. Contribution à l’étude du commerce étranger en Espagne aux XVIe et XVIIe siècles, Bordeaux, Féret & fils ; Paris, E. de Boccard, 1932 ; Antonio Domínguez Ortiz, « Los extranjeros en la vida española durante el siglo XVII », Estudios de Historia Social de España, IV, vol. 2, Madrid, CSIC, 1960 (publié à nouveau dans Antonio Domínguez Ortiz, Los extranjeros en la vida española durante el siglo XVII y otros artículos, Sevilla, Diputación, 1996, p. 15-181). 2. Antonio Domínguez Ortiz, « Documentos sobre los gitanos españoles en el siglo XVII », Homenaje a Julio Caro Baroja, Madrid, Centro de Investigaciones sociológicas, 1978, p. 319-326. 3. Par exemple, María Begoña Villar García y Pilar Pezzi Cristóbal (eds.), Los extranjeros en la España moderna (actas del I Coloquio Internacional, 146 Hélène Tropé Málaga 28-30 de noviembre de 2002), Málaga, Graficas Digarza, S.L, 2003, 2 vols.; Tamar Herzog, Vecinos y extranjeros : hacerse español en la Edad Moderna, Madrid, Alianza Editorial, 2006; María Teresa Pérez Villalba, « Franceses en la Valencia del siglo XVI : apuntes acerca del proceso de integración y trayectoria ejemplar del mercader Joan Augier », Estudis, 38, 2012, p. 323-345. 4. Bernard Leblon, Les Gitans d’Espagne, Paris, PUF, 1985, p. 17-29. 5. Helena Sánchez Ortega, « Les Gitans espagnols face à l’Inquisition », Études tsiganes, 2, 1978, p. 21-26 ; id., La Inquisición y los gitanos, Madrid,Taurus, 1988. 6. Mateo Alemán, Guzman d’Alfarache, Ire partie, livre III, chap. 2, in Romans picaresques espagnols, introduction, chronologie, bibliographie par Maurice Molho, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1968, p. 280, cité par Antonio Domínguez Ortiz, « Los extranjeros… », p. 342. 7. Sebastián García Martínez, « Otra minoría marginada : los gitanos bajo los Austrias », Primer Congreso de historia del País Valenciano, celebrado en Valencia del 14 al 18 de abril de 1971, 3 vols., Valencia, Universidad, 1976, vol. III, p. 251-269. 8. Sur cette évolution historique, voir María Helena Sánchez Ortega, El problema gitano desde una perspectiva histórica, Madrid, Asociación de Antiguos Alumnos del Instituto Escuela, 1981. 9. Ramón Menéndez Pidal (dir.), Historia de la Cultura Española, vol. 1, El siglo del Quijote (1580-1680). Religión, filosofía, ciencia, Madrid, Espasa Calpe, 1996, p. 991. 10. Sur cette évolution historique, voir María Helena Sánchez Ortega, El problema gitano desde una perspectiva histórica, op. cit. 11. Sur la périodisation possible, voir Teresa San Román, La diferencia inquietante. Viejas y nuevas estrategias culturales de los gitanos [primera edición : 1997] Madrid, Siglo XXI, 2010 (Segunda edición), p. 12-14. 12. BNE :VC/107/60, Información sobre los Gitanos y su historia, s. l., s. e., s. d, 2 fols.Voir la transcription en annexe du présent article. 13. Voir notamment Amada López de Meneses, « La inmigración gitana en el siglo XV (Apuntes para su estudio) », in Martínez Ferrando, archivero. Miscelánea de estudios dedicados a su memoria, Barcelona, Asociación Nacional de Bibliotecarios, Archiveros y Arqueólogos, 1968, p. 239-263; María Helena Sánchez Ortega, « Los gitanos españoles desde su salida de la India hasta los primeros conflictos en la península », Espacio, Tiempo y Forma, Serie IV, Historia Moderna, t. 7, 1994, p. 319-354. 14. Amada López de Meneses, « La inmigración gitana en España », loc. cit., p. 3. 15. María Helena Sánchez Ortega, « Los gitanos españoles desde su salida de la India... loc.cit., (voir en particulier p. 322). 16. Voir les sauf-conduits produits par les Rois Catholiques en faveur de plusieurs chefs de communautés gitanes se rendant en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle entre 1480 et 1491 : José Luis González Arpide, Pilar Rodríguez Valverde, « La diáspora gitana : la tolerancia de los primeros Les Gitans dans le royaume de Valence 147 años análisis etno-histórico) », loc. cit., documents 1, 5, 6, 7, p. 150-151 et 154-157. 17.Voir Teresa San Román, La diferencia inquietante, op. cit., p. 16-17. 18. Amada López de Meneses, « La inmigración gitana en España », loc. cit., p. 7. 19. Amada López de Meneses, « Gitanos en España en 1415 » en Pomezia, 77, 1965, p. 80-83 ; idem, « El documento más antiguo relativo a la inmigración gitana en España », Pomezia, II, 1967 ; idem, « La inmigración gitana en España en el siglo XV (apuntes para su estudio) », en Martínez Ferrando, archivero. Miscelánea de estudios dedicados a su memoria, Madrid, 1968, p. 239-263 ; id., « Los gitanos llegan a Andalucía en el segundo tercio del siglo XV », Pomezia, 31, 1968, p. 104-107 ; id., « Novedades sobre la inmigración gitana a Espanya al segle XV », in Estudis d’Historia Medieval, 1971, t. IV, p. 145-161 ; Daniel Cremades, « Les premiers Gitans à Murcie », Études tsiganes, 1974, p. 5-7 ; María Helena Sánchez Ortega, « Los gitanos españoles desde su salida de la India… », loc. cit., p. 330-331. 20. José Luis González Arpide, Pilar Rodríguez Valverde, « La diáspora gitana : la tolerancia de los primeros años, análisis etno-histórico) » en Revista de Estudios Humanísticos, 1988, p. 143-157. 21. Archivo municipal de Castellón, Libro Cons. 73 : « pe[r] quant las gens dels bohemians fa gran dam en la vila e terme, […], lo manem que de continent se’n vagen », cité par Amada López de Meneses, « La inmigración gitana en España », loc. cit., p. 11. 22. Pour la Castille, voir notamment Enrique Garrido Díez de Baldeón, « Estudio aproximativo de la legislación relativa a la etnia gitana en los siglos XV, XVI y XVII : dificultades, controversias, aplicación y escritos de los memorialistas y arbitristas », Tiempos modernos, 23, 2011, n° 2, p. 1-40; pour la Castille et la Navarre, voir aussi María Helena Sánchez, Los gitanos españoles. El periodo borbónico, Madrid, Castellote, 1977, p. 83-135. Une partie de la législation anti-gitane (pour toute l’Espagne) peut être consultée sur le portail de « Legislación Histórica de España » : http://www.mcu.es/archivos/ lhe/. Le recueil le plus complet de législation relative aux Gitans est celui d’Antonio Gómez Alfaro, Legislación histórica española dedicada a los gitanos, Los Palacios y Vfca. (Sevilla), Junta de Andalucía. Consejería de Igualdad y Bienestar Social, 2009. 23. On dispose néanmoins de l’article déjà cité de Sebastián García Martínez, loc. cit. ; ainsi que de travaux complémentaires : Luis Revest Corzo, « Gitanos en Castellón », Boletín de la Sociedad Castellonense de Cultura, t. XL, 1964, p. 1-19; José María Doñate Sebastia, « Gitanos en Villareal », Boletín de la Sociedad Castellonense de Cultura, t. XL, 1964, p. 172-182; Pere Saborit Badenes, « Gitanos en Castellón 1717-1745 », Estudios castellonenses, 1, 1982, p. 291-312; Jesús Salinas Catalá, « Gitanos valencianos », Pensamiento y cultura gitanos, 44, 2008, p. 48-52. 24. BNE, R/14090, fol. 356v-358r : « […] A vos los egipcianos que andays vagando por estos nuestros reynos y senorios con vuestras mujeres e hijos y 148 Hélène Tropé casas salud y gracia. Sepades que nos es hecha relación que vosotros andays de lugar en lugar muchos tiempos y años ha sin tener officio ni otra manera de vivir alguna de que vos mantengays salvo pediendo limosnas y hurtando trafagando engañando y haziendoos hechizeros […] ». 25. Luis Revest Corzo, « Gitanos en Castellón », Boletín de la Sociedad Castellonense de Cultura, XL, 1964, p. 17-18 : « per quant la gents dels boemians fa gran dan en la Vila e terme de aquella ». 26. Sur l’organisation socio-économique des Gitans, dénommée par certains auteurs « nomadisme parasitaire », voir José Capdevila Orozco, Errantes y expulsados (normativa juridica contra gitanos, judios y moriscos), Córdoba, Francisco Baena, 1991, p. 33-34. 27. Emilia Iñesta Pastor, « El derecho penal en las cortes valencianas de los siglos XVI y XVII », in Corts i Parlaments de la Corona d’Aragó. Unes institucions emblematiques en una monarquia composta (Remedios Ferrero Micó, Lluís Guia Marín, eds.), València, Universitat de València, 2008, p. 621-639. Sur le banditisme à Valence, voir Sebastià García Martínez, Bandolers, corsaris i moriscos,València, Eliseu Climent, 1980. 28. C’est nous qui traduisons.Voir le texte original : Furs, capitols, provisions e actes de cort fets en la vila de Monço … MDXXXXVII,Valencia, en casa de Ioan de Mey, MDXXXXVII, Capítulos del brazo eclesiástico y real n° 2, p. 14. Voir aussi Furs, capitols, provisions e actes de cort (1547), in BNE, Furs de Valencia, INC/1313 (8), fol. 14 : « Del bandeig, e penes dels Bomians axi homens com dones que van per lo regne de Valencia ». Señor, com moltes companyies de hòmens e dones vagabunts, ques dihem Bomians, vajen per lo Regne de València : la vida dels quals es furtar y robar e enganar dones e persones simples, per hon semblant gent no deu ésser tollerada ni admesa en ningun regne que sia ben regit, supliquen per ço los dits dos braços Ecclesiàstich y Real sia mercè de vostra Alteza prouehir e manar que los tals, ques dihen Bomians, sien ab imposició de greus penes bandejats del dit regne de València, imposant als officials grans penes si no executaran lo dit bandeig, applicadors la mitad als còfrens de sa Magestat, e laltra mitad al comú de la ciutat e vila Real en terme de la qual los tals Bomians seran entrats, e lo justícia no haurà executat en les persones e béns de aquelles ». 29. Ibid.: « Plau a sa Alteza que sien expellits y bandejats; y per la primera fractió del bandeig sien açotats; y per les altres contrafactions sien punits més greument a arbitre del jutge; y lo oficial qui no executarà dites penes incórrega en pena de doscents sous per cascuna vegada, applicadors als còfrens de sa Magestad ». 30. Le ban du 22 juin est consultable à la BUV, Real crida y edicte sobre coses concernents al be comu de la present Ciutat y Regne de Valencia y bona administracio de la justicia,Valence, s. e., 1560; le texte se trouve aussi aux Archives du royaume : ARV, Real Cancillería, 699. Il est cité par Sebastián García Martínez, loc. cit., p. 254 et par Antonio Gómez Alfaro, op. cit., p. 54 ; de même, voir BUV,VAR 283-28 et VAR 283-32 et Ms. 697-10 (textes transcrits par Antonio Gómez Alfaro, op. cit., p. 66, 68, p. 73). Les Gitans dans le royaume de Valence 149 31. Furs, capitols, provisions e actes de corts fets y atorgats per la S. C.R.M. del Rey Don Phelip nostre senior… en les Corts generals per aquell celebrades als regnicols de la ciutat y regne de Valencia en la vila de Monço, en lo any MDLXIIII, Valencia, Ioan Mey, 1565, cap. 116, fol. 17v. : « Ques guarde lo act de Cort del any MDXLVII del bandeig dels bomians : Item, Senyor, com ab acte de cort, fet en lo any M.D.XLVII en la present vila de Monço a supplicacio dels dos braços Ecclesiastich y Real, sia estat per V. Magestad provehit que los homens e dones vagabunts, ques dihen Bomians, sien bandejats del regne de Valencia, imposant perals contrahents, e encara als jutges que no executaran dites penes segons en dit act de cort es contengut, e ara lo bras militar es content de adherir al dit act de cort. Perço suppliquen los dits tres braços a V. Magestat sia sa merce manar que dit act de cort sia Fur puix ara los tres braços concordament ho suppliquen e que tot lo contengut en aquell sia inviolablement observat. Plau a sa Magestat ». 32. BNE, R/31720(1), fol. 14r : Furs, capitols, provisions, e actes de cort, fets y atorgats per la S.C.R.M. del rey don Phelip nostre senyor en la vila de Monço, en lo any M.D.LXXXV, fol. 14r. : Que los Bomians sien de nou bandejats de tot lo regne ab veu de publica crida, sots les penes en lo infrascrit Capitol contengudes, exceptats aquells que de un any continuo a esta part estaran avuehinats en lo regne y tindran casa o altres bens sitis, fora de llochs de Moriscos, los quals no puixen exir sens llicencia del senyor, o Iusticia una llegua lluny sots les penes infrascrites. CAP. XCIII - Item que per deguda execucio del bandeig dels Bomians per furs dispost, millorant y ajustant adaquells sia prouehit y manat que ab veu de publica crida per les ciutats y viles reals (segons es de costum) sien de nou bandejats de tot lo regne dins termini de trenta dies, sots pena de galeres perpetues irremissiblement executadora : e les dones sots pena de cent açots per la primera vegada, y de doscents per la segona, y per la tercera en majors penes arbitries : del qual bandeig sien exceptats aquells que de un any continuo a esta part estaran avehinats dins lo regne, y tindran casa o altres bens sitis, puix no sien en llochs de Moriscos, los quals dits Bomians exceptats, no puixen anar diuagant per lo regne, ni exir mes de una llegua del terme hon habitaran y seran auehinats, sino portant llicencia per escrits del señor o del Iusticia de la poblacio de la qual seran vehins : y que no puixen recollir ni receptar Bomians vagabundos y advenizos : y que fent lo contrari de dites prouisions, encorreguen en pena de galeres perpetues. Plau a sa Magestat ». 33. Mercedes García- Arenal, « Morisques et Gitans », Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 14, 1978, p. 503-510 (voir en particulier p. 504). 34. BNE, R/31720(2), Furs, capitols, provisions, e actes de corts, fets y atorgats per la S.C.R.M. Del rey Don Phelip nostre senyor en les Corts generals per aquell celebrades als regnicols de la Ciutat y Regne de Valencia, en lo monestir de glorios Sanct Domingo, en lo any M.DCIIII, Valencia, Pere Patricio Mey, 1607, Cortes de 1604, fuero CCXXI, fol. 42r : « Que los Furs del desterro dels Bobians sien guardats, no obstant pretenguen que son vehins en o present Regne.Y que no puguen anar junts mes de dos, y sens mullers y altres dones. Item, encara que per Fur del present Regne estan desterrats generalment 150 Hélène Tropé de aquell tots los bobians, ab imposicio de de pena de galeres, y no obstant dites disposicions forals, e imposicions de penes, aquells acudeixen molt de ordinari a les masades de la vila de Alpuente, aldees de Ares, y Titaguas, que son de poch vehinat, y en altres parts del Regne, en les quals parts fan notables furts, sens podersels resistir, per ser molts aquells en numero. Suppliquen perço los dits tres Braços a vostra Magestat, que los dits Furs sien punctualment observats, y les dites penes executades ; no obstant pretenguen que son vehins en lo present Regne. Y no podense aço obtenir, los sia manat, sots les dites penes, que no puixen anar junts de dos en amunt ; y que vajen sens les mullers, ni altres dones algunes en sa companyia, per los notables danys que tambe aquelles fan. Plau a sa Magestat ».Voir aussi le texte reproduit dans Las Cortes valencianas de Felipe III, ed. Eugenio Císcar Pallarés, Valencia, Universidad de Valencia, 1974. 35.Voir sur ce point Mercedes García-Arenal, « Morisques et Gitans… », op. cit. p. 507. 36. BNE (2/35590, núm. 158, fol. 37), Autos y acuerdos del Consejo de que se halla memoria en su archivo desde el año MDXXXII hasta el de MDCXLVIII, mandólos imprimir el ilustrísimo Señor Don Diego de Riaño y Ganboa, Madrid, Diego Díaz de la Carrera, 1649. 37.Voir Antonio Gómez Alfaro, op. cit., p. 93. 38. Ibid., p. 100-101. 39. Ibid., p. 105-106. 40. Ibid., p. 112. 41. James Casey, The kingdom of Valencia in the seventeenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1979, p. 166 et suiv. 42. ARV, Real Cancillería, núm. 601, p. 119-120; Antonio Gómez Alfaro, op. cit., p. 124 et 126. 43. Ibid., p. 137. 44. Ibid., p. 149. 45.Voir FranciscoVázquez García, La invención del racismo. Nacimiento de la biopolítica en España, 1600-1940, Tres Cantos (Madrid), Akal, 2009. 46. Cité par Margarita Torrione, « La lengua del gitano de España, seña de identidad excluyente (siglos XV-XIX) », in Margarita Torrione (ed.), Lengua, libertad vigilada, Toulouse, Université de Toulouse, 1993, p. 129-153; voir aussi Manuel Martínez Martínez, « Los gitanos en el reinado de Felipe II (1556-1598). El fracaso de una integración », Chronica Nova, 30, 2003, p. 401-430 (en particulier p. 406-407). 47. Pragmatique de 1633 (AHN, Consejos, Ly. 7133), citée par FranciscoVázquez García, op. cit., p. 82, note 74. 48. Biblioteca de Palacio, Madrid (A-B4, C5), Pedro Salazar de Mendoza, Memorial de el hecho de los Gitanos para informar el ánimo de el Rey nuestro Señor de lo mucho que conviene al servicio de Dios y bien de estos Reynos desterallos de España, s. l., s. e., s. a., 26 p. Sur ce mémoire, voir Ramón Menéndez y Pelayo (dir.), El siglo del Quijote, op. cit., p. 1005-1006. 49.Voir José Capdevila Orozco, Errantes y expulsados, op. cit., p. 38-50. Les Gitans dans le royaume de Valence 151 50. BNE (R/19717), Juan de Quiñones, Discurso contra los gitanos, Madrid, Por Juan Gonçález, 1631. 51. C’est nous qui traduisons. Le titre d’origine est Relación verdadera de las crueldades, y robos grandes que hazían en Sierra Morena unos gitanos salteadores, los quales mataron un religioso y le comieron asado y una Gitana la cabeça cozida, y de la justicia, y castigos que dellos se hizo en la Villa de Madrid Corte de su Magestad a onze de Noviembre. Año de 1617, Barcelona, en la Imprenta de Esteban Liberós, 1618; reproduit en fac-similé par Henry Ettinghausen, Noticies del segle XVII : La Premsa a Barcelona entre 1612 i 1628, Barcelona, Ajuntament — Arxiu Municipal de Barcelona, 2002, p. 167-170, n° 32. Sur cette Relation, voir Augustin Redondo, « Le bandit à travers les pliegos sueltos des XVIe et XVIIe siècles », in Le bandit et son image au Siècle d’Or, Madrid — Paris, Casa de Velázquez — Publications de la Sorbonne, 1991, p. 123-138 (voir p. 126, note 10). 52. BNE (R/3859), Pedro de Villalobos, Discursos iurídicos políticos en razón de que a los gitanos bandoleros de estos tiempos no les vale la iglesia para su inmunidad […] autor el doctor Pedro de Villalobos, Salamanca, por Diego de Cosio, 1644 (26 f.). 53. Voir Domínguez Ortiz, « Documentos sobre los gitanos españoles », loc. cit., p. 321. 54.Voir Alejandro Martínez Dhier, La condición social y jurídica de los gitanos en la legislación histórica española,Tesis doctoral, Granada, Universidad de Granada, 2007, p. 306-314. 55. ARV, Procesos de Gobernación, caja 4418, n° 382. 56. ARV, Procesos de Gobernación, n° 930, caja 4441 (1579, 27 de Giner 1579). 57. ARV, Real Audiencia, Procesos criminales, Segunda parte, n° 368, caja 36. 58. ARV, Real Audiencia, Procesos criminales, Segunda parte, n° 422. 59. ARV, Real Audiencia, Procesos, Tercera Parte, Apéndice núm. 2629 (1594). 60. ARV, Gobernación, Procesos, n° 1279, caja 4465, fol. 1r-11r. 61. En 1539, la condamnation aux galères fut instaurée comme peine spécifique pour les Gitans ; en 1552, pour les voleurs et les vagabonds. En 1560, on renouvela cette disposition en l’étendant à tous ceux qui « étaient des Gitans, s’habillaient ou vivaient comme eux ». Sur la condamnation aux galères, voir Manuel Martínez Martínez, Los forzados de Marina. El caso de los gitanos (1700-1765), recurso electrónico (CD-Rom), Almería, Ediciones Universidad de Almería, 2007 (voir en particulier, p. 83-118); cf. María Helena Sánchez Ortega, « Los gitanos españoles desde su salida de la India… », p. 337. 62. ARV, Procesos criminales, Segunda Parte, caja 53, exp. 543. 63. BNE, Furs, capitols (INC/1313 (8), fol. 6 : « De coneixenca de crims fets en camins reals ». 64. ARV, Manaments y Empares, 1609, libro 5, mano 51, fol. 6r-14r. 152 Hélène Tropé 65. ARV, Mestre Racional, núm. 6 936 (15). 66. ARV, Procesos Real Audiencia, Parte III, Apéndice, núm. 7305: Joan de Montoya, gitano, contra los procuradores fiscales de Sa Magestat (1621). 67. ARV, Procesos criminales n° 785, caja 4434. 68. ARV, Real, n° 595, fol. 157r./v. 69. Sur l’affaire María de Montoya, voir ARV, Real, fol. 178r-180r; Real, n° 592. Epistolarum, 1684, fols. 52, 140r, 141r; Sebastián García Martínez, loc. cit., p. 262-265. 70. ARV, Real, Epistolarum Carlos II. Reg. 593, fols. 140v-142r; Sebastián García Martínez, loc. cit., p. 264, note 68. 71. Antonio Gómez Alfaro, op. cit., p. 14. 72. Une très intéressante lecture ethnographique de la procession du Corpus Christi valencien comme expression d’une harmonie désirée est proposée par Antoni Ariño, Festes, rituals i creences,València, Edicions Alfons El Magnànim, 1988, p. 365-405. 73. Hélène Tropé, « Fêtes et représentations des marginaux à Valence aux XVIe et XVIIe siècles », in Écriture, pouvoir et société en Espagne aux XVIe et XVIIe siècles. Hommage du CRES au Professeur Augustin Redondo, Paris, Publications de la Sorbonne, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001, p. 347-363 ; id., Locura y sociedad en la Valencia de los siglos XV al XVII : los locos del Hospital de los Inocentes (1409-1512) y del Hospital General (1512-1699), Valencia, Diputación de Valencia, Centre d’Estudis d’Història Local, 1994, p. 341-369. 74. François Reynaud, « Contribution à l’étude des danseurs et des musiciens des fêtes du Corpus Christi et de l’Assomption de Tolède aux XVIe et XVIIe siècles », Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 10, 1974, p. 133-168 (voir p. 152). 75. Fèlix Cebriá y Arazil, Ceremonial de la ciudad de Valencia para la fiesta del Corpus, Valencia, Ayuntamiento, 1958, p. 19. 76. Salvador Carreres Zacarés, Los gigantes de la Procesión del Corpus, Valencia, Ayuntamiento, 1960, p. 12-13 et 19-23; Antonio Cortés, Corpus de Valencia : la procesión, València, Ajuntament de València, Concejalía de Fiestas y Cultura Popular, 2009, p. 40-41; Enric A. Llobregat, Francesc Jarque, El Corpus de València,València, Tres i quatre, 1978. 77. Sur l’esclavage à Valence, voir Vicente Cortés Alonso, La esclavitud en Valencia durante el reinado de los Reyes Católicos (1479-1516), Valencia, Ayuntamiento, 1964;Vicente Graullera Sanz, La esclavitud en Valencia en los siglos XVI y XVII,Valencia, Instituto Valenciano de Estudios Históricos, Institución Alfonso el Magnánimo, CSIC, 1978; id., « La esclavitud en Valencia. Los libertos y su integración social », in Captifs et captivités en Méditerranée à l’époque moderne (Colloque International, Université de Nice-Sophia Antipolis, 10-12 mai 2012), à paraître. 78. Felipe de Gauna, Relación de las fiestas celebradas en Valencia con motivo del casamiento de Felipe III,Valencia, Imprenta de F.Vives Mora, p. 555. 79. Alfonso Carles Pitarch, « Las danzas populares en la fiesta del corpus Les Gitans dans le royaume de Valence 153 Christi de Valencia desde sus orígenes hasta el siglo XIX », Yakka. Revista de estudios yeclanos, 1996, 7, p. 58. 80. Jenaro Alenda y Mira, Relaciones de solemnidades y fiestas públicas de España, Madrid, Sucesores de Rivadeneyra, 1903, t. I, p. 180-81; voir Teresa Ferrer Valls, « La fiesta en el Siglo de Oro : en los márgenes de la ilusión teatral », Teatro y fiestas del Siglo de Oro en tierras europeas de los Austrias, Madrid, SEACEX, 2003, p. 27-37. 81. Relación de una máscara que en otras fiestas se hizo en Segouia a la de la beatificación de Nuestro Padre San Ignacio, en Jenaro Alenda y Mira, Relaciones de solemnidades, op. cit., núm. 150, p. 150-151; cité par Jesús Gallego Montero, Edición crítica y estudio de los « Dialogos de apacible entretenimiento » de Gaspar Lucas Hidalgo, Memoria para optar al título de doctor bajo la dirección de Ana Vian Herrero, Madrid, Universidad Complutense de Madrid, 2011, p. 210. 82. Voir José Deleito y Piñuela, También se divierte el pueblo, Madrid, Espasa-Calpe, 1966, p. 76-83. 83. Joaquim Aierdi, Dietari, a cura de Vicent Josep Escartí, Barcelona, Barcino, 1999, p. 187. C’est nous qui soulignons. 84. Ibid., p. 196. 85. Ibid., p. 211. 86. Voir Pilar Pedraza, Barroco efímero en Valencia, Valencia, Ayuntamiento, 1982, p. 55. 87. Juan Bautista de Valda, Solenes fiestas que celebró Valencia a la inmaculada concepción de la Virgen María por el Supremo decreto de N. S. S. Pontífice Alexandro VII,Valencia, Gerónimo Vilagrasa, 1663, p. 284. 88. Juan Bautista Valda, op. cit., p. 462-463; reproduit par Pilar Pedraza, op. cit., p. 262 ; voir aussi Joaquim Ayerdi, op. cit., p. 239. 89. Joaquim Ayerdi, op. cit., p. 326. 90. Pilar Pedraza, op. cit., notamment p. 19-26.