Lire le texte de l`intervention d`Izabella Pluta-Kiziak

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CREATION NUMERIQUE,
LES NOUVELLES ECRITURES SCENIQUES
2003 | 2004
Programme international de rencontres et de recherche
« arts de la scène et nouvelles technologies »
http://www.scenes-digitales.info
Rdv01 : le théâtre dans la sphère du numérique
ENTRE L’INTERNET ET LA RÉALITÉ POSTCOMMUNISTE
résumé par Izabella Pluta-Kiziak (Université de Silésie (Pologne) – Université de Lausanne)
Support visuel : spectacles de Komuna Otwock : « Bez tytulu » (« Sans titre »), « Trzeba zabic pierwszego
boga » (« Il faut tuer le premier dieu »)
(VHS, PAL/SECAM)
La date décisive de 1989 place la Pologne devant une nouvelle réalité : la suppression de la censure, la
confrontation avec une liberté artistique regagnée et un nouveau mode de financement soumis aux lois du
marché. D’un côté, cette nouvelle situation implique de fortes résonances économiques et elle bâtit de
nouveaux obstacles. De l’autre, elle provoque aussi un questionnement sur la tradition théâtrale antérieure
et sur des choix esthétiques dans les explorations à venir. Nous voudrions analyser les écritures scéniques
en question en nous focalisant plus particulièrement sur les travaux de deux metteurs en scène du théâtre
institutionnel polonais et sur deux groupes du théâtre indépendant. Ensuite, nous ferons un arrêt sur la
programmation du festival international Réminiscences théâtrales de Cracovie à travers lequel nous allons
introduire la recherche d’un théâtre slovène et russe pour enfin donner un aperçu sur le WRO Centre des
Arts des Médias à Wroclaw.
En 1999, Piotr Gruszczynski, un critique théâtral introduit la notion « plus jeunes plus talentueux ». Ainsi il
nomme un nouveau groupe des metteurs en scène du théâtre institutionnel polonais qui débute dans les
années 90. Ils n’ont pas écrit de manifeste, ils cherchent plutôt à créer leur propre langage étant ouverts en
même temps à leur quotidien. Soulignons que pour ces créateurs une forme ouverte et une expérimentation
interprétative n’est pas étrangère. Ils réussissent à fusionner des éléments novateurs avec une dramaturgie
classique. Parmi eux se trouvent Anna Augustynowicz, la directrice artistique du Teatr Wspolczesny de
Szczecin et Grzegorz Jarzyna, le directeur artistique du Teatr Rozmaitosci de Varsovie.
Augustynowicz monte en 1996 la pièce de Grzegorz Nawrocki « La Jeune mort ». Cette thématique
contradictoire qui raconte l’histoire d’assassins adolescents avait déjà choquée les lecteurs après sa
parution dans la revue Dialog. Augustynowicz situe ses acteurs sur une scène presque vide. Elle les place
devant un écran géant sur lequel on peut voir un flux d’images tirées de la télévision mais aussi les mêmes
personnages filmés au moment du crime. Ici, la technologie audiovisuelle est intégrée dans la structure de
la représentation. Elle permet ainsi le passage vers l’invisible qui est dans ce cas la conscience d’un
meurtrier. Paradoxalement, l’accueil contradictoire de la critique est dû surtout à cette esthétique,
technologique et froide, qu’on pourrait appeler une „esthétique de l’écran” et non pas au sujet de la pièce.
Augustynowicz focalise sa mise en scène sur l’aspect sociologique, sans jugement, sans aucune
suggestion interprétative.
Grzegorz Jarzyna s’éloigne de cette esthétique documentaliste. Ses mises en scène se
caractérisent par une approche plutôt d’amalgame qui évoque son intérêt pour le cinéma, pour le théâtre
oriental ou pour la dramaturgie de nouveaux brutalistes. Kinga Grzelewska appelle ce style l’« esthétique du
clip vidéo». Dans la mise en scène de « De l’amour et des restes humains» de Brad Fraser ou « Le
magnétisme du cœur » d’après Alexander Fredro (auteur classique polonais) nous retrouvons une narration
qui puise « du montage rapide, du cadrage, de la condensation rythmique des images, du texte et de la
musique » [Grzelewska K.]. Ce travail représente dans le contexte polonais un passage fluide entre de
nouvelles écritures scénique et la tradition de l’école de la mise en scène à Cracovie.
Quittons pour l’instant le théâtre institutionnel pour nous arrêter un moment sur la recherche
des scènes indépendantes. En 1996 débute Komuna Otwock, un jeune groupe anarchiste pluridisciplinaire.
Ses spectacles font appel au théâtre politique des années 20 et prennent en même temps une forme libre,
hybride et anti-illusoire. « Sans titre », le premier spectacle-performance de Komuna Otwock reflète un réel
état de conscience d’un jeune Polonais située soudainement devant un choix multiple. Une présence
permanente de l’écran dans les représentations suivantes constitue une sorte d’alter ego de ce groupe, un
témoin qui aide à redéfinir une nouvelle identité.
Nous retrouvons un contrepoint de cette création dans la recherche camérale de LLT Videoteatr « Poza »
crée en 1985 par la comédienne Jolanta Lothe, et par le metteur en scène, scénariste Piotr Lachmann. Les
créateurs construisent leur univers autour des textes dramatiques en constituant trois plans de jeu : le plan
de la scène « ici et maintenant », le plan préenregistré vidéo, et le plan en temps réel sous forme de la
projection des caméras vidéo (voir le spectacle le plus connu « L’Actrice »). « Les moniteurs jouent ici le rôle
de la masque théâtrale » [Adler S.]. Piotr Lachmann inscrit le défi de l’improvisation mais par-dessus tout il
questionne la présence télématique du corps.
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CREATION NUMERIQUE,
LES NOUVELLES ECRITURES SCENIQUES
2003 | 2004
Programme international de rencontres et de recherche
« arts de la scène et nouvelles technologies »
http://www.scenes-digitales.info
Rdv01 : le théâtre dans la sphère du numérique
Nous proposons de passer maintenant aux Réminiscences Théâtrales de Cracovie, un des festivals les
plus importants du théâtre indépendant en Europe de l’Est qui a débuté en 1975. Il faut remarquer son
projet « Europe alternative» lancé en 1999 qui, à travers des créations, cherche à définir l’identité à
l’époque postindustrielle. Outre la recherche de Komuna Otwock, d’Akademia Ruchu qui sont des invités
permanent de ce festival le publique peut connaître des stylistiques différentes dans des spectacles
slovènes, russes ou hongrois. De nouvelles techniques audiovisuelles apparaissent surtout dans la
recherche de Teatr Glej et du groupe Axe. Tomas Strudl (Teatr Glej de Lubljana), metteur en scène et
chorographe dans « Su et Sid » crée une forme hybride entre la danse et le théâtre. Il raconte une histoire
d’un homme pris dans une relation avec trois femmes. Le personnage principal oscille entre ses fantasmes
et l’impossibilité de réaliser ses désirs. Trois moniteurs mobiles (nous y voyons des images préenregistrées)
servent à fusionner le réel et l’imaginaire. Dans la même direction esthétisante va aussi Axe crée en 1989
par Maxim Issajew et Pawel Semczenko de St. Petersbourg. Les deux situent leur recherche entre le
théâtre, le film, la photographie et la peinture. «Cabine blanche » questionne l’espace d’un rituel du
quotidien qu’ils construisent avec des outils rudimentaires. Dans une poétique d’un happening le spectateur
regarde les transformations de l’espace modifiée à vue.
Le paysage médiatique polonais paraît être plus riche si on prend en considération le WRO Centre des arts
des médias à Wroclaw qui organise à partir de 1989 la WRO Biennale des Arts des Médias avec des
colloques. Le Centre explore une réflexion sur les possibilités de l’utilisation de la cybertechnologie dans l’art
et sur la place actuelle du récepteur. Parmi les travaux du monde entier nous pouvons y voir des
installations d’Izabela Gustowska ou des réalisations numériques d’Arkadiusz Baginski, d’Andrzej Urbanski,
de Piotr Wyrzykowski.
Finalement, la scène polonaise multimédia se caractérise par une certaine diversité des explorations.
Néanmoins, nous avons l’impression que les travaux des artistes, les recherches universitaires et enfin la
réception critique constituent des îlots séparés sans réelle connexion réciproque. Les résolutions
audiovisuelles éventuellement appliquées dans un spectacle vivant provoquent encore beaucoup de
réticences et une méfiance envers cette recherche. On ne peut pas oublier que d’un côté, cet outil ouvre un
nouveau champs d’expression, de l’autre – il incarne cette réalité nouvelle, envahissante, peut-être encore
étrangère pour les habitants de ce côté de l’Europe.
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