Le protocole de l`épisode traumatique récent

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Le protocole de l`épisode traumatique récent
Le protocole de l’épisode traumatique récent :
évaluation et analyse des résultats de trois études de cas
Laura Rocchietta Tofani
Service national de santé, Italie
Kate Wheeler
Ecole d’infirmiers de l’université de Fairfield
Cet article évalue et illustre l’application du protocole de l’épisode traumatique récent (R-TEP : recenttraumatic episode protocol) avec trois clients différents : un enfant atteint d’une maladie chronique, une
femme ayant subi une perte importante et un adolescent qui s’automutilait. Le R-TEP est une adaptation
du protocole EMDR pour l’intervention EMDR précoce. Les séances sont présentées de manière détaillée
afin de souligner les changements qui se produisent au niveau du traitement de l’information au cours
de la thérapie. Des marqueurs observés identifiés ont permis d’analyser le déroulement du traitement,
incluant la distanciation vis-à-vis du trauma ; la diminution des affects négatifs ou le changement des
émotions rapportées ; l’accès à des informations plus adaptatives ; des changements au niveau de
l’échelle des unités subjectives de perturbation (SUDS : Subjective Units of Disturbance scale) ; l’échelle
de ­validité de la cognition (Validity of Cognition) et l’échelle révisée d’impact de l’événement (Impact
of Event Scale––Revised) indiquant des modifications de la perception du souvenir traumatique. Tous
les clients ont montré des gains thérapeutiques pré/post du R-TEP, avec des changements au niveau
du comportement et du fonctionnement. Les soubassements du R-TEP sont envisagés à la lumière des
observations rapportées. La contribution spécifique du protocole est soulignée en considération de ses
composants procéduraux et des mécanismes de changement associés plausibles.
Mots-clés: EMDR ; trauma récent ; R-TEP ; mécanisme d’action ; évaluation des résultats
A
u niveau du diagnostic de l’état de stress posttraumatique, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’association
américaine de psychiatrie (American Psychiatric Asso­
ciation, 2000) distingue l’ESPT chronique de l’ESPT
aigu et propose une catégorie diagnostique séparée
pour l’état de stress aigu (ESA). L’ESA se produit
au cours de la période commençant lors des deux
­premiers jours suivant le trauma et se prolongeant
jusqu’à 4 semaines plus tard, tandis que l’ESPT aigu
a lieu de 1 à 3 mois après le trauma. L’ESPT aigu et
l’ESA comprennent l’ensemble habituel de symptômes
d’hyperactivation, d’évitement et d’intrusion, trois
symptômes dissociatifs étant nécessaires pour l’ESA
mais pas pour l’ESPT aigu. L’ESPT comme l’ESA
sont considérés comme se situant sur un continuum
de stress aigu avec une convergence importante des
symptômes (Kutz, Resnik & Dekel, 2008). Avec un peu
de chance, les symptômes se résorbent naturellement
sans intervention thérapeutique au cours des mois
suivant l’événement traumatique. Toutefois, parmi
les personnes présentant un ESA qui ne reçoivent pas
d’aide thérapeutique, 60% à 80% ­finissent par développer un ESPT et un tiers des clients manifestant
des symptômes d’ESPT aigu présentent toujours un
ESPT ou d’autres signes possibles de détresse pendant
plus de 6 ans (Andrews, Brewin, Philpott & Stewart,
2007). L’absence d’intervention précoce axée sur le
This article originally appeared as Rochietta Tofani, L. & Wheeler, K. (2011). The Recent-Traumatic Episode Protocol:
­Outcome Evaluation and Analysis of Three Case Studies. Journal of EMDR Practice and Research, 5(3), 95-110. Translated
by Jenny Ann Rydberg
E46
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
© 2012 EMDR International Association http://dx.doi.org/10.1891/1933-3196.6.4.46
trauma peut résulter en une détérioration du fonctionnement. Silver, Rogers, Knipe et Colelli (2005) ont
montré qu’après les attaques du 11 septembre contre
le World Trade Center, les clients qui ont attendu plus
longtemps avant de demander un traitement (30-48
semaines) présentaient davantage de symptômes et
un niveau de perturbation plus élevé avant le traitement par rapport à ceux qui ont entamé un traitement
plus tôt (2-10 semaines).
L’observation directe ainsi que les études épidémiologiques (Thienkrua et al., 2006) démontrent que les
enfants ne manifestent pas de diminution spontanée
des taux d’ESPT ou de dépression même plusieurs
mois après une catastrophe traumatique naturelle (les
taux de 11% d’ESPT et de 13% de dépression restaient
inchangés). Il existe des indications selon lesquelles
l’ESPT à apparition tardive pourrait résulter de la
réactivation de symptômes infracliniques antérieurs
(Andrews et al., 2007) ; certaines données démontrent
que la présence de souvenirs traumatiques accumulés
peut constituer un facteur potentiel au niveau de la
sensibilisation de troubles ultérieurs, augmentant
avec le nombre d’expositions à des situations traumatiques similaires (Breslau, Chilcoat, Kessler & Davis,
1999 ; McFarlane, 2009 ; Suliman et al., 2009).
Colelli et Patterson (2008) émettent l’hypothèse
selon laquelle la retraumatisation causée par les
cauchemars, les flash-backs et les pensées intrusives
est probable lorsque la consolidation du souvenir traumatique ne se produit de manière adaptative. “L’effet
d’embrasement” pourrait partiellement expliquer ceci
dans le sens où les intrusions traumatiques continuent
à sensibiliser la réaction traumatique. Le stress traumatique est considéré comme un facteur de risque
important pour plusieurs problèmes psychiatriques
et pour la psychopathologie sévère (McFarlane, 2009;
Read, Perry, Moskowitz & Connolly, 2001). Un trauma
aigu récent peut déclencher des ­expériences personnelles récentes en lien avec des aspects subjectivement
non résolus ou des traumas antérieurs. Ces considérations et résultats apportent des preuves montrant que
les événements traumatiques récents, ou même des
événements récents perçus ­subjectivement comme
récents, peuvent provoquer des symptômes intrusifs
(Mol et al., 2005). C’est pourquoi l’intervention précoce axée sur le trauma, en plus de traiter la détresse
présente liée à un événement récent particulier, peut
aider à prévenir la sensibilisation ou l’accumulation
progressive de souvenirs traumatiques ou des associations négatives.
A la suite d’un événement traumatique récent
profondément perturbant, le système de réseaux
mnésiques peut paraître à la fois cliniquement instable
et organisée de manière rigide. Le trauma peut être
conçu comme un déficit des fonctions intégratives.
Par conséquent, les réseaux mnésiques en lien avec
un événement traumatique récent sont souvent
organisés autour d’une “polarisation” avant-plan/
arrière-plan (Mack, Tang, Tuma, Kahn & Rock, 1992 ;
Qiu, Sugihara & von der Heydt, 2007) dans laquelle les
traces mnésiques de l’avant-plan consistent ­souvent
en des éléments fragmentés intrusifs que l’esprit ne
peut assimiler ou métaboliser. De plus, une hypersensibilité à l’égard de ces fragments mnésiques peut
apparaître, la personne développant une insensibilité
aux stimuli qui ne sont pas en lien avec le matériel
traumatique. Ainsi la réaction de la ­personne peut
varier du déni et de la dissociation à une répétition intrusive de certains aspects envahissants. Les systèmes
attentionnels, les systèmes de réponses défensives et
bien souvent les systèmes perceptuels/sensoriels, avec
leurs concomitants neurologiques, peuvent ­arriver
à un état soit chaotique soit rigidement organisé.
Une émotivité intense peut varier entre une détresse
­hautement anxieuse et un mal-être profond accompagné d’un sentiment d’instabilité et de vulnérabilité
ainsi que d’une activation émotionnelle douloureuse.
Ceci peut empêcher l’intégration et le traitement de
l’information (E. Shapiro & Laub, 2008).
Traitements du stress aigu
La littérature comporte très peu d’études ­évaluant
l’efficacité des traitements de l’ESA par rapport
au nombre évaluant les résultats des traitements
de l’ESPT. Sur le plan historique, le débriefing du
stress lié à un incident critique (DSIC) a été largement
utilisé auprès de personnes souffrant d’un trauma aigu.
Typiquement le débriefing a lieu entre 12 et 48 heures
après l’événement traumatique ; il est souvent proposé sous forme d’une intervention de groupe. Les
membres du groupe reçoivent des informations sur
les conséquences psychologiques du trauma et sur
les manières possibles d’y faire face ; ils échangent
sur les détails de l’incident qui a parfois provoqué un
débordement émotionnel. Une méta-analyse systématique réalisée dans le respect des critères rigoureux
basés sur les preuves du Cochrane Collaboration pour
les ­interventions de santé est arrivée à la conclusion
que le DSIC ne peut pas être recommandé pour les
interventions aigues (Bisson & Andrew, 2007). Ils ont
rapporté que plusieurs études contrôlées ont montré
une incidence élevée d’ESPT chez les participants
ayant bénéficié de DSIC.
D’autres études ont étudié l’utilisation de la
thérapie cognitive comportementale (TCC) avec les
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personnes ayant récemment subi un trauma. Le
Cochrane Review a évalué 15 essais cliniques randomisés (ECR) au niveau des symptômes traumatiques
aigus et a trouvé des preuves en faveur de la TCC
centrée sur le trauma en comparaison des entretiens
de soutien et des contrôles de la liste d’attente. Les
auteurs notent toutefois que comme la taille des
échantillons est réduite et hétérogène, les résultats
sont rapportés avec prudence (Roberts, Kitchiner,
Kenardy & Bisson, 2010). Aucune étude EMDR n’a
été incluse dans cette méta-analyse parce qu’aucune
ne répondait aux critères d’inclusion rigides de cette
étude. Une mise à jour de 2009 des directives sur la
pratique de l’APA pour les états ESA et ESPT affirme
que “les premiers soins psychologiques doivent être
considérés comme une intervention informée par les
preuves plutôt que fondées sur les preuves. D’autres
recherches sont nécessaires” (Benedek, Friedman,
Zatzick & Ursano, 2009, p. 8).
Bien que l’EMDR constitue une intervention
thérapeutique bien reconnue pour l’ESPT et ­figure
dans de nombreuses directives internationales sur
les pratiques ainsi que dans 21 essais randomisés
documentant des résultats positifs (Ahmad, Larsson
& Sundelin-Wahlsten, 2007 ; Kemp, Drummond &
McDermott, 2010 ; Schubert & Lee, 2009 ; Van der
Kolk et al., 2007), l’efficacité de l’EMDR est moins
bien établie pour l’ESA. Les directives pour les pratiques de l’APA (2004) incluent toutefois l’EMDR
en tant que traitement efficace tant de l’ESA que de
l’ESPT, mais ajoutent qu’il n’existe pas d’étude fondée
sur les preuves établissant que l’EMDR est efficace en
tant que traitement précoce ou préventif de l’ESA ou
de l’ESPT.
Il existe plusieurs études de cas rapportant des
­résultats positifs des interventions EMDR précoces après un stress aigu (Colelli & Patterson, 2008 ;
Fernandez, 2008 ; Grainger, Levin, Allen-Byrd, Doctor
& Lee, 1997 ; Ichii, 1997 ; Kutz et al., 2008 ; Rost,
Hofmann & Wheeler, 2009 ; Russell, 2006 ; Silver
et al., 2005 ; Wesson & Gould, 2009). La plupart de
ces études utilisent soit le protocole EMDR standard
ou une modification du protocole standard. Francine
Shapiro a développé le protocole des événements
récents (1995) qui correspond à une modification
du protocole standard et de son premier protocole
EMD (eye movement desensitization : désensibilisation
par les mouvements oculaires, 1989). Le protocole
EMD ­requiert un retour à la cible et une vérification du niveau SUD (Subjective Units of Disturbance :
unités subjectives de perturbation) fréquents, sans
­poursuivre les chaînes associatives. F. Shapiro (1995)
considère que les réseaux mnésiques traumatiques
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récents sont fragmentés, pas encore consolidés, de
sorte que plusieurs cibles doivent être traitées séparément afin de faciliter l’intégration et la consolidation
de souvenirs distincts. Le protocole des événements
récents est ­inclus dans Luber (2009).
Le protocole de l’épisode
traumatique récent
Le protocole de l’épisode traumatique récent (recenttraumatic episode protocol [R-TEP]) développé par E.
Shapiro et Laub (2008 ; E. Shapiro, 2009a) incorpore
et étend les interventions EMDR précoces existantes
en une approche thérapeutique complexe et complète.
Les auteurs émettent l’hypothèse que les informations
transmises dans les quatre modalités (somatique, sensorielle, émotionnelle et cognitive) sont traitées en suivant des niveaux de complexité croissante. Les quatre
modalités sont considérées comme étant présentes à
chacun des trois niveaux de traitement de l’information
(perceptuel, expérientiel et du sens), une ou deux modalités étant dominantes à chaque niveau. Le plan
perceptuel est centré principalement sur le ­somatique
et sur le sensoriel, l’individu portant son attention à
la perception somatosensorielle d’informations intrusives menaçantes. Le plan expérientiel est centré sur
les émotions alors que le niveau du sens est avant
tout cognitif, l’individu abordant le traitement bloqué
du point de vue de ses croyances personnelles sur le
monde et de ses propres thèmes de vie.
E. Shapiro et Laub (2008) considèrent que l’événe­
ment traumatique doit être conçu comme s’étendant
depuis le moment de l’incident jusqu’à aujourd’hui
(sur un continuum traumatique continu) et proposent
le concept de l’épisode traumatique (épisode T). Comme
diverses expériences demeurent souvent intrusives ou
fragmentées, le matériel doit être identifié avec précaution. C’est pourquoi l’épisode T comprend plusieurs
cibles, appelées points de perturbation ou PoD (points of
disturbance ; des fragments de données sensorielles, de
sensations corporelles, d’émotions ou de pensées perturbantes). Les huit phases du R-TEP suivent les huit
phases du protocole standard.
Un élément procédural particulier au début du protocole R-TEP est celui du récit de l’épisode lors duquel
le client raconte l’épisode traumatique à voix haute en
recevant des stimulations bilatérales alternées (SBA).
L’étape suivante est la recherche Google (recherche G)
lors de laquelle le client est invité à parcourir intérieurement l’épisode T, de manière non séquentielle,
à la recherche de fragments perturbants (PoD) qui sont
supposés constituer les fragments mnésiques non intégrés dominants. La recherche G est une métaphore de
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la stratégie non séquentielle employée par le cerveau
pour retrouver des souvenirs. La recherche G est réalisée avec des SBA continues mais sans parler. Ensuite,
le thérapeute aide le client à évaluer le fragment mnésique ciblé autant que cela paraît approprié en suivant
le protocole standard. Ceci inclut l’identification d’une
image, de la cognition négative (CN) associée, d’une
cognition positive (CP) préférée, de la validité de la cognition (VOC) ou crédibilité de la CP, de l’émotion, du
SUD et de la l­ocalisation des sensations corporelles.
Dans la phase de désensibilisation, l’approche
en trois étapes du traitement télescopique est employée. La désensibilisation commence avec un focus
étroit, utilisant la stratégie EMD consistant à limiter
les associations au PoD seulement (stratégie EMD),
continue avec un focus plus large sur l’épisode seul
(stratégie EMDr) puis avec un focus étendu de
traitement par associations libres sur toutes les expériences de vie ­(stratégie EMDR). Les trois stratégies
permettent d’ajuster le focus au niveau où le traitement de l’information semble bloqué. La recherche G
et le traitement télescopique sont répétés jusqu’à ce
qu’il ne reste plus de PoD et que le traitement puisse
être complété au niveau de l’épisode en vérifiant le
SUD de l’épisode (SUD-E), l’installation de la CP de
l’épisode (CP-E), le scanner corporel (réalisé ici pour
la première fois) ainsi que la clôture de l’épisode.
Le R-TEP est fondé sur le modèle théorique de
E. Shapiro et Laub (2008) décrivant la séquence ou la
progression des souvenirs traumatiques et le traitement des informations traumatiques selon le modèle
du traitement adaptatif de l’information (TAI) de
F. Shapiro (1995, 2006). Puisque l’EMDR est solidement soutenu par les preuves dans le cas du traitement
de l’ESPT, il existe de bonnes raisons de croire que des
symptômes similaires d’ESA réagiraient également
­favorablement à une forme spécialisée d’EMDR telle
que le R-TEP. Les hypothèses théoriques d’E. Shapiro
et Laub (2009) puisent largement leur source dans leur
expérience clinique considérable. C’est pourquoi il
importe d’analyser les données qualitatives provenant
de séances de R-TEP en rapport avec l’émergence de
fragments ou de souvenirs afin de vérifier le modèle
R-TEP mais aussi de mesurer les résultats du protocole. Une analyse des séances suivantes apporte des
données préliminaires sur la théorie et sur la procédure du R-TEP.
Etudes de cas
Les trois études de cas suivantes illustrent l’utilisation
du R-TEP pour différents types de trauma aigu. Les retranscriptions sont rapportées en détail afin d’examiner
la séquence et l’interaction entre les indicateurs du
traitement et d’élucider le déroulement du traitement.
Les modifications somatiques, émotionnelles et cognitives observables sont indiquées entre parenthèses.
Outils de mesure
Les outils cliniques évaluant les résultats incluent
les échelles SUD, VOC et IES (Impact of Event Scale–
­Revised : échelle de l’impact des événements– révisée).
Ces trois mesures du changement ainsi que l’indication
des modifications comportementales ont servi à évaluer l’effet du R-TEP pour chacun des participants.
Echelle des unités subjectives de perturbation
L’échelle SUD (Subjective Units of Disturbance : ­unités
subjectives de perturbation) est une échelle en
10 points employée pour évaluer la perturbation
émotionnelle du client en rapport avec l’événement
traumatique (Wolpe, 1991) ; des études EMDR ont
montré qu’elle possède une bonne concordance avec
les mesures physiologiques autonomes de l’anxiété
(e.g., Wilson, Silver, Covi & Foster, 1996). La désactivation et la relaxation physiologique sont liées à
une diminution du score SUD à la fin d’une séance
(Sack, Lempa, Steinmetz, Lamprecht & Hofmann,
2008) et le SUD est significativement corrélé avec
l’amélioration post-traitement telle qu’évaluée par le
thérapeute (Kim, Bae & Park, 2008).
Echelle de validité de la cognition
L’échelle VOC (Validity of Cognition : validité de la
cognition) fait partie de la phase d’évaluation et utilise
une échelle de type Likert en 7 points pour évaluer
la crédibilité ressentie d’une autoévaluation cognitive
positive préférée tout en pensant à l’événement traumatique (F. Shapiro, 1989). Une augmentation sur
l’échelle VOC indique que le traitement s’accompagne
d’un changement au niveau de l’autoévaluation du
client.
Echelle de l’impact de l’événement – révisée
L’IES-R (Impact of Event Scale – Revised : échelle de
l’impact de l’événement – révisée ; Weiss & ­Marmar,
1996), un test d’autoévaluation en 22 items a été
conçu pour évaluer la détresse subjective en lien avec
un événement traumatique spécifique, a également
été administrée. L’IES-R est une version révisée de
l’IES originel et contient sept items additionnels en
lien avec les symptômes d’hyperactivation de l’ESPT
(Horowitz, Wilner & Alvarez, 1979). Bien que l’IES-R
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ne soit pas utilisé pour diagnostiquer l’ESPT, un score
égal ou supérieur à 33 reflète des symptômes traumatiques significatifs. Cet outil a été utilisé avec les participants adultes et adolescents.
Aptitude au traitement
L’indexd’aptitudeautraitementouSévérité-MotivationForces (SMF) correspond à une évaluation effectuée
par le thérapeute qui est comprise dans le protocole
R-TEP. Il est effectué dans la phase d’évaluation et constitue une estimation, sur une échelle de type ­Likert en
5 points, de la sévérité du trauma, de la motivation à
l’égard du traitement et des forces du moi du client. Il
s’agit de l’évaluation du thérapeute à partir des informations obtenues en entretien ; elle apporte un repère
général en termes de la vulnérabilité du client ainsi
que des ressources et de l’aptitude au traitement de la
personne.
Evaluation du changement intrapsychique
au cours des séances
Les réponses des clients ont été analysées en détail afin
de vérifier si le R-TEP suit une progression de connexions intrapsychiques telles que celles qui semblent
modifier les souvenirs traumatiques dans le protocole
EMDR standard. Les marqueurs des réponses comportent des éléments similaires à ceux déjà mentionnés
dans des études antérieures (Lee & Drummond, 2008 ;
Lee, Taylor & Drummond, 2006 ; McCullough, 2002)
et incluent l’accès à des informations plus adaptatives,
la distanciation vis-à-vis du trauma, la diminution des
affects négatifs et une évolution de la manière dont
les souvenirs sont perçus. Les indicateurs de changement incluent des modifications au niveau de la condition psychophysiologique observable ou rapportée,
des éléments de distanciation psychologique à l’égard
du trauma, la diminution du SUD, l’augmentation du
VOC et la réduction de l’IES-R. Ces marqueurs ou
­indicateurs sont souvent cités en tant qu’aspects en
lien avec le changement dans le traitement EMDR.
Traitement apporté
Le R-TEP a été proposé en suivant les protocoles
­standards décrits précédemment. Les séries de SBA
avec des mouvements oculaires étaient de durée habituelle (entre 12 et 30 mouvements) ou plus courte
(6-8 mouvements) lorsque le client paraissait instable
ou lors d’associations adaptatives faciles et rapides.
Des tapotements sur les genoux ont été utilisés dans
le Cas 3, le client adolescent ne voulant pas au départ
effectuer de mouvement oculaire.
E50
Cas 1
Tom, un garçon de 7 ans expressif et assuré qui était
bien connu à l’hôpital en raison de réactions aller­
giques potentiellement létales, est arrivé pour une
consultation aux urgences. Son cousin de 3 ans, Alex,
avait reçu un diagnostic de leucémie et déménagé
dans un centre de traitement spécialisé à l’extérieur
de la ville 6 semaines avant l’incident. Tom a été bouleversé par cette urgence quand sa mère a reçu un
appel en pleine nuit de la tante de Tom. Depuis, Tom
souffrait de troubles du sommeil et d’une vulnérabilité
émotionnelle manifestée par une irritabilité, des coups
donnés à sa mère et à sa grand-mère, le fait de se gratter régulièrement, une difficulté à rester en place et
des questions répétées sur l’événement adressées à sa
mère. Apparemment les réseaux mnésiques de Tom
concernant ses propres problèmes de santé étaient
activés par la situation médicale d’Alex. Une série de
trois séances de R-TEP lors de semaines consécutives
ont été effectuées, la dernière n’étant qu’une séance
brève de réévaluation.
Séance 1
Les phases de recueil de l’histoire et de préparation
n’étaient pas nécessaires parce que le thérapeute avait
déjà traité Tom en EMDR pour sa condition médicale. Tom connaissait les exercices du lieu sûr et des
quatre éléments qui constituent un ensemble élargi
de techniques de stabilisation pour le R-TEP comprenant l’exercice du lieu sûr (E. Shapiro, 2009b). Le récit
de l’épisode l’a aidé à organiser l’enchaînement des
événements dans son esprit. Le premier PoD identifié
par la recherche-G a été trouvé facilement et correspondait à la description de la part de sa mère de la
possibilité qu’Alex doive se faire opérer en raison de
problèmes au niveau d’un cathéter dans sa poitrine.
Les paroles de sa mère pleurant au téléphone étaient
“profondément gravées” dans son esprit. Le travail
R-TEP sur le fragment intrusif a été expliqué à Tom en
utilisant la métaphore du jeu vidéo Pac-man ; c’est-­àdire qu’il ­allait se rappeler les morceaux “non ­digérés”
jusqu’à ce qu’ils soient “digérés” comme dans le jeu
Pac-man.
Image du premier PoD : Sa mère qui pleure
en parlant au téléphone.
CN : “Je ne peux jamais être en paix, il y a
­toujours un danger.”
CP : “Je peux être calme de nouveau”.
VOC : 4
Emotion : anxiété
SUD : supérieur à 10
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Sensation corporelle : démangeaison au niveau de
ses bras (l’une des manifestations de ses réactions
­allergiques) et un resserrement dans sa gorge
Pendant la première série standard de SBA, Tom
s’est concentré sur les mouvements de la main
du thérapeute et a continué à se gratter le bras,
mais il a cessé de bouger constamment sur sa
chaise (noter la diminution de l’activation corporelle).
Tom : “Maman pleure . . . elle pleure beau­
coup . . . ” SBA et retour sur cible. Rien n’a
été remarqué, SUD 9. SBA.
Tom : (en se grattant le bras) “Maman dit que
quelque chose s’est déplacé dans la poitrine
d’Alex et elle pleure . . . j’aime pas . . . (noter
l’accès à des souvenirs perturbants mais aussi le
­rappel mnésique utile et l’expression d’émotion).
Retour à la cible et SUD 8. SBA.
Tom : “C’est mieux . . . (noter le soulagement et
une possible distanciation) . . . maman a aussi dit
de bonnes choses . . . elle a dit qu’il est dans
un bon hôpital . . . ” (noter l’emploi du passé, qui
situe un souvenir dans le passé, et noter que le rappel
­atténue l’impact émotionnel).
SBA et retour à la cible. SUD 7. SBA.
Tom : (souriant) “Les photos de mon cousin
envoyées de l’hôpital étaient sur le téléphone
portable de maman . . . Alex me faisait signe de
la main . . . ” (noter le soulagement émotionnel et
l’accès à une association adaptative avec du matériel en lien avec l’épisode. Un passage à la stratégie
EMDr est indiqué.)
Série courte de SBA . . . (Tom arrête de se gratter) . . .
Série courte de SBA (inspiration profonde spontanée,
noter l’interruption de la détresse somatique et noter la
détente émotionnelle). Retour à la cible, SUD 3.
Tom : “Les médecins aident toujours . . . ”
(noter le changement spontané de contenu et noter
l’association adaptative à son expérience directe et à
des éléments cognitifs). SBA.
Tom : “Ma gorge ne me serre plus” (noter
l’appréciation du bien-être physique).
Série courte de SBA.
Tom : “J’ai vu des photos sur le téléphone
­portable . . . il a l’hélicoptère que je lui ai
­envoyé . . . quand les médecins s’en vont, il
joue . . .” (noter les associations adaptives qui
­continuent). SBA.
Tom : “J’ai eu un cathéter qui s’est mal mis
et ils l’ont arrangé” (noter l’association avec
des souvenirs extérieurs à l’événement traumatique récent qui ne doit pas se développer
davantage).
Retour à la cible et SUD 2. SBA.
Tom : “Quand je rentre, je regarde un film
avec Matthew [le frère d’Alex].” Retour sur
cible, SUD 1. Encore deux courtes séries de
SBA sans autre association de la part de Tom
et le SUD est devenu 0. Le VOC était 7, alors
l’installation a été réalisée sans le scanner
corporel.
Séance 2
Une semaine plus tard, la mère de Tom a dit qu’il était
beaucoup moins irritable, se plaignait moins et ne se
montrait plus agressif. Dans la recherche-G, il a identifié un autre PoD : une préoccupation intense chaque
soir avant d’essayer de s’endormir. Tom a précisé qu’il
y avait déjà pensé lors de la première séance mais que
ce “fragment” était déjà moins “terrible” pour lui que
la semaine précédente (noter la possible généralisation
du soulagement).
Image : Tom demande de manière répétée à sa
mère si quelque chose d’inattendu va se passer
pendant la nuit.
CN : “Je ne peux pas me calmer”
CP : “Je peux être calme, il n’y a pas de danger”
VOC : 3
Emotion : pas capable de la définir
SUD : 6
Sensation corporelle : démangeaison au niveau
des avant-bras
Courte série de SBA, rien n’est rapporté. SBA.
(Tom arrête de se gratter, noter la diminution de la
tension ­physique). SBA, pas de commentaire verbal, mais suivi attentif des mouvements oculaires (MO) par Tom (noter une détente plausible).
Retour à la cible et SUD 5.
Tom : “Je me rappelle beaucoup de fois où
je demande à maman de rester près de moi
la nuit . . . sinon je pleure” (noter l’accès à un
souvenir perturbant et à une émotion autour du
PoD en même temps qu’une détente sur le plan
physique). SBA.
Tom : “Je peux toujours demander à maman . . . ”
(noter l’accès à une information rassurante). SBA.
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E51
Tom : “Je peux aussi ne pas demander, elle
sait quand je suis inquiet . . . elle sait quoi
faire” (noter un accès continu à des informations
rassurantes).
SBA et retour à la cible, le niveau SUD a baissé à 2
(noter une détresse considérablement diminuée). SBA.
Tom : “Ma maman est forte et celle d’Alex
aussi.” (noter les associations adaptatives en lien
avec des réseaux mnésiques positifs concernant son
expérience personnelle avec sa mère et sa tante, ainsi
que des éléments cognitifs).
SBA, rien n’est verbalisé ou exprimé. Retour sur
cible et SUD 0. Le VOC était 7, permettant donc
l’installation. Tom a choisi une CP d’épisode (CP-E)
puissante : “Je peux rester calme . . . même si les choses ne vont pas bien, un remède viendra.” Ceci est une
pensée très adaptative pour un jeune garçon ayant
des problèmes de santé. (La CP semble être le résultat
de la réorganisation par Tom d’aspects de son expérience
de vie en établissant la connexion avec des réseaux mnésiques adaptatifs pendant le processus de consolidation de
la mémoire).
Séance 3
Au début de la séance suivante, la mère de Tom a
rapporté qu’il pouvait dormir toute la nuit et qu’il
avait retrouvé sa bonne humeur habituelle. Un suivi
6 mois plus tard a confirmé qu’il allait toujours bien,
alors qu’il était témoin du traitement médical long et
impressionnant d’Alex, avec de nombreuses complications, et bien qu’il ait également connu un épisode
personnel d’urgence médicale (noter les possibles ressources proactives activées).
Déroulement du traitement de Tom
• Activation somatique diminuée.
• Accès à la détresse en se rappelant des aspects
auditifs et visuels du PoD, sans interférence avec
la modification de l’impact du PoD (un niveau
plus perceptuel, caractéristique des intrusions et des
sensations).
• Soulagement généralisé signalé par Tom (impact
réduit et distanciation plausibles).
• Rappel et association d’éléments sensoriels et émotionnels précédents non reconnus et maintenus
sous forme fragmentée autour du PoD.
• Soulagement émotionnel (sourire) suivi d’une
­association adaptative avec des aspects positifs de
la vie (noter le changement de contenu vers un niveau
plus expérientiel, caractéristique des affects). Passage à
la stratégie EMDr.
E52
• Soulagement physique et émotionnel et accès à
des émotions positives, puis soulagement plus physique (inspiration profonde) et autres souvenirs de
vie positifs (contenu cognitif plus varié, flux augmenté
et plus “mobile” du traitement ; l’association entre les
informations adaptatives et la désactivation semble
­devenir plus interactive).
• Chaîne d’associations positives (avec des éléments de
cognition) ; une action future positive est imaginée
(changement de contenu).
• Au deuxième PoD, ont été observés :
• Signe indirecte de détresse physique réduite.
• Accès à des éléments stressants du PoD mais dans
une situation psychophysique moins perturbante.
• Association adaptative avec des souvenirs quotidiens rassurants (changement de contenu), avec un
impact immédiat sur l’échelle SUD. La détresse
diminuée et le contenu plus rassurant issu de
la vie quotidienne semblent se renforcer de
manière “interactive”.
Cas 2
Anita, âgée de 40 ans, manifestait des symptômes
ESPT aigues après de multiples pertes récentes :
le décès du père de son enfant et celui de sa bellesoeur lors des mois précédents, suivis de la mort
de son père presque 4 semaines auparavant. Les
symptômes d’Anita comprenaient des sensations
douloureuses dans la poitrine pour lesquelles elle
s’était présentée aux urgences à deux reprises pour
demander un électrocardiogramme (ECG) ; un
rythme cardiaque accéléré, des nausées, une perte
de poids importante en lien avec son agitation continue, de l’irritabilité envers son fils et une difficulté
à travailler dans l’entreprise dans l’entreprise où elle
avait travaillé avec son père. Son thérapeute a évalué
de la manière suivante son aptitude au traitement
sur l’échelle de 1 à 5 mesurant la sévérité subjective
de son trauma, la motivation à l’égard du traitement
et sa force pour aborder le retraitement : sévérité
3/4 ; motivation 5 ; et force 3. Le score IES-R total
était de 58 avec les scores de sous-échelles suivants :
intrusion 27, hyperactivation 19 et évitement 12,
indiquant des symptômes traumatiques de détresse
importants.
Séance 1
Cette séance a été dédiée au recueil d’informations,
à la préparation avec une explication de la logique qui
sous-tend le R-TEP ainsi qu’au développement et à
l’installation des ressources.
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Tofani and Wheeler
Séance 2
Le récit de l’épisode a commencé au moment où elle
a réalisé que son père ne rentrerait pas à la maison
après sa dernière hospitalisation. Le premier PoD
identifié lors de la recherche-G était un mal-être intense accompagné de la pensée “Je ne peux pas réagir,
ceci est pire que les autres pertes” et une sensation
physique continue donnant l’impression “qu’il y a
quelque chose dans ma poitrine”.
Image du PoD : Seule avec son père, incapable
de lui parler.
CN : “Je suis chamboulée à l’intérieur, je ne
peux pas réagir cette fois.”
CP : “Je peux surmonter tout ceci.”
VOC : 2
Emotion : douleur morale profonde
SUD : 10
Sensation corporelle : un poids sur sa poitrine
(une sensation somatique continue depuis le
décès de son père). SBA.
Anita : “Quelque chose tire vers le bas le
poids que j’ai devant [sur la poitrine] . . . c’est
une bonne sensation, quelque chose fond . . .
(noter la modification de la sensation physique).
SBA.
Anita : “Je me sens plus légère . . . ” (détente
­visible du visage). Retour à la cible, SUD 6. SBA.
Anita : (avec une expression de surprise dans
la voix) “Je suis plus légère au niveau de ma
poitrine . . . quand nous avons commencé, je
m’évanouissais presque” (noter l’appréciation de
la sensation physique modifiée).
SBA et retour à la cible, SUD 5 (noter le traitement de la sensation physique par la stratégie
EMD). SBA.
Anita : “Toujours plus légère là où il y avait du
poids . . . ce poids sur ma poitrine m’inquiétait
vraiment . . . ” (noter l’expression de soulagement
émotionnel). SBA.
Anita : “Je m’en veux moins de n’avoir pas pu
parler à mon père” (noter l’association cognitive
et le traitement autour de la question du lien avec
le père, immédiatement après le soulagement psychophysique). SBA.
Anita : “Je me sens bien . . . ”
SBA et retour à la cible, le SUD a baissé à 3.
SBA (Anita commence à pleurer de manière contenue, noter l’accès à une émotion douloureuse).
Anita : “De nouveau, la pensée m’est venue
que je ne lui ai pas dit ce que je ressentais pour
lui, même pas les jours avant . . . ou après . . .
(noter le passage indiqué vers l’EMDr, vers des
­aspects de l’épisode-T). SBA.
Anita : “J’ai envie de pleurer quand j’y pense . . . ”
(accès continu à l’émotion douloureuse mais avec une
intégration de l’affect).
SBA, rien n’a été verbalisé et Anita sanglotait.
Retour à la cible : SUD 8 (noter le traitement
continué plausible, des réseaux étant activés par les
SBA). SBA.
Anita : (apparence soulagée du visage et du corps) “J’ai
réfléchi à la raison . . . si je lui avais dit quelque
chose, il aurait compris qu’il ne vivrait pas . . .
(noter l’interaction entre le soulagement du traitement
de type cognitif et le soulagement émotionnel).
SBA (pleurs discrets). (Le thérapeute utilise
un ­tissage cognitif : “Vous avez eu une pensée
­protectrice pour lui”). SBA.
Anita : “Ça ne sert à rien que je passe mon
temps à pleurer . . . ” (se calme, noter le soulagement émotionnel). SBA.
Anita : (d’une voix claire et forte) “J’ai la ­pensée
que je suis fatiguée d’être malade . . . je ne
le reverrai pas” (noter l’accès à une réflexion
­adaptative). Retour à la cible : SUD 5. SBA.
Anita : “Lui non plus ne m’a jamais dit à ce
moment-là qu’il m’aimait, mais je le devinais
à partir de ses actes . . . il me disait tout le
temps de me reposer . . . il pouvait déduire
mon affection de ce que je faisais pour lui . . .
c’est mieux maintenant . . . ” (noter la série
d’associations adaptatives qui n’a pas été interrompue par un retour à la cible parce qu’elle est
adaptative).
Retour à la cible : SUD 2. SBA.
Anita : “Je pleure parce que je ne pouvais
pas pleurer devant lui (attribution adaptative
d’un sens émotionnel positif à un état émotionnel
­auparavant douloureux) . . . Je pense aux bons
moments avec lui les derniers jours” (changement d’affect et associations adaptatives).
SBA, rien ne vient à l’esprit d’Anita. Retour à la
cible. Le SUD reste à 2.
Anita : “Alors, c’est mieux . . . le poids sur
la poitrine n’est pas revenu (détente physique
­complète) . . . J’ai pensé aux moments que j’ai
passé à l’hôpital . . . mes sœurs ne ­voulaient pas
rester dans le service et je n’avais que quelques
instants à moi . . . ” SBA.
Anita : “Il m’accordait beaucoup d’attention . . . ”
SBA et retour à la cible : SUD 1.
Anita : “Le 1 deviendra peut-être un 0 de
­lui-même !” Le SUD est devenu 0 après deux
séries supplémentaires.
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Le protocole de l’épisode traumatique récent : évaluation et analyse des résultats de trois études de cas
E53
Séance 3
Il ne restait pas de PoD lors de la recherche-G suivante donc le thérapeute a continué vers le niveau
épisodique. Le SUD de l’épisode (SUD-E) était de 0
et l’installation a été réalisée avec la CP de l’épisode
(CP-E) : “Je peux me défaire du passé et le surmonter”. Les gains pré/post du traitement R-TEP
ont été évoqués. Anita avait annulé son rendez-vous
en cardiologie parce que son rythme cardiaque était
régulier et qu’elle se sentait en sécurité. Elle avait retrouvé sa régulation émotionnelle habituelle avec son
fils. L’IES-R a été administré de nouveau et le score
total était de 6, avec les scores de sous-échelles suivants : ­intrusion 2, hyperactivation 4 et évitement 0,
indiquant une diminution significative sur toutes les
échelles de symptômes traumatiques. Après 3 mois,
elle est revenue pour retraiter la relation abusive difficile qu’elle avait entretenue avec le père de son fils ;
ceci a été réalisé à l’aide du protocole EMDR standard.
Anita reprenait du poids, elle avait repris le travail
sans problème (noter l’effet de cumul probable des améliorations) et elle se sentait l’énergie d’explorer son passé
difficile à l’aide de la même approche thérapeutique
(noter des gains proactifs probables). Contrairement aux
attentes du thérapeute, il n’a pas été nécessaire de
traiter d’autres pertes car le traitement adaptatif des
réseaux mnésiques traumatiques de l’épisode-T a engendré la connexion avec un ensemble thématique
adaptatif de rétablissement symbolique du lien interpersonnel avec une figure d’attachement, ce qui a été
Anita à retrouver une stabilité.
Déroulement du traitement d’Anita
• Diminution de la détresse physique exprimée à
travers les changements somatiques/sensoriels. Le
démarrage très rapide suggère une incitation neurologique (un niveau plus perceptuel, caractéristique de
sensations corporelles).
• Changement d’affect (de la préoccupation au
soulagement).
• Après la diminution de la détresse physique, survient une association expliquant l’une des sources
de la détresse émotionnelle, avec une réduction
­immédiate du SUD (un niveau plus expérientiel, caractéristique de l’affect et d’une restructuration cognitive
initiale). La diminution de la détresse et la distanciation semblent interagir.
• Accès intense aux fragments du réseau mnésique
traumatique concernant le sentiment de tourment
intense ainsi qu’une augmentation rapide du SUD
combinée à une situation émotionnelle perturbante. Passage vers la stratégie EMDr.
E54
• Réintégration des émotions suivie d’une chaîne
d’associations adaptative (un niveau plus expérientiel,
marqué par l’affect, et éléments d’un niveau cognitif ).
• Restructuration cognitive, avec des associations
positives/adaptatives neutralisant le sentiment de
culpabilité (un niveau plus cognitif/émotionnel, demeurant dans la stratégie EMDr)
• Un nouveau cycle de détente/distanciation (dialogue interne sur la relation avec le père). Des
“réponses” sont trouvées dans le réseau mnésique
de l’épisode-T même si l’ensemble des expériences
de vie et des systèmes de signification d’Anita sont
en arrière-plan.
Cas 3
Clara, âgée de 16 ans, a été référée en thérapie pour des
automutilations qu’elle avait commises pour la première fois lors de deux situations récentes. Elle était
en conflit avec ses parents et passait à l’acte envers
sa mère et son petit ami. Après ses passages à l’acte,
Clara devenait insensible et rapportait ce qui s’était
passé avec une dissociation émotionnelle nette vis-àvis de ses actions. Clara manifestait des symptômes de
type ESA en lien avec le “trauma” de son automutilation. Elle se disait extrêmement perturbée et ébranlée
de s’être blessée et redoutait de “se perdre”. Bien que
l’automutilation ne constitue pas un événement traumatique selon le critère A pour l’ESA, elle était vécue
subjectivement par Clara comme un événement
qui avait impliqué une menace grave à son intégrité
physique et mentale. Ses symptômes comprenaient
l’hypervigilance, l’agitation et des ruminations au
sujet des deux incidents d’automutilation. Clara était
perturbée par les aspects intrusifs de cette expérience et se sentait sur le qui-vive avec des difficultés
d’endormissement. Par contraste, lors du premier
entretien, Clara a raconté ses actions graves d’une
voix dépourvue d’émotion et avec une expression
impassible, ne se souvenant que de certaines parties
des événements. Elle se plaignait surtout d’être “trop
émotionnelle et faible”. Le contrat thérapeutique
établi avec elle consistait à travailler avec le R-TEP
sur ces deux épisodes récents d’automutilation. Une
thérapie familiale parallèle combinée à un traitement
EMDR individuel ont été initiés à cause des conflits
familiaux importants et de la présence de traits de
troubles de la personnalité.
Séance 1
La première séance était centrée sur la préparation et
l’enseignement des exercices du lieu sûr et des quatre
éléments. Son score IES-R total était de 62, avec les
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Tofani and Wheeler
scores de sous-échelles suivants : intrusion 27, hyper­
activation 16, évitement 19, indiquant une détresse
subjective importante. Son aptitude au traitement était
la suivante : sévérité 5, motivation 2-3, force 3. Les SBA
comprenaient à la fois des MO et des tapotements.
Séance 2
Pendant le récit de l’épisode, Clara ne souhaitait pas
faire de mouvement oculaire car elle les considérait
comme trop peu naturels pour elle, mais a donné
son accord pour des tapotements sur les genoux en
gardant les yeux ouverts (noter le choix de SBA compatible avec un effet apaisant et rassurant). Dans le récit de
l’épisode, Clara a décrit ce qui s’était passé pendant et
depuis le premier événement ; elle s’est coupée en se
tapant intentionnellement la tête contre la vitre d’une
fenêtre. Dans l’autre situation, elle s’est frappée la tête
à deux reprises au moyen d’une pierre ramassée par
terre dans un jardin public lors d’une discussion avec
son petit ami. Dans la recherche-G, Clara a changé
d’avis et donné son accord pour les MO. Le premier
PoD était une image mentale intrusive de la deuxième
scène où elle s’est blessée intentionnellement.
Image : Les yeux écarquillés de son petit ami
pendant qu’elle se frappait la tête au moyen
d’une pierre.
CN : “Je suis une personne obsédée.”
CP : “Je suis sensible donc je ne suis pas
mauvaise.”
VOC : 2
Emotion : honte
SUD : 4 (Cette évaluation relativement faible de
la détresse est un signe du système défensif actif
d’isolement émotionnel parce que son apparence
physique reflétait une contradiction claire ; en fait,
elle était tendue et raide.)
Sensation corporelle : légers tremblements et
sensation de faiblesse au niveau des genoux
Juste après le début de la première série courte
de SBA, un autre fragment très vif a émergé
(accès rapide à une information sensorielle associée) qui s’est révélé un élément fragmenté
riche de sens : le son de sa propre voix répétant
d’innombrables fois “Pourquoi ?” tandis qu’elle
se frappait. Comprenant la logique de la procédure, elle a demandé à recommencer en utilisant ce fragment en tant que PoD. L’évaluation
a été réalisée sur le son précis de sa voix.
Image : Elle crie “Pourquoi ?”
CN : “Je suis une inconnue pour moi-même.”
CP : Elle n’a pas pu trouver de CP à ce
moment-là.
Emotion : tourment
SUD : 10
Sensation corporelle : tension généralisée
Après une série courte de SBA, Clara a dit
qu’elle ne voyait et ne pensait à rien. SBA.
Clara : “Je peux me regarder” (Clara semblait se
détendre comme un enfant sur son fauteuil). SBA.
Clara : “Je ne vois que moi . . . peut-être . . . avec
une voix plus douce ?” (noter la détente physique
et l’impact sensoriel réduit du PoD. Noter qu’elle est
parvenue à maintenir la situation d’attention duelle :
voir la “question” qu’elle se pose à elle-même et au
thérapeute avec “étonnement”).
Retour à la cible et SUD 9. SBA.
Clara : “Le même mot tant de fois . . . le même
mot que je répète souvent, je dis tout haut pourquoi ? [cela peut-il m’arriver] avec une voix qui est
différente de ma vraie voix . . . ça fait peur . . . ”
(noter l’accès continu à un fragment sensoriel). SBA.
Clara : “J’ai une voix qui s’entend fort . . . Je peux
crier mais pas comme ça . . . ça fait peur” (noter
l’aspect de réflexion sur soi). SBA, rien n’est rapporté. Retour à la cible, le SUD reste à 9. SBA.
Clara : “J’étais vraiment . . . désespérée.” (noter
l’arrivée de sentiments traumatiques mais avec
un niveau d’activation qui permet le retraitement
et l’intégration). SBA, retour à la cible, SUD 7
(noter la diminution du SUD après une certaine
­intégration autour du PoD). SBA.
Clara : “Je peux . . . je peux me regarder . . . ”
Retour à la cible, le niveau du SUD a baissé à 5.
Spontanément, Clara a pensé à une CP. Elle a
choisi “Je suis comme ça . . . je suis la même personne de toute manière”, à laquelle elle a attribué
un VOC de 4 (noter la restructuration cognitive).
SBA, rien n’est rapporté. Retour à la cible (noter
les retours fréquents vers la cible parce qu’elle est instable). Le SUD demeure à 5 ; clôture d’une séance
incomplète, en apportant une attention particulière pour que Clara soit stabilisée et détendue.
Séance 3
Le score SUD était resté à 5. Clara a déclaré qu’elle
était prête à réessayer “parce qu’avoir cette expérience m’a aidée à rester calme.” Rien d’explosif ne
s’était produit au cours de la semaine et le traitement
a démarré avec une courte série de SBA.
Clara : “Je peux penser à ma voix . . . cette voix
différente dont j’ai parlé . . . j’avais déjà cette
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Le protocole de l’épisode traumatique récent : évaluation et analyse des résultats de trois études de cas
E55
pierre à l’esprit . . . j’avais vu la pierre quand je
suis arrivée au parc et j’avais déjà pensé à m’en
servir” (noter la stratégie EMDr depuis le début de
la séance, avec des associations avec d’autres fragments non traités de l’épisode). SBA.
Clara : “Mon visage devait être différent
également . . . je suis restée là et je criais”
(Clara s’exprime avec une détresse tolérable ; noter
l’intensité réduite de l’affect négatif ). SBA.
Clara : “J’étais là . . . j’avais pété les plombs . . . ”
(noter l’évaluation de l’événement avec une réflexion
sur soi). SBA, rien n’est verbalisé. Retour à la
cible et SUD 3–4. SBA.
Clara : “Je suis fatiguée . . . ” (noter l’accès à une sensation corporelle négative mais non accablante et compatible avec l’effort nécessaire au retraitement). SBA.
Clara : “Rien.” Courte série de SBA.
Clara : “Je peux rester comme ça, c’est OK.”
(noter un certain soulagement par rapport à un état
physique/émotionnel bouleversant, accompagnant
une réflexion sur soi)
Retour à la cible, SUD 3 et, de nouveau, la
­séance était incomplète. Clôture.
Séance 4
Lors de la réévaluation, le SUD de ce même PoD était
de 3 (noter qu’il n’y a pas de changement autonome du
SUD entre les séances, indiquant le besoin d’accompagner
le retraitement de Clara avec précaution). SBA.
Clara : “Je pense à la nuit au cours de laquelle
j’ai parlé pendant des heures de notre relation
avec mon petit ami” (noter la stratégie EMDr avec
des associations avec d’autres moments de désespoir
et de perte de contrôle au sein de l’épisode). SBA.
Clara : “Je le faisais avec ma mère aussi au
cours de ces journées-là. J’étais furieuse. J’étais
à la porte de sa chambre . . . Je demandais sans
cesse ‘Pourquoi ça m’arrive?’ “ (noter l’accès à
l’expérience perturbante mais avec une attitude de
distanciation). SBA, rien de verbalisé.
Clara : “Hier, je suis arrivée à ne pas réagir contre lui [le petit ami] . . . j’étais désemparée . . . je
suis sortie dans le jardin et j’ai jeté des choses . . .
pas contre lui ou moi ou qui que ce soit.” (noter
l’association positive avec une réflexion sur soi concernant un changement personnel). SBA.
Clara : “Dans mon groupe d’amis proches, ils
ont dit que je suis une personne sensible” (noter
l’association avec des aspects personnels positifs).
SBA, rien n’est rapporté. Retour vers la cible et
le niveau du SUD s’est réduit à 2. Après deux
autres séries de SBA, rien n’étant rapporté,
E56
Clara fait une association soudaine avec son enfance. “Je jette des choses comme mon père le
faisait quand j’étais enfant . . . pas maintenant, il
y a longtemps . . . ” En considérant le besoin de
stabilisation de Clara, le thérapeute a proposé de
travailler là-dessus une autre fois et ceci paraissait rassurant pour Clara (noter une illustration
claire du maintien de la stratégie EMDr sans élargir
vers l’EMDR mais en tirant profit de la connexion
apportant une prise de conscience). Le SUD a été
vérifié de nouveau. Il était toujours de 2. SBA.
Clara : “Avant je demandais tout le temps
pourquoi, pourquoi, pourquoi . . . parce que
je ne comprends pas pourquoi mon petit ami
ne me donne pas l’amour dont j’ai besoin “
(noter l’association d’insight de Clara en lien avec
l’épisode). “Ce que je lui demandais dans le parc
n’était pas en lien avec ce que je faisais . . . il ne
pouvait pas comprendre ce dont j’avais besoin.”
Retour vers la cible, le niveau du SUD s’est
réduit à 1. SBA.
Clara : “J’ai un très bel esprit pensant . . . ” (noter
l’accès spontané à des réseaux adaptatifs avec des
­aspects cognitifs sur soi). Le dernier SUD vérifié
était de 0. Le thérapeute a vérifié le niveau du
SUD du premier fragment de PoD traité, les
yeux effrayés du petit ami devant elle, et il était
également de 0 (noter la plausible généralisation
au cours du traitement). Plus aucune perturbation
n’a été détectée. Dans la phase d’installation, le
score SUD était de 0, la CP épisodique choisie
(CP-E) était “Je suis une bonne personne quand
même”, se voyant plutôt comme une personne
sensible, VOC 6–7. L’installation a été réalisée, le
scanner corporel complété sans détresse. L’IES-R
à la fin était : intrusion 9, hyperactivation 5, et
évitement 6. Lors de la séance suivante, une séance familiale, elle a rapporté qu’elle se sentait
libérée des images ou pensées intrusives antérieures. D’après les observations comportementales de ses parents, elle avait été plus à même
de réguler ses états émotionnels en dehors des
séances. Après le travail R-TEP, la transition
vers un travail EMDR régulier a permis de poursuivre d’autres buts thérapeutiques dans le cadre
du plan thérapeutique individuel général.
Déroulement du traitement de Clara
• Après les MO, un accès rapide et important à du
matériel traumatique sensoriel et émotionnel dissocié (niveau plus perceptuel, caractère prononcé des
informations sensorielles et somatiques).
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Tofani and Wheeler
• Détente corporelle visible.
• Rappel d’aspects d’une voix intrusive, avec un impact légèrement diminué du son de la voix intrusive et une distanciation.
• Après la distanciation, accès à des ressentis et à des
émotions traumatiques, combiné à une réassociation d’éléments auparavant déconnectés (un niveau
plus perceptuel, avec des sensations et quelques éléments
émotionnels et cognitifs).
• Nouveau contenu – la CP – avec la sollicitation de
réseaux mnésiques adaptatifs autour de cette CP
lors de la troisième séance (stratégie EMDr depuis
le début, car le traitement des fragments intrusifs avait
­ouvert le chemin vers l’analyse de fragments plus complexes de l’épisode T).
• Les fragments sont connectés à d’autres parties
non traitées de l’épisode T.
• Affect négatif réduit et évaluation de l’épisode avec
un affect plus approprié (un niveau plus expérientiel,
caractérisé par les émotions).
• Accès à des sensations douloureuses et à des émotions mais avec un niveau de détresse émotionnelle
qui n’empêche pas le traitement (transition vers un
niveau plus cognitif au sein de la stratégie EMDr).
• Lors de la quatrième séance, les points suivants ont
été observés : accès à d’autres moments difficiles de
l’épisode T et associations avec des ressources personnelles et avec des pensées positives. La stratégie
EMDR n’est pas indiquée, flux de traitement intense
à un niveau émotionnel et cognitif, continuant vers
plus d’intégration de l’expérience et la consolidation de traces mnésiques adaptatives (éléments d’un
niveau cognitif, en restant dans la stratégie EMDr).
Discussion
Résultats cliniques
Toutes les mesures quantitatives – le SUD, le VOC
et l’IES-R (pour Clara et pour Anita) – indiquent des
résultats positifs et une efficacité du R-TEP. Les scores
IES-R après le traitement reflétaient un changement
clair consistant en l’élimination des symptômes de
stress aigu. Ces changements positifs soutiennent
l’efficacité des procédures R-TEP et du modèle proposé sous-jacent.
Evaluation du changement intrapsychique au
cours des séances
Changement d’état initial parasympathique (désactivé). Dans l’analyse de la séquence du traitement, le
premier changement détecté par le thérapeute après
avoir commencé les SBA correspond à la détresse
physique réduite (Anita) ou à l’activation corporelle
réduite (Tom). Ceci est en accord avec les données des
chercheurs qui ont montré un effet général de désactivation des MO, de manière non universelle mais lors
de phases précises du composant SBA de la procédure
EMDR (MacCulloch & Feldman, 1996 ; Sack et al.,
2008 ; Söndergaard & Elofsson, 2008) et dans l’étude
de Schubert, Lee et Drummond (2011), l’action de désactivation se produisant surtout au début des stimulations MO. De plus, Bergmann (2010), dans une analyse
exhaustive des recherches psychophysiologiques sur
l’EMDR, souligne la manière dont les MO induisent
un changement d’état initial parasympathique (désactivé) qui favorise le traitement de l’information. Ceci
aide à expliquer l’ampleur de l’effet de diminution de
la détresse physique et du soulagement psychophysique observé tant chez Anita que chez Tom. Dans
le cas de Clara, avant une détente corporelle visible,
le début des stimulations d’attention double était accompagné d’un accès rapide à des informations sensorielles traumatiques probablement dissociées.
Intensité réduite des impacts sensoriels. En traitant
des fragments somatosensoriels, Tom, Anita et
Clara ont rapporté une modification de l’intensité
de l’impact sensoriel ou d’autres paramètres perceptuels, avec une clarté et une émotivité plus faibles
en lien avec l’image. Leurs commentaires ont indiqué que l’aspect traumatique fragmenté particulier
(PoD) avait perdu de l’intensité et est devenu moins
intrusif et plus distant. Ceci est compatible avec les
données de recherche robustes montrant que les MO
rendent les souvenirs moins vifs et moins émotionnels. Maxfield, Melnyk et Gordon Hayman (2008) ont
émis l’hypothèse selon laquelle la détérioration du
souvenir après les MO pourrait permettre la désensibilisation et favoriser l’émergence d’autres informations, menant peu à peu à un effet de distanciation
­(psychophysiologique). Dans chaque cas, le traitement initial à un niveau perceptuel a interféré avec
les sensations intrusives liées au PoD ; ceci était suivi
du rappel d’aspects stressants du PoD qui n’avaient
pas été considérés jusque-là et d’un premier niveau
d’intégration. Ces résultats sont compatibles avec le
modèle théorique du R-TEP.
Réactions de détente. L’examen du déroulement
du traitement dans les trois cas révèle qu’une réaction de détente est suivie d’un souvenir perturbant
ou d’une émotion douloureuse, puis d’une nouvelle
réaction de détente subséquente. Par exemple, dans
le cas d’Anita, au début du traitement, après une
modification des sensations physiques douloureuses
et l’apparition d’un soulagement émotionnel, une
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Le protocole de l’épisode traumatique récent : évaluation et analyse des résultats de trois études de cas
E57
pensée perturbante en lien avec l’épisode T était rapportée avec une détresse émotionnelle, suivie par
une apparence de soulagement au niveau du visage
et du corps après une intégration initiale de l’affect
et un certain traitement cognitif. Ceci est congruent
avec les résultats de Schubert et al. (2011) qui ont rapporté une diminution de la détresse et des changements psychophysiologiques directs en lien avec le
début des mouvements oculaires. Ces auteurs notent
que la réaction de détente est associée à l’exposition
à des souvenirs perturbants, l’évaluation négative des
souvenirs perturbants s’affaiblissant, une association
devenant possible entre sensations somatiques ou
sensorielles perturbantes et un état esprit/corps plus
calme, et traitement plus efficace pouvant s’opérer.
Associations adaptatives. Après une distanciation
d’avec l’impact du PoD, un changement du flux du
cours du traitement peut se détecter, avec un accès
spontané à des éléments précédemment non identifiés de l’épisode T dans la stratégie EMDr. Ce changement s’accompagne d’une modification de l’affect et
d’une restructuration cognitive initiale (le choix d’une
CP de Clara et sa réflexion sur soi au sujet de ses réactions, ou le scénario futur spontané de Tom à la fin
de la première séance). Ces associations adaptatives
pourraient refléter un nouveau niveau d’intégration
et ont été suivies par la description d’un sentiment de
soulagement, des images neutres ou clairement positives, ou un meilleur accès mnésique dans les trois cas.
Ceci appartient à un niveau plus expérientiel et confirme les spéculations théoriques du modèle proposé
du R-TEP. Dans deux des trois cas rapportés, après
l’intégration de certains éléments liés à l’épisode, un
niveau plus cognitif a émergé (le débat interne d’Anita
et de Clara en lien avec l’autoévaluation, la connexion à des réseaux mnésiques adaptatifs plutôt que négatifs). Tous ces processus ont permis l’accès à et le
traitement de l’expérience traumatique fragmentée,
conduisant à une meilleure intégration. Le processus de consolidation de la mémoire a démarré d’un
niveau plutôt perceptuel et a progressé à travers des
niveaux de plus en plus complexes vers l’émotionnel
comprenant des aspects cognitifs, confirmant de nouveau des aspects du modèle R-TEP.
Changements au niveau de la perturbation émotionnelle. Le score SUD diminuait (ou augmentait)
au cours du déroulement du traitement. Dans le cas
d’Anita, un mouvement dialectique plausible avec
des réseaux mnésiques contenant une autoévaluation ­positive, permettant un mouvement vers une
autovalorisation, est en lien avec une diminution
initiale du SUD. Le SUD augmente vivement quand
E58
les réseaux mnésiques sont liés à une autoévaluation négative. Un mouvement dialectique de plus et
le traitement d’autres éléments de l’épisode T avec
des connexions associatives plus adaptatives ont résulté en un niveau réduit du SUD. Le VOC a augmenté pour Anita et Clara à mesure que le contenu
se déplaçait dans une direction plus utile sur le plan
développemental (la mesure du VOC indiquée par
Clara, exprimant une valorisation de soi après le traitement de l’épisode et le lien avec des informations
précédemment maintenues à distance). Certaines associations avec des informations nouvelles, jusque-là
passées inaperçues ont été utiles pour les trois clients.
L’amélioration des symptômes aigus a peut-être permis de réévaluer l’événement traumatique et de consolider un souvenir plus adaptatif de tout l’épisode T.
Ceci peut être déduit des commentaires de chaque client apparaissant vers la fin de chaque séance.
Evaluation des stratégies du protocole de
l’épisode traumatique récent
Récit de l’épisode et recherche Google. Le récit de
l’épisode et la recherche G ont permis de centrer
l’attention des trois clients sur les aspects les plus chargés émotionnellement et, dans le cas de Clara, liés de
manière traumatique à son système de sens. On peut
aisément arguer que l’identification spécifique du scan
“recherche G” (la recherche active du client sur un
mode non chronologique) donne accès aux éléments
les plus chargés ou saillants, les nœuds centraux, en ce
qui concerne le monde intérieur personnel du client,
permettant ainsi une connexion plus puissante avec
les réseaux mnésiques du client. L’explication proposé du mécanisme d’action du R-TEP pourrait être
que le client se trouve à la fois dans une posture détachée et active, et que ceci renforce son sentiment de
maîtrise. Lee et Drummond (2008) ont établi qu’une
­perspective détachée du souvenir traumatique, ainsi
que l’effet cumulé des MO et des instructions de distanciation, sont corrélés avec des résultats thérapeutiques plus importants.
Stratégie de désensibilisation par les mouvements oculaires et traitement télescopique. La stratégie EMDR
est spécifiquement destinée à aborder le traitement
bloqué au niveau perceptuel et à rendre le matériel
traumatique plus gérable. Ceci s’est produit notamment avec Anita. Les clients ayant vécu un trauma
récent peuvent avoir du mal au départ à s’autoriser à
“accepter ce qui vient à l’esprit”, ce qui est nécessaire
dans un traitement EMDR complet, et peuvent trouver moins anxiogène de laisser leur esprit travailler sur
un élément perturbant à la fois. Le zoom ­progressif
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Tofani and Wheeler
du traitement télescopique apporte un sentiment de
limites et de contenance selon E. Shapiro et Laub
(2008). Les conditions thérapeutiques contributives
d’un traitement contenu des fragments intrusifs et
de la distanciation résultante à leur égard se sont avérées particulièrement utiles pour activer la capacité de
traitement de Clara. Elle a pu confronter sa défense
dysfonctionnelle de la dissociation qu’elle a éprouvée
directement en traitement le PoD.
Un autre facteur contributif permettant de contenir le client et d’apporter une sécurité pourrait
provenir de l’attitude plus active du thérapeute. Le
protocole R-TEP favorise l’accordage par rapport aux
aspects émotionnels mais aussi à l’égard du déroulement du traitement, particulièrement lors des points
impliquant un choix dans le traitement télescopique.
La décision de procéder vers la stratégie suivante
est fondée sur des variables cliniques contextuels de
la situation immédiate et sur la compréhension des
informations pertinentes recueillies de l’histoire du
patient. Ceci était particulièrement vrai pour Anita et
pour Clara.
Puisque la peur d’éprouver des émotions dysrégulées constitue l’un des obstacles au traitement et
parce que la stimulation sensorielle/émotionnelle envahissante est à l’origine de la dissociation après un
événement traumatique récent, il importe de favoriser
la fenêtre de tolérance à l’activation des affects qui permet de commencer le traitement. Le retour fréquent
à la cible dans une condition restreinte comme le propose le R-TEP dans la stratégie EMDR (et dans une
certaine mesure dans la stratégie EMDr) peut préserver
la nouveauté du stimulus dans la fenêtre de tolérance.
On peut présumer que dans les stratégies EMD et
EMDr, plusieurs réseaux mnésiques sont activés en
même temps, mais qu’ils restent en arrière-plan et que
l’esprit peut s’habituer à un petit élément à la fois. En
considération des mécanismes attentionnels et perceptuels, le même élément maintenu “devant” amène à
le considérer comme un “élément d’avant-plan perçu
contre l’arrière-plan” (Mack et al., 1992). Comme Clara
l’a déclaré à la fin de la quatrième séance, “Revenir au
même point m’a aidé à clore le cercle.”
Le fait de limiter le traitement au même PoD intrusif, de restreindre la nouveauté des informations
neuves par de courtes chaînes associatives, combiné à
une réaction d’habituation envers le même PoD, qui
absorbe de moins en moins l’attention, pourrait aider
le client à s’engager pleinement dans le temps présent,
dans la tâche d’attention double. Ceci pourrait contribuer à contrecarrer la dissociation et à préparer les
clients vulnérables à l’utilisation de l’EMDR, comme
dans le cas de Clara.
Les MO et le retour fréquent vers la cible dans la
stratégie EMD engendre un type de stimulation qui
est régulier, rythmé et répétitif, ce qui pourrait faciliter la régulation émotionnelle (Siegel, 2007). Les
mêmes éléments procéduraux permettent au client à
répondre à une stimulation soigneusement contenue,
comportant des éléments apaisants, constants et prévisibles qui peuvent soutenir la régulation fondamentale
de l’activation (Perry, 2006). De plus, les éléments procéduraux déjà mentionnés dans la séquence proposée
(installation des ressources, explication de la logique
qui sous-tend le R-TEP pour la métabolisation du matériel traumatique, SBA avec un contrôle fréquent du
traitement pas-à-pas) pourraient soutenir l’attitude
consistant à tolérer un fragment traumatique puis à
le relâcher. Cette procédure pourrait indirectement
encourager les clients à affronter leurs émotions intérieures avant de lâcher prise puisque le PoD comporte
implicitement des aspects émotionnels car la recherche G invite la personne à effectuer un scan pour
identifier toute perturbation.
Compte tenu de toutes les informations déjà
mentionnées, les procédures employées pour guider
l’orientation du client et pour maintenir son activation émotionnelle dans la stratégie EMDR pourraient
servir à relier la personne à un état d’activation utile
pour un traitement plus étendu. A partir des éléments
observables dans l’analyse des retranscriptions, les
effets plausibles des éléments procéduraux précédemment décrits et en lien avec les effets de désactivation
des SBA, un état d’esprit alerte mais calme et présent,
sans doute lié à la réceptivité, tend à se produire. Le
client parvient peut-être ainsi à accéder à des expériences personnelles positives d’un état centré sur soi,
pleinement conscient, en résonance avec des occasions antérieures de régulation corps-esprit favorable
stockées dans des souvenirs d’état adaptatif.
Lien possible avec le traitement par défaut
Une hypothèse provisoire laisse envisager que la stratégie EMD du R-TEP favorise un lien rapide vers des
processus dirigés intérieurement dans le “fonctionnement par défaut” (Corbetta, Patel & Shulman,
2008). Le réseau par défaut s’active de manière préférentielle lorsque l’individu est centré sur les activités
internes telles que l’introspection indépendante d’une
tâche, la réflexion sur soi, le rappel de souvenirs et
l’imagination de l’avenir, et se désactive lors de tâches
cognitives exigeantes (Buckner, Andrews-Hanna &
Schacter, 2008 ; Raichle & Snyder, 2007). Les activités
particulières du mode par défaut se recouvrent partiellement avec les activités caractéristiques de ­processus
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Le protocole de l’épisode traumatique récent : évaluation et analyse des résultats de trois études de cas
E59
orientés intérieurement qui sont souvent réduites
après un trauma à cause des séquelles émotionnelles/cognitives. L’attention portée aux processus
orientés intérieurement pourrait s’avérer essentielle
pour démarrer/réactiver le traitement adaptatif de
l’information après un trauma récent. McFarlane
(2010) affirme :
Les individus atteints d’un ESPT éprouvent
également des difficultés pour déplacer leur attention d’un état de repos à un état actif. Les
données suggèrent qu’ils continuent à employer
des réseaux visuo-spatiaux plutôt que des systèmes fondés sur le langage pour réaliser des
tâches verbales. Cette observation est cohérente avec de nombreuses publications dans la
littérature qui suggèrent que l’ESPT comporte
des problèmes de traitement de la mémoire
verbale. En tant que traitement, l’EMDR pourrait présenter un avantage puisqu’il ne dépend
pas autant des représentations verbales des expériences traumatiques que d’autres approches
thérapeutiques.
Une tâche moins exigeante sur le plan émotionnel
et cognitif pourrait faciliter l’accès et le maintien
du fonctionnement par défaut car elle pourrait permettre une plus grande disponibilité attentionnelle
pour l’expérience intérieure avec une orientation de
l’esprit plus ouverte envers son contenu, plus apte à
l’auto-observation au cours du traitement (F. Shapiro
& Solomon, 2008).
Recommandations pour les études futures
Puisque les premières phases du trauma sont moins
bien comprises et qu’il existe beaucoup moins
d’études à ce niveau que pour l’ESPT, l’analyse du
traitement de l’information pour le trauma récent
pourrait s’avérer particulièrement important pour
comprendre la psychologie et la neurophysiologie
des syndromes de stress aigu. Idéalement les essais
contrôlés randomisés sont également souhaitables ;
cependant la recherche sur le R-TEP comporte plusieurs problèmes méthodologiques, tels que le fait
que les désastres se produisent de manière imprévue, les ressources financières limités, des questions
logistiques et des conditions chaotiques qui rendent
les essais contrôlés randomisés et le suivi difficiles,
sinon impossibles. Des conceptualisations et une
planification plus pragmatiques des recherches seraient peut-être réalisables. Par exemple, une solution
serait d’effectuer une recherche R-TEP dans un contexte hospitalier ou de service d’urgences plutôt que
dans des situations de catastrophe. Une autre solution
E60
serait d’utiliser une conception expérimentale par
bloc et la randomisation de groupes plutôt que
d’individus. Par exemple, la comparaison d’une intervention comportementale centrée sur le trauma dans
un contexte pour un groupe avec une intervention
R-TEP dans un autre cadre pour un autre groupe. Des
recherches systématiques futures sont recommandées sur l’efficacité du R-TEP pour les clients ayant un
niveau antérieur de trauma inconnu qui se présentent
après un événement traumatique récent mais aussi
pour les clients qui se trouvent dans une situation
traumatique continue. Au regard de l’importance des
interventions destinées à prévenir le développement
d’un ESPT chronique ou d’autres symptômes, il est
essentiel d’évaluer les résultats à long terme suivant
l’administration du R-TEP. Les études de cas présentés dans cet article illustrent des résultats positifs après
le traitement, mais ceci pourrait ne pas refléter les
gains à long terme sans mesure de suivi. La recherche
sur le R-TEP est également nécessaire pour les cas où
la consolidation de la mémoire semble absente pour
des événements non résolus sur une longue période
tout comme pour les événements récents.
Un autre sujet de recherche nécessaire correspond aux études sur l’importance dans le traitement
des facteurs relationnels, autrement dit la capacité
du thérapeute à prêter attention aux signes d’états
différents chez le client et donc à réguler émotionnellement les clients particulièrement mal régulés
prédit-elle des résultats plus positifs ? Cette régulation
combinée à la capacité du thérapeute à stimuler une
attention concentrée et à suivre la progression des fragments d’information du client pourraient constituer
des ingrédients importants de la progression du traitement. La capacité du thérapeute à aider le client dans
la régulation des affects s’est avéré une dimension importante de l’alliance thérapeutique et des résultats du
traitement pour les clients atteints d’un ESPT (Cloitre,
Stovall-McClough, Miranda & Chemtob, 2004). Des
recherches sur les ingrédients nécessaires pour des
résultats positifs en EMDR seraient importantes en
permettant de guider le développement théorique et
d’améliorer notre compréhension des mécanismes
d’action.
Conclusion
Les procédures et les principes du modèle du R-TEP
ont été confirmés par l’analyse de ces études de cas.
La valeur de l’identification et du traitement des
fragments intrusifs (PoD) et le caractère incisif de la
procédure dans la réduction de la perturbation somatosensorielle intrusive avec la stratégie EMD initiale
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Tofani and Wheeler
sont illustrés. Le traitement évoluait en suivant un
focus de plus en plus large depuis les sensations intrusives vers des fragments plus complexes et vers les
divers événements formant l’épisode. Les trois clients
ont commencé par une diminution de la perturbation
sensorielle intrusive avec des chaînes associatives limitées. Ils ont tous évolué depuis le niveau perceptuel
vers le niveau expérientiel, pour ensuite s’approcher
du niveau de la signification, en restant dans la stratégie EMDr. Ceci confirme la séquence fondée sur un
ordre hiérarchique, avançant parmi des niveaux de
complexité croissante qui sont hautement reliés entre
eux et qui s’influencent mutuellement à mesure que se
déroule le traitement, avec un certain chevauchement
des phases, comme le suggère le modèle théorique du
R-TEP. L’analyse de la retranscription des séances illustre le centre d’attention qui s’élargit progressivement au cours du processus de consolidation de la
mémoire.
Le R-TEP semble capable de favoriser l’organ­
isation adaptative des réseaux mnésiques en fonction
de la condition dans laquelle ils se produisent typiquement après un événement traumatique récent. La
sélection spécifique de cibles aide à accéder au cœur
des “nœuds” très significatifs dans l’esprit du client. Les
étapes procédurales du R-TEP suivent l’alignement
de fragments mnésiques, la conscience somatique, les
connexions adaptatives et la restructuration, permettant ainsi une consolidation de la mémoire qui soit
utile sur le plan développemental.
Les interactions complexes entre les facteurs
thérapeutiques mentionnés précédemment semblent jouer un rôle particulièrement important
dans l’efficacité du R-TEP. Ce dernier, qui est une
application du protocole EMDR standard pour les
interventions EMDR précoces, apparaît comme une
combinaison entre un renforcement du traitement
neuropsychologique et des éléments interpersonnels thérapeutiques. Le protocole ­R-TEP offre une
fenêtre thérapeutique de sorte que l’activation soit
modulée et que les affects douloureux puissent être
temporairement mis de côté grâce aux points de
choix du traitement télescopique. Il s’agit donc d’une
intervention à court terme mais elle peut évoluer en
intervention à long terme au besoin et conduire à
un traitement EMDR standard si nécessaire. Grâce
à la convergence des ingrédients thérapeutiques
actifs, le R-TEP permet d’approcher de manière
sûre, après une évaluation et une stabilisation
rigoureuses, les clients considérés comme étant à
risque après un événement traumatique récent qui
peuvent se trouver dans un état de stress aigu et
qui peuvent avoir des structures de personnalité
fragiles. Compte tenu des nombreux mécanismes
de changement qui interagissent pour créer une
résolution adaptative et des effets thérapeutiques
positifs, le R-TEP apparaît comme un outil EMDR
flexible et précieux pour les symptômes traumatiques aigus et pourrait avoir des implications pour
une résilience renforcée.
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Wolpe, J. (1991). The practice of behavior therapy (4th ed.).
Elmsford, NY: Pergamon Press.
Remerciements. Les auteurs remercient Brurit Laub pour
ses commentaires utiles sur une partie de cet article.
Toute correspondance concernant cet article devrait être
adressée à Laura Rocchietta Tofani, thérapeute familiale,
superviseur EMDR du service national de santé, Service de
neuropsychiatrie, ASL TO4, Ivrea, Italie. Courriel : laura
[email protected]
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 6, Number 4, 2012
Le protocole de l’épisode traumatique récent : évaluation et analyse des résultats de trois études de cas
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