Le trafic sexuel des femmes et des

Transcription

Le trafic sexuel des femmes et des
Alliance de recherche IREF/ Relais-femmes
Le trafic sexuel des femmes au Québec et au Canada
-Bilan des écrits-
Par
Hélène Van Nieuwenhuyse
sous la direction de
Lyne Kurtzman et Marie-Andrée Roy
Janvier 2004
DOCUMENT DE TRAVAIL
Recherche-action sur le trafic sexuel des femmes au Québec menée en partenariat. Les
partenaires sont :
- Lyne Kurtzman, Marie-Andrée Roy et Hélène Van Nieuwenhuyse pour l’Université du
Québec à Montréal dans le cadre de l’Alliance de recherche IREF/ Relais-femmes ;
- Michèle Roy pour le Regroupement québécois des CALACS ;
- Diane Matte pour la Marche mondiale des femmes;
- Yolande Geadah, chercheure indépendante, Ginette Plamondon pour le Conseil du statut de
la femme, Elsa Galerand, étudiante au doctorat en sociologie, Rhéa Jean, étudiante au
doctorat en éthique, et Amélie Leblanc sont également associées à ce partenariat à titre
individuel.
2
Table des matières
INTRODUCTION………………………………………………………………..............5
1- INSTRUMENTS INTERNATIONAUX.……………………………………………..6
2- LE TRAFIC DES FEMMES : LES DÉFINITIONS.………………………………....10
3- CAMPS IDÉOLOGIQUES…………………………………………………………..16
3.1 CATW …………………………………………………………………………....16
3.2 GAATW ………………………………………………………………………….17
3.3 Associations de défense des droits des travailleuses du sexe……………………..18
4- LES CAUSES DU TRAFIC SEXUEL………………………………………………19
5- LE TRAFIC SEXUEL AU CANADA ET AU QUÉBEC….......................................23
6- LA LÉGISLATION CANADIENNE ET LE TRAFIC DES PERSONNES…………29
7- ÉTUDES CANADIENNES SUR LE TRAFIC SEXUEL…………………….……...33
7.1 La recherche de Mc Donald, Moore et Timoshkina (2000)..………………………34
7.2 La recherche du Toronto Network Against Trafficking in Women, The
Multicultural History Society of Ontario et The Metro Toronto Chinese
and Southeast Asian Legal Clinic (2000)……………………………………………..38
CONCLUSION………………………………………………………………………......43
3
ANNEXE A
Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants…….……………………………………………..44
ANNEXE B
Recommandations de Mc Donald, Moore et Timoshkina (2000)……………………….57
ANNEXE C
Recommandations du Toronto Network Against Trafficking in Women, The
Multicultural History Society of Ontario et The Metro Toronto Chinese and
Southeast Asian Legal Clinic (2000)…………………………………………………..59
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………..………….65
4
Le trafic sexuel des femmes au Québec et au Canada
-Bilan des écrits-
En ce début de troisième millénaire, le trafic des personnes prend de plus en plus
d’ampleur. Ainsi, selon l’évaluation des Nations Unies, environ 4 millions de personnes
seraient victimes de trafic par année (McDonald, Moore et Timoshkina, 2000). Le trafic,
aussi appelé la traite des personnes,1 n’épargne pratiquement aucun pays soit, comme lieu de
recrutement, de destination et/ou de transit (CSF, 2002).
Phénomène essentiellement
clandestin, le trafic des personnes prend des formes différentes telles la prostitution,
l’exploitation sexuelle, le mariage forcé ou par correspondance, le travail domestique, etc.
La grande majorité des personnes victimes de la traite sont des femmes et des enfants. Ceuxci sont, dans une grande proportion des cas, destinés à la prostitution.
Depuis quelques années déjà, des chercheurs-es et intervenants-es remarquent une
augmentation importante du trafic des femmes et des enfants à des fins de prostitution (CSF,
2002). Les besoins grandissants de l’industrie du sexe en matière première seraient en
grande partie responsable de la croissance de ce type de trafic (Ekberg dans AQOCI, 2001 ;
Jeffreys, 2002). Bien que le trafic sexuel touche l’ensemble de la planète et qu’il atteigne des
proportions préoccupantes, peu de données et d’informations sont disponibles à ce sujet. Le
caractère illicite et clandestin du trafic sexuel rend très difficile son étude, et le Canada tout
comme le Québec n’y font pas exception : le trafic sexuel est un sujet très peu documenté.
Dans le cadre de notre recherche sur le trafic sexuel au Québec, nous amorçons un travail
1
Il est important de différencier le trafic ou la traite des êtres humains (trafficking) de l’introduction clandestine
de migrants (smuggling). Pour les Nations Unies, trois caractéristiques principales différencies ces deux
situations : «The smuggling of migrants, while often undertaken in dangerous or degrading conditions, involves
migrants who have consented to the smuggling. Trafficking victims, on the other hand, have either never
consented or, if they initially consented, that consent has been rendered meaningless by the coercive, deceptive
or abusive actions of the traffickers. Another major difference is that smuggling ends with the arrival of the
migrants at their destination, whereas trafficking involves the ongoing exploitation of the victims in some
manner to generate illicit profits for the traffickers. From a practical standpoint, victims of trafficking also tend
to be more severely affected and in greater need of protection from re-victimization and other forms of further
abuse than are smuggled migrants. Finally, smuggling is always transnational, whereas trafficking may not be.
Trafficking can occur regardless of whether victims are taken to another country or only moved from one place
to another within the same country » (United Nations, Office on Drugs and Crime, September 18, 2003).
5
dans le but de combler cette lacune. Plus spécifiquement, l’objectif de cette recherche-action
est de documenter et d’analyser la réalité du trafic sexuel au Québec pour ensuite identifier
des pistes d’action pour soutenir les personnes qui en sont victimes. Toutefois, avant de
dégager un portrait de la situation québécoise, il est primordial de définir ce que nous
entendons par trafic sexuel ainsi que de recenser les informations, les données, aussi rares
soient-elles, sur ce sujet. Tel sera donc l’objectif du présent texte.
1- Instruments internationaux
Le trafic des femmes a pendant très longtemps été complètement ignoré. Il a fallu
attendre la fin du 19ième siècle et le début du 20ième pour que ce grave problème soit pris en
considération par les diverses instances internationales (Jeffreys, 2002). Depuis ce temps, de
nombreux protocoles internationaux ont été signés dans le but de stopper le trafic des
personnes. Bien que ces divers protocoles n’aient pas jusqu’à ce jour eu les répercussions
escomptées, leur existence place les États signataires devant l’obligation morale de faire tout
ce qui est en leur pouvoir pour enrayer le trafic des êtres humains.
La préoccupation internationale voit véritablement le jour en 1904 avec l’adoption du
premier instrument juridique international, l’Accord international pour la répression de la
traite des Blanches ; un accord qui engageait les pays signataires, 12 au total, « à empêcher
que l'on se procure des femmes ou des jeunes filles à l'étranger dans un but immoral »
(Toupin, 2002, p.12). Ce premier accord insistait davantage sur la protection des personnes
victimes de la traite, les femmes blanches, que sur les sanctions à imposer aux trafiquants
(ONU, 2000). Huit ans plus tard, en 1910, la Convention internationale pour la répression
de la traite des Blanches a été adoptée. Cette convention avait pour but premier de palier la
faiblesse de la convention de 1904 en punissant les proxénètes et les trafiquants. Entérinée
par 13 pays, cette convention étend également « la portée de l'entente pour inclure le trafic de
femmes à l'intérieur des frontières nationales (Wijers et Lap-Chew, 1997) » (Toupin, 2002,
p.12). C’est sous les auspices de la Ligue des Nations qu’ont été signées, en 1921, la
Convention pour la répression de la traite des femmes et des enfants et, en 1933, la
6
La
Convention internationale pour la répression de la traite des femmes majeures.
convention de 1921 engageait les pays signataires à poursuivre les personnes s’adonnant à la
traite des enfants ainsi qu’à protéger les femmes et les enfants émigrants ou immigrants
(Coomaraswamy, 2000), alors que la convention de 1933 avait pour objectif de condamner
les individus se livrant à la traite de femmes adultes, que ces dernières soient consentantes ou
non (Coomaraswamy, 2000). Après la première guerre mondiale, la Ligue des Nations a créé
un comité de travail, composé majoritairement de femmes, sur la question du trafic des
femmes. La Convention sur la répression et l'abolition de la traite des êtres humains et de
l'exploitation de la prostitution d'autrui de 1949, qui a été ratifiée par 74 pays, a d’ailleurs été
le résultat de 20 ans d’efforts et de travail acharné de la part de ce groupe (Jeffreys, 2002).
Cette convention, une des plus importantes en ce qui concerne le trafic des femmes, intègre
et remplace les accords internationaux de 1904, 1910, 1921 et 1933 (CSF, 2002).
La
convention de 1949, que plusieurs qualifient d’abolitionniste, a la particularité d’associer la
prostitution au trafic sexuel. Le lien entre trafic et prostitution est d’ailleurs clairement établi
dans le préambule de cette convention (Toupin, 2002) :
[…] la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres
humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et
la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de
l'individu, de la famille et de la communauté. (ONU, 1949)
Dans l’optique de la convention de 1949, la traite est donc associée au trafic à des fins
de prostitution. De plus, cette convention ne fait pas la distinction entre la prostitution forcée
et la prostitution volontaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Australie, les Pays-Bas et
la Grande-Bretagne ont décidé de ne pas la ratifier (Jeffreys, 2002). Pour les auteurs de cette
convention, le consentement de la victime n’est pas déterminant :
The framers of that Convention understood that whether women knew
what the traffickers intended for them on arrival or not, the conditions
into which they were delivered would be harsh i.e. not speaking the
language, under control and violence of traffickers with nowhere to
turn, so that ‘consent’ was not crucially important. (Jeffreys, 2002, p.2)
7
Cinquante ans après la convention de 1949, soit en 2000, a été adoptée à Palerme en
Italie la Convention contre la criminalité transnationale organisée2 ainsi que ses deux
protocoles additionnels, le Protocole contre le trafic illicite des migrants par terre, air et
mer, et le Protocole pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier
des femmes et des enfants.3 Le Protocole pour prévenir, réprimer et punir la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants est évidemment celui qui nous concerne
le plus puisqu’il se penche plus spécifiquement sur la traite des femmes et des enfants.
L’objet de ce protocole est d’ailleurs précisé dès l’article 2 (voir ONU, 2000) :
Article 2
Objet
Le présent Protocole a pour objet :
a) De prévenir et de combattre la traite des personnes, en accordant
une attention particulière aux femmes et aux enfants;
b) De protéger et d'aider les victimes d'une telle traite, en respectant
pleinement leurs droits fondamentaux; et
c) De promouvoir la coopération entre les Etats Parties en vue
d'atteindre ces objectifs.
Le protocole sur la traite des personnes engage les pays signataires, plus de 117 dont le
Canada, à mettre en place des mesures législatives pour rencontrer les standards minimaux
du protocole concernant la prévention, la poursuite légale et la protection (Ekberg dans
AQOCI, 2001). Bruckert et Parent (2002), dans leur document intitulé La « traite » des êtres
humains et le crime organisé. Examen de la littérature, précisent que
2
« La Convention contre la criminalité transnationale organisée établit les paramètres d’une coopération
judiciaire internationale contre la criminalité transnationale organisée et crée un régime juridique international
sous lequel les trafiquants peuvent être tenus responsables de leurs crimes. Pour être tenu criminellement
responsable dans le cadre de la convention, le trafiquant doit appartenir à un des groupes criminels organisés
formés de trois personnes ou plus, qui existent depuis un certain temps et agissent de façon concertée dans le
but de commettre des crimes graves en vue d’obtenir des bénéfices matériels ou financiers (article 2 de la dite
Convention) » (Ekberg dans AQOCI, 2001, p.66).
3
Voir en annexe A.
8
[…] les pays signataires doivent prévenir et combattre la traite des
personnes, en s’engageant à criminaliser l’organisation, l’aide ou la
participation à la traite des individus […] Ils doivent également prévenir
et combattre le problème en s’efforçant de mettre sur pied des «
recherches, des campagnes d’information et des campagnes dans les
médias, ainsi que des initiatives sociales et économiques, afin de
prévenir et de combattre la traite des personnes » (Nations Unies, 2000b
: 5). […] Le protocole promeut les échanges d’information entre les états
et la formation des travailleurs impliqués à un titre ou à un autre dans la
lutte contre la traite des êtres humains. Enfin, le protocole contient une
section (articles 6, 7 et 8) sur l’assistance et la protection accordée aux
victimes; par contre, les états ne doivent protéger la vie privée et
l’identité des victimes que dans la mesure où le droit interne du pays le
permet, et on se contente de demander aux états signataires d’envisager
« de mettre en oeuvre des mesures en vue d’assurer le rétablissement
physique, psychologique et social des victimes de la traite des personnes
» (Nations Unies, 2000b : 4). (Bruckert et Parent, 2002, p.21)
Ce protocole, qui a été accueilli positivement par la grande majorité des organismes de
défense des droits de la personne, est donc le plus récent instrument international en ce qui
concerne le trafic des femmes et des enfants.4 Il reste à espérer qu’il fera l’objet d’une
application cohérente par les états signataires.
4
Marie-Victoire Louis (chercheure au CNRS en France et militante féministe abolitionniste qui travaille sur les
politiques concernant le système prostitutionnel) soutien pour sa part que le Protocole de Palerme, loin d’être
une victoire abolitionniste, entérine la substitution de la lutte conte la prostitution et le proxénétisme à la seule
prise en considération de la "traite" : « On ne s’occupe plus que du trafic; cela veut dire que l’on abandonne de
facto la lutte contre la prostitution et le proxénétisme et qu’on a mis le corps humain sur le marché mondial.»
(Louis, 2002). Selon Louis, le Protocole tend à confirmer rien de moins que la légitimité de la marchandisation
du système prostitutionnel (Louis 2000) : « Ce texte donc en traitant sous couvert de " prévenir, réprimer et
punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants " en réalité légitime le concept de " traite
". Ce dont il est question, dans ces textes, ce sont des modalités de la régulation de mobilité de la force de
travail, nécessaire au capitalisme mondial. Mais, au-delà, ces textes ont procédé à un bouleversement du
concept même de force de travail. En abandonnant la référence à la convention de 1949, et en abandonnant la
lutte contre certaines modalités d'exercice du proxénétisme, ce texte en abandonne le principe lui-même. Il
parachève l'évolution déjà engagée qui intègre les sexes, les corps, les êtres humains au sein du marché mondial,
comme objet légitime du profit. C'est la raison pour laquelle, bien évidement, cette nouvelle convention de
l'ONU ne peut faire référence à la convention de 1949. Tout simplement, parce qu'elle a, notamment, pour
projet de la supprimer et de la remplacer » (Louis, 2000). Faire disparaître la convention de 1949 équivaut pour
la chercheure à « […] faire disparaître à la fois le jugement éthique sur le système prostitutionnel, le lien entre
la traite et la prostitution et la condamnation pénale du proxénétisme, sans lesquels aucune politique
abolitionniste n'est pensable » (Louis, 2001-2002). Pour Louis, il est essentiel « […] de faire du maintien de
cette convention [celle de 1949] un enjeu politique fondamental. Et, concomitamment, travailler à sa
modernisation et penser un nouvel abolitionnisme.»(Louis, 2001-2002)
9
2- Le trafic des femmes : les définitions
Définir le trafic des femmes n’est pas chose aisée à faire car, comme plusieurs
spécialistes l’affirment, aucune définition n’a pour l’instant fait l’objet d’un véritable
consensus. (Chew 1999; CIC, 2000; The Toronto Network Against Trafficking in Women et
al., 2000 ; Oxman-Martinez et Hanley, 2001; Toupin 2002). D’ailleurs, d’après le groupe de
travail interministériel sur le trafic des femmes (GTITF), créé par le gouvernement fédéral
dans le but de coordonner les efforts effectués par le Canada pour mettre un terme au trafic, il
n’y aurait pas de définition nationale ou internationale précise du trafic des femmes (CIC,
2000).5 Après avoir constaté que les ministères n’avaient pas de définition opérationnelle et
commune du trafic des femmes et qu’ils envisageaient ce phénomène selon leur mandat
ministériel respectif, le GTITF a identifié, à travers le discours des représentants des divers
ministères, les trois étapes clés du trafic. La première étape de tout trafic, le recrutement, est
définie par le GTITF comme « […] l’incitation active auprès d’individus contraints et forcés
ou consentants ou trompés pour qu’ils quittent leur pays d’origine ou de résidence afin de
migrer dans un pays étranger » (CIC, 2000, p.3). La deuxième étape, le mouvement, est
quant à elle désignée comme « […] le mouvement légal ou illégal d’un individu recruté dans
son pays d’origine ou de résidence qui aboutit à l’entrée légale ou illégale au Canada comme
pays de destination ou pays de transit » (CIC, 2000, p.4). Enfin, les conditions dans les pays
d’accueil, la troisième étape, « […] exposent les conséquences pour les femmes victimes de
trafic » (CIC, 2000, p.5).
Bien qu’aucune définition du trafic ne fasse consensus, on retrouve dans la littérature
plusieurs définitions du trafic des femmes. Des définitions qui, en plus de faire généralement
références aux trois étapes du trafic décrites par le GTITF, mettent l’accent d’abord et avant
5
Les membres faisant partie de ce groupe sont Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), Affaires étrangères et
Commerce international (MAECI), Développement des ressources humaines (DRHC), Justice Canada (Justice),
Gendarmerie royale du Canada (GRC), Solliciteur général du Canada (Sol. gén.) et Condition féminine Canada
(CFC). Suite à leur travail, un rapport de recherche avec pour but général d’évaluer les besoins d’informations
des membres et l’information présentement disponible au sein du gouvernement fédéral, a été publié en 2000.
La recherche avait trois objectifs précis : « 1-Documenter les écarts dans la définition de trafic des femmes entre
les différents ministères membres du groupe de travail. 2-Indiquer les sources d’information actuelles au niveau
fédéral au sujet du trafic des femmes. 3-Déterminer les besoins d’information des membres du groupe de
travail » (CIC, 2000, p. 1). D’après des informations obtenues auprès de Condition féminine Canada, ce groupe
de travail existerait toujours mais serait présentement dormant.
10
tout sur l’exploitation et l’inégalité des rapports de force. Ainsi, dans le document intitulé
Plan d'action de lutte contre la traite des femmes et la prostitution forcée,6 l’avocate belge
Michèle Hirsch (1996) a élaboré la définition suivante:
Il y a traite des femmes quand une femme est exploitée dans un autre
pays que le sien par une autre personne (physique ou morale) en vue de
la réalisation de gains financiers, la traite consistant dans le fait
d'organiser (le séjour ou) l'émigration légale ou illégale d'une femme,
même consentante, depuis son pays d'origine vers le pays de destination
et de l'entraîner d'une manière quelconque dans la prostitution ou toute
forme d'exploitation sexuelle. (Hirsch dans Wohlwend, 1997)
Wijers et Lap-Chew (1997), dans leur enquête sur le trafic des femmes commandée par
Coomaraswamy, la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence envers les femmes,
dissocient quant à elles le trafic de la prostitution pour plutôt mettre l’accent sur l’ensemble
des situations de trafic des personnes (Toupin, 2002).7 Les deux auteures, dont l’une est
associée à la GATTW8 et l’autre à la fondation néerlandaise STV,9 présentent une définition
qui « […] met en évidence la coercition comme élément pivot dans toute situation de traite »
et qui, surtout, « […] distingue deux moments soit celui du recrutement et celui du contexte
de travail : l’une et/ou l’autre peuvent faire l’objet de violence et de coercition » (Bruckert et
Parent, 2002, p.6). Pour les deux auteures, le trafic des femmes désigne :
Tous les actes liés au recrutement et au transport d'une femme à
l'intérieur et à l'extérieur des frontières d'un pays pour l'obliger à
travailler ou à offrir des services par le recours à la violence ou à la
menaces de violence, à l'abus de pouvoir ou à une position de
domination, à la servitude pour dettes, à la duperie ou à d'autres formes
de coercition. (Wijers et Lap-Chew, 1997, p.36)
6
Cette étude a été préparée suite à la requête du Steering Committee for equality between women and men
(CDEG) pour le Conseil de l’Europe dans le cadre de leurs activités visant à combattre le trafic des femmes et la
prostitution forcée (Hirsch,1996).
7
Dans leur rapport, les deux auteures montrent que « […] les définitions traditionnelles du trafic portent
uniquement sur la prostitution et l'obtention de services, et ne traitent que du transport de personnes entre les
frontières nationales, négligeant le transport de personnes à l'intérieur des frontières. Les lois ne tiennent pas
compte des mauvais traitements ni des conditions d'esclavage dans les bordels, dépeignent les femmes comme
des « innocentes » et négligent complètement les formes modernes de trafic, comme le trafic des travailleuses
domestiques ou les mariages par correspondance » (McDonald, Moore et Timoshkina, 2000, p.8).
8
Global Alliance Against Traffic in Women
9
Dutch Foundation Against Trafficking in Women
11
Alors que le travail forcé et les pratiques s'apparentant à l'esclavage, peuvent être
définis comme :
Le travail ou les services soutirés d'une femme ou l'appropriation de son
identité ou de sa personne physique par le recours à la violence ou aux
menaces de violence, à l'abus de pouvoir ou à une position de
domination, à la servitude pour dettes, à la duperie ou à d'autres formes
de coercition. (Wijers et Lap-Chew, 1997, p.36) 10
Pour Wijers et Lap-Chew, la distinction entre le trafic comme tel et les situations de
travail forcé est fondamentale : « le trafic peut constituer un moyen de réduire une femme en
esclavage, mais pas nécessairement » (Toupin, 2002, p.28). Ainsi, une femme « […] peut
être recrutée et transportée sous la contrainte, et ne pas se retrouver à terme dans des
situations de travail forcé ou s'apparentant à l'esclavage. À l'inverse, une femme peut très
bien se retrouver dans des situations de travail forcé ou s'apparentant à l'esclavage sans avoir
été l'objet de trafic » (Toupin, 2002, p.28). Pour Wijers et Lap-Chew, le trafic des femmes
n’est donc pas nécessairement associé au trafic à des fins de prostitution.
S’inspirant de la définition de Wijers et Lap-Chew (1997), Langevin et Belleau (2000)
adopte dans leur étude intitulée Le trafic des femmes au Canada : une analyse critique du
cadre juridique de l’embauche d’aides familiales immigrantes résidantes et de la pratique de
promises par correspondance, une définition du trafic des femmes axée sur l’exploitation de
leur travail et/ou de leur services :
Le trafic des femmes vise l'exploitation d'une femme, notamment de son
travail rémunéré ou non, ou de ses services, avec ou sans son
consentement, par une personne ou par un groupe de personnes, dans un
rapport de force inégalitaire. Le trafic des femmes, qui se manifeste par
l'enlèvement, l'usage de la force, la fraude, la tromperie ou la violence,
provoque des mouvements transfrontaliers de personnes entre pays
divisés par une inégalité économique. Ce trafic engendre, entre autres,
l'immigration légale ou illégale de femmes au Canada et porte atteinte à
leurs droits fondamentaux. (Langevin et Belleau, 2000, p.8)
10
La traduction de la définition est tirée de Langevin et Belleau (2000, p.3).
12
Quant au Protocole pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants qui, à l’instar de la Convention contre la criminalité
transnationale organisée, a été créé pour standardiser la terminologie, la législation et les
pratiques en vigueur dans les différents pays (ONU, 2000), il procurerait, selon l’ONU, la
toute première définition commune à l’expression traite des personnes (voir ONU, 2000) :
Article 3
Terminologie
Aux fins du présent Protocole :
a) L’expression « traite des personnes » désigne le recrutement, le
transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la
menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de
contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une
situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements
ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant
autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend,
au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres
formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés,
l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le
prélèvement d’organes;
b) Le consentement d’une victime de la traite des personnes à
l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a) du présent
article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à
l’alinéa a) a été utilisé;
L’article 3 est sans aucun doute l’élément le plus controversé du Protocole pour
prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants
puisque « […] en vertu de cette définition, le consentement d’une victime est indifférent
lorsqu’il est établi que des moyens illicites ont été utilisés » (ONU, 2000). Au départ, nous
dit l’avocate Gunilla Ekberg (AQOCI, 2001), certains pays, dont le Canada, et quelques
ONG voulaient « […] omettre toute mention de la traite à des fins de prostitution ou
d’exploitation sexuelle et effacer le terme victimes du texte » (Ekberg dans AQOCI, 2001,
p.66-67).
Ces mêmes pays souhaitaient également une définition qui restreindrait la
protection offerte « […] aux seules victimes de la traite où il y a contrainte ou utilisation de
force, et où les victimes ne consentaient pas à ce trafic » (Ekberg dans AQOCI, 2001, p.6613
67). Ce protocole qui à la base voulait uniformiser la définition de la traite des personnes, a
finalement donné lieu à des interprétations opposées de la définition du trafic des personnes.
Cette définition, pourtant adoptée par l’Assemblée générale des Nations
Unies, pose des problèmes d’interprétation. Pour certains, dont la
GAATW, le Protocole reconnaît l’existence d’une prostitution
volontaire et d’une prostitution forcée. D’après eux, puisque le
Protocole reconnaît que la participation à la prostitution forcée constitue
une forme de trafic, il implique en contrepartie que la prostitution entre
adultes volontaires ne correspond pas à du trafic (Toupin, 2002, p.32).
La CATW et d’autres organisations non gouvernementales intéressées
au trafic des personnes, quant à elles, considèrent que, aux fins de ce
protocole, la prostitution et la traite ne peuvent être dissociées. L’article
3a reconnaît qu’une grande partie de la traite est aux fins de prostitution
et d’autres formes d’exploitation sexuelle. (RAYMOND, p.5). Le débat
n’est donc pas tranché. (CSF, 2002, p.96-97)
La reconnaissance ou non de la prostitution volontaire fait grandement varier
l’interprétation de la définition du trafic.
La distinction prostitution forcée/prostitution
volontaire est d’ailleurs l’enjeu majeur de la définition du trafic (Toupin, 2002). Le débat sur
la définition du trafic des femmes étant loin d’être clos,11 l’important, comme le souligne
judicieusement le Conseil du statut de la femme (2002), « […] reste alors de suivre les
différentes interprétations que les États donneront à ce Protocole au moment de l’intégrer
dans leur propre législation afin de savoir quelle interprétation sera retenue » (CSF, 2002,
p.97).
L’interprétation qui sera alors privilégiée par les États aura nécessairement une
influence directe sur les moyens d’action mis en place pour contrer le trafic tout comme sur
les sanctions imposées au trafiquants.
11
En fait, plusieurs éléments posent encore problème, notamment en ce qui concerne la question de la
prostitution (Le trafic doit-il nécessairement être synonyme de prostitution? Doit-on distinguer entre
prostitution volontaire et prostitution forcée?), la question du consentement (Peut-on réellement parler de trafic
s’il y a eu consentement ?), la question du statut d’entrée et/ou de résidence des personnes (Par exemple, pour
l’International Organization for Migration l’entrée illégale et/ou la résidence illégale est un élément de base de
la définition du trafic, alors que pour d’autres spécialistes le statut ne fait aucune différence) et la question
entourant la deuxième étape du trafic, le mouvement, (Le trafic consiste-t-il seulement en un mouvement entre
pays ou inclut-il également le mouvement vers un milieu non familier?). (The Toronto Network Against
Trafficking in Women and al., 2000, p.15). Pour arriver à une définition véritablement consensuelle du trafic
des femmes, beaucoup de chemin reste donc encore à parcourir.
14
En ce qui a trait à la définition du trafic sexuel que nous allons utiliser dans le cadre de
notre étude, les partenaires associées à cette recherche-action s’entendent pour définir, à cette
étape-ci du processus, le trafic sexuel de la manière suivante :
Le trafic sexuel est conçu en tant que violence et exploitation sexuelle
des femmes.
L’approche du comité intègre une préoccupation
analytique quant aux exploitations superposées qui sont en cause dans
le trafic des personnes, soit une exploitation sur la base du sexe, sur la
base de la classe et sur la base de l’origine ethnique. Le trafic sexuel
constitue un des modes d’appropriation du corps des femmes par des
hommes dans des sociétés de type patriarcal et néolibéral. Le contexte
actuel de la mondialisation et de la globalisation des marchés crée des
conditions propices au développement accéléré de la marchandisation
des corps, en particulier de celui des femmes.
Le trafic sexuel désigne le recrutement, le transport, à l’intérieur ou à
l’extérieur d’un pays, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de
personnes dans le but de les obliger à exercer des activités dans
l’industrie du sexe ou à se prostituer. Il procède de différentes façons
pour parvenir à des visées d’exploitation sexuelle : la menace de
recours, ou le recours à la force, l’enlèvement, la fraude, la tromperie,
l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité ou encore l’offre ou
l’acceptation de paiements ou d’avantages. Le trafic sexuel peut aussi
parvenir à ses visées en obtenant le consentement d’une personne ayant
autorité sur une autre aux fins d’exploitation.
Le consentement d’une victime de trafic sexuel est indifférent lorsque
l’un des moyens plus haut mentionnés a été utilisé.
Le trafic sexuel des femmes et des enfants peut se dérouler tant à
l’échelle internationale qu’à l’échelle nationale. Le trafic sexuel
international provoque des mouvements transfrontaliers de personnes
entre pays marqués par une inégalité économique. Il engendre, entre
autres, l'immigration légale ou illégale de femmes au Canada et porte
atteinte à leurs droits fondamentaux.
Cette définition du trafic sexuel, inspirée de celle de l’article 3 du Protocole de Palerme
(2000) et des travaux de Louise Langevin et Marie-Claire Belleau (CFC, 2000), a selon nous
le mérite de camper la perspective théorique adoptée par notre comité de travail. En effet,
cette définition met l’accent sur trois éléments qui nous semblent essentiels : le trafic sexuel
constitue une violation des droits fondamentaux des femmes, le consentement ou non de la
15
personne trafiquée ne change en rien la gravité de la situation et, enfin, le trafic sexuel
s’exerce tant à l’échelle internationale qu’à l’échelle nationale.
3- Camps idéologiques
On vient de le constater, la manière de considérer le trafic des femmes tout comme la
manière de définir ce phénomène varie grandement selon l’idéologie à laquelle la personne
adhère. Ainsi, pour Murray (1998, p.52), il existerait trois grands camps idéologiques de la
question du trafic des femmes. Le premier camp regroupe, autour de la CATW, « des
militantes féministes partageant une perspective abolitionniste » (Toupin, 2002, p.18). Le
deuxième camp comprend quant à lui « des militantes féministes (qui se regrouperont en
1994 dans un autre réseau international, la GAATW) partageant une perspective
"décriminalisation/droits humains" du travail du sexe, opposées à l'aspect prostitution
"forcée" » (Toupin, 2002, p.18). Le troisième et dernier camp, comprend pour sa part « des
associations de défense des droits des travailleuses du sexe qui, partageant la perspective de
la GAATW sur les droits humains, s'opposent toutefois à la distinction "prostitution
forcée/volontaire" et prônent la décriminalisation et la déjudiciarisation totale du travail
du sexe. » (Toupin, 2002, p.18). Avant de s’attarder au trafic des femmes en tant que tel,
penchons-nous un instant sur ces trois camps idéologiques.12
3.1 CATW
La Coalition Against Trafficking in Women (CATW) est une organisation féministe
non-gouvernementale (ONG) composée d’individus et d’associations. Cette organisation,
créée en 1991, cherche à protéger et promouvoir les droits des femmes et à combattre la
prostitution, le trafic des femmes et l'exploitation sexuelle sous toutes ses formes (site
Internet CATW). La CATW est un réseau abolitionniste qui considère la prostitution comme
12
Pour avoir plus d’informations à ce sujet, il suffit de lire les pages qui lui sont consacrées dans la recherche
du Conseil du statut de la femme (2002), La prostitution : Profession ou exploitation ? Une réflexion à
poursuivre, dans celle de Geadah (2003), La prostitution. Un métier comme un autre? ou dans la recherche de
Toupin (2002), La question du « trafic des femmes ». Points de repères dans la documentation des coalitions
féministes anti-trafic.
16
une atteinte aux droits humains, comme une forme d’esclavage moderne (Toupin, 2002).
Pour la CATW, la distinction prostitution forcée/prostitution volontaire ne tient pas. À leurs
yeux, la prostitution ne peut pas être le résultat d’un libre choix mais plutôt l'exploitation
d'une vulnérabilité (Mix-Cité, 2001). Quant au trafic des femmes, il serait indissociable de la
prostitution. Selon l’avocate Ekberg (AQOCI, 2001), ce serait même la : « […] demande
constante pour une nouvelle marchandise qui dicte la traite internationale des femmes et des
petites filles. Si les hommes ne prenaient pas pour acquis qu’ils ont le droit explicite
d’acheter et d’exploiter sexuellement des femmes et des petites filles, le commerce du sexe
n’existerait pas » (p.7). Puisque la prostitution viole les droits humains et qu’elle n’est que
violence pour les femmes la pratiquant, l’abolition de la prostitution est l’objectif ultime du
mouvement abolitionniste. Plus concrètement, la CATW prône la criminalisation des clients
et des proxénètes. Les prostituées devant pour leur part être protégées des milieux coercitifs,
et aidées à se réintégrer socialement.
3.2 GAATW
La Global Alliance Against Traffick in Women (GAATW) a été formée en 1994 en
Thaïlande lors de l’International Workshop on Migration and Traffic in Women. La mission
première de cet organisme est de s’assurer que les droits humains des migrants, et surtout des
femmes migrantes, sont respectés (GAATW, site Internet). Pour la GAATW, la prostitution
ne peut plus être perçue comme un mal et reflèterait plutôt « les valeurs d'aujourd'hui et le
fait que pour beaucoup de femmes la prostitution est une alternative viable à la pauvreté »
(Marche mondiale des femmes, 2000). La criminalisation de la prostitution n’ayant pas
donné de résultats tangibles, la GAATW préconise la légalisation et la réglementation de
l'industrie du sexe.
À leurs yeux, la prostitution volontaire est acceptable ; seule la
prostitution forcée, celle où il y a présence de coercition, est donc problématique. Le fait de
considérer les prostituées comme des travailleuses du sexe permettrait selon la GAATW de
diminuer la stigmatisation et, par extension, « […] de protéger davantage les droits humains
des personnes prostituées contre les abus commis par les trafiquants et les autorités étatiques
et policières » (Marche mondiale des femmes, 2000).
Enfin, la GAATW « […] vise
l'autodétermination des femmes (empowerment), plutôt que leur "victimisation". On entend
17
réinterpréter et redéfinir les législations et conventions anti-trafic dans le sens des intérêts des
migrantes » (Toupin, 2002, p.18).
3.3 Les associations de défense des droits des travailleuses du sexe
Dans ce dernier camp, nous retrouvons les diverses associations de défense des droits
des travailleuses du sexe. Ce mouvement a pris en quelque sorte naissance en février 1985
avec la création de l'International Committee for Prostitutes' Rights et la tenue au Pays-Bas
du premier congrès mondial des travailleuses du sexe (Toupin, 2002). C’est d’ailleurs lors de
ce premier congrès qu’a été rédigée la Charte mondiale des droits des prostituées (Geadah,
2003). Cette charte, rédigée par des prostituées, avait pour but de dénoncer les abus dont les
prostituées sont victimes, tant de la part de leurs clients et des policiers que de l’ensemble de
la société.
Pour les associations de défense des droits des travailleuses du sexe, la
prostitution n’est pas une forme de violence, mais bien un travail : la violence découlant
plutôt de la criminalisation des métiers du sexe et de la stigmatisation associée à cette
pratique (CSF, 2002). Puisque la prostitution est considérée comme un travail, « le trafic des
femmes, dans cette optique, est une condition de transport des travailleuses migrantes qui
entraîne l’exploitation » (Toupin, 2002, p.21). Ce que réclament les associations de défense
des droits des travailleuses du sexe, c’est le droit au travail non criminalisé et le respect de
leurs droits. Promouvoir la décriminalisation des métiers du sexe13 est donc leur principal
objectif : « Ce qu'elles revendiquent, c'est la reconnaissance de la légitimité du travail du
sexe, cette légitimité étant la seule garantie possible de la mise en application de moyens
réels et concrets de lutter contre les abus, la violence et l'exploitation dans tous les contextes
où est pratiqué le travail du sexe, sans distinction. » (http://www.cybersolidaires.org).
13
La décriminalisation « signifie le retrait des articles du Code criminel concernant le travail du sexe ».
(Cybersolidaire, Disponible sur : http://www.cybersolidaires.org/actus/sexe.html#2209)
18
4- Les causes du trafic sexuel
Pour bien comprendre le phénomène du trafic sexuel, il faut d’abord et avant tout être
en mesure d’expliquer son existence, d’expliquer pourquoi ce fléau est en constante
augmentation. En fait, il existerait une multitude de facteurs à l’origine du trafic sexuel. Le
Conseil du statut de la femme (2002) note, qu’en dépit des désaccords relatifs à la définition
du trafic sexuel, certains éléments sont toutefois reconnus pour avoir un effet direct sur
l’augmentation du trafic sexuel.
Le processus de mondialisation, caractérisé au niveau économique par la libéralisation
des échanges internationaux et l’émergence de marchés mondiaux, peut en grande partie être
tenue responsable de la hausse du trafic sexuel. En plus d’amplifier et d’exacerber les
rapports d’exploitation et de domination, surtout dans les pays du sud, la mondialisation a
permis la commercialisation à l’échelle mondiale de la prostitution :
L’impact négatif de la mondialisation n’est nulle part ailleurs plus
évident que dans la hausse de la prostitution et du trafic des femmes et
des enfants, partout dans le monde. […] Tandis qu’il s’agissait d’un
commerce rentable dans le passé, le trafic sexuel des femmes est devenu
une méga-entreprise caractérisée comme étant à grands profits et à
faibles risques. Il n’existe pas de sanctions sévères pour les trafiquants,
au même titre que pour le trafic d’armes et le narcotrafic. […] Ce qui
rend dramatiquement différent le trafic des femmes et des enfants,
d’alors et de maintenant, c’est le recours aux nouvelles technologies de
l’information. Le sexe sur Internet est envahissant- environ 70% du
matériel sur Internet porte sur le sexe. Cette situation a eu comme
résultat sans précédent la commercialisation mondiale des femmes et des
enfants comme objets sexuels. (Aurora Javate de Dios dans AQOCI,
2001, p.26-27)
L’une des plus importantes conséquences de la mondialisation sur les femmes est
l’augmentation de la pauvreté qui bien souvent entraîne la prostitution (Akouari Aï Dam dans
AQOCI, 2001). D’ailleurs, toutes les recherches sur le sujet le confirment, l’instabilité
politique et économique des pays d’origine des femmes (ex : femmes russes) est une cause
majeure du trafic sexuel (CSF, 2002). L’absence de mesures de soutien économique et
social, l’inflation tout comme les guerres sont donc les principales raisons qui poussent les
19
femmes et les jeunes filles à vouloir quitter leur pays.
Une aspiration des plus
compréhensible qui les rend cependant beaucoup plus vulnérables aux propositions
mensongères des trafiquants (CSF, 2002).14 En fait, et il ne faut pas l’oublier, les personnes
victimes de trafic sexuel proviennent généralement des zones moins avantagées
économiquement de notre planète : les femmes trafiquées à des fins d’exploitation sexuelle
étant recrutées en Europe de l’Est, en Afrique, en Asie et en Amérique du sud pour ensuite
être dirigées vers l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale (CSF, 2002).15 Puisque la
majorité des pays du Nord sont engagés dans un processus de fermetures de leurs frontières,
et ce surtout depuis le 11 septembre 2001, les individus ne remplissant pas les critères de
l’immigration doivent nécessairement faire appel à des réseaux de trafiquants pour migrer
(CSF, 2002).
Dans plusieurs pays, incluant le Canada, les lois d’immigration sont
devenues plus restrictives pour endiguer le flot des immigrants
illégitimes et des réfugiés (es). Quand les frontières sont fermées, les
trafiquants et les syndicats du crime organisé sont les seuls capables de
faciliter la migration des femmes et des enfants. Dans de nombreux cas,
ces trafiquants orientent les femmes et les enfants dans les réseaux
mondiaux de la traite qui fournissent les marchés locaux de la
prostitution. (Ekberg dans AQOCI, 2001, p.69)
En partant à la recherche d’un avenir meilleur, plusieurs femmes se retrouvent donc à la
merci des trafiquants qui bien souvent leur dérobent passeport et argent une fois arrivées à
14
Dans un document intitulé Illegal immigration and trafficking in human beings seen as a security problem
for EUROPE, W. Bruggeman, Deputy Director EUROPOL, dresse le portrait de 3 types de victimes de trafic :
the exploited victims, the deceived victims, the kidnapped victims. « The exploited victims are those who knew
that they were going to be employed in the sex industry, but would never have imagined the slavelike
conditions they have to work under, or the fact that little or no money would be left for them. The deceived
victims have been recruited to work in the service or entertainment industry, often through seemingly legitimate
employment agencies or brokerages, and once they arrive in the Member States they are forced into prostitution.
The kidnapped victims were unwilling from the start. Though they may already have been working in the sex
industry in the source country, they had no intention of going abroad. These victims remain the property of their
owners and are often sold amongst networks or individual pimps. They are sex slaves in the truest sense »
(Bruggeman, 2002, p.5).
15
Selon Barry (1995), le trafic sexuel se présenterait sous trois grandes formes. La première forme de trafic
implique « […] des femmes provenant de pays avec un niveau de développement humain moyen ou élevé à
l’intérieur desquels la prostitution est très développée et qui importent de nombreuses femmes trafiquées en
provenance de pays pauvres environnants pour les pousser dans la prostitution. […] Une deuxième forme
prévaut également à l’intérieur des pays riches et développés où sont trafiquées des femmes pauvres et
vulnérables. […] Une troisième forme de trafic a cours, via de vastes réseaux internationaux de crime organisé,
à partir de pays moyennement développés sur le plan économique, vers ceux dont le développement
économique est plus important » (CSF, 2002, p.17-18).
20
destination. Pour survivre, et surtout pour rembourser les frais de leur voyage, ces femmes se
voient alors dans l’obligation de se prostituer.16 Ces dernières sont alors rapidement insérées
dans des réseaux de prostitution qui ont un besoin constant de nouvelles prostituées pour
répondre à la demande locale : ces femmes étant souvent obligées d’offrir des services
sexuels durant une dizaine d’heures par jour et ce jusqu’à ce qu’elles aient remboursé leur
dette atteignant parfois 40 000$US (The Protection Project. 2002). La nécessité d’alimenter
les marchés locaux de prostitution est en fait une des raisons majeures du trafic des femmes
et des enfants. D’ailleurs, selon l’International Center for Migration Policy Development
(1999), « 80% des femmes dans l’industrie de la prostitution aux Pays-Bas sont victimes de
la traite des femmes » (Ekberg dans AQOCI, 2001, p.10).17
Cependant, comme l’explique le Conseil du statut de la femme, « […] au-delà de tous
ces facteurs qui peuvent constituer de puissants incitatifs, de nombreux spécialistes
considèrent que le trafic sexuel ne saurait exister sans la présence de gens qui ont des intérêts
16
À ce sujet, nous dit Coomaraswamy (2000), le Global Survival Network a dénombré quatre grands types de
situations qui entraînent les femmes dans la prostitution : « Le premier groupe comprend les femmes
complètement dupées et qui ont agi sous la contrainte. Ces femmes n'ont aucune idée de l'endroit où elles vont
ni de la nature du travail qui les attend. Le deuxième groupe est celui des femmes auxquelles les recruteurs n'ont
pas dit toute la vérité et qui sont ensuite forcées de faire un travail auquel elles n'avaient pas consenti au départ
mais qui n'ont guère le choix. Leur liberté de mouvement et la possibilité qu'elles ont de changer de vie sont
extrêmement limitées par la servitude pour dette et la confiscation de leurs documents de voyage ou de leur
passeport. Dans le troisième groupe, se trouvent des femmes qui savent à quoi on les destine. Même si elles ne
veulent pas de ce travail, elles ne voient aucune autre solution économiquement viable et elles se laissent donc
exploiter par le trafiquant qui utilise leur vulnérabilité économique et juridique pour en tirer un bénéfice
financier tout en les maintenant, souvent contre leur gré, dans des situations de servitude pour dette. Le
quatrième groupe est composé de femmes qui savent pertinemment le travail qu'elles devront faire, n'y ont
aucune objection, gèrent leurs finances et sont relativement libres de leurs mouvements » (Coomaraswamy,
2000, p.15). De ces quatre types, explique Coomaraswamy (2000), seul le dernier ne peut être considéré
comme de la traite.
17
La décriminalisation de la prostitution ne règlerait donc en rien la traite des femmes. Quant à la légalisation
de la prostitution, elle ne semble pas avoir un meilleur effet. Les Pays-bas en sont le meilleur exemple selon
Jeffreys (2002). Ainsi, pour régler leur grave problème de trafic des femmes, les Pays-Bas décidèrent de
légaliser les maisons closes en 2000. Pour y travailler les prostituées doivent maintenant avoir un permis de
travail. Les femmes trafiquées ne peuvent donc plus se retrouver dans ces bordels : elles doivent se prostituer
dans la rue et ce dans des conditions encore plus difficiles qu’avant. En d’autres mots, la prostitution est réduite
aux citoyennes. La légalisation de la prostitution qui en théorie devait atténuer le trafic sexuel, n’a donc pas eu
les résultats escomptés (Jeffreys, 2002). La Suède qui a, en 1999, passé une loi visant à criminaliser les clients
de prostituées aurait, selon Ekberg (AQOCI, 2001), plus de succès. Ainsi, « […] Kajsa Wahlberg, la
rapporteure nationale sur le trafic à la police nationale suédoise, déclare, dans un article publié à la fin de
janvier 2001, que le nombre de femmes trafiquées vers la Suède a diminué depuis que la loi est mise en œuvre.
Elle dit que, selon ses collègues policiers de l’Union européenne, les trafiquants choisissent d’autres pays
comme destination où leur commerce est plus profitable et non entravé par de pareilles lois. De toute évidence,
la loi agit comme un élément de dissuasion » (Ekberg dans AQOCI, 2001, p.81).
21
personnels à ce trafic » (CSF, 2002, p.22). Le trafic des êtres humains est une activité des
plus lucratives. À tel point que le trafic des personnes atteint, selon l’estimation des Nations
Unies, maintenant 14 milliards de dollars canadiens par année comparativement à entre 1,9 et
3, 2 millions au début des années 90 (De Troy dans AQOCI, 2001). Le trafic des femmes
serait même devenu la troisième source de revenu pour les différents réseaux du crime
organisé après la vente de drogue et le commerce des armes (CSF, 2002).
D’après un document du Conseil de l’Europe daté du 19 mai 2000, les réseaux de
criminalité organisée qui tirent profit de trafic des personnes sont constitués d’organisation
de divers types. Il y a d’abord les grandes organisations qui sont caractérisées
[…] par une structure internationale hiérarchisée et des contacts
politiques et économiques à tous les niveaux, dans le pays d’origine
comme dans le pays de destination. La traite se déroule généralement
derrière une couverture légale et tire parti d’une connaissance
approfondie des lois et pratiques administratives des différents pays de
destination et de transit. (Conseil de l’Europe. 2000, p.11).
Ensuite, nous retrouvons les organisations de dimension moyenne qui « […] se
distinguent des grandes organisations par le fait qu’elles ne vendent pas les victimes à
d’autres groupes, mais les gardent sous leur contrôle et les placent dans leurs propres clubs et
maisons de prostitutions » (Conseil de l’Europe. 2000, p.11).
Quant aux petites
organisations, elles « se structurent autour de la demande des cabarets et autres
établissements de ce type, et fournissent des femmes/hommes » (Conseil de l’Europe. 2000,
p.11). Finalement, il existerait, toujours selon le rapport du Conseil de l’Europe, une infime
minorité de personnes qui « […]
ont émigré vers l’Europe sans passer par des
organisations. Ces personnes ont recours à un large éventail de moyens, légaux et illégaux,
pour passer les frontières, parfois avec l’aide de personnes qui exploitent leur situation
vulnérable » (Conseil de l’Europe. 2000, p.11). Pour sa part, Bertone (2000 : 7) présente
trois types de réseaux impliqués dans le trafic des femmes :
[…] le réseau à grande échelle dont les contacts politiques et
économiques internationaux lui permettent de relier les pays d’origine et
les pays de destination; le réseau de taille moyenne qui se concentre sur
22
la traite des femmes en provenance d’un pays seulement et le réseau de
petite taille qui place une ou deux femmes à la fois, sur commande.
(Bruckert et Parent, 2002, p.14).
Pour certains auteurs, le lien entre le crime organisé et le trafic des femmes n’est
toutefois pas nécessairement automatique (Bruckert et Parent, 2002). Ainsi Skeldon (2000:
12), dans une recherche réalisée pour l’Organisation mondiale du commerce soutien qu’en
Asie le crime organisé n’a pas le monopole du trafic. D’après lui, des individus isolés ou des
petits groupes criminels de diverses régions seraient également actifs dans ce
domaine.(Bruckert et Parent, 2002, p.15-16). Pour d’autres auteurs, tels que Finckenauer
(dans Salt et Hogarth, 2000 : 53), il est dès plus important de faire la différence entre des
activités criminelles et le crime organisé : « Les activités criminelles peuvent impliquer une
bonne organisation et durer un certain temps mais une fois le travail accompli, le groupe se
dissout; le crime organisé, par contre, renvoie à une organisation dont l’existence est stable et
qui s’implique dans des activités criminelles diverses. » (Bruckert et Parent, 2002, p.14).
Que le trafic des femmes soit contrôlé par des groupes criminalisés ou par des individus
isolés, il demeure qu’une des causes premières du trafic sexuel est bel et bien l’appât du gain.
Toutefois, à moins de vouloir se leurrer, ce sont d’abord et avant tout les clients, des hommes
en très grande majorité, qui génèrent ce phénomène et qui contribuent à son expansion.
5- Le trafic sexuel au Canada et au Québec
Le trafic sexuel, nous l’avons déjà mentionné, touche la
majorité des pays18 : le Canada ne fait pas exception.
Toutefois, aucun chiffre exact sur le problème du trafic sexuel n’est pour l’instant
disponible (U.S. Départment of state, 2001) :
18
Pour un aperçu de la situation internationale, il suffit de lire les pages consacrées au trafic sexuel dans la
recherche du Conseil du statut de la femme (2002), La prostitution : Profession ou exploitation ? Une réflexion
à poursuivre, ou dans celle de Geadah (2003), La prostitution. Un métier comme un autre?.
23
L’étendue du problème n’a pas été bien documentée, et il existe peu de
données objectives. Cependant, surtout à l’échelle internationale, une
quantité considérable de données non scientifiques dénotent l’existence
du trafic des femmes. Nos constatations ont confirmé que l’information
sur le trafic des femmes à l’échelle fédérale au Canada est très limitée et
qu’il sera difficile de combler les besoins d’information précisés. (CIC,
2000, p. 1)
Même s’il est difficile de documenter l’étendue du problème en raison de son caractère
complexe et clandestin, même si les informations sur la situation canadienne et sur la
situation québécoise demeurent limitées et demandent un élargissement des données tout
comme un approfondissement des analyses, un premier portrait indicatif se dégage à travers
la littérature des cinq dernières années.
D’abord, dans une étude commandée par le
Solliciteur Général du Canada, il a été estimé qu’entre 8000 et 16 000 personnes entrent à
chaque année au Canada avec l’aide de passeurs (Porteous, 1998).
Le Canada serait
d’ailleurs un pays de destination pour les individus trafiqués originaires l’Asie de l’Est
(Chine, Thaïlande, Cambodge, Philippines), de l’Europe de l’Est, de la Russie, de
l’Amérique du Sud et de l’Afrique du Sud (U.S. Départment of state, 2001; US Department
of State. 2003) :
Thousands of persons, including at least 15,000 Chinese, have entered
Canada illegally over the last decade. These persons come primarily
from East Asia (especially China and Korea; also Malaysia), Eastern
Europe, Russia, Latin America (including Mexico, Honduras, and Haiti),
and South Africa. Many of these illegal immigrants have paid large
sums to be smuggled to the country and are indentured to their
traffickers upon arrival. Almost all work at lower than minimum wage
and use most of their salaries to pay down their debt at usurious interest
rates. The traffickers use violence to ensure that their clients pay and that
they do not inform the police. Asian women and girls who are smuggled
into Canada often are forced into prostitution. Traffickers use
intimidation and violence, as well as the illegal immigrants' inability to
speak English, to keep these victims from running away or informing the
police. (U.S. Department of state, 2001)
Quant aux femmes et aux enfants victimes de trafic sexuel qui se retrouvent au Canada,
ils proviendraient principalement de l’Asie, de l’Afrique et, depuis quelques années, surtout
de l’Europe de l’Est. D’après un rapport du U.S. Department of state (2001), Toronto et
24
Vancouver seraient les deux points de convergence pour le trafic des personnes et pour le
trafic sexuel des femmes et des enfants :
De façon générale, le Département d’État américain évalue que les
victimes du trafic vers le Canada sont de jeunes femmes trafiquées à des
fins de prostitution ou des personnes qui occuperont des emplois
manuels dans des restaurants, des usines de couture ou dans
l’agriculture. Les groupes criminels organisés ont ciblé le Canada en
raison de ce que le Département d’État américain considère être du
laxisme dans les lois canadiennes sur l’immigration et de la proximité
des frontières américaines. D’ailleurs, Vancouver et Toronto ont été
choisies comme centre d’activité par les groupes criminels. La mafia
sud-asiatique se concentrant davantage dans l’Ouest canadien alors que
la mafia russe s’est installée à Toronto en raison du fait que 150 000
personnes d’origine russe y vivent. (CSF, 2002, p.28)
Pour entrer au Canada, les personnes trafiquées auraient généralement recours au statut
de visiteur ou à celui de réfugié (Caldwell et al. 1997, OIM 1995 cité dans Mc Donald,
Moore et Timoshkina, 2000).
Des femmes entreraient également au Canada par le
truchement de visas accordés aux danseuses exotiques. D’ailleurs, depuis quelques années,
la soi-disant pénurie de danseuses exotiques au Canada (Godfrey, 1998) aurait amené les
propriétaires de clubs à recruter des danseuses nues dans d’autres pays. Ainsi, en 1998, plus
de 500 demandes d’immigration auraient été faites par des femmes travaillant dans des clubs
de danseuses nues étrangers (Bradley, 1998 dans Raymond et Hughes, 2001, traduction
libre). Raymond et Hughes (2001), dans leur étude empirique intitulée Sex Trafficking of
Women in the United States : International and Domestic trends, mentionnent que
[…] certains rapports considèrent cette pratique comme une des causes
de l’augmentation du trafic sexuel et de l’exploitation de la femme en
Amérique du Nord. Certains faits montrent qu’il y a un lien entre les
femmes importées au Canada dans les clubs et celles que l’on retrouve
subséquemment dans les réseaux de prostitution. (2001, traduction
libre).19
19
Lorna Tessier, porte parole d’Immigration Canada, souligne que le Canada commence à être de plus en plus
concerné par l’exploitation des femmes venues au Canada pour travailler comme effeuilleuses : « We began to
exercise diligence to make sure what we were processing abroad was what it appeared to be. She said only 824
work authorizations for strippers have been issued since 1998—many of them renewals (in contrast, 4,400
permits for street entertainers were issued between 1994-97» (Jimenez, National post, may 2000).
25
En plus d’être un lieu de destination, le Canada est aussi un lieu de transit vers les
États-Unis.
Toronto et Vancouver seraient les villes de transit par excellence: « Other
traffickers have flown into Toronto and Vancouver and transported the women overland into
the US. Toronto is a popular transit point with the Russians as there are well over 150,000
Russians living there. (Interview with INS, Bangkok, Thailand, February 1999) » (O’Neill,
2000). Selon le U.S. Immigration and Naturalization Service News Release (1998) un grand
nombre des femmes trafiquées vers les États-Unis passerait par le territoire d’Akwesasne : «
It has been estimated that 1300 persons are smuggled yearly through Akwesasne territory
into the United States from the Middle East, Europe and Asia » (Raymond et Hughes, 2001).
La ville de Détroit, l’État de Washington, et le fleuve St-Laurent seraient les autres points
d’entrées par la frontière canadienne vers les États-Unis (Raymond et Hughes, 2001).
Lieu de destination et de transit, le Canada est également, mais dans une moindre
mesure, un lieu d’origine. Ainsi, selon le rapport du U.S. Départment of state de 2002, un «
[…] certain nombre de mineurs d’origine canadienne sont trafiqués vers les États-Unis par
des proxénètes à des fins d’exploitation sexuelle» (CSF, 2002, p.28). Il existerait également
un circuit Canada-Europe-Islande où des prostituées canadiennes obtiendraient des permis de
travail de deux ans pour l’Islande. (Conversation téléphonique avec Ekberg, 2003). Quant au
trafic domestique, il se ferait, selon Ekberg (2001), « […] entre quartiers, d’une ville à
l’autre, et d’un bout à l’autre du pays, de la côte Est à la côte Ouest, pour aboutir en
Californie ou de l’autre côté, dans l’état de New York » (AQOCI, 2001, p.6).
Au Canada, le trafic sexuel serait principalement contrôlé par le crime organisé russe et
asiatique (mafia vietnamienne et chinoise (The Protection Project, 2002b)). Les groupes
criminels qui sont actuellement reconnus pour faire du trafic sexuel au Canada sont : West
Coast Players (Vancouver, trafic des adolescentes vers Los Angeles), Wah Ching, Thai
criminal network, Russian organized crime (O’Neil Richard, 2000).
According to the American Embassy in Bangkok, at least four loosely
organized groups smuggle and traffic Thai women for delivery to US
brothels. They send roughly 20 to 30 women a month to the US and
26
Canada, generally using altered or impostor Thai passports. (O’Neil
Richard, 2000)
Selon le rapport A Human Rights Report on Trafficking of
Persons, Especially Women and Children annually (2002b),
réalisé par The Protection Project,20 deux grandes enquêtes menées par le police
canadienne auraient permis au cours des dix dernières années de mettre à l’ombre de
nombreux trafiquants :
In a high-profile case in Canada, several dozen
Asian women were freed from sexual slavery in a
series of raids by more than 150 police officers
who shut down 10 brothels in Toronto. Police
estimated that the ring supplied 30 to 40 women
every 3 months to about 15 brothels in the
Toronto area. The brokers received approximately
US$16,000 for each woman, who was contracted to
have sex with about 400 men. The brothel owner
would in turn earn up to US$40,000 per woman.
The women were then paid 40 percent of what
their clients were charged. Police estimated
that brothel keepers made as much as US$5
million per year using 100 women. Police also
arrested 15 brothel keepers, bodyguards, and
agents. (The Protection Project. 2002b, p.108b)
In one case, Canadian police arrested more than
40 people in connection with an international
sex-slave ring that involved the sale of
hundreds of Asian women in North America. Women
were recruited in Malaysia and Thailand, taken
into the country of destination on visitor’s
permits, and sold into prostitution. They were
told that they had debts of UK£18,000 (about
US$30,000) that they had to work off. The women
were continually circulated from brothel to
brothel in Canadian (Vancouver and Toronto) and
U.S. (Los Angeles) cities. Police said that as
many as a dozen women a week were brought into
20
«The Protection Project is a legal human rights research institute based at the Johns Hopkins University
School of Advanced International Studies in Washington, D.C. The project documents and disseminates
information about the scope of the problem of trafficking in persons, especially women and children, with a
focus on national and international laws, case law, and implications of trafficking on U.S. and international
foreign policy. The Protection Project has collected the criminal laws concerning trafficking for the purpose of
commercial sexual exploitation from over 190 countries.» (tire de :
http://www.protectionproject.org/main1.htm)
27
Canada and sold into prostitution. (The Protection
Project. 2002b, p.108b)
Le démantèlement de ces réseaux de prostitution tout comme l’arrestation de ces
femmes a eu pour effet de faire réaliser à la population canadienne et aux instances
concernées, que le Canada est bel et bien un pays de destination pour les femmes trafiquées.
Même si les recherches actuelles ne permettent pas de quantifier l’ampleur du
phénomène, on sait que le Canada est touché par le trafic sexuel. Quant au Québec, les
informations concernant le trafic sexuel se font des plus rares. Toutefois, d’après l’étude du
CSF, le Québec ne serait par à l’abri de ce problème :
Ainsi, selon ces sources [informateurs du milieu juridique et des forces
policières], la mafia russe a été très présente au Québec au cours des
dernières années. Elle procédait au trafic des femmes d’origine russe à
l’intérieur de réseaux très bien organisés. Ainsi, en moins de trois
semaines, ces trafiquants réussissaient à recruter des femmes en Russie
et à les installer dans des studios de massage au Québec. (CSF, 2002,
p.30)
Selon le rapport du The Protection Project (2002b), certains clubs de
danseuses nues de Toronto et de Montréal sont d’ailleurs suspectés d’exploiter sexuellement
des jeunes filles provenant de la Malaisie, des Philippines, de Taiwan et de la Thaïlande.
Lors des journées de formation sur La mondialisation de la prostitution et du trafic sexuel
tenues par l’AQOCI, le cas des femmes originaires des Philippines aurait également été
abordé :
La communauté philippine apparaît comme particulièrement vigilante,
compte tenu qu’un nombre important de femmes philippines utilise le
programme fédéral canadien pour les aides familiales. Certains cas de
passage à la prostitution y ont été signalés, et des recherches sont en
cours. (AQOCI, 2001, p.59)
Lors de ces journées de formation, une participante a informé de l’arrivée à Montréal
d’un important contingent de femmes de l’ancienne URSS en transit vers Bruxelles (AQOCI,
2001). Une autre participante a de son côté mentionné qu’au Centre des femmes du Sud-Est
28
asiatique de Montréal, des intervenantes auraient observé, depuis environ cinq ans, l’arrivée
sous le statut de réfugié de femmes et d’enfants de l’Inde, du Bangladesh, du Pakistan. Selon
cette participante, il y aurait là présence de trafic d’êtres humains :
Des trafiquants avides de profits contactent les familles de villages très
pauvres, les incitent à vendre leurs biens et envoyer leurs filles
"travailler" au Canada. À leur arrivée, elles sont laissées seules sur la
rue, avec la complicité des gangs organisés dans la communauté. Leur
extrême vulnérabilité en font des proies faciles pour le marché de la
prostitution. C’est une forme de trafic des humains. (AQOCI, 2001,
p.59)
Ces informations très intéressantes, quoique partielles, devront être complétées et
enrichies au cours de cette recherche. Néanmoins, elles nous indiquent à coup sur que le
Québec n’est pas épargné par le trafic des personnes.
6- La législation canadienne et le trafic des personnes
Jusqu’à tout récemment, le trafic des personnes n’était
pas considéré comme une infraction au Canada. Les trafiquants
faisaient donc rarement l’objet de poursuites devant les
tribunaux. En fait, seuls les délits en lien avec le trafic,
comme l'extorsion, l'enlèvement, la séquestration, les voies de fait, l'agression sexuelle, le
fait de vivre des produits de la prostitution, pouvaient parfois mener à des accusations.
Toutefois, avec l’entrée en vigueur au mois de juin 2002 de la
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (projet de
loi C-11)
visant à renforcer la sécurité publique et nationale (CIC, 2002), la
21
En effet,
situation risque de changer.
maintenant considéré comme une infraction :
le
trafic
est
21
Cette loi, qui, selon CIC, constitue une révision majeure du système d'immigration et d'accueil des réfugiés,
vise deux grands objectifs : « […] fermer la porte aux criminels et autres personnes qui voudraient abuser de la
générosité et de l'ouverture de notre pays, et l'ouvrir plus grande aux réfugiés authentiques et aux immigrants
dont le Canada a besoin » (CIC, juin 2001).
29
Récemment, le Canada a introduit dans la Loi sur l'immigration et la
protection des réfugiés des dispositions visant particulièrement le trafic
des personnes (Article 118). La nouvelle infraction qui prenait effet en
juin 2002 est assortie d'une peine maximale d'emprisonnement à vie ou
d'une amende d'un million de dollars ou les deux. La Loi sur
l'immigration et la protection des réfugiés précise aussi que le fait de
soumettre des victimes du trafic à des traitements humiliants ou
dégradants, y compris en rapport avec les conditions de travail ou de
santé ou l'exploitation sexuelle constitue des circonstances aggravantes
en rapport avec la détermination de la peine applicable à ceux qui
s'adonnent au trafic des humains. (Patrimoine Canada, octobre 2002)
En plus de la nouvelle infraction visant à freiner le trafic des personnes qui est
accompagnée de peines beaucoup plus sévères pour les trafiquants et les passeurs, la Loi sur
l'immigration et la protection des réfugiés étend le pouvoir de détention pour contrôle
d’identité, alourdit les peines prévues en cas de fraude ou d'utilisation de faux documents et
crée une nouvelle infraction générale (amende maximale de 100 000 $ et d'un
emprisonnement maximal de cinq ans) visant les personnes qui conseillent de faire de fausses
présentations (CIC, juin 2001).
Depuis le dépôt du projet de loi C-11 sur
l’immigration
et
la
protection des réfugiés de nombreuses critiques ont été formulées à son endroit.
La plus grande critique adressée à la Loi sur l’immigration et la protection
des réfugiés par ses détracteurs porte sur l’absence de dispositions pour protéger les
droits des victimes de trafic (Oxman-Martinez et Hanley, 2001, 2003 ; Conseil Canadien
pour les réfugiés, 14 et 24 mars 2001; National Association of Women and the Law and al,
2001; Le centre justice et foi 2001).
Le projet de loi aborde le problème de la traite des humains
(asservissement d’êtres humains) par une augmentation des pénalités
pour ce crime. Cependant, le CCR s’inquiète de ne pas y trouver de
dispositions visant à protéger les droits des victimes. (Canadian Council
for Refugees. 21 mars 2001)
30
En fait, plutôt que d’assurer la protection des individus trafiqués, la Loi sur
l’immigration et la protection des réfugiés pénalisent les personnes
victimes de trafic qui ne peuvent fournir de preuve d’identité:
Unfortunately, Bill C-11 does not offer adequate protection to
trafficking victims. Rather, the new Immigration Act tends to involve
trafficking victims in the criminal system, providing for their
incarceration due to their lack of documentation. (Oxman-Martinez et
Hanley, 2001)
Pour Oxman-Martinez et Hanley (2001), les diverses dispositions contenues dans la Loi
sur l’immigration et la protection des réfugiés montre à quel point le
Canada a tendance à aborder la question du trafic des personnes que sous l’angle du contrôle
des frontières : « The limitations of border control as a solitary approach to fighting human
trafficking become apparent in examining the new Immigration Act » (Oxman-Martinez et
Hanley, 2001). Utiliser des mesures punitives (peines plus sévères pour les trafiquants,
augmentation du pouvoir de détention, criminalisation pour possession et utilisation de faux
papiers, etc.) pour contrôler nos frontières et, par extension, pour combattre le trafic des êtres
humains, est d’ailleurs pour plusieurs une solution inefficace et, surtout, néfaste pour les
victimes de trafic.
Inefficace, d’abord parce que les peines plus lourdes imposées aux
trafiquants, même si elles sont les bienvenues, ne touchent que le peu nombre d’entre eux qui
sont présentement arrêtés (Le centre justice et foi, 2001 ; Oxman-Martinez et Hanley, 2001) :
Et contrairement à ce que nos gouvernements affirment souvent, on
s'attaque encore très peu à ces réseaux eux-mêmes. Et ce n'est pas
d'abord parce que la loi actuelle n'est pas assez sévère ou répressive,
mais beaucoup plus par manque de véritable volonté politique (les
immigrants clandestins ont, dans beaucoup de pays occidentaux, une
fonction économique cachée mais fort importante) et de moyens
matériels consacrés à l'application de la loi (entre autres parce que les
gouvernements sont conscients qu'il s'agit d'une «guerre perdue
d'avance» et qu'il s'agit davantage de rassurer l'opinion publique sur «la
protection de nos frontières» que de mettre fin, dans les faits, à
l'immigration illégale). Il faut cependant admettre, à la décharge de nos
gouvernants, qu'il n'est souvent pas facile de remonter jusqu'aux
dirigeants de ces réseaux, que les «victimes» ne se sentent pas toujours
libres de coopérer aux enquêtes et qu'il est toujours beaucoup plus facile
31
et tentant de pénaliser les «victimes» que les responsables. (Le centre
justice et foi, 2001)
Une solution inefficace et, surtout, néfaste pour les victimes, parce que
Plus nous resserrons les contrôles, et plus nous poussons les gens dans
l'illégalité (par l'exigence de visas, par exemple, par la généralisation des
pratiques d'interception ou par nos documents «infalsifiables»),
pénalisant davantage les plus vulnérables et les plus pauvres. (Le centre
justice et foi, 2001).
Enfin, une solution néfaste pour les victimes parce qu’il y a de fortes chances pour que
ces dernières, par peur d’être renvoyées dans leur pays d’origine ou par peur d’être
emprisonnées, hésitent à dénoncer les trafiquants ou même à chercher de l’aide (OxmanMartinez et Hanley, 2001).
En somme, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés augmente, selon
Oxman-Martinez et Hanley (2001;2003), le contrôle des mouvements irréguliers, le contrôle
des frontières sans toutefois s’attarder aux causes du trafic des personnes sans le prévenir et,
surtout, sans mettre en place des mesures pour protéger les droits des victimes de trafic. Il
n’y a pas de doute, le Canada ne remplit pas encore entièrement les exigences de La
Convention contre la criminalité transnationale organisée et de ses deux protocoles
additionnels, le Protocole contre le trafic illicite des migrants par terre, air et mer, et le
Protocole pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes
et des enfants (Conseil Canadien pour les réfugiés, 24 mars 2001 ; Oxman-Martinez et
Hanley, 2003) :
Certaines des dispositions du projet de loi reflètent les protocoles sur
l’introduction clandestine des migrants et sur le trafic de personnes,
signés en décembre 2000 (il s’agit de protocoles à la Convention sur la
criminalité transnationale organisée). Ces protocoles criminalisent les
activités des passeurs et des trafiquants. Donc, par exemple, le projet de
loi ajoute une nouvelle catégorie de nonadmissibilité (Art. 37(1)(b))
pour ceux qui se livrent, dans le cadre de la criminalité transnationale, à
des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le
blanchiment d’argent. Alors que le projet de loi inclut des mesures de
répression inspirées par les protocoles, nous ne voyons pas dans le projet
32
de loi les dispositions dans les protocoles destinées à protéger les
migrants et les victimes du trafic. Le protocole sur le trafic a une série de
mesures visant à protéger les droits des victimes. Le protocole sur
l’introduction clandestine des migrants affirme que les mesures de
criminalisation ne s’appliquent pas aux personnes qui entrent
clandestinement dans un territoire. Le projet de loi C-11, par contre,
n’exempte que les migrants reconnus réfugiés. (Conseil Canadien pour
les réfugiés, 24 mars 2001)
Dans le but de rendre la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés conforme
aux protocoles sur l’introduction clandestine des migrants et sur le trafic de personnes, et
surtout dans le but de protéger les droits des réfugiés et des immigrants, plusieurs
changements sont exigés par les différents auteurs que nous avons consultés : instaurer des
mesures pour protéger les victimes de trafic, et ce qu’elles aient leurs papiers ou non, leur
donner accès aux services gouvernementaux (cours de langues, aide sociale, permis de
travail, etc.) et leur permettent d’appliquer pour la résidence permanente sont les
changements qui sont le plus souvent demandés (Le centre justice et foi, 2001; OxmanMartinez et Hanley, 2001 ; National Association of Women and the Law and al. 2001). Dans
un autre ordre d’idée, Le centre justice et foi souligne qu’ « Il faudrait aussi faire une nette
distinction entre le " smuggler " et le " smugglé ", entre le " passeur " et le " passé " (seul le
smuggler ou le passeur qui le fait " pour un profit intéressé " pouvant être criminalisé et
poursuivi pour abus de personnes) » (2001).
7- Les études canadiennes sur le trafic sexuel
On vient de le voir, peu de données sont présentement disponibles en ce qui concerne la
situation du trafic des femmes et du trafic sexuel au Canada. Pour combler cette lacune,
Condition féminine Canada a subventionné, vers la fin des années quatre-vingt-dix, quatre
recherches portant sur le trafic des femmes. La recherche intitulée Le Canada et le mariage
de Philippines par correspondance : La nouvelle frontière du Philippine Women Centre of
B.C, celle nommée Le trafic des femmes au Canada : une analyse critique du cadre juridique
de l’embauche d’aides familiales immigrantes résidantes et de la pratique de promises par
correspondances de Langevin et Belleau, celle de Mc Donald, Moore et Timoshkina ayant
33
pour titre Les travailleuses migrantes du sexe originaires d’Europe de l’Est et de l’ancienne
Union soviétique : le dossier canadien et, enfin, celle du Toronto Network Against
Trafficking in Women, The Multicultural History Society of Ontario et The Metro Toronto
Chinese and Southeast Asian Legal Clinic intitulée Trafficking in Women Including Thai
Migrant Sex Workers in Canada et Trafficking in Women Including Thai Migrant Sex
Workers in Canada ont toutes été publiées en l’an 2000. De ces quatre recherches, seule
celle de Mc Donald, Moore et Timoshkina et celle du Toronto Network Against Trafficking
in Women, The Multicultural History Society of Ontario et The Metro Toronto Chinese and
Southeast Asian Legal Clinic se penche sur le trafic sexuel.22 Pour cette raison, nous avons
décidé de nous attarder uniquement aux résultats de ces deux recherches.
7.1 La recherche sur le trafic sexuel de Mc Donald, Moore et Timoshkina (2000)
La recherche entreprise par Mc Donald, Moore et Timoshkina avait pour but « […]
d’examiner les expériences de femmes de l'ex-Union soviétique et d'Europe de l'Est qui ont
fait l'objet de trafic au Canada » (Mc Donald, Moore et Timoshkina, 2000, p.2). Leurs
objectifs étaient d’éclairer les circonstances qui ont amené ces femmes au Canada, de
déterminer leurs conditions de travail, de circonscrire la nature de leur travail et de prêter
attention aux tentatives de ces femmes pour transformer leur situation. Les trois chercheures
voulaient également s’attarder aux rôles joués ou qui devraient être joués par les services
sociaux et les services de santé dans la vie de ces femmes.
Les auteures ont choisi de centrer leur étude sur une des villes ayant le plus haut taux de
prostitution au Canada, soit Toronto (Juristat 1993 dans Mc Donald, Moore et Timoshkina,
2000). À cause de la présence du crime organisé dans cette ville, il y avait, selon les
auteures, de fortes chances pour qu’elle soit un lieu de destination pour les femmes victimes
22
Même si dans le cadre de ce bilan des écrits, nous nous attardons qu’à ces deux recherches, il nous semble
important de mentionner que Langevin et Belleau (2000) font brièvement allusion au trafic sexuel dans leur
recherche. En effet, à la page 190, les auteures mentionnent que « […] la pratique des parrainages en série [est]
susceptible de servir de couvert à des réseaux de prostitution internationaux. De plus, nous avons signalé la
présence d'hyperliens dans les sites Internet de PPC qui conduisent à des sites spécialisés dans la promotion du
tourisme sexuel. Ces phénomènes de plus en plus fréquents grâce à la popularisation du cyberespace semblent
suspects en ce qu'ils dissimulent parfois des activités criminelles, comme le proxénétisme » (Langevin et
Belleau, 2000, p.190).
34
de trafic provenant de la Russie ou de l’Europe de l’est. De plus, à Toronto, il apparaissait
possible de rencontrer un nombre suffisant de femmes trafiquées pour mener à bien
l’enquête. Malgré cette précaution, trouver des personnes en mesure de témoigner a été
l’obstacle le plus grand auquel ont été confrontées les trois chercheures. Au total, et malgré
de nombreux efforts de leur part,23 seulement vingt femmes ont été interviewées, dont deux
travailleuses du sexe canadiennes.
Les 18 femmes immigrantes de l’étude sont arrivées au Canada après 1992, soit après la
chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS, et étaient, pour la grande majorité
d’entre elles, âgées entre 18 et 26 ans. Ces femmes, qui n’avaient jamais travaillé dans
l’industrie du sexe dans leur pays d’origine, avaient toutes complété l’équivalent de leurs
études secondaires, et trois d’entre elles possédaient même un diplôme universitaire. Selon
ces auteures, qui se référent à la définition du trafic tirée du rapport de Wijers et Lap-Chew
(1997), sur les vingt femmes rencontrées, seulement neuf auraient fait l’objet de trafic. Ces
neuf femmes ne se percevaient pas pour autant comme ayant été trafiquées : « Elles ne se
considéraient pas comme des « victimes », estimaient que leurs expériences étaient
relativement « normales », que le trafic n'arrive qu'aux autres et que c'est une « mauvaise
chose » (Mc Donald, Moore et Timoshkina, 2000, p. 39).
Comme dans la majorité des recherches sur le sujet, c’est le contexte économique et
politique difficile dans leur pays d’origine qui a incité les femmes à vouloir migrer. Pour les
recruter, les trafiquants ont utilisé différentes stratégies, dont les annonces dans les journaux
et le bouche à oreille. La majorité de ces femmes se sont faites tromper par de fausses
promesses pour un avenir meilleur. De fait, la duperie et le mensonge sont omniprésents
dans le trafic des femmes. Toutefois, certaines des femmes rencontrées par Mc Donald,
23
Diverses stratégies ont été employées pour tenter de rejoindre ces femmes : annonces publiées dans des
journaux russes et est-européens (25 réponses) ; une émission de télévision locale en russe a permis à une
chercheure de lancer un appel (0 réponse) ; les chercheures ont communiqué directement avec 16 studios de
massage pour demander aux femmes de participer à des interviews (10 réponses) ; sollicitation de 16 entreprises
spécialisées dans des services pour adultes (2 réponses) ; un sondage de type boule de neige auprès des femmes
et des propriétaires de studios de massage ; deux mises en contact de la police ; neuf mises en contact par des
organismes de services sociaux. En ce qui concerne les observations participantes, elles ont eu lieu à plusieurs
endroits soit : participation à une descente dans un club de striptease ; participation à un atelier de
déjudiciarisation ; participation à deux audiences pour des femmes victimes de trafic (McDonald, Moore et
Timoshkina, 2000).
35
Moore et Timoshkina ont reconnu avoir eu des doutes sur ce qui les attendait une fois
rendues au Canada mais n’avoir, en quelque sorte, rien fait pour arrêter le processus :
Ouais, Je savais qu'il se passait quelque chose. Je savais, mais je n'ai
rien fait... c'est comme lorsqu'on sait qu'il y a du feu, que ça va brûler,
mais qu'on continue d'avancer. (Travailleuse du sexe originaire de
Hongrie, club de striptease, p.48)
De par leur situation économique plutôt précaire, ces femmes sont donc plus
vulnérables au trafic. D’après les auteures, « certaines femmes impatientes de quitter une
situation loin d’être parfaite, à la recherche d’une vie meilleure, peuvent avoir été
désespérées au point de croire n’importe quoi et n’importe qui, à condition d’y voir une
possibilité de changer la situation » (McDonald, Moore et Timoshkina, 2000, p. 48).
Treize des 18 femmes immigrantes sont venues au Canada en tant que visiteuses, trois
en tant qu’immigrantes de la catégorie famille, une comme réfugiée alors qu’une dernière
avait un faux permis de travail. Plusieurs d’entre elles avaient par conséquent un statut
précaire qui, une fois le temps de séjour expiré, donnait beaucoup de pouvoir aux trafiquants;
ces derniers les menaçant à tout instant de les dénoncer si elles ne faisaient pas ce qui leur
était demandé.
Une fois arrivées au Canada, ces femmes ont été dans l’obligation de
travailler dans des salons de massage ou dans des clubs de danseuses nues pour survivre.
Toutes ont dû, à un moment où à un autre, se prostituer : celles travaillant dans des clubs de
danseuses nues, majoritairement des femmes victimes de trafic, ayant à le faire plus
fréquemment que les femmes se retrouvant dans les salons de massage.
Parce que ces femmes n’ont pas de permis de travail, elles sont, en quelque sorte,
prisonnières de l’industrie du sexe pour assurer leur survie économique. Plusieurs d’entre
elles affirment à cet égard gagner beaucoup plus d’argent en travaillant dans cette industrie
que lorsqu’elles exerçaient un emploi dans leur pays d’origine. Toutefois, l’industrie du sexe
exige de nombreux frais qui les cantonnent dans le réseau :
Ces frais permanents [versés aux clubs, pour l’animateur, pour
l’utilisation des salons VIP, pour les retards, etc.] défavorisaient les
36
femmes en les empêchant de mettre de l’argent de côté, en les incitant à
travailler plus longtemps et en les liant davantage à l’industrie. (Mc
Donald, Moore et Timoshkina, 2000, p.52)
Bref, nous disent les auteures, l’industrie du sexe procure à ces femmes juste assez
d’argent pour les maintenir dans le milieu. Quant à leur environnement de travail, il est
caractérisé par des conditions insalubres et par une exposition quasi-permanente aux
drogues. La relation entre les travailleuses du sexe elles-mêmes est caractérisée par une
vive concurrence voire même une animosité constante. Les femmes rencontrées dans le
cadre de cette recherche ont dit préférer se regrouper avec des travailleuses du sexe du
même groupe ethnique qu’elles.
La création d’enclaves ethniques tout comme la
concurrence entre et à l’intérieur même de ces groupes seraient d’ailleurs savamment
entretenues par les propriétaires de clubs de danseuses nues qui évitent ainsi que les
femmes puissent s’entraider. L’environnement de travail est également caractérisé par la
violence. Les femmes ont dit craindre pour leur sécurité les clients tout comme leurs
patrons étant parfois violents avec elles. Malgré ce contexte économique et social très dur,
peu de femmes ont réussi à quitter l'industrie. Celles qui le font, quittent généralement
après avoir été arrêtées par la police.
L’étude de Mc Donald, Moore et Timoshkina s’est également attardée aux services
sociaux et aux services de santé qui peuvent être utilisés par ces femmes. À ce chapitre, très
peu de personnes travaillant pour de tels organismes ont été en contact avec des femmes de
l’Europe de l’Est ayant été victimes de trafic. Parce que ces femmes n’ont pas accès ou
croient ne pas pouvoir avoir accès aux services sociaux canadiens, elles n’ont donc à peu près
jamais recours à ces services : « Les femmes n'utilisent pas les services parce qu'elles ne
croient pas en avoir besoin. Ce sont des immigrantes clandestines, et elles ne croient pas
qu'on leur permettrait d'utiliser les services, dont elles ignorent l'existence ou le
fonctionnement, ou encore elles ne savent pas où les trouver » (McDonald, Moore et
Timoshkina, 2000, p.VI). L’étude de McDonald, Moore et Timoshkina montre à quel point
le rôle des services sociaux et des services de santé est restreint et limité dans le cadre de
cette problématique.
37
L’étude de McDonald, Moore et Timoshkina a donc eu le grand mérite de décrire, pour
une première fois, la situation des femmes ayant été trafiquées vers le Canada. De plus, leur
recherche a permis de montrer la sous-utilisation des services sociaux par ces immigrantes
clandestines.
Une sous-utilisation qui serait liée à la peur qu’ont ces femmes d’être
dénoncées tout comme à leur méconnaissance de ces services.24
7.2 La recherche du Toronto Network Against Trafficking in Women, The
Multicultural History Society of Ontario et The Metro Toronto Chinese and Southeast
Asian Legal Clinic (2000)
La recherche réalisée par le Toronto Network Against Trafficking in Women, The
Multicultural History Society of Ontario et The Metro Toronto Chinese and Southeast Asian
Legal Clinic avait pour but premier de documenter la question du trafic sexuel des femmes
au Canada. Pour ce faire, les auteurs ont interviewé des femmes arrêtées dans le cadre d’une
enquête, d’une durée de 7 mois, qui fut conduite en 1998 dans le Toronto métropolitain par
Le Toronto Combined Forces Special Enforcement Unit et l'Immigration and Naturalization
Service des É.-U afin d'arrêter le trafic transfrontalier de femmes.25 À l’aide d’entrevues
semi-structurées, les auteurs de cette recherche ont cherché à savoir comment ces migrantes
qui travaillaient dans l’industrie du sexe ont réagi aux divers événements précédents et
suivants leur arrestation et comment elles ont été affectées par les politiques et les lois
canadiennes. Huit femmes thaïlandaises entrées illégalement au Canada et travaillant dans
l’industrie du sexe ont donc été interviewées. Désirant également documenter l’expérience
des personnes et des organismes qui ont côtoyé ces migrantes après leur arrestation, les
auteurs ont réalisé un total de dix entrevues auprès de prestataires de services sociaux et de
santé, d’avocats, d’interprètes, etc.26
24
En s’inspirant des propos tenus par les intervenants-es et par ces vingt femmes, Mc Donald, Moore et
Timoshkina ont également proposé neuf grandes recommandations dans le but d’améliorer les politiques liées à
la prestation des services de santé et des services sociaux à ces femmes. Pour avoir plus d’informations au sujet
des recommandations formulées par Mc Donald, Moore et Timoshkina (2000), voir en annexe B.
25
Dans le cadre de cette enquête, mieux connue sous le nom de Projet Orphan, environ quarante personnes ont
été arrêtées et 750 accusations ont été portées en matière de prostitution et d'immigration. Ce réseau de
prostitution faisait des profits de 2 à 3 millions de dollars par an. (Gendarmerie Royale du Canada, Rapport sur
le rendement, 1998, p.31é).
26
À noter que seul les policiers n’ont pas voulu participer à cette recherche.
38
Entrées illégalement au Canada, à l’aide d’agents opérant de la Thaïlande, les 8 femmes
rencontrées par les auteurs, ont toutes affirmé ne pas avoir été forcées de quitter leur pays,
ne pas avoir été victimes de menaces lors de leur recrutement, lors de leur transport et,
même, lors de leur entrée dans le monde de la prostitution. Bien que ces femmes ont reconnu
ne pas avoir été forcées ou menacées, certaines d’entre-elles ont toutefois admis avoir été
trompées quant à leur statut et à leur condition de travail qui les attendaient une fois rendues
au Canada :
The women did not indicate that they were "forced" or "coerced" to
come to Canada or to enter prostitution, nor were any kidnapped. Some
suggested, however, that they were misled into believing that their
working conditions would be considerably better than what they
encountered, and others believed that they would be able to exercise
some control over their work. What appeared to be a common feature
was that the women were led to believe that they could legally work in
Canada as sex workers. Some information was intentionally withheld
from the women, particularly with regard to their immigration status and
the criminal charges that they subsequently faced. (Toronto Network
Against Trafficking in Women and al., 2000, p.5)
Désirant rembourser le plus rapidement possible la dette qu’elles avaient contractée et
qui se chiffrait entre 35 000$ et 40 000$ pour chacune d’entre elles, ces femmes
commencèrent à travailler dans l’industrie du sexe dès leur arrivée au Canada :
Once a woman entered Canada, the establishment owner paid off the
agent. Upon arrival, she began working immediately in order to pay off
her debt to the establishment owners. Only those who landed in one city
and were then transported to another were allowed to rest for a day or
two. The amount of the debt imposed ranged from $35,000 to $40,000.
These debts were calculated on the basis of the number of clients to be
served; they could be repaid in cash. (Toronto Network Against
Trafficking in Women and al., 2000, p.54)
Évidemment, la période durant laquelle ces femmes remboursaient leur dette les plaçait
dans une situation de grande vulnérabilité et de dépendance vis-à-vis les propriétaires de club
de danseuses :
39
The majority relied entirely on the establishment owner to provide such
basics as shelter, food, condoms, medical care, personal purchases,
family remittances and transportation. Some women were provided with
adequate food and accommodations; others complained about the
substandard work and living conditions. (Toronto Network Against
Trafficking in Women and al., 2000, p.55)
Une fois leur dette remboursée, ces 8 immigrantes illégales, continuèrent, non par choix
mais bien par nécessité, à travailler dans l’industrie de du sexe :
After this period, which ranged from two to six months, depending on
how quickly a woman worked, the women reported that they would split
income with the owners in the ratio of sixty to forty, as did local sex
workers. They determined their own hours of work, which was one of
the few conditions that they controlled. (Toronto Network Against
Trafficking in Women and al., 2000, p.55)
Bref, et c’est ce que nous expliquent les auteurs tout au long de leur étude, c’est bien
davantage la situation économique précaire de ces 8 femmes qui les a conduit directement
vers la prostitution que les menaces d’un quelconque trafiquant. Isolées et stigmatisées de
par leur statut d’immigrante illégale et de par la nature de leur travail, ces femmes ne purent
ni être aidées par les services sociaux et de santé ni être protégées par les lois canadiennes du
travail. Pour les auteurs, une chose est certaine, ces femmes travaillant dans l’industrie du
sexe, qu’elles aient été victimes de trafic sexuel ou non, sont des femmes qui avaient d’abord
et avant tout besoin de protection :
This study is therefore based on an assumption that migrant women who
work in the sex industry, whether or not they are trafficked, are women
in need of protection. They are highly stigmatized because of their
occupation, and marginalized because of their racial and disadvantaged
economic backgrounds. They have limited access to employment and
services in destination countries. In addition, on a global scale, racist
state policies, and regressive and repressive immigration and prostitution
laws in countries of destination, account in part for the exploitation of
migrant women. These policies serve to push the international sex trade
further underground and increase women's reliance on potentially
abusive individuals and organizations including those representing the
state. (Toronto Network Against Trafficking in Women and al., 2000,
p.6)
40
Une fois arrêtées et incarcérées, ces femmes n’eurent même pas le droit à un traitement
équitable de la part des diverses parties impliquées dans les événements qui suivirent les
arrestations (police, interprète, consulat, etc.). Dès les arrestations, les policiers manquèrent
à leurs devoirs les plus élémentaires : les charges qui pesaient contre les femmes tout comme
leurs droits ne leur furent jamais expliqués, ces femmes n’eurent pas le droit de faire un appel
téléphonique, elles ne reçurent que deux couvertures à partager entre vingt personnes, etc.
Une femme expliqua même que les fouilles corporelles auxquelles elles durent se soumettre
furent effectuées dans une pièce à aire ouverte :
Once inside, the women underwent strip searches. While carried out in a
private room, the door was left open so that those outside were able to
see in. Remembering the "disgraceful " strip search, a woman said. "We
were told to enter the room, one by one, for another strip search. We
had to take off our clothes, as told, and the room door remained open.
We were so embarrassed and humiliated, but could not do anything.
(Toronto Network Against Trafficking in Women and al., 2000, p.30).
Les interprètes pour leur part ne firent pas tellement mieux leur travail. Ils semblaient
d’ailleurs tout faire pour que les femmes plaident coupable le plus rapidement possible :
We were told by the interpreter to plead guilty, but none of us did
because we did not know what would happen after that. […] Each time
we went to court it was different. The court interpreter asked if we
wanted to plead guilty. She said that she would help us. But no one
decided to plead guilty because we were afraid. The next time we were
in court, the court interpreter encouraged us to plead guilty.
Fortunately, there were volunteers who approached us and told us the
consequences if we were to plead guilty. We therefore decided not to
plead guilty and waited to see what the court would say. (Toronto
Network Against Trafficking in Women and al., 2000, p.35).
Pour sa part, le consulat de Thaïlande fut très embarrassé par toute cette affaire qui
impliquait des criminelles. Comme seule aide, le Consulat offrit aux femmes arrêtées de les
rapatrier à condition toutefois qu’elles remboursent les frais de leur voyage une fois de retour
dans leur pays :
41
The women would learn that the consular services of the Thai
government were for the middle classes and people of commerce, not for
those who worked in the sex trade and/or ran afoul of the law. The Thai
government, for example, indicated that it was prepared to offer food,
shelter and assistance in repatriation to Thai nationals abroad who were
displaced by war or natural disasters and, it would do so, for the most
part, free of charge. However, the Thai government did not see fit to
provide assistance in any form to those facing criminal charges and
stipulated that the cost of repatriation was to be reimbursed after their
safe return” (Toronto Network Against Trafficking in Women and al.,
2000, p.37-38).
En somme, nous disent les auteurs, l’expérience de ces femmes, qu’elle corresponde ou
non aux diverses définitions du trafic, montre que leurs droits fondamentaux ont été violés
(droit à un traitement équitable, droit d’avoir un avocat, droit d’avoir de l’informations
précises et des interprètes compétents et objectifs) par les agents gouvernementaux canadiens
et par les représentants du gouvernement thaïlandais au Canada.
Pour que ce genre
d’événements ne se reproduisent plus et, surtout, pour que les étrangères travaillant dans
l’industrie du sexe et/ou les femmes victimes de trafic sexuel femmes soient protégées, un
programme national pour venir en aide à ces femmes (soin de santé, assistance financière,
formation pour l’emploi, logement) doit, selon les auteurs, impérativement être mis sur
pied.27
27
Voir en annexe C, pour les recommandations élaborées par les auteures.
42
Conclusion
Le trafic sexuel, on l’a vu, est un phénomène inquiétant qui n’est pas encore
suffisamment cerné. Touchant presque tous les pays, le trafic sexuel est contrôlé en grande
partie par les réseaux du crime organisé qui, pour tirer des revenus considérables, utilisent
des femmes et des jeunes filles désirant échapper à des conditions de vie difficile. Le Canada
est lui aussi touché par ce problème. D’après certains renseignements, le Québec ne serait
pas épargné. Puisque très peu de données sont disponibles sur la situation canadienne et
québécoise, il s’avère essentiel de pousser plus loin les investigations car tant que nous
n’aurons pas un portrait plus détaillé de la situation, il sera extrêmement difficile de mettre en
œuvre des mesures efficaces pour enrayer ce fléau et surtout pour venir en aide aux
personnes trafiquées.
Notre recherche apportera une contribution utile tant qu’à la
compréhension du phénomène qu’à l’identification de mesures pour contribuer à sa
résorption.
43
Annexe A
Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants
Préambule
Les États Parties au présent Protocole,
Déclarant qu'une action efficace visant à prévenir et combattre
la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, exige de
la part des pays d'origine, de transit et de destination une approche globale
et internationale comprenant des mesures destinées à prévenir une telle
traite, à punir les trafiquants et à protéger les victimes de cette traite,
notamment en faisant respecter leurs droits fondamentaux
internationalement reconnus,
Tenant compte du fait que, malgré l'existence de divers
instruments internationaux qui renferment des règles et des dispositions
pratiques visant à lutter contre l'exploitation des personnes, en particulier
des femmes et des enfants, il n'y a aucun instrument universel qui porte
sur tous les aspects de la traite des personnes,
Préoccupés par le fait que, en l'absence d'un tel instrument, les
personnes vulnérables à une telle traite ne seront pas suffisamment
protégées,
Rappelant la résolution 53/111 de l'Assemblée générale du 9
décembre 1998, dans laquelle l'Assemblée a décidé de créer un comité
intergouvernemental spécial à composition non limitée chargé d'élaborer
une convention internationale générale contre la criminalité transnationale
organisée et d'examiner s'il y avait lieu d'élaborer, notamment, un
instrument international de lutte contre la traite des femmes et des enfants,
Convaincus que le fait d'adjoindre à la Convention des Nations
Unies contre la criminalité transnationale organisée un instrument
international visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants, aidera à prévenir et combattre ce
type de criminalité,
44
Sont convenus de ce qui suit :
I. Dispositions générales
Article premier
Relation avec la Convention des Nations Unies
contre la criminalité transnationale organisée
1. Le présent Protocole complète la Convention des Nations
Unies contre la criminalité transnationale organisée. Il est interprété
conjointement avec la Convention.
2.
Les dispositions de la Convention s'appliquent mutatis
mutandis au présent Protocole, sauf disposition contraire dudit Protocole.
3. Les infractions établies conformément à l'article 5 du
présent Protocole sont considérées comme des infractions établies
conformément à la Convention.
Article 2
Objet
Le présent Protocole a pour objet :
a) De prévenir et de combattre la traite des personnes, en
accordant une attention particulière aux femmes et aux enfants;
b) De protéger et d'aider les victimes d'une telle traite en
respectant pleinement leurs droits fondamentaux; et
c) De promouvoir la coopération entre les États Parties en vue
d'atteindre ces objectifs.
Article 3
Terminologie
45
Aux fins du présent Protocole :
a)
L'expression « traite des personnes » désigne le
recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de
personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres
formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou
d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de
paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne
ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation
comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou
d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés,
l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le
prélèvement d'organes;
b) Le consentement d'une victime de la traite des personnes à
l'exploitation envisagée, telle qu'énoncée à l'alinéa a) du présent article, est
indifférent lorsque l'un quelconque des moyens énoncés à l'alinéa a) a été
utilisé;
c) Le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou
l'accueil d'un enfant aux fins d'exploitation sont considérés comme une «
traite des personnes » même s'ils ne font appel à aucun des moyens
énoncés à l'alinéa a) du présent article;
d)
de 18 ans.
Le terme « enfant » désigne toute personne âgée de moins
Article 4
Champ d'application
Le présent Protocole s'applique, sauf disposition contraire, à la
prévention, aux enquêtes et aux poursuites concernant les infractions
établies conformément à son article 5, lorsque ces infractions sont de
nature transnationale et qu'un groupe criminel organisé y est impliqué,
ainsi qu'à la protection des victimes de ces infractions.
Article 5
Incrimination
1. Chaque État Partie adopte les mesures législatives et autres
nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale aux actes
46
énoncés à l'article 3 du présent Protocole, lorsqu'ils ont été commis
intentionnellement.
2.
Chaque État Partie adopte également les mesures
législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d'infraction
pénale :
a) Sous réserve des concepts fondamentaux de son système
juridique, au fait de tenter de commettre une infraction établie
conformément au paragraphe 1 du présent article;
b)
Au fait de se rendre complice d'une infraction établie
conformément au paragraphe 1 du présent article; et
c) Au fait d'organiser la commission d'une infraction établie
conformément au paragraphe 1 du présent article ou de donner des
instructions à d'autres personnes pour qu'elles la commettent.
II. Protection des victimes de la traite
des personnes
Article 6
Assistance et protection accordées aux victimes de la traite des personnes
1. Lorsqu'il y a lieu et dans la mesure où son droit interne le
permet, chaque État Partie protège la vie privée et l'identité des victimes
de la traite des personnes, notamment en rendant les procédures judiciaires
relatives à cette traite non publiques.
2. Chaque État Partie s'assure que son système juridique ou
administratif prévoit des mesures permettant de fournir aux victimes de la
traite des personnes, lorsqu'il y a lieu :
a)
Des informations sur les procédures judiciaires et
administratives applicables;
b)
Une assistance pour faire en sorte que leurs avis et
préoccupations soient présentés et pris en compte aux stades appropriés de
la procédure pénale engagée contre les auteurs d'infractions, d'une manière
qui ne porte pas préjudice aux droits de la défense.
3.
Chaque État Partie envisage de mettre en œuvre des
mesures en vue d'assurer le rétablissement physique, psychologique et
47
social des victimes de la traite des personnes, y compris, s'il y a lieu, en
coopération avec les organisations non gouvernementales, d'autres
organisations compétentes et d'autres éléments de la société civile et, en
particulier, de leur fournir :
a)
Un logement convenable;
b) Des conseils et des informations, concernant notamment
les droits que la loi leur reconnaît, dans une langue qu'elles peuvent
comprendre;
c)
Une assistance médicale, psychologique et matérielle; et
d)
Des possibilités d'emploi, d'éducation et de formation.
4.
Chaque État Partie tient compte, lorsqu'il applique les
dispositions du présent article, de l'âge, du sexe et des besoins spécifiques
des victimes de la traite des personnes, en particulier des besoins
spécifiques des enfants, notamment un logement, une éducation et des
soins convenables.
5. Chaque État Partie s'efforce d'assurer la sécurité physique
des victimes de la traite des personnes pendant qu'elles se trouvent sur son
territoire.
6. Chaque État Partie s'assure que son système juridique
prévoit des mesures qui offrent aux victimes de la traite des personnes la
possibilité d'obtenir réparation du préjudice subi.
Article 7
Statut des victimes de la traite des personnes
dans les États d'accueil
1. En plus de prendre des mesures conformément à l'article 6
du présent Protocole, chaque État Partie envisage d'adopter des mesures
législatives ou d'autres mesures appropriées qui permettent aux victimes
de la traite des personnes de rester sur son territoire, à titre temporaire ou
permanent, lorsqu'il y a lieu.
2. Lorsqu'il applique la disposition du paragraphe 1 du présent
article, chaque État Partie tient dûment compte des facteurs humanitaires
et
personnels.
48
Article 8
Rapatriement des victimes de la traite des personnes
1. L'État Partie dont une victime de la traite des personnes est
ressortissante ou dans lequel elle avait le droit de résider à titre permanent
au moment de son entrée sur le territoire de l'État Partie d'accueil facilite
et accepte, en tenant dûment compte de la sécurité de cette personne, le
retour de celle-ci sans retard injustifié ou déraisonnable.
2. Lorsqu'un État Partie renvoie une victime de la traite des
personnes dans un État Partie dont cette personne est ressortissante ou
dans lequel elle avait le droit de résider à titre permanent au moment de
son entrée sur le territoire de l'État Partie d'accueil, ce retour est assuré
compte dûment tenu de la sécurité de la personne, ainsi que de l'état de
toute procédure judiciaire liée au fait qu'elle est une victime de la traite, et
il est de préférence volontaire.
3. À la demande d'un État Partie d'accueil, un État Partie
requis vérifie, sans retard injustifié ou déraisonnable, si une victime de la
traite des personnes est son ressortissant ou avait le droit de résider à titre
permanent sur son territoire au moment de son entrée sur le territoire de
l'État Partie d'accueil.
4. Afin de faciliter le retour d'une victime de la traite des
personnes qui ne possède pas les documents voulus, l'État Partie dont cette
personne est ressortissante ou dans lequel elle avait le droit de résider à
titre permanent au moment de son entrée sur le territoire de l'État Partie
d'accueil accepte de délivrer, à la demande de l'État Partie d'accueil, les
documents de voyage ou toute autre autorisation nécessaires pour
permettre à la personne de se rendre et d'être réadmise sur son territoire.
5.
Le présent article s'entend sans préjudice de tout droit
accordé aux victimes de la traite des personnes par toute loi de l'État Partie
d'accueil.
6. Le présent article s'entend sans préjudice de tout accord ou
arrangement bilatéral ou multilatéral applicable régissant, en totalité ou en
partie, le retour des victimes de la traite des personnes.
III. Prévention, coopération et autres mesures
Article 9
Prévention de la traite des personnes
49
1. Les États Parties établissent des politiques, programmes et
autres mesures d'ensemble pour :
a)
Prévenir et combattre la traite des personnes; et
b)
Protéger les victimes de la traite des personnes, en
particulier les femmes et les enfants, contre une nouvelle victimisation.
2. Les États Parties s'efforcent de prendre des mesures telles
que des recherches, des campagnes d'information et des campagnes dans
les médias, ainsi que des initiatives sociales et économiques, afin de
prévenir et de combattre la traite des personnes.
3.
Les politiques, programmes et autres mesures établis
conformément au présent article incluent, selon qu'il convient, une
coopération avec les organisations non gouvernementales, d'autres
organisations compétentes et d'autres éléments de la société civile.
4.
Les États Parties prennent ou renforcent des mesures,
notamment par le biais d'une coopération bilatérale ou multilatérale, pour
remédier aux facteurs qui rendent les personnes, en particulier les femmes
et les enfants, vulnérables à la traite, tels que la pauvreté, le sousdéveloppement et l'inégalité des chances.
5. Les États Parties adoptent ou renforcent des mesures
législatives ou autres, telles que des mesures d'ordre éducatif, social ou
culturel, notamment par le biais d'une coopération bilatérale et
multilatérale, pour décourager la demande qui favorise toutes les formes
d'exploitation des personnes, en particulier des femmes et des enfants,
aboutissant à la traite.
Article 10
Échange d'informations et formation
1. Les services de détection, de répression, d'immigration ou
d'autres services compétents des États Parties coopèrent entre eux, selon
qu'il convient, en échangeant, conformément au droit interne de ces États,
des informations qui leur permettent de déterminer :
a) Si des personnes franchissant ou tentant de franchir une
frontière internationale avec des documents de voyage appartenant à
d'autres personnes ou sans documents de voyage sont auteurs ou victimes
de la traite des personnes;
50
b) Les types de documents de voyage que des personnes ont
utilisés ou tenté d'utiliser pour franchir une frontière internationale aux
fins de la traite des personnes; et
c) Les moyens et méthodes utilisés par les groupes criminels
organisés pour la traite des personnes, y compris le recrutement et le
transport des victimes, les itinéraires et les liens entre les personnes et les
groupes se livrant à cette traite, ainsi que les mesures pouvant permettre de
les découvrir.
2. Les États Parties assurent ou renforcent la formation des
agents des services de détection, de répression, d'immigration et d'autres
services compétents à la prévention de la traite des personnes. Cette
formation devrait mettre l'accent sur les méthodes utilisées pour prévenir
une telle traite, traduire les trafiquants en justice et faire respecter les
droits des victimes, notamment protéger ces dernières des trafiquants. Elle
devrait également tenir compte de la nécessité de prendre en considération
les droits de la personne humaine et les problèmes spécifiques des femmes
et des enfants, et favoriser la coopération avec les organisations non
gouvernementales, d'autres organisations compétentes et d'autres éléments
de la société civile.
3. Un État Partie qui reçoit des informations se conforme à
toute demande de l'État Partie qui les a communiquées soumettant leur
usage à des restrictions.
Article 11
Mesures aux frontières
1. Sans préjudice des engagements internationaux relatifs à la
libre circulation des personnes, les États Parties renforcent, dans la mesure
du possible, les contrôles aux frontières nécessaires pour prévenir et
détecter la traite des personnes.
2. Chaque État Partie adopte les mesures législatives ou autres
appropriées pour prévenir, dans la mesure du possible, l'utilisation des
moyens de transport exploités par des transporteurs commerciaux pour la
commission des infractions établies conformément à l'article 5 du présent
Protocole.
3.
Lorsqu'il y a lieu, et sans préjudice des conventions
internationales applicables, ces mesures consistent notamment à prévoir
l'obligation pour les transporteurs commerciaux, y compris toute
compagnie de transport ou tout propriétaire ou exploitant d'un quelconque
51
moyen de transport, de vérifier que tous les passagers sont en possession
des documents de voyage requis pour l'entrée dans l'État d'accueil.
4.
Chaque État Partie prend les mesures nécessaires,
conformément à son droit interne, pour assortir de sanctions l'obligation
énoncée au paragraphe 3 du présent article.
5. Chaque État Partie envisage de prendre des mesures qui
permettent, conformément à son droit interne, de refuser l'entrée de
personnes impliquées dans la commission des infractions établies
conformément au présent Protocole ou d'annuler leur visa.
6. Sans préjudice de l'article 27 de la Convention, les États
Parties envisagent de renforcer la coopération entre leurs services de
contrôle aux frontières, notamment par l'établissement et le maintien de
voies de communication directes.
Article 12
Sécurité et contrôle des documents
Chaque État Partie prend les mesures nécessaires, selon les
moyens disponibles :
a)
Pour faire en sorte que les documents de voyage ou
d'identité qu'il délivre soient d'une qualité telle qu'on ne puisse facilement
en faire un usage impropre et les falsifier ou les modifier, les reproduire ou
les délivrer illicitement; et
b) Pour assurer l'intégrité et la sécurité des documents de
voyage ou d'identité délivrés par lui ou en son nom et pour empêcher qu'ils
ne soient créés, délivrés et utilisés illicitement.
Article 13
Légitimité et validité des documents
À la demande d'un autre État Partie, un État Partie vérifie,
conformément à son droit interne et dans un délai raisonnable, la légitimité
et la validité des documents de voyage ou d'identité délivrés ou censés
avoir été délivrés en son nom et dont on soupçonne qu'ils sont utilisés pour
la traite des personnes.
52
IV. Dispositions finales
Article 14
Clause de sauvegarde
1. Aucune disposition du présent Protocole n'a d'incidences
sur les droits, obligations et responsabilités des États et des particuliers en
vertu du droit international, y compris du droit international humanitaire et
du droit international relatif aux droits de l'homme et en particulier,
lorsqu'ils s'appliquent, de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967
relatifs au statut des réfugiés ainsi que du principe de non-refoulement qui
y est énoncé.
2. Les mesures énoncées dans le présent Protocole sont
interprétées et appliquées d'une façon telle que les personnes ne font pas
l'objet d'une discrimination au motif qu'elles sont victimes d'une traite.
L'interprétation et l'application de ces mesures sont conformes aux
principes de non-discrimination internationalement reconnus.
Article 15
Règlement des différends
1.
Les États Parties s'efforcent de régler les différends
concernant l'interprétation ou l'application du présent Protocole par voie
de négociation.
2. Tout différend entre deux États Parties ou plus concernant
l'interprétation ou l'application du présent Protocole qui ne peut être réglé
par voie de négociation dans un délai raisonnable est, à la demande de l'un
de ces États Parties, soumis à l'arbitrage. Si, dans un délai de six mois à
compter de la date de la demande d'arbitrage, les États Parties ne peuvent
s'entendre sur l'organisation de l'arbitrage, l'un quelconque d'entre eux
peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice en adressant
une requête conformément au Statut de la Cour.
3. Chaque État Partie peut, au moment de la signature, de la
ratification, de l'acceptation ou de l'approbation du présent Protocole ou de
l'adhésion à celui-ci, déclarer qu'il ne se considère pas lié par le
paragraphe 2 du présent article. Les autres États Parties ne sont pas liés par
le paragraphe 2 du présent article envers tout État Partie ayant émis une
telle réserve.
53
4.
Tout État Partie qui a émis une réserve en vertu du
paragraphe 3 du présent article peut la retirer à tout moment en adressant
une notification au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
Article 16
Signature, ratification, acceptation, approbation et adhésion
1. Le présent Protocole sera ouvert à la signature de tous les
États du 12 au 15 décembre 2000 à Palerme (Italie) et, par la suite, au
Siège de l'Organisation des Nations Unies, à New York, jusqu'au 12
décembre 2002.
2. Le présent Protocole est également ouvert à la signature des
organisations régionales d'intégration économique à la condition qu'au
moins un État membre d'une telle organisation ait signé le présent
Protocole conformément au paragraphe 1 du présent article.
3. Le présent Protocole est soumis à ratification, acceptation
ou approbation. Les instruments de ratification, d'acceptation ou
d'approbation seront déposés auprès du Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies. Une organisation régionale d'intégration
économique peut déposer ses instruments de ratification, d'acceptation ou
d'approbation si au moins un de ses États membres l'a fait. Dans cet
instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, cette
organisation déclare l'étendue de sa compétence concernant les questions
régies par le présent Protocole. Elle informe également le dépositaire de
toute modification pertinente de l'étendue de sa compétence.
4. Le présent Protocole est ouvert à l'adhésion de tout État ou
de toute organisation régionale d'intégration économique dont au moins un
État membre est Partie au présent Protocole. Les instruments d'adhésion
sont déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations
Unies. Au moment de son adhésion, une organisation régionale
d'intégration économique déclare l'étendue de sa compétence concernant
les questions régies par le présent Protocole. Elle informe également le
dépositaire de toute modification pertinente de l'étendue de sa
compétence.
Article 17
Entrée en vigueur
1. Le présent Protocole entrera en vigueur le quatre-vingtdixième jour suivant la date de dépôt du quarantième instrument de
ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, étant entendu qu'il
n'entrera pas en vigueur avant que la Convention n'entre elle-même en
54
vigueur. Aux fins du présent paragraphe, aucun des instruments déposés
par une organisation régionale d'intégration économique n'est considéré
comme un instrument venant s'ajouter aux instruments déjà déposés par
les États membres de cette organisation.
2. Pour chaque État ou organisation régionale d'intégration
économique qui ratifiera, acceptera ou approuvera le présent Protocole ou
y adhérera après le dépôt du quarantième instrument pertinent, le présent
Protocole entrera en vigueur le trentième jour suivant la date de dépôt de
l'instrument pertinent par ledit État ou ladite organisation ou à la date à
laquelle il entre en vigueur en application du paragraphe 1 du présent
article, si celle-ci est postérieure.
Article 18
Amendement
1. À l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'entrée
en vigueur du présent Protocole, un État Partie au Protocole peut proposer
un amendement et en déposer le texte auprès du Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies. Ce dernier communique alors la
proposition d'amendement aux États Parties et à la Conférence des Parties
à la Convention en vue de l'examen de la proposition et de l'adoption d'une
décision. Les États Parties au présent Protocole réunis en Conférence des
Parties n'épargnent aucun effort pour parvenir à un consensus sur tout
amendement. Si tous les efforts en ce sens ont été épuisés sans qu'un
accord soit intervenu, il faudra, en dernier recours, pour que l'amendement
soit adopté, un vote à la majorité des deux tiers des États Parties au présent
Protocole présents à la Conférence des Parties et exprimant leur vote.
2.
Les organisations régionales d'intégration économique
disposent, pour exercer, en vertu du présent article, leur droit de vote dans
les domaines qui relèvent de leur compétence, d'un nombre de voix égal
au nombre de leurs États membres Parties au présent Protocole. Elles
n'exercent pas leur droit de vote si leurs États membres exercent le leur, et
inversement.
3. Un amendement adopté conformément au paragraphe 1 du
présent article est soumis à ratification, acceptation ou approbation des
États Parties.
4. Un amendement adopté conformément au paragraphe 1 du
présent article entrera en vigueur pour un État Partie quatre-vingt-dix jours
après la date de dépôt par ledit État Partie auprès du Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies d'un instrument de ratification,
d'acceptation ou d'approbation dudit amendement.
55
5. Un amendement entré en vigueur a force obligatoire à
l'égard des États Parties qui ont exprimé leur consentement à être liés par
lui. Les autres États Parties restent liés par les dispositions du présent
Protocole et tous amendements antérieurs qu'ils ont ratifiés, acceptés ou
approuvés.
Article 19
Dénonciation
1.
Un État Partie peut dénoncer le présent Protocole par
notification écrite adressée au Secrétaire général de l'Organisation des
Nations Unies. Une telle dénonciation prend effet un an après la date de
réception de la notification par le Secrétaire général.
2. Une organisation régionale d'intégration économique cesse
d'être Partie au présent Protocole lorsque tous ses États membres l'ont
dénoncé.
Article 20
Dépositaire et langues
1. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies
est le dépositaire du présent Protocole.
2. L'original du présent Protocole, dont les textes anglais,
arabe, chinois, espagnol, français et russe font également foi, sera déposé
auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
EN FOI DE QUOI, les plénipotentiaires soussignés, à ce dûment
autorisés par leurs gouvernements respectifs, ont signé le présent
Protocole.
Tiré du Human Rights Library, Universiy of Minnesota, Disponible sur :
http://www1.umn.edu/humanrts/instree/Ftrafficking.html
56
Annexe B
Recommandations de McDonald, Moore et Timoshkina (2000)
1. « Diffuser, dans les pays d'origine, de la documentation présentant des renseignements
plus réalistes sur la vie des danseuses exotiques au Canada et sur les réalités du trafic.
2. Il faudrait remettre aux points d'entrée de la documentation sur les lois canadiennes aux
travailleuses et travailleurs temporaires, visiteuses et visiteurs, étudiantes et étudiants.
L'information devrait être produite dans des langues étrangères. Cela est essentiel, car la
majorité de ces femmes ne parlent pas anglais, ou très peu.
3. Comme beaucoup de femmes victimes de trafic sont entrées au pays à titre de visiteuses,
il est recommandé de réévaluer les procédures d'obtention et de maintien d'un visa de
visiteur et de trouver des moyens d'éviter d'utiliser la catégorie de statut illégal lorsque
ces femmes prolongent leur séjour sans autorisation.
4. Il faut accélérer le processus de reconnaissance des immigrantes et des immigrants
professionnels et offrir des cours de français ou d'anglais langue seconde, même si les
femmes se trouvent illégalement au Canada.
5. Il faut faire des efforts pour améliorer les conditions de travail difficiles dans les clubs de
striptease et les studios de massage. Des inspections sanitaires de tout l'établissement (et
pas uniquement de la cuisine) devraient être faites régulièrement.
6. Créer un organisme administratif neutre de réglementation chargé de superviser les
clubs de striptease et les studios de massage pendant les heures d'ouverture pour assurer
le respect des règles
57
7. Obliger les clubs de striptease, les studios de massage et les autres établissements où se
pratique le commerce du sexe à afficher dans un endroit central, à l'intention des
travailleuses et des travailleurs du sexe, de l'information rédigée dans diverses langues
sur des questions liées à la santé (c.-à-d. maladies transmissibles sexuellement,
sécurisexe, etc.) et les services de santé et les services sociaux offerts (c.-à-d. traitement
de la toxicomanie, refuges, services médicaux).
8. Promouvoir la création d'organismes de services sociaux offrant des services réservés
aux travailleuses et aux travailleurs du sexe et financer les organismes existants. Ces
organismes doivent devenir une partie intégrante de l'industrie du sexe et travailler
activement à la sensibilisation dans les clubs et studios de massage. Leur accès aux clubs
et studios devrait être assuré par la législation.
9
Établir et financer des opérations conjointes interdisciplinaires de services, comme le
Project Almonzo, qui a connu beaucoup de succès, afin de lutter contre la prostitution
organisée» (2000, vi-vii).
58
Annexe C
Recommandations de The Toronto Network Against Trafficking in Women, The
Multicultural History Society of Ontario et The Metro Toronto Chinese and Southeast
Asian Legal Clinic
“This report deals with undocumented Asian migrant workers in the sex trade who work in
massage parlours and/or whose workplace is a "parlour" in an apartment or condominium. It
does not assume that the experiences of the women involved with this project are
representative of the experiences of all women trafficked, documented and undocumented, to
Canada for the sex industry. Accordingly, the recommendations set out below, although they
may be applicable to similar situations, relate to this particular group of workers.
The recommendations are mainly based on the analysis that considers Thai women as being
trafficking victims.
1. Trafficking in women must be analyzed in terms of structural inequality between Third
World and industrialized countries.
A gender and race - based analysis must be applied to immigration policies in receiving
countries, considered in the international migration of women (i.e. the low status of women,
poverty), factored into the criminalization of prostitution and applied in the intersection of
inequalities, such as race analysis.
2. A clear and working definition of "trafficking in women" and "forced labour/slavery-like
practices" must be adopted and must have as the primary focus the protection of women's
human rights and fundamental freedoms.
The Canadian government is obligated under human rights instruments to recognize the
woman-specific character of violations of human rights during the process of trafficking. In
doing so, the needs of migrant women and the rights of women to self-determination must be
recognized. Moreover, coercion and abusive circumstances in various forms and levels with
59
respect to brokerage practices and/or working conditions in both public and private domains,
must be considered.
3. It must be recognized that women's rights include the right to movement and to earn a
living.
It must be recognized that Canada's response to the movement and migration of women
through the construction of "tougher" immigration policies places women in high-risk
situations. Bill C-3 is an attempt to assuage political opinion by locking doors to the world's
most vulnerable and marginalized. There is no consideration of those who must earn a living
and who are impacted by the global economy. Accordingly, work visas should be available to
migrant women to allow them to find temporary employment in Canada. This would
encourage their legal entry as workers. This will give women greater security in their status
and therefore increase the likelihood that they would seek recourse, for example, against poor
working conditions.
4. Policies are required to address all forms of discrimination and forced labour/slavery-like
practices involving sex workers, domestic workers, mail-order brides and migrant workers.
The policies must incorporate legal and other strategies (e.g. identify social services) to
address human rights abuses.
5. Existing legislation and other legal instruments, both national and international, should be
re-assessed.
The Canadian Criminal Code, for example, should be amended to include trafficking in
women as an indictable offence. Women who are trafficked and/or subjected to forced labour
and/or slavery like practices, should be provided treatment that is fair and equitable, no
different from or harsher than Canadian citizens. The women of Project Orphan, for example,
were not provided with an opportunity to act as witnesses against the organizers/managers.
60
At the same time, a long-term goal to be considered is the removal of criminal provisions that
penalize and limit the rights of sex workers.
6. Canada should expand its human rights framework to recognize sexual autonomy and selfdetermination, and non-discriminatory collective and individual human rights as a basic right
of every human person.
7. A comprehensive national program to assist trafficked women – which includes health
care, job training, shelter and financial assistance – is required and can be put into place
using existing services. More specifically:
Women should be provided with assistance while they await trial, and access to
competent, qualified, neutral and sensitive interpreters ·
Women who are prepared to act as witnesses should be entitled to work for a period
of no less than six months, and/or participate in the witness protection plan
Women should be able to access the Victim Assistance Programme for economic,
physical and psychological damage caused to them by trafficking and related offences
Women who are trafficked should have the option of remaining in Canada
In terms of working conditions, the women are entitled to:
Safe and healthy working (and living) conditions
Protection under universal health and safety standards
Freedom to their control working (and living) conditions
Freedom of movement
8. To combat the trafficking in women and forced labour and slavery-like practices, Canada
must work in cooperation with the official representatives of the country of origin, NGOs and
61
community-based organizations that are assisting trafficked women and migrant women both
in Canada and in country of origin.
NGOs such as the Global Alliance Against Trafficking in Bangkok have developed
guidelines to protect the human rights of trafficked persons, forced labour and slavery-like
practices. These guidelines can be used as starting points to develop a protocol to assist the
women. The European Union has also done much work in this area. Canada, having already
participated in several EU initiatives, should work more assertively with European experts,
institutions and NGOs to develop an international framework to address the issues and, at the
same time, initiate a framework to specifically address the problem in the Canadian context.
9. The Canadian government should allocate adequate funds for NGOs, grassroots and
community-based organizations to advocate for and serve the needs of trafficked women.
10. Data on trafficking in women must be collected and made available to the public.
The information obtained should include the following:
The Canadian government's efforts to address the trafficking in women, including its
efforts with the countries of origin;
Governmental efforts with NGOs and inter-governmental agencies in addressing the
issue;
Identification of services available to women who are trafficked;
The disposition of trafficking cases in the criminal courts and in regards to
immigration;
Regular reviews of governmental legal and administrative measures to reduce
trafficking and the effect on women who are trafficked.
11. A protocol is required to assist from the point of arrest onward. From the experiences of
women arrested in Operation Orphan and Project Trade, the following guidelines were
developed:
62
A native-speaking interpreter ought to be available at the time of arrest
Strip searches should not used to intimidate the women. If deemed necessary, it
should be conducted by female police officers and in private.
Large-scale arrests (as in Project Orphan) must factor in the need to adequately
provide for the number of detainees (i.e. blankets; food; intererpreters etc.).
Non-governmental agencies ought to be notified, as are members of the press, of
impending arrests.
Immediate access to legal counsel should be available to avoid undue influence from
employers.
The bail conditions imposed on the arrested women need to be realistic (disallowing a
return to their workplaces, which double as their living places, imposes an undue
hardship on those detained). Bail conditions ought to take into consideration the very
limited support the women can expect on their release.
12. Sensitivity training -- of police officers, the judiciary and health and social service
providers - is necessary.
police officers should undergo training so that they can understand the nature of
international trafficking networks, their operation and how they affect the situations
of migrant women.
health and social service professionals need training, in order to minimize biases
against prostitution and/or illegal work.
13. The health, social, and legal services that were pulled together on an ad hoc basis under
Project Orphan should be formalized.
A coalition of groups should be established to improve service delivery to migrant women in
the sex trade. The coalition might address health, legal, or social service issues. The network
can also collaborate and work together in terms of funding and advocacy. These groups can
also provide assistance to those who want to escape from debt bondage or abusive working
63
conditions, return home, or obtain legal redress against those who have abused them while in
Canada.
Service providers should be non-judgmental about the kind of work the women did or do, as
well as sensitive to cross-cultural issues. Interpretation service in their native language is
important with any kind of service delivery. Such confidential service is needed to ensure
protection of privacy, and to ensure that the women are informed of their rights.
14. The Royal Thai Embassy:
The Thai government must cease discriminating against, and treating as criminals
Thai migrant women who engage in the sex trade.
The Thai government is obligated to help the women to return to Thailand, without
fear of persecution, and provide them with assistance to resettle. The provision of
emergency assistance, protection and legal advice are necessary.
A hotline or contact point at the Thai Embassy in Ottawa or at the Thai Consulate in
Toronto for Thai citizens who find themselves in abusive situations should be
established.
A Canadian handbook for Thai immigrants is required. It would contain explanations
of the laws applicable in certain situations (e.g. when an arrest is made), the
individual rights that an immigrant could expect to find protected, the services
available at the Thai embassy, and the process of applying for these services. It would
have a listing of contacts in Canada and in Thailand and information about
trafficking.” (p.75-79)
64
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Mouvement du Nid : http://www.mouvementdunid.org
Patrimoine Canada : http://www.pch.gc.ca/progs/pdp-hrp/index_f.cfm
United Nations, Office on Drugs and Crime:
http://www.unodc.org/unodc/en/trafficking_victim_consents.html#how
Stella : http://www.walnet.org/csis/groups/stella/index.html
Sisyphe : http://sisyphe.levillage.org
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