La nappe - Enfance

Transcription

La nappe - Enfance
La nappe
(Howard Hugues)
Cette histoire de Noël est une histoire vraie, elle est d’autant plus belle !
Elle commence quelques jours avant le 25 décembre, dans une église au cœur d’un quartier de
Londres, quelques années après la guerre.
Le tout jeune pasteur regarde avec désespoir le mur derrière l’autel, dont un gros éclat de peinture
et de gravats vient de tomber. Cette église aurait bien besoin d’être rénovée, mais l’argent manque,
comme partout.
Il pousse un gros soupir, la veillée de Noël sera triste avec ce bout de mur à nu, ce trou rappelant des
souvenirs de guerre encore trop vivaces pour beaucoup.
Le jour suivant, il se rend avec son épouse au marché aux puces, histoire de se changer les idées. Et
là, voilà qu’il avise une magnifique nappe, couleur ivoire, avec des dentelles ouvragées. Soudain il la
voit bien comblant le trou du mur de son église, c’est la bonne couleur ! Pour une bouchée de pain il
l’acquière et se hâte d’aller mettre son idée à exécution.
Ca y est ! Il a réussi à tasser la nappe dans le trou du mur, qui du coup est beaucoup moins choquant.
Et même, quelques reflets irisés donnent un petit air de fête.
Il n’a pas pris garde à une femme, courbée au premier rang, qui était déjà là à prier quand il est
entré. Mais il entend comme un sanglot, et se tourne vers elle. Elle regarde, fascinée la nappe qu’il
vient d’installer.
Il s’approche d’elle. « Cette nappe, c’est la mienne ! » dit-elle, avec un fort accent, sans doute estelle autrichienne. Fébrile elle s’approche du mur et retire un coin qu’elle montre au jeune pasteur :
« regardez, il y a mes initiales ! »
Il regarde, et voit deux lettres finement inscrites dans le filet de dentelles.
La femme est maintenant en larmes : « c’est le dernier cadeau de mon mari, elle vient de Bruxelles. Il
me l’a ramenée, et puis il m’a dit de m’en aller, vous comprenez, c’était au début de la guerre », « je
suis partie chez mes parents, je n’aurais jamais dû le laisser » elle sanglote de plus belle « quelques
jours après il a été arrêté, puis déporté. Je ne l’ai jamais revu »
Emu, le jeune pasteur lui prend la main. « Comme c’est triste. Bien entendu, je vais vous rendre cette
nappe. Mais si vous pouviez me la laisser jusqu’à demain… »
La femme acquiesce. Mais, dit-elle, elle ne viendra pas le soir pour la veillée, elle serait trop affectée.
Elle passera donc le 25 à midi chercher ce souvenir de sa vie passée.
Le soir du 24, on allume les bougies, le sapin, l’autel. La nappe luit doucement, on la dirait vivante. Le
pasteur parle, inspiré. Au premier rang un homme, un horloger de la rue, qu’il connaît semble très
ému. Le pasteur est content de lui…Mais à la sortie l’homme lui dit : « cette nappe…je crois que j’en
ai déjà vu une pareille. Je l’avais offerte à ma jeune femme juste avant qu’elle parte chez sers
parents. C’était pendant la guerre. Je me suis fait arrêter, déporter, et après la libération je ne l’ai pas
retrouvée. Qui sait où elle est maintenant. »
Le jeune pasteur sourit : « j’ai un beau cadeau de Noël pour vous, dit-il, revenez donc ici demain
matin… »

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