La Vie domestique - Association des Cinémas du Centre

Transcription

La Vie domestique - Association des Cinémas du Centre
La Vie domestique
d’Isabelle Czajka
avec Emmanuelle Devos
Une singulière et féroce immersion dans l’enfer de la middle class française.
D
ans l’imaginaire que s’est
choisi Isabelle Czajka depuis
maintenant trois films, celui
d’un cinéma naturaliste, un peu
austère et antiromanesque,
rien ou presque n’est laissé
au hasard. Qu’elle dessine le portrait
d’une jeune fille de la classe moyenne
(L’Année suivante) ou qu’elle poursuive
méthodiquement les étapes d’une crise
d’adolescence (D’amour et d’eau fraîche),
il s’agit toujours de camper un espace
social et géographique bien circonscrit,
d’en saisir la réalité en ses moindres
détails, suivant un principe de ligne claire
dont on a pu regretter parfois le manque
d’aspérité, de mystère. La Vie domestique,
son dernier film adapté d’un roman
de Rachel Cusk, Arlington Park, navigue
a priori dans les mêmes eaux grisâtres
de la fiction sociologique : soit le récit
d’une journée banale dans une banlieue
résidentielle française, où quatre femmes
(emmenées par Emmanuelle Devos)
se débattent avec la midlife crisis, entre
baby-sitting, pressions professionnelles
et machisme ordinaire. Le trait d’Isabelle
Czajka y est encore vif et acéré, guidé
par une seule logique descriptive, mais
la cinéaste opère cette fois des décalages
plus singuliers dans sa quête presque
documentaire : ses décors sont trop lissés,
ses personnages trop indéchiffrables
et son atmosphère trop bizarre pour
que ne couve en sourdine une fiction
plus inquiète. Un enfant est mort dans
cette banlieue, apprend-on en effet,
et sa disparition va dérégler le cours
de la chronique qui devient plus
énigmatique, plus proche du réalisme
crypté du nouveau cinéma allemand
inspiré par Christoph Hochhaüsler.
C’est lorsqu’elle s’abandonne à ces
mystères que La Vie domestique captive
et atteint sa vraie mesure : celle d’un film
d’horreur low-profile inscrit dans l’enfer
climatisé de la petite bourgeoisie
et du patriarcat. Romain Blondeau
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2.10.2013 les inrockuptibles