BOISSINOT Chloé (25 ans)
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BOISSINOT Chloé (25 ans)
BOISSINOT Chloé (25 ans) Qu’aurait-elle aimé que l’on dise d’elle ? « Rien ! » C’est un cri du cœur. Elisabeth, la mère de Chloé Boissinot, savait sa fille de 25 ans trop timide, trop discrète, trop attachée à la simplicité, pour goûter les hommages. Ses propres funérailles, le 24 novembre, dans une cathédrale de Poitiers comble, lui auraient fait dire « Mais vous êtes fous ! Pas pour moi ! », croit Elisabeth. Ne rien graver de pompeux dans le marbre. Se contenter d’évoquer, comme on prend un croquis sur le vif, cette jeune fille de la campagne qui appréciait les petites pommes du jardin et la vie en tribu avec cinq frère et sœurs, dont une jumelle. Ses rituels du dimanche à Château-Larcher, dans la Vienne. Les jeunes prennent un apéro, et encore quelques autres, puis s’en vont fumer dehors en discutant, neveux et nièces dans les jambes. La mère rouspète, le rôti se dessèche. Et trop vite, vient l’heure de se lever du canapé où l’on a fini par s’endormir un peu. Partager, se fâcher, se réconcilier aussitôt, charrier des brouettes de béton, préparer la soupe, changer les bébés, écouter, rendre heureux ceux qui l’entouraient, Chloé savait faire tout cela. « Aujourd’hui, la tribu est un peu de guingois. Mais on va s’en sortir pour elle, assure Elisabeth, tentant de s’en convaincre elle-même. Elle n’aurait pas aimé qu’on se recroqueville. » Les deux amis et l’amoureux de toujours qui étaient avec sa fille, ce soir-là, en terrasse du Carillon, rejoignent désormais régulièrement le camp de base familial où sont arrivées de belles lettres. L’œuvre de clients qu’elle servait depuis un an à l’épicerie du Verre Volé, rue de la Folie-Méricourt, à Paris. Qui, désormais, interrogent-ils, pour incorporer tant de gentillesse dans les sandwichs confectionnés ? Qui pour égaler sa patience lorsqu’il fallait couper une tranche de jambon « pas trop épaisse mais pas trop fine » sous l’œil de l’acheteur ? « Charmante, joyeuse, un peu timide », la décrit le responsable du château de Javarzay (Deux-Sèvres), qui l’avait accueillie en stage en 2010, durant son BTS « développement et aménagement des territoires ruraux ». « Réservée, au début, mais bosseuse, organisée, soignée. L’employée modèle », pour son patron au Verre Volé, Thomas Vicente. La bonne copine était un brin canaille, aimait les restaurants, les pots en terrasse, le boudin du village qu’elle ramenait pour tous à la capitale, « les trucs moches du marché aux puces qui finissaient au grenier », selon sa mère. Et les jolis atours qui lui donnaient un air de Parisienne. Pascale Krémer http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/visuel/2015/12/08/chloe-boissinot-25-ans-enmemoire_4827110_4809495.html