Gilles DEFACQUE

Transcription

Gilles DEFACQUE
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1945 Naissance à FrivilleEscarbotin 1966 Devient
professeur de lettres 1973
Premier spectacle des clowns
du Prato : Gilles Defacque,
Alain D’Haeyer, Jean-Noël Biard
et Ronny Coutteure 1983
Premier Festival international de
clowns du Prato 1989-1993
Création de grandes formes
en rue et en salle : Aux armes,
citoyens de Calaferte ; De la
Révolution comme un cortège ;
En attendant Godot de Samuel
Beckett ; Biblionoces... ●
Première convention avec la
ville de Lille et la Drac 1998
Premier festival sous chapiteau
2001-2003 Création de
Opéra Bouffe Circus et de
Oh les beaux jours de Samuel
Beckett ● Le Prato devient
« scène conventionnée arts
du burlesque » et pôle cirque ●
Premier projet européen
autour des arts du cirque :
« Circulons ! » ●
Accompagnement des clowns
Ludor Citrik, Janie Follet et
de l’acrobate Vincent Warin
2006-2010 Comédien
dans Les Barbares (mise en
scène Éric Lacascade) et dans
Gilles (mise en scène David
Bobee) ● Le Plôt, pôle cirque
transfrontalier Lille-Tournai
● Création de Mignon Palace
● Loin d’être fini (solo)
●
Gilles DEFACQUE
> Le Prato
● Difficile de dissocier l’homme de son Prato de Lille qu’il a fondé avec un collectif en 1973 et a très simplement appelé « théâtre international de quartier ».
Gilles Defacque est une pièce d’histoire, une bête de scène, un clown gourmand,
un amoureux du genre humain, un promoteur des excès en tous genres. Comment
mieux le caractériser que par ce Pour Fellini, texte écrit en 1993 où l’on peut lire :
« Federico ! / appelle Giuletta / appelle Zampano ! / On va partir faire la fête /
sur la route des saltimbanques / on va faire sauter les banques / qui tournent
pas rond dans les têtes... »
Toute son histoire fellinienne tient dans le spectacle qu’il a créé en 2007 :
Mignon Palace. Le titre ne vient pas de nulle part. C’était le nom du bar-cafécinéma de ses parents au fin fond de la Picardie. Sans doute n’y avait-il pas assez
de place pour ajouter sur l’enseigne d’autres activités telles que matchs de catch
et de boxe, concerts, bals et fêtes d’écoles. Jusque dans les années 1970, Gilles
Defacque a baigné dans cet imaginaire immuable, où l’artiste reste toujours un
simple citoyen, un bouffon qui sait révéler les secrets de famille et qui fait le lien
social entre toutes les générations. Un univers sans hiérarchie où un catcheur
vaut un trapéziste qui vaut un accordéoniste, où tous contribuent à colorer une
vie pas forcément très amusante dans le Nord de la France minière. On retrouve
tous ces personnages dans Mignon Palace qui ne fait pourtant pas dans la
nostalgie. Sûrement que le cirque y est pour beaucoup. À commencer par les
exploits de Vincent Warin, l’un des plus grands acrobates-danseurs sur BMX, mais
aussi un orchestre à géométrie variable exceptionnel, le Tire-Laine, composé
d’une quarantaine de musiciens répartis dans une quinzaine de formations et qui
produit le meilleur de la musique tzigane, klezmer, yiddish ou arabo-andalouse.
Au Prato, le cirque est roi mais doit surprendre : le numéro est une figure libre.
Ainsi une femme sévère en tailleur, avec queue de cheval serrée et air pincé,
épate tout le monde dans un numéro au tissu où elle finira par perdre la moitié
de ses vêtements sans se départir de son personnage. En réalité, Gilles Defacque
aime trop le clown pour ne pas le chercher dans chaque membre de son équipe,
quand ce n’est pas avec les spectateurs apostrophés un à un au moment de leur
entrée dans la salle. Gilles Defacque demeure le chantre d’un imaginaire universel
de quartier en voie de disparition. ●
Toutes les disciplines
frappent à la porte du clown,
et le nourrissent et l’attirent
Vous revendiquez-vous d’une famille de cirque,
réelle ou imaginaire ?
Le Prato n’est pas né dans une famille !
Notre entrée dans le monde des CLOWNS s’est faite
dans la jubilation d’avant- et d’après-68 – des clowns
réfractaires à l’esprit de famille et bien décidés à faire
entendre leur rage. Nous nous revendiquions du droit
à ÊTRE. Nous avions décidé de lutter contre notre
INEXISTENCE !! Nos vrais sourciers : les poètes,
de Rimbaud à Péret, les Kantor, Beckett...
La vraie famille : les poèmes qui nous exaltent,
le choc des œuvres.
De fil en aiguille nous avons rencontré d’autres
CLOWNS qui ont nourri notre Prato... Tout un cirque !
Pour vous, le chapiteau, le cercle, les numéros
sont-ils des codes référents ?
Le chapiteau oui, la rue oui, la salle de bal aussi,
le coin de table... le cercle naît où le poème s’invite !
Le chapiteau : plus que jamais !
Le chapiteau abrite aujourd’hui les formes
en recherche du nouveau siècle, qui dépassent
les catégories traditionnelles de genres, mettent
en combustion des arts éloignés les uns des autres,
donnent valeur à la poésie de ce lieu nomade
par excellence et jamais définitivement fini.
« Je ne suis pas un numéro ! » dit Ludor Citrik.
Quelles disciplines artistiques nourrissent
votre travail ? Comment ?
Toutes les disciplines frappent à la porte du clown,
et le nourrissent et l’attirent.
Comme le cirque, gourmand-gourmet de toutes
les disciplines.
Et ça n’est jamais fini, le choc des disciplines entre
elles, les faire se frotter (comme par exemple avec
le laboratoire « Porter-Tomber-Danser »).
Donc le burlesque, le clown.
Chacun y fait entendre sa différence, sa part de folie,
et la fait entendre à tous, la donne aux autres,
la donne en pâture, pour mieux la vivre. On mange
ses névroses – on abat les racismes – on lutte
gaiement pour une autre vie à bâtir maintenant.
Sans le crier, les clowns font entendre toutes les
guerres – guerre des sexes, guerre des peuples, guerre
du haut et du bas, du sérieux et de l’imaginaire – et
les clowns se font admettre et aimer, font aimer
et admettre la part de poésie, la part d’inutile,
la part d’humain, la part de perte de temps.
Entre risque, performance, esthétique,
comment exploitez-vous votre corps ?
Quelles sont les limites ?
Je ne suis pas sûr d’« exploiter » mon corps.
Peut-être que c’est « mon corps » qui m’exploite.
Gare à l’exploitation sous toutes ses formes.
Gare aux marées noires...
Le corps : cheval de trait du cirque ? Le dernier
animal au cirque ?
Comment en user, comment l’aimer, comment
vivre avec, comment le faire vibrer, sonner, comme
des retrouvailles avec les débuts de l’humanité.
Le cirque : le corps au cœur de la piste.
Le clown : le corps au cœur de la langue.
Dans votre travail, quelle obsession
vous habite ? Quelle image, quelle phrase
vous accompagnent ?
Trouver le lieu, la présence.
Rejoindre l’effet de réel comme en rêve.
Donner, faire trembler de plaisir et d’émotion.
« Rigueur et folie ! » au fronton du Prato.
Conjuguer l’excès tout en dansant sur le fil.
Un chemin pour partager – pour faire voir et entendre
ce qui me « hante ».
Faire entendre ce qui « sourd ».
Pour faire voir entendre toucher sentir « le poème »
– pour rencontrer l’autre en moi en lui en nous –
comme traduire, comme écrire.
Un lieu qui me hante : le Mignon Palace de mon
enfance.
Croquis préparatoires pour Opéra Bouffe Circus, 2002
Gilles Defacque
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Gilles Defacque
Mignon Palace, 2007
Le Cabaret du bout du monde, 2009
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Gilles Defacque
La Polka des saisons, 2008
Opéra Bouffe Circus, 2002
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