Éthique et lex mercatoria - Aix

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Éthique et lex mercatoria - Aix
Article tiré de l’ouvrage « Mondialisation et éthique des échanges », Actes du neuvième colloque
d’éthique économique, organisé à Aix-en-Provence par le Centre de recherches en éthique de
l’Université Paul Cézanne les 4 et 5 juillet 2002, publié dans la collection « Ethique et déontologie »,
Librairie de l’Université d’Aix-en-Provence-Éditeur, 2003.
Éthique et lex mercatoria
par
Isabelle BARRIÈRE-BROUSSE
Professeur à la Faculté de Droit et de Science Politique
Université d’Aix-Marseille III
Membre du CREDIMI
Le phénomène de la mondialisation de l’économie est très souvent présenté comme
une menace : pour l’homme, pour les pays pauvres, pour l’environnement, et pour les États
eux-mêmes, dont la souveraineté serait mise à mal face à la puissance des marchés1.
Le slogan célèbre des anti-mondialistes : « le monde n’est pas une marchandise »
illustre bien les craintes souvent nourries à cet égard.
Chez les juristes, on a pu se demander si le commerce international s’accommodait
d’interdits2. Aussi Bruno Oppetit, s’appuyant sur les travaux de sociologues du droit,
observait que la mondialisation économique et l’adhésion générale à l’économie de marché
avaient relégué au second plan le souci du respect du droit. « Les entreprises, devenues les
acteurs centraux de la globalisation des relations économiques, tendent à devenir leurs
propres législateurs, et à échapper assez largement, lorsqu’elles le souhaitent et dès qu’elles
le peuvent, à la régulation aussi bien nationale qu’internationale3 ». Ainsi le reflux des lois
étatiques, caractérisé par la déréglementation des marchés, s’accompagnerait d’une
privatisation du droit4. De fait, on a constaté que les usages du commerce international
occupaient une place croissante dans les relations économiques internationales. La volonté
des opérateurs apparaît clairement comme un puissant vecteur de la mondialisation
juridique qui accompagne la mondialisation de l’économie5.
1
D’une abondante littérature sur ce thème on extraira : Mondialisation des échanges et fonctions de l’État,
sous la direction de F. CREPEAU, Bruxelles, Bruylant, 1997. Le Droit dans la mondialisation, sous la
direction de M. CHEMILLIER-GENDREAU et Y. MOULIER-BOUTANG, PUF, 2001. M. SALAH,
Mondialisation et souveraineté de l’État, Journal du Droit International 1996-611. Voir aussi l’analyse plus
nuancée de C.A. MICHALET, Le capitalisme mondial, PUF, 1998.
2
E. LOQUIN, Les manifestations de l’illicite, in L’illicite dans le commerce international, sous la direction de
Ph. KAHN et C. KESSEDJIAN, Litec, 1996, p. 248.
3
B. OPPETIT, L’illicite dans le commerce international, Rapport introductif, op. cit., p. 22.
4
5
Cf. M. DELMAS-MARTY, Trois défis pour un droit mondial, Seuil Essais, 1998.
E. LOQUIN et L. RAVILLON, La volonté des opérateurs, vecteur d’un droit mondialisé, in La mondialisation
Toute la question est alors de savoir si ce droit issu de la pratique, que l’on appelle la
lex mercatoria, n’a en vue que les intérêts égoïstes de la société des marchands, ou se révèle
capable de prendre en charge des considérations supérieures, c’est-à-dire des valeurs
éthiques.
La recherche très partielle effectuée permet de nuancer le constat pessimiste fait par
les auteurs précités. En effet, dans ses éléments les mieux connus, qu’ils soient classiques ou
plus récents, la lex mercatoria comporte bon nombre de règles inspirées directement de
préceptes moraux. Mais ce petit inventaire, pour être vraiment convaincant, nécessite une
analyse, une sorte d’évaluation pour déterminer quelles fins éthiques sont recherchées et
quelle est l’efficacité de la lex mercatoria dans cette démarche.
I – Un inventaire rapide et non exhaustif montre la présence indiscutable de la règle
morale dans la lex mercatoria. Il n’est pas inutile de rappeler que celle-ci, dans la pensée de
son promoteur en France, B. Goldman6, est un Droit « spontané » « formé d’usages
professionnellement codifiés, de montages juridiques et de clauses contractuelles » dont la
répétition et l’effectivité les rend aptes à accéder au rang de véritables règles coutumières,
et enfin des sentences arbitrales7 dont l’importance est allée croissant puisqu’il n’est plus
incongru de parler aujourd’hui de jurisprudence arbitrale. Ce sont là les éléments classiques
de la lex mercatoria, mais il convient désormais d’y ajouter un élément nouveau, dont
l’importance n’échappe plus à personne, à savoir les principes relatifs aux contrats du
commerce international élaborés par UNIDROIT.
A – Parmi les éléments classiques de la lex mercatoria, l’arbitrage est tout
particulièrement digne d’intérêt dans la perspective qu’est la nôtre.
On ne saurait cependant passer sous silence deux autres phénomènes.
D’abord, celui qui consiste à contractualiser les règles de bonne conduite ou autres
codes de déontologie professionnelle, évoqués tout à l’heure par le Doyen J. Mestre8. Une
illustration significative et récente de cette pratique se rencontre dans le domaine de
l’Internet. En effet, il existe un ensemble de règles de bonne conduite connues sous le nom
de Netiquette, que les internautes sont censés connaître et accepter. Or, les contrats passés
entre les fournisseurs d’accès au réseau et les utilisateurs renvoient généralement à ces
normes déontologiques, qui se trouvent ainsi dotées de force obligatoire9. Cela permet, en
cas de violation de ces règles par l’internaute, d’exclure celui-ci du réseau : il suffit que le
fournisseur d’accès mette en œuvre la clause résolutoire qui figure également dans le
du Droit, sous la direction d’E. LOQUIN et C. KESSEDJIAN, Litec, 2000, p. 91 s.
6
Frontières du Droit et lex mercatoria, Archives de Philosophie du Droit, 1964, p. 177, s.
7
B. GOLDMAN, La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux : réalités et perspectives,
JDI 1979-475, spéc. p. 478.
8
V. la discussion lors du colloque « L’illicite dans le commerce international », op. cit. p. 495 et s.
9
Ainsi les contrats proposés par les sociétés Free et Liberty surf (aujourd’hui Tiscali Liberty surf) ; par
Wanadoo (L. MARINO, note sous TGI Paris (ord. réf.) 15 janv. 2002, D. Aff. 2002, p. 1544. De même pour le
contrat Télétel, régissant les rapports entre France Télécom et les fournisseurs de services, cité par L.
RAVILLON in La volonté des opérateurs, vecteur d’un droit mondialisé, rapport préc. p. 116.
contrat. La justice française a entériné l’application de cette sanction à l’encontre d’abonnés
s’adonnant au « spamming », c’est-à-dire à l’envoi massif de messages non sollicités10,
réprouvé de façon générale parce qu’il perturbe gravement le réseau.
Deuxième phénomène à signaler : les normes professionnelles codifiées par des
institutions du commerce international intègrent parfois des préoccupations morales.
Certes, elles n’apparaissent pas toujours, loin s’en faut, mais l’on peut donner l’exemple des
règles et usances uniformes établies par la Chambre de commerce internationale pour les
garanties sur demande11. Ces règles poursuivent l’objectif d’éliminer les abus observés dans
la pratique et tentent d’assurer un équilibre entre la sécurité du bénéficiaire et la protection
du donneur d’ordre, par son information et le respect d’un certain formalisme ; la promotion
des garanties à première demande justifiée participe de ce souci de moralisation des
pratiques.
Au-delà de ces illustrations sectorielles de l’éthique dans la lex mercatoria, l’arbitrage
international offre un terrain d’investigation particulièrement intéressant, parce que la
portée des solutions est plus générale. L’on songe évidemment d’abord à l’arbitrage
d’amiable composition, qui permet à l’arbitre de fonder la solution du litige sur l’équité.
Conforme par hypothèse à la morale, l’équité entretient avec le Droit des rapports ambigus.
Il a été démontré que l’amiable composition pouvait aboutir à des solutions – équitables –
qui « par leur répétition ont parfois contribué à la création de normes concourant à la
formation de la nouvelle lex mercatoria »12. L’équité devient ainsi du droit, selon un
phénomène qui rappelle la formation en Angleterre des règles d’équité de la Common Law
à partir de décisions des cours d’équité anglaises13.
L’inverse est-il vrai, c’est-à-dire, le droit est-il toujours conforme à l’équité – du point
de vue de l’arbitrage s’entend ? Rien n’est moins sûr si l’on se réfère à un arrêt récent de la
Cour de Cassation, aux termes duquel les arbitres statuant comme amiables compositeurs
ne sauraient se prononcer exclusivement par application de règles légales « sans s’expliquer
sur la conformité de celles-ci à l’équité »14. Mais, au fond, l’on savait bien que la loi n’est pas
toute équité : Non omne quod licet honestum est !15.
Quand l’arbitre doit statuer selon les règles de droit, il semble de prime abord qu’il se
trouve moins au service de la morale qu’au service des parties, puisqu’il tire ses pouvoirs de
l’accord conclu entre elles et doit appliquer les règles choisies par elles, ou qu’elles
s’attendent à voir appliquer.
Cependant, la réalité est différente, au point que P. Mayer écrit que la règle morale est
particulièrement présente, voire envahissante, dans les sentences qui déclarent se fonder
10
TGI Paris, ord. réf du 15 janvier 2002, préc. ; TGI Rochefort en mer, ord. réf. 28 février 2001 cité par L.
MARINO, note préc.
11
Publ. CCI n° 458, 1992, V. MOUSSERON, RAYMOND, FABRE et PIERRE, Droit du commerce international,
e
2 édition, Litec, 2000, n° 979.
12
E. LOQUIN, La réalité des usages du commerce international, RIDE, 1989, p. 194.
13
R. DAVID et X. BLANC-JOUVAN, Le droit anglais, PUF, coll. Que sais-je ? 7 éd., 1994, p. 11 s.
14
Civ. 2, 15 février 2001, Droit et patrimoine, mai 2001, p. 122, obs. J. MESTRE.
15
Cf. LE TOURNEAU, L’éthique des affaires et du management au XXI siècle, Dunod-Dalloz, 2000, p. 30.
e
e
sur la lex mercatoria16.
D’une part, les arbitres sont à l’origine de principes ou règles dits transnationaux dont
le plus grand nombre reflète une véritable éthique contractuelle.
D’autre part, il leur arrive d’écarter l’application du droit applicable au litige pour des
considérations tenant à la morale. Techniquement, l’instrument de cette éviction est l’ordre
public, selon un mécanisme bien connu des internationalistes. Mais ce n’est pas ici l’ordre
public international du type étatique, reflétant les conceptions et valeurs du for (c’est-à-dire
du juge saisi) : c’est un ordre public réellement international ou transnational17.
1 – Les principes transnationaux, d’abord, sont le fruit d’une méthode utilisée par les
arbitres du commerce international pour élaborer la règle destinée à trancher le litige18.
On sait en effet que les textes relatifs à l’arbitrage international (de source interne,
internationale, ou privée comme les règlements d’arbitrage) donnent à l’arbitre une grande
latitude pour déterminer le droit applicable : ainsi l’art. 1496 NCPC lui prescrit de trancher le
litige, en l’absence de choix des parties, conformément aux règles « qu’il estime
appropriées », et de tenir compte « dans tous les cas, des usages du commerce »19.
C’est ainsi que, à partir d’une démarche comparative, les arbitres dégagent des
principes communs aux systèmes juridiques concernés par le litige, mais ces principes, dits
transnationaux, sont aussi sélectionnés en raison de leur adéquation aux besoins du
commerce international.
Or, on a observé que ces principes découlent d’une norme fondamentale,
« matricielle », le principe de bonne foi20.
Ce « super principe » à forte coloration morale est très fécond, puisqu’il se décline de
façons très diverses, comme cela a été démontré en doctrine, notamment par E. Loquin21.
On en citera quelques-uns uns, particulièrement significatifs, comme :
l’inopposabilité du défaut de pouvoir du négociateur du contrat,
l’interdiction de contredire au détriment d’autrui22,
16
P. MAYER, La règle morale dans l’arbitrage international, Études P. BELLET, 1991, n° 17. Cf. M. BEHARTOUCHAIS, Morale et contrats internationaux, in La morale et le droit des affaires, Montchrestien, 1996, p.
35 et s.
17
P. LALIVE, Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international, Rev. arb.
1986-329, Comp. P. MAYER, préc. note précédente.
18
V. E. GAILLARD, Trente ans de Lex mercatoria. Pour une application sélective de la méthode des principes
généraux du droit. JDI 1995-5).
19
Cf. art. 7, § 1 Conv. de Genève du 21 avril 1961 sur l’arbitrage commercial international ; art. 28 § 2 de la loitype de La CNUDCI et art. 33 § 1 du Règlement d’arbitrage de la CNUDCI de 1976, art. 13 § 3 du règlement
d’arbitrage de la CCI.
20
F. OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria, Préf. E. LOQUIN. Bibl. de Droit privé, tome 224,
LGDJ, 1992.
21
La réalité des usages du commerce international, préc.
22
E. GAILLARD, L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui comme principe général du Droit du
commerce international, rev. Arb. 1985-241. Cf. dernièrement la sentence analysée par JG. BETTO, RDAI
la possibilité pour le débiteur d’adapter l’exécution de son obligation aux difficultés
qu’il rencontre, sous réserve de l’opposition formelle du créancier ;
enfin, l’obligation de coopérer, qui prend elle-même plusieurs formes comme
l’obligation bien connue pour le créancier de minimiser le dommage subi du fait de
l’inexécution du contrat, celle de répartir de façon égalitaire la charge des aléas, ou encore
l’obligation d’information entre cocontractants23.
2 - Quant à l’ordre public transnational ensuite, cette notion permet de stigmatiser
des comportements qui peuvent paraître licites au regard de la lex contractus, mais qui sont
intrinsèquement inadmissibles, parce que contraires à une règle considérée comme
essentielle, comme supérieure aux normes du droit positif. Aussi bien un auteur écrit-il dans
sa thèse consacrée à « l’arbitrage commercial international et l’ordre public » que « l’ordre
public transnational est la traduction juridique de préoccupations éthiques24 ». Cet auteur
donne de nombreux exemples de recours à la notion d’ordre public transnational dans les
sentences arbitrales25 mais l’on retiendra ici le plus important, celui qui concerne la
corruption.
Longtemps en ce domaine a régné l’hypocrisie : la corruption, réprouvée par tous,
était pourtant pratiquée à grande échelle dans la conclusion des contrats internationaux26.
En France, mais aussi dans d’autres pays, le fisc admettait la déductibilité des commissions
occultes au titre de « frais commerciaux exceptionnels » – et ce jusqu’à la loi de finances
pour 1997 qui a interdit de déduire les sommes versées aux agents publics étrangers27.
Cependant, bien avant le changement d’attitude des autorités étatiques, les arbitres
internationaux avaient réagi. De nombreuses sentences, dans les années quatre-vingts ont
en effet rejeté les demandes en paiement de commissions occultes, ou annulé les contrats
de corruption. Si certaines l’ont fait par application de telle ou telle loi étatique28, d’autres
2002/1, p. 111.
23
Notamment en faveur du cocontractant inexpérimenté au regard de l’opération, tel un pays en voie de
développement : sentence KLÖCKNER c./Cameroun de 1983, JDI 1984-409 et 137. Adde, à propos de
l’obligation de confidentialité, sentence CCI N° 6673 de 1992, JDI 1992-992, obs. D. HASCHER : le débiteur
doit permettre à son cocontractant de vérifier s’il a respecté son engagement.
24
J.B. RACINE, L’arbitrage commercial international et l’ordre public, préf. Ph. FOUCHARD, Bibl. de Droit
privé, tome 309, LGDJ 1999, n° 630.
25
Signalons entre autres la jurisprudence arbitrale relative à l’aptitude des États et personnes morales de
droit public à compromettre, principe d’ordre public évinçant les lois nationales gouvernant en principe la
capacité desdites personnes publiques. J.B. RACINE, op. cit. n° 685 et 386 s. V. aussi sur la nullité d’un
contrat fictif, violant la loi yougoslave, ainsi que la morale et les bonnes mœurs, sentence CCI n° 2730, JDI
1984-914, obs. Y. DERAINS.
26
B. OPPETIT, Le paradoxe de la corruption à l’épreuve du droit du commerce international, JDI 1987-5. V.
HEUZÉ, Rep. int. Dalloz V° Corruption.
27
Ph. LE TOURNEAU, L’éthique des affaires et du management au XXI siècle, Dunod-Dalloz, 2000, p. 191 s.
Cet « effort » résulte de la convention de l’OCDE du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption des
agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Cf. G. SACERDOTI, RDAI
1999-3. B. FILLION-DUFOULEUR, La lutte contre la corruption dans le commerce international, JCP 1999 I
186.
28
La loi suisse dans une sentence CCI n° 6497 de 1994, Gaz. Pal. 9/11 janv. 2000, Doc. p. 120 ; la loi coréenne
e
n’ont pas hésité à le faire au nom de l’ordre public transnational. C’est ainsi que l’une d’elles
déclare que les accords « violant sérieusement les bonnes mœurs ou l’ordre public
international sont nuls, ou tout au moins ne peuvent pas donner lieu à exécution »29. Une
autre se réfère à la « moralité des rapports économiques internationaux »30. Enfin, faisant la
synthèse de la jurisprudence arbitrale en la matière, une sentence CCI n° 8891 rendue en
199831 énonce notamment qu’« un contrat incitant ou favorisant la corruption de
fonctionnaires est contraire à l’ordre public transnational » et qu’en pareil cas l’arbitre « n’a
d’autre option que d’en constater la nullité ». Il s’agissait en l’espèce d’un contrat de
consultance dont l’objet réel était le versement de pots-de-vin à des personnes « bien
placées dans l’Administration ».
Pour finir sur un thème qui est encore à l’ordre du jour, on peut signaler aussi que le
TAS (Tribunal Arbitral du Sport) lutte également contre l’immoralité dans la pratique
sportive, comme en témoignent les sentences rendues à propos de la corruption
(d’arbitres… mais des compétitions de football !) ou à propos du dopage32.
Un tel souci de moraliser les mœurs de l’homo-economicus est encore plus présent
dans les éléments « nouveaux » de la lex mercatoria.
B - En 1994, l’Institut International pour l’Unification du Droit privé, dit UNIDROIT, a
publié des « Principes relatifs aux contrats du commerce international »33.
Leur appartenance à la lex mercatoria, contestée quelque temps, n’est plus guère mise
en doute aujourd’hui car, malgré leur origine savante ou doctrinale, ces principes, désormais
bien connus des praticiens, sont d’ores et déjà appliqués par un nombre croissant de
sentences arbitrales34.
Ces principes constituent en effet un apport précieux pour la lex mercatoria, parce
qu’ils lui donnent une ossature, la structurent, et constituent par là même une réponse au
grief souvent fait au droit a-national de n’être qu’une collection de règles éparses
insusceptible de former un véritable ordre juridique.
Dans leur contenu, les principes d’UNIDROIT reposent sur une exigence primordiale
(toujours la même) : le principe de bonne foi.
Aussi bien, l’obligation des parties de se conformer aux exigences de la bonne foi dans
le commerce international est énoncée à l’article 1-7, au titre des dispositions générales35 et
dans la sentence CCI n° 5943 de 1990, JDI 1990-1014, obs. DH.
29
Sentence CCI n° 1110 de 1963, notamment citée par B. OPPETIT, préc. p. 8. Également sentence CCI n°
3913 de 1981. JDI 1985.988.
30
Sentence CCI n° 3916 de 1982, JDI 1984-930 obs. S. JARVIN.
31
JDI 2000.1076, obs. D.H.
32
V. la chronique des sentences du T.A.S. d’E. LOQUIN, D. HASCHER et G. SIMON au JDI 2002, p. 319 s.
33
V. C. KESSEDJIAN : Un exercice de rénovation des sources du Droit du commerce international : les
principes proposés par l’UNIDROIT, Rev. crit. DIP 1995-671. A. GIARDINA, les principes UNIDROIT sur les
contrats internationaux, JDI. 1995-547.
34
F. GELINAS, La jurisprudence arbitrale de la C.C.I. et les Principes d’UNIDROIT, Gaz. Pal. 21 fév. 2000, p. 37.
35
Alors qu’il n’y a pas de règle identique dans la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la Vente
cette règle s’accompagne même d’une interdiction pour les parties de l’exclure ou d’en
réduire la portée (art. 1-7 § 2).
Les conséquences qui sont tirées de ce principe sont évidemment beaucoup plus
complètes et précises que celles qui résultent de la jurisprudence arbitrale précédemment
évoquée.
Ainsi, dès la phase précontractuelle, les parties, certes libres de négocier, sont
soumises à cette exigence de sorte que le partenaire qui « dans la conduite ou la rupture des
négociations agit de mauvaise foi est responsable du préjudice causé à l’autre partie » (art.
2-15). D’autre part, les partenaires, en l’absence même d’un engagement de confidentialité,
ne doivent pas divulguer les informations confidentielles auxquelles ils ont eu accès, ni les
utiliser de façon indue à des fins personnelles (art. 2-16).
Par ailleurs, de façon novatrice par rapport aux usages du commerce international36,
les principes organisent la protection du consentement, dont on sait depuis la célèbre étude
de Ripert37 les liens avec la morale : la nullité du contrat est encourue en cas d’erreur, de dol,
ou de contrainte (art. 3-4 et s.). Mieux, elle est prévue dans l’hypothèse d’un « avantage
excessif ». Aux termes de l’article 3-10 § 1 des Principes « La nullité du contrat, ou de l’une
de ses clauses, pour cause de lésion peut être invoquée par une partie lorsqu’au moment de
sa conclusion, le contrat, ou la clause, accorde injustement un avantage excessif à l’autre
partie ».
Le texte précise les éléments qu’il convient de prendre en considération :
« 1) – Le fait que l’autre partie a profité d’une manière déloyale de l’état de
dépendance, de la détresse économique, de l’urgence des besoins, de l’imprévoyance, de
l’ignorance, de l’inexpérience ou de l’inaptitude à la négociation de la première » : on est loin
de la présomption de compétence des opérateurs, érigée en principe de la lex mercatoria
classique ! Voilà plutôt une disposition reflétant la solidarité contractuelle !
La présomption de bonne foi s’étend enfin à la phase de l’exécution du contrat. Elle
fait ainsi partie des éléments dans lesquels l’arbitre doit puiser pour compléter le contrat
(art. 4-8) ; elle constitue, dans le même ordre d’idées, une des sources des obligations
implicites s’imposant aux parties (art. 5-2) ; elle prend ensuite la forme d’un devoir de
collaboration entre contractants (art. 5-3) et, pour s’en tenir là, autorise l’adaptation du
contrat en cas de « hardship », c’est-à-dire lorsqu’un événement imprévu « altère
fondamentalement l’équilibre des prestations » (section 2 du chapitre 6). Le texte
d’UNIDROIT est très précis sur ce point et indique notamment les effets d’un tel
événement : droit de demander l’ouverture de renégociations, et faute d’accord, de saisir le
internationale de marchandises, à laquelle les Principes ont pourtant largement emprunté, parce que les
pays anglo-saxons s’y étaient opposés ; d’où une référence à la bonne foi seulement à propos de
l’interprétation de la convention, ce qui est un peu curieux. V. J.M. JACQUET, Le droit de la vente
internationale de marchandises : le mélange des sources, in Souveraineté étatique et marchés
e
internationaux à la fin du 20 siècle. Mélanges en l’honneur de Ph. KAHN, LITEC 2000, p. 75, spéc. P. 77-78.
Néanmoins, plusieurs dispositions de cette convention se réfèrent implicitement à l’obligation de bonne
foi, ce que la jurisprudence a pu exploiter : v. F. DIESSE, Bonne foi, coopération et raisonnable dans la
convention sur la vente internationale de marchandises, JDI 2002-55.
36
Cf. E. LOQUIN, art. préc. p. 169, constatant alors l’absence de recevabilité de l’erreur en raison de la
présomption de compétence des opérateurs.
37
La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ 4 éd. 1949, n° 41 et s.
e
tribunal arbitral qui dispose de plusieurs possibilités : mettre fin au contrat ou « l’adapter en
vue de rétablir l’équilibre contractuel ».
Cette révision du contrat en l’absence de toute clause prévue à cet effet est
remarquable, car peu de sentences arbitrales avaient admis auparavant une pareille
solution, de sorte qu’il n’était guère possible d’y voir un principe général38.
Ces derniers éléments laissent pressentir que le bilan tiré de l’analyse des éléments
éthiques dans la lex mercatoria ne peut être que positif. Et pourtant…
II – Si l’on peut approfondir l’analyse du phénomène décrit, plusieurs questions
viennent à l’esprit. Quelle est la valeur des règles éthiques qu’intègre la lex mercatoria ?
Assiste-t-on à un phénomène de mode, comme cela a souvent été avancé, ou s’agit-il d’une
aspiration réelle des agents économiques ? Quelle est la capacité des milieux professionnels
à prendre en charge les intérêts généraux, par rapport aux États, dont c’est la vocation
naturelle ?
Ces questions sont plus ou moins liées et leur examen peut être fait à partir d’une
distinction, empruntée à B. Oppetit, entre l’éthique du contrat et une autre, plus large,
l’éthique économique et sociale39.
A – L’éthique du contrat, tout entière tournée vers la bonne foi, est assurément bien
servie par la lex mercatoria. C’est vrai si l’on considère les usages ou principes généraux issus
de l’arbitrage, et cela l’est encore davantage si l’on se réfère aux Principes d’UNIDROIT, qui
tirent des conséquences très poussées du principe de bonne foi.
Sur ce terrain, il semble même que la lex mercatoria surpasse le droit étatique : celui-ci
ne consacre en effet ni la lésion comme cause générale de nullité, ni l’imprévision,
contrairement aux principes d’UNIDROIT concernant l’ « avantage excessif » et le
« hardship ». Et l’on peut même avancer que l’arrêt « solidariste » de la Cour de cassation,
rendu le 15 janvier 200240 sur le terrain de l’abus de droit dans la détermination du prix,
évoqué tout à l’heure par le Doyen J. MESTRE, aurait pu trouver un fondement plus
« direct » dans l’article 5-7 des Principes s’il y avait son équivalent dans la loi française : on y
lit en effet que « lorsque le prix qui doit être fixé par une partie s’avère manifestement
déraisonnable, il lui est substitué un prix raisonnable, nonobstant toute stipulation
contraire ».
Cette performance éthique de la lex mercatoria ne surprendra pas. Elle est en effet au
service de l’intérêt bien compris des parties. Qu’il s’agisse de loyauté entre partenaires, de
coopération, ou d’autres ramifications de la bonne foi, tous ces préceptes sont facilement
38
En ce sens, B. GOLDMAN, La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage inernationaux, préc. p. 494.
Rappr. Dans les Principes, l’art. 5-7 § 2, qui permet la substitution d’un prix raisonnable « nonobstant toute
stipulation contraire » quand le prix qui doit être fixé par une partie s’avère manifestement
déraisonnable ».
39
B. OPPETIT, Éthique et vie des affaires, Mélanges offerts à A. COLOMER, Litec, 1993, p. 319 s.
40
Com. 15 janvier 2002, D. Aff. 2002-1974, n. Ph. STOFFEL-MUNCK.
admis parce qu’ils assurent une exécution correcte des obligations contractuelles, donc le
bon fonctionnement du marché.
Pour prendre un exemple, l’obligation faite au créancier de minimiser le dommage
qu’il subit du fait de l’inexécution exprime bien moins une forme d’altruisme, qu’un souci de
rationalité économique : comme l’écrit Éric Loquin, elle « évite le gaspillage des ressources
et réduit le coût de la réparation »41.
Ainsi, il apparaît que la défense de valeurs éthiques, dans la lex mercatoria, implique
que celles-ci soient conformes à l’intérêt de la société des marchands42. Il paraît donc fort
douteux que ce droit a-national endosse une éthique dépassant ces intérêts, et
véritablement sociale.
B – Quelques éléments de la lex mercatoria43 semblent attester toutefois d’une
sensibilisation aux valeurs supérieures, qui sont au service de l’intérêt général ou du bien
commun.
C’est le cas d’abord des Codes de bonne conduite qui promettent par exemple de ne
pas produire ou vendre de biens obtenus grâce au travail des enfants, ou dans des
conditions qui nuisent à l’environnement (exemple récent : de grands distributeurs ont
indiqué qu’ils limiteraient leurs ventes de mobilier en teck pour ne pas encourager la
déforestation que ce commerce entraîne dans les pays producteurs).
Cependant, il est bien évident que cette politique commerciale sert avant tout l’intérêt
des entreprises en leur assurant une bonne image. L’utilitarisme guide les comportements,
comme l’avait soutenu Bentham, l’« inventeur » de la déontologie, pour qui « il est dans la
nature de l’homme de penser avant tout à ses intérêts ». Dès lors, il faut lui faire
comprendre que l’exécution de ses devoirs est conforme à ses intérêts. Cette vision bien
anglo-saxonne n’est pas démentie par B. Beignier pour qui « le mirage de la déontologie,
c’est de faire de la contrebande de valeurs » !44.
On se gardera cependant d’une appréciation trop pessimiste, même si l’éthique des
affaires est, comme l’écrit Ph. Le Tourneau « en quelque sorte impure, polluée par un enjeu
financier »45. Cette « éthique du gris »46 produit néanmoins un effet bénéfique, et c’est donc
déjà un progrès comme l’admet cet auteur. Ajoutons qu’il n’est pas interdit de croire en
l’Homme, et de voir aussi dans l’essor de cette éthique « la permanence d’un besoin du
corps social »47, une aspiration naturelle du cœur humain.
41
E. LOQUIN, Les sources du droit mondialisé, Droit et patrimoine, septembre 2001, p. 70, spéc. p. 77.
42
Ph. KAHN, Droit international, droit économique, droit du développement, lex mercatoria… in Le droit des
relations économiques internationales, Mél. B. GOLDMAN, 1982, p. 97.
43
Relevons en contrepoint, que les Principes UNIDROIT sont silencieux sur la question de l’illicéité ou de
l’immoralité du contrat international, expressément exclue par l’art. 3-1 c).
44
B. BEIGNIER, Interrogations sur la déontologie, in La Morale et le droit des affaires, op. cit. p. 28
45
L’éthique des affaires… op. cit. p. 258.
46
Ibid. p. 61.
47
B. OPPETIT, Éthique et vie des affaires, préc. p. 333. V. aussi G. FARJAT, Les pouvoirs privés économiques,
e
in Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du XX siècle, op. cit. p. 613 s.
Pourtant, en ce qui concerne les sentences arbitrales, le bilan demeure médiocre car
beaucoup font penser à des occasions manquées, qu’il s’agisse de celles rendues à propos
du commerce des armes, dans lesquelles on ne trouve « aucune condamnation de principe
(puisqu’) au contraire les arbitres acceptent de statuer sur les difficultés d’exécution de
contrats de ventes d’armes »48, ou qu’il s’agisse de contrats portant sur la vente de produits
du corps humain, en l’espèce d’hypothèses, où toute référence à l’ordre public international
a été esquivée, au profit d’une « approche purement mercantile de l’affaire » comme l’a
noté Ph. Kahn49.
Enfin, l’affaire du Plateau des pyramides peut être citée dans ce même registre
décevant : rappelons que le gouvernement égyptien, sous la pression de l’opinion publique,
avait mis fin, quatre ans après sa signature, à un contrat ayant pour objet la construction
d’un gigantesque complexe touristique sur le célèbre site de Guizèh, inscrit par la suite au
Patrimoine Mondial de l’UNESCO en application de la Convention de 1972 sur la protection
du patrimoine mondial culturel et naturel. Une sentence arbitrale rendue sous les auspices
de la Chambre de Commerce Internationale50 avait condamné l’État égyptien à verser 12,5
millions de dollars de dommages et intérêts à la société co-contractante sans tenir compte
de l’intérêt culturel menacé par le projet. La sentence fut annulée en France, pour des
raisons indifférentes à cette considération, et une nouvelle procédure arbitrale fut engagée
devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements
(CIRDI). Cependant, la prétention de l’État égyptien à faire juger licite la cessation du
contrat, intervenue en vertu d’une obligation internationale, ne fut pas accueillie, au motif
que la convention de l’UNESCO de 1972 n’était pas encore en vigueur lors de la signature du
contrat51. C’était incontestable, mais l’on a pu dénoncer dans cette attitude un « juridisme
coupable ».52
En définitive, c’est seulement dans la lutte contre la corruption que l’arbitrage, pour
avoir largement devancé la justice étatique, mérite un satisfecit. L’affaire Hilmarton est à
cet égard exemplaire53 . Certes, il est encore possible de trouver à cela une explication
purement rationnelle ; il faut combattre la corruption et le trafic d’influence parce qu’ils ont
48
J.B. RACINE, op. cit. n° 731.
49
Rapport préc. in L’illicite dans le commerce international, p. 489. Il s’agit de la sentence CCI n° 5616 de
1989, JDI 1994-104 1, obs. D. HASCHER.
50
Sentence CCI du 16 février 1983, Rev. arb. 1986-107. V. Ph. LEBOULANGER, État, politique et arbitrage.
L’affaire du plateau des Pyramides, Rev. arb. 1986-3.
51
Sentence CIRDI du 20 mai 1992, JDI 1994-229, obs. E. GAILLARD. V. J.B. RACINE, op. cit. n° 742 s.
52
E. LOQUIN, Où en est la Lex mercatoria ? in Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du
e
XX siècle, op. cit. p. 50.
53
Une sentence arbitrale (Sentence CCI n° 5622, de 1988, Rev. Arb. 1993, 300) avait annulé un contrat après
avoir constaté un trafic d’influence, prohibé par la loi algérienne ; relevant que cette loi s’inscrivait dans
l’ordre public international, l’arbitre en avait déduit que la violation constatée était contraire à la notion de
bonnes mœurs du droit suisse applicable au litige. Mais la Cour de justice de Genève, avec l’approbation
ensuite du Tribunal Fédéral suisse, a annulé cette sentence en désavouant le raisonnement de l’arbitre
quant à la violation du droit suisse et de ses bonnes mœurs ! (V. V. HEUZÉ, La morale, l’arbitre et le juge,
Rev. Arb. 1993, 179). C’est la justice française qui, d’une certaine manière, est venue « sauver la mise » en
accordant l’exequatur à la sentence en dépit de cette annulation à l’étranger… (Civ. 1 ; 23 mars 1994, JDI
1994 ; 701, note E. GAILLARD).
pour effet de fausser la concurrence ! 54. Mais il faut convenir que les références à
l’immoralité sont nombreuses dans les sentences sanctionnant la corruption.
Même ainsi limités, ces efforts permettent d’augurer de meilleures perspectives
d’avenir. En effet, certains sont d’avis que l’arbitre pourrait aller plus loin dans la défense des
valeurs non marchandes. Estimant que l’ordre public transnational devrait s’imposer aussi
bien aux parties qu’à l’arbitre, P. Lalive a soutenu que ce dernier devait pouvoir y recourir
d’office, « dans tous les cas où des valeurs éthiques et sociales tout à fait fondamentales
sont en cause, et où une décision faisant abstraction de cet ordre public serait (…)
incompatible avec des principes de justice universels55 ». Une telle évolution est rendue
possible aujourd’hui par les modifications qui se sont opérées dans la fonction arbitrale, car
les arbitres se sont vu « reconnaître par les juridictions étatiques le pouvoir d’appliquer et de
sanctionner les réglementations d’ordre public… Il est donc de leur responsabilité d’exercer
les pouvoirs étendus qui leur ont été reconnus »56.
Cela étant, la fonction de défense de l’intérêt général est plutôt l’apanage des États.
On assiste d’ailleurs depuis quelques années à une prise de conscience, par la communauté
internationale, de la nécessité de moraliser les relations économiques et d’instaurer une
sorte d’ordre public mondial.
Ainsi ont été élaborées diverses conventions internationales qui donnent un visage
plus humain à la mondialisation des échanges même si leur efficacité est loin d’être
pleinement acquise57 : en particulier, des conventions sur la protection des biens culturels58,
sur la lutte contre la corruption59, contre le blanchiment de capitaux60 sont venues s’ajouter
à des traités plus anciens concernant divers trafics illicites.
54
Cf. J.B. RACINE, op. cit. n° 710 : … « il n’est pas certain que la corruption ferait l’objet d’autant de
récriminations si elle ne faussait pas en même temps le jeu concurrentiel ».
Cette perception de la corruption en termes de concurrence apparaît bien dans une réponse ministérielle
de 1979, justifiant la déductibilité alors admise des commissions occultes : il s’agissait de « ne pas placer les
entreprises françaises en situation défavorable » (citée par B. OPPETIT, op. cit. p. 15).
Sentence CCI n° 5622, de 1988, Rev. arb. 1993.300.
55
P. LALIVE, art. préc. p. 367-368. Ph. KAHN, Rapport préc. in L’illicite dans le commerce international, op.
cit. p. 477 s. E. LOQUIN, Où en est la lex mercatoria ? art. préc., p. 49-51.
56
J.M. JACQUET et Ph. DELEBECQUE, Droit du commerce international, 2 éd. Dalloz 2000, n° 570.
57
J. CHAPPEZ, Les conventions internationales de lutte contre les trafics illicites, in L’illicité dans le
commerce international, op. cit. p. 445 s. Cf. Bruno OPPETIT, Droit du commerce international et valeurs
non marchandes, Études Lalive (1993), publié également dans Droit et modernité, PUF, coll. Doctrine
juridique, p. 205.
58
Convention du 14 novembre 1970 de l’UNESCO, sur l’interdiction d’importation, d’exportation et de
transfert illicite des biens culturels, convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement
exportés, du 24 juin 1995, à quoi s’ajoutent divers instruments régionaux et notamment communautaires.
59
Convention de l’OCDE du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers
dans les transactions commerciales internationales (J.O. du 29 septembre 2000).
60
Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la
confiscation des produits du crime (JO 4 mars 1997). Convention de Palerme sur la criminalité
transnationale organisée, adoptée par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 15 novembre 2000 (v. le
texte dans la Rev. int. de droit pénal, vol. 71, ou sur le site internet www.uncjin.org).
e
On peut penser que la multiplication de ces normes d’interdiction incitera les arbitres
du commerce international à stigmatiser davantage les agissements constitutifs d’une
transgression… et les opérateurs à mieux se comporter !