ST 53 AFSP 2017 - Institut du Genre

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ST 53 AFSP 2017 - Institut du Genre
ST 53 : « Questions de Genre. Entre Etats et Religions »
XIVème congrès de l’AFSP – Montpellier 2017.
Solenne Jouanneau, MCF – IEP de Strasbourg – UMR SAGE
[email protected]
Laurent Bonelli, MCF – Université Paris 10 – UMR ISP
[email protected]
Les propositions comprises entre 3000 et 5000 signes (espaces compris) sont à envoyer
avant le 15 octobre 2016 aux responsables de la section.
Appel à Communication
La sociologie a établi de longue date que les institutions religieuses sont productrices de
discours sur le genre. Elles façonnent un système social de dichotomisation et de
hiérarchisation de l’humanité en deux catégories sexuées : les hommes et les femmes
(Rochefort&Sanna, 2013). Ad intra, ces discours ont d’abord pour objet de prescrire les
comportements attendus des individus en fonction de leur sexe sur le plan cultuel ou spirituel
(Lautman, 1998 ; Bano & Kalmbach, 2012 ; De Gasquet 2012). Ne se réduisant pas au seul
domaine du sacré, ils tendent aussi réguler les relations entre les individus en fonction de leur
appartenance à un ou l’autre des deux sexes: la sexualité, l’éducation des enfants, la famille,
le travail, la politique, l’économie, font également l’objet de prescriptions religieuses pouvant
renforcer, atténuer ou questionner les normes de genre en vigueur dans d’autres champs
(Woodhead, 2012). Parmi elles, les « questions sexuelles » (Fassin, 2012) font l’objet d’une
attention centrale.
Pour autant, et ce fut l’un des apports des études de genre, les institutions religieuses ne sont
pas les seules qui cherchent à imposer leur régime de vérité tant sur les identités sexuées et
sexuelles, que sur les rapports sociaux de sexe. Dans le sillage de l’Histoire de la sexualité
(Foucault, 1976) et du tournant linguistique, des travaux ont questionné la production du
genre par la science et la médecine (Fausto-Sterling, 2000), par les médias etc. Le projet de
cette section thématique est d’articuler cette perspective de recherche avec une analyse
empirique des conditions d’efficacité des discours religieux sur le genre. Or de toutes les
institutions avec lesquelles les religions sont aujourd’hui en compétition pour définir les
normes de genre légitimes (la médecine, les médias, les associations féministes et LGBTI, les
universitaires spécialisées dans les études de genre, etc.), les pouvoirs publics semblent
occuper, au côté des instances internationales (ONU, UE, etc.) une place prépondérante. Les
gouvernants, avec le soutien des assemblées législatives, se trouvent en position de donner
force de loi aux normes de genre. Les fonctionnaires peuvent infléchir ou conforter ces
interprétations, comme les différentes affaires religieuses soumises à la justice administrative
l’ont montré (Regine, 2014).
Cette section thématique s’inscrit dans le prolongement des recherches de sociologie politique
sur le genre et les mobilisations religieuses. En France, les contestations suscitées par
l’interdiction du voile en France (dans certains lieux ou certaines formes) et ses effets en
terme de discriminations religieuses genrées (De Galembert 2008 ; Koussens &Roy, 2013),
ainsi que plus récemment les mobilisations contre «la théorie du genre » ou le mariage civil
au couple de même sexe - portées majoritairement par des collectifs d’inspiration religieuse
soutenus plus ou moins ouvertement par les autorités de leur culte de référence – ont
récemment participé à relancer la production scientifique sur la contribution des groupements
et des institutions religieuses à la politisation des questions de genre (Béraud, 2011 ; Carnac,
2012 ; Favier, 2013 ; Rochefort, 2014 Béraud & Portier, 2015).
Cette section thématique propose cependant un déplacement du regard consistant à analyser
non plus la place du « genre » dans les récentes mobilisations des groupes religieux, mais son
incidence sur la nature des relations qu’entretiennent aujourd’hui les pouvoirs publics avec les
organisations religieuses présentes sur leur territoire. Plus précisément, elle voudrait réunir
des contributions s’interrogeant sur la manière dont les représentations respectives des
représentants des autorités publiques (élus et fonctionnaires) et des cultes en matière de genre
tendent ou non à affecter les positionnements que ces différentes catégories d’acteurs adoptent
généralement les uns vis-à-vis des autres. Peut-on identifier un impact du genre sur les
processus d’assistance, de coopération, d’encadrement ou de surveillance qui les mettent
habituellement en présence ?
Notre objectif est en effet de prendre au sérieux la dynamique entre la promotion religieuse de
normes de genre et l’intervention de l’État sur les questions sexuelles, ce qui soulève deux
types d’interrogation. On peut d’abord se demander si les politiques publiques en matière de
questions sexuelles sont en mesure de modifier ou d’altérer la nature des relations (officielles
ou officieuses) qui se nouent entre représentants de l’État et représentants des différentes
« communautés religieuses » ou cultes reconnus ? Et si les institutions religieuses ou leurs
fidèles peuvent-ils être à l’origine de la mise à l’agenda de question de genre ou de sexualité ?
Ou encore s’ils sont en mesure de susciter une intervention étatique en ce domaine ? Mais
l’analyse de cette dynamique nécessite aussi d’interroger la manière dont les autorités
religieuses gèrent, à l’intérieur de leurs institutions et groupement religieux, les situations de
consensus ou au contraire de conflits entre leurs positions doctrinales sur les questions
sexuelles et celles de l’État. Il s’agira alors de se demander en quoi la manière dont les
autorités publiques considèrent les questions sexuelles détermine la capacité des groupements
religieux à défendre une vision divergente ou commune du genre et de la sexualité.
Dans ce cadre seront dès lors privilégiées les communications participant d’une réflexion tout
à la fois empirique, socio-historique et comparatiste quant à l’évolution des relations entre
pouvoirs publics et autorités religieuses, non plus uniquement à l’aune de la régulation
juridique des relations entre sphère politique et sphère religieuse, mais également au prisme
des questions sexuelles. Quels positionnements concrets les autorités religieuses adoptentelles vis-à-vis des pouvoirs publics lorsqu’elles les pensent capables d’adopter des législations
susceptibles de venir renforcer – ou au contraire de contester – la légitimité de leur éthique en
matière de genre ou de sexualité ? En l’état des relations actuelles entre l’État et les
institutions religieuses, l’apparition ou l’existence de désaccords parfois profonds sur les
questions de genre est-elle véritablement en mesure de transformer les relations entre ces deux
entités ? Ainsi, au Portugal, en 2010, le gouvernement et le législateur ont pu autoriser le
mariage civil des couples de même sexe sans que l’épiscopat ne s’oppose outre-mesure au
texte alors qu’en France la « loi Taubira » a suscité d’importantes mobilisations. Ces clivages
sont-ils fondamentaux ou secondaires ? Arrive-t-il aussi qu’ils puissent être instrumentalisés
afin de venir légitimer des positionnements ne trouvant pas leur fondement dans la
problématique du genre ?
Call for paper
Sociologists have long established that religious institutions produce discourses on gender.
They shape a social system that hierarchises and divides humanity into two sexual categories:
man and woman (Rochefort & Sanna, 2013). Internally, these discourses are primarily aimed
at prescribing expected religious or spiritual behaviours for individuals on the basis of their
sex (Lautman, 1998; Bano & Kalmbach, 2012; De Gasquet 2012). They are not limited to the
realm of the sacred. They also tend to regulate relationships between individuals depending
on sex. Sexuality, education, family, work, politics, economy are also subject to religious
prescriptions that may reinforce, lighten or challenge gender norms applying in other fields
(Woodhead, 2012). Among them, ‘sexual questions’ (Fassin, 2012) stand out.
However, gender studies have taught us that religious institutions are not the only
organizations seeking to impose their truth on gendered and sexual identities and on gender
relations. In the wake of Foucault’s History of Sexuality (1976) and of the linguistic turn,
scholars have investigated the production of gender by science and medicine (Fausto-Sterling,
2000), the media, etc. This thematic section intends to combine these research approaches
with empirical analysis of the conditions of effectiveness of religious discourses on gender.
Out of all the institutions currently competing with religions to define legitimate gender
norms (medicine, the media, feminist and LBGTI associations, academics specialized in
gender studies, etc.), public authorities appear to play a leading role. Governments, with the
support of legislative assemblies, find themselves in a position to give legal effect to gender
norms. The treatment of various religious cases by administrative courts has shown that
officials can deflect or bolster these interpretations (Regine, 2014).
This thematic section builds on political sociology research on gender and religious
mobilisations. The scientific output on the contribution of religious groups and institutions to
the politicisation of gender-related issues has experienced a recent boost in France (Béraud,
2011; Carnac, 2012; Favier, 2013; Rochefort, 2014; Béraud & Portier, 2015). These studies
have in particular examined the controversy triggered by the ban on face covering (in some
places and in certain forms) and its effects in terms of gendered religious discriminations (De
Galembert 2008; Koussens & Roy, 2013). More recently they have also addressed
mobilisations against ‘gender theory’ and civil marriage for same-sex couples, most of which
were organised by religiously inspired groups more or less openly supported by religious
authorities.
This thematic section proposes a shift in outlook. Instead of analysing the place of ‘gender’ in
recent mobilisations by religious groups, it will study its impact on the nature of relations
between states and religious organisations. Contributors are encouraged to look into how the
respective representations of public officials (elected representatives and civil servants) and
religious officials tend to affect (or not) their respective positions towards one another. Does
gender have an impact on the processes of assistance, co-operation, monitoring or
surveillance in which they are routinely involved?
Our objective is to scrutinise the dynamic at work between the religious promotion of gender
norms and state intervention on sexual matters, which raises two types of questions. First, it is
worth considering whether public policy on sexual matters can change or alter the nature of
the (official and informal) relations between state representatives and their counterparts from
recognised religions or ‘religious communities’. Can religious institutions or their followers
put gender or sexuality matters on the agenda and trigger state intervention in those fields?
Analysing this dynamic also requires looking into the way in which religious authorities
manage consensus and conflicts between their doctrinal positions on sexual matters and the
state’s positions internally. Hence contributors should also ask to what extent the way in
which public authorities deal with sexual matters determines the ability of religious groups to
defend a diverging or shared vision of gender and sexuality.
Papers are expected to display an empirical, socio-historic and comparatist approach to the
evolution of relations between public and religious authorities. Sexual questions will be
considered in addition to the legal regulation of the relations between political and religious
spheres. In practice, what positions do religious authorities adopt towards public authorities
when they consider them capable of introducing laws that will reinforce or challenge the
legitimacy of their ethics in matters of gender or sexuality? Can the emergence or existence of
sometimes deep-seated disagreements truly change the relations between state and religious
institutions? For instance, in Portugal, the government and lawmakers authorized civil
marriage for same-sex couples without outright opposition from the church, whereas in
France the Taubira law triggered large-scale protests. Are these cleavages fundamental or
secondary? Might they be instrumentalised for the purpose of legitimising positions that have
no basis in the discussion on gender?
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