Traitement des eaux usées par marais artificiels : action des plantes

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Traitement des eaux usées par marais artificiels : action des plantes
Traitement des eaux usées par marais
artificiels : action des plantes
et développement de la technique en France
■ A. LIÉNARD1, P. MOLLE1, C. BOUTIN2, P.-H. DODANE1
Mots-clés : eaux usées domestiques, filtres plantés de roseaux, écoulement vertical, zones rurales
Introduction
En termes de distribution de population, la France a une
position très particulière en Europe : selon le recensement
1999, les 60 millions d’habitants sont répartis dans
36600 communes. Comparée aux pays voisins, la France
a une densité de population basse (100 habitants par km2)
et, bien que la majorité de la population vive dans de
grandes zones urbaines, 25 % de la population réside
dans 31 900 communes de moins de 2 000 habitants.
Cette situation sociologique influence le traitement des
eaux usées et en particulier le rôle important de l’assainissement non collectif qui concerne 11 millions d’habitants
pour 5 millions d’installations.
En assainissement collectif, on dénombre également beaucoup de petites stations d’épuration de faible capacité
connectées aux réseaux d’assainissement [DUCHENE et
al., 1997]. En France, environ 80 % des 15 000 stations
de traitement d’eaux usées ont une capacité inférieure à
2000 équivalents-habitants (EH).
La simplicité de construction et d’exploitation des
lagunages naturels a logiquement favorisé leur important
développement en France où elles équipent plus de
3000 communes rurales.
La conception largement dominante consiste en trois
bassins en série correspondant désormais à une surface
utile totale de 11 m2/EH. Toutefois, étant donné que
l’emprise globale et les contraintes d’étanchéité des bassins
sont élevées, les sites particulièrement bien adaptés à cette
technique se font rares et il est donc apparu nécessaire de
chercher des alternatives au lagunage naturel.
Dès le début des années 1980, le Cemagref a entrepris des
recherches sur les systèmes de traitement de type «cultures
fixées sur supports fins » et plus particulièrement sur les
filtres plantés de roseaux à écoulement vertical (FPR). Les
investigations ont d’abord porté sur deux petites stations
de traitement d’eaux usées dans une pension pour enfants
dans le département du Loir-et-Cher, construites en 1978
et 1982 sous le conseil direct de Kathe Seidel (docteur du
Max Planck Institute et initiatrice des études sur les
systèmes plantés de végétaux aquatiques en Allemagne).
Les résultats encourageants obtenus principalement sur
les deux premiers étages de traitement à écoulement vertical, alimentés en eaux usées brutes sans colmatage, ont
encouragé la poursuite des travaux sur d’autres stations
expérimentales et particulièrement celle de Gensac-laPallue. Construite pour augmenter la capacité d’un
lagunage naturel existant et surchargé, l’installation d’un
premier étage de FPR (mis en eau courant 1987), en amont
des lagunes a permis d’accroître les capacités de traitement
du lagunage naturel existant [LIENARD et al., 1994].
Néanmoins, l’utilisation des FPR était relativement peu
connue à cette époque et leur développement a vraiment
débuté au cours des années 1990 avec la SINT (Société
d’Ingénierie Nature et Technique), bureau d’études privé
créé en 1991, à la suite à un contrat de transfert exclusif de
savoir-faire signé avec le Cemagref pour développer les FPR.
Avec le temps, le procédé s’est doté d’une bonne réputation pour le traitement des eaux des petites collectivités et,
de nos jours, plusieurs entreprises le proposent.
1. Rôle des roseaux
1 Cemagref U.R. Qualité des eaux Prévention des pollutions 3bis, quai
Chauveau CP 220 - 69336 Lyon cedex 09.
2 Mission d’appui technique aux services déconcentrés. Conseil général du
GREF 140 bis, rue de Rennes 75006 Paris.
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De nombreuses études sont conduites dans le monde et
attestent du rôle positif des plantes dans les marais artificiels. Nous nous appuierons sur les plus récentes et
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De l’assainissement à la protection de l’environnement
notamment sur des travaux présentés à Avignon lors de la
conférence spécialisée de l’IWA sur les marais artificiels en
septembre 2004 pour éclairer divers aspects essentiels à la
compréhension de l’action des plantes. Outre l’aspect
esthétique auquel contribuent les plantes, leurs rôles
peuvent se décliner des manières suivantes.
quent, une meilleure oxygénation du filtre en service (la
plage d’infiltration dénoyée est ainsi plus rapidement en
contact direct avec l’atmosphère)
1.1. Un rôle de régulation de la perméabilité du
enzymatique
filtre
L’alimentation en eaux usées brutes des filtres induit la
formation d’une couche de dépôt colmatante. Cette
couche réduit la perméabilité du massif ainsi que le transfert d’oxygène dans le milieu. La croissance des racines et
rhizomes permet de contrebalancer ce résultat. En effet, la
tige des roseaux perce cette couche limitante hydrauliquement et libère des espaces libres à l’écoulement autour
d’elle (figure a). Ce rôle mécanique induit deux phénomènes :
- une augmentation de la perméabilité du massif,
- une humectation plus en profondeur du massif, et donc
un volume effectif de réacteur plus important,
L’augmentation des vitesses d’infiltration mise en évidence
par [MOLLE, 2003] (figure 1), assure des périodes d’assèchement plus longues entre chaque bâchée et, par consé-
Figure a. Rôle mécanique des roseaux sur la couche
de dépôt (photo H. Brix)
1.2. Le développement racinaire des roseaux a
un effet positif sur le nombre de bactéries
présentes dans le milieu et stimule l’activité
MÜNCH et al. (2005) de l’université de Dresde en
Allemagne ont récemment conduit des études en laboratoire en conditions maîtrisées dans des réacteurs de 12
litres remplis de sable saturé alimentés en effluent synthétique à faible concentration en carbone mais enrichi en
ammonium (100 mg.l-1). Certains réacteurs sont plantés,
d’autres ne le sont pas. La figure 2 révèle des différences significatives en termes de nombres de bactéries estimés ici
par les teneurs en ADN (à gauche) et de nitrification (à
droite). Dans le réacteur planté, le nombre de bactéries est
clairement plus élevé jusqu’à 3 cm des racines. Cette observation est corroborée par une autre figure présentée
dans leur article qui indique des nombres de bactéries variant d’un facteur 10 entre réacteur planté et témoin non
planté. Concernant la nitrification (figure 2 à droite), elle
apparaît aussi nettement plus marquée dans le réacteur
planté. Ce constat est à mettre en relation avec le profil
comparable des concentrations en oxygène présentées
dans la figure 4.
Ces auteurs montrent également que la dénitrification est
amplifiée au voisinage des racines de roseaux. Le dépôt
sur ces dernières de matériel cellulaire mort ou d’exsudats
(sucres et acides aminés) sert effectivement de source de
carbone pour les bactéries dénitrifiantes hétérotrophes.
En établissant que la majeure partie des phénomènes
étudiés présente une différence significative entre milieux
planté et non planté jusqu’à 35 mm de distance des
racines et sachant que seulement 16 % des racines sont
distantes entre elles de plus de 60 mm, les auteurs en
déduisent que l’ensemble d’un marais artificiel, bien
colonisé par les racines, est sous l’influence de celles-ci
[MÜNCH et al., 2005].
1.3. Les roseaux contribuent de façon indirecte
à la minéralisation des dépôts organiques
Figure 1. Évolution des vitesses d’infiltration des filtres du 1 er
étage de la station de Colomieu (Ain) au cours de l’année 2002
(XX-02 = mois – année), d’après MOLLE (2003)
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Une couverture dense de roseaux isole la surface des filtres
tant vis-à-vis des agressions thermiques que de
l’incidence directe des rayons ultraviolets, comme le montrent les divers diagrammes représentés en figure 3. Ainsi
sous l’ombrage des roseaux, l’humidité est adéquate pour
les bactéries présentes dans la couche de dépôts superficiels
auxquelles s’ajoutent celles apportées avec les eaux usées.
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Figure 2. Quantités d’ADN (à gauche) et activité nitrifiante (à droite) respectives entre réacteur planté et témoin non planté
en fonction de l’éloignement aux racines
Figure 3. Effets d’une couverture dense de roseaux en termes (de gauche à droite) d’isolation thermique
dans l’air et dans le sol ainsi que d’atténuation de l’ensoleillement [d’après BRIX, 1994]
De manière accrue en été, toutes ces bactéries ont une
activité biologique importante qui contribue à la minéralisation de la matière organique particulaire retenue à la
surface des filtres. En été, l’évapotranspiration des roseaux
augmente aussi la succion capillaire, libérant ainsi de l’espace pour le remplacement de l’eau par de l’air. Cela induit une minéralisation plus intense de la biomasse au
sein du massif, réduisant d’autant les risques de colmatage
et favorisant, via une augmentation des gradients de pression, les vitesses d’infiltration [MOLLE, 2003].
Le calcul suivant permettant d’estimer la minéralisation
a pu être réalisé. Sur la base d’une charge en MES de
16,3 kg par jour et de 90 % de rétention, la quantité de
MES retenue sur deux filtres de la station de Gensac-laPallue ayant été vidangée en mars 2001 alors qu’ils étaient
en fonctionnement depuis 1987, il a pu être établi qu’ils
avaient reçu une charge de MES de 75 tonnes en 14
années de fonctionnement. La masse de boues évacuée
(hauteur moyenne : 22,5 cm ; matière sèche : 25 % ; surface des deux filtres : 550 m2) représente alors 29 tonnes
de MS. Cela représente 39 % des MES retenues et donc
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une minéralisation de l’ordre de 61 %. Cette valeur est
proche de celle estimée à 65 % dans une précédente étude
[BOUTIN et al., 1997].
La minéralisation est incontestablement aérobie comme
en atteste la présence de nombreux lombrics. Elle se
traduit par des teneurs en matière organique variant
d’environ 60 % en surface à 34 et 49 % dans les couches
les plus profondes qui ont subi un long temps de stockage. Cette minéralisation peut être expliquée par la très
faible hauteur des dépôts après une période d’alimentation (une fois ressuyées à environ 10 % de siccité, les MES
retenues à la surface représentent un dépôt d’une hauteur
de l’ordre de 3,0 mm par semaine). Par conséquent, une
couche si fine en contact direct avec l’atmosphère la
majeure partie du temps, est facilement pénétrée par
l’oxygène atmosphérique. Protégées des rayons ultraviolets stérilisants par les roseaux et dans des conditions
préservées d’hygrométrie et de température, les bactéries
présentes dans les boues peuvent alors entamer facilement
leur activité de minéralisation aérobie.
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1.4. Les roseaux apportent aussi de l’oxygène
1.5. Les prélèvements de nutriments par les
dans le milieu, mais …
plantes sont peu importants
Comme tous les végétaux aquatiques, ils peuvent transférer de l’oxygène photo-synthétisé dans les parties
aériennes vers leurs racines à l’aide d’un tissu creux nommé « aérenchyme ». Les études de l’université de Dresde
précédemment mentionnées montrent sur ce paramètre
des différences de concentrations d’oxygène dissous dans
le milieu perceptibles jusqu’à 35 mm de distance des racines [MÜNCH et al., 2005] entre un réacteur planté et
un témoin non planté.
VYMAZAL et al. (1998) rapportent des quantités de nutriments exportables par faucardage de la partie aérienne,
comprises dans une fourchette de 20 à 200 g de N.m-2.an-1
et de 3 à 15 g de P.m-2.an-1. Jan VYMAZAL (2005) affine
ces chiffres pour le phosphore. S’appuyant sur des essais
conduits en République Tchèque et sur une étude bibliographique internationale, il montre que les teneurs en
phosphore dans les tissus aériens varient au cours de l’année et qu’en début d’hiver (novembre - décembre) lorsque
le faucardage est pratiqué, la concentration dans les tissus
est déjà descendue à moins de 0,1 % de la matière sèche
(figure 5).
root distance (mm)
Figure 4. Évolution des teneurs en oxygène en réacteur planté de roseaux [MÜNCH et al ., 2005]
Cependant, il est peu probable que ces résultats, aussi
probants soient-ils, mettent un terme aux controverses
liées aux fluctuations de ces productions d’oxygène en
fonction des saisons, et notamment en hiver lorsque la
partie aérienne des végétaux est flétrie, et leur importance
en termes d’apport vis-à-vis des demandes globales en
oxygène. Pour les systèmes à écoulement vertical, il paraît
clair que l’apport d’oxygène par les plantes est faible comparativement au charges appliquées.
En raison de ce phénomène, les quantités exportées annuellement varient généralement entre 0,2 et 3,0 % des
charges de phosphore reçues en entrée. Par ailleurs, un
faucardage plus précoce risque d’endommager les plantes
par piétinement avant qu’elles ne transfèrent des réserves
de nutriments vers leurs parties souterraines [VYMAZAL,
2005]. Cette même étude montre que pratiquer deux
faucardages par an ne permet pas d’augmenter la part de P
prise par les végétaux. Pour les filtres plantés de roseaux
construits en France et dont la surface est souvent de
l’ordre de 2 m2.EH-1, un rapide calcul réalisé sur ces bases
confirme que la quantité de phosphore exportable par
faucardage se situe à environ 0,3 % des charges reçues en
entrée. Il s’agit donc d’une quantité éminemment négligeable. Donc, si le faucardage annuel des filtres plantés de
roseaux est néanmoins recommandé en France, c’est surtout pour limiter la vitesse d’accumulation des dépôts en
surface des filtres du 1er étage alimentés en eaux usées
brutes.
Figure 5. Concentration en masse sèche (MS) de biomasse aérienne de Phragmites australis (à
gauche) et phosphore dans la biomasse aérienne (à droite) dans le marais artificiel de Morina en
République Tchèque en 2002 (en mai, juin, septembre et décembre) [VYMAZAL 2005]
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2. Description de la filière « filtres plantés de roseaux à écoulement vertical »
Le dimensionnement est basé sur une charge organique
acceptable exprimée en surface de filtre par équivalent habitant (EH). Classiquement, la filière se compose de deux
étages de traitement composés de trois filtres en parallèle
au premier étage et deux au second étage. Les figures 6 et 7
permettent de visualiser la configuration des filtres ainsi que
les granulométries des matériaux utilisés à chaque étage.
Chaque filtre du premier étage reçoit la totalité de la charge pendant la phase d’alimentation, d’une durée de 3-4
jours, avant d’être mis au repos pendant une période
double. Ces phases d’alimentation et de repos sont fondamentales pour contrôler la croissance de biomasse au sein
des filtres, maintenir des conditions aérobies à l’intérieur
des filtres et minéraliser le dépôt de matière organique
provenant de la rétention des matières en suspension
(MES) à la surface [LIENARD et al., 1990b]. Par la suite,
l’effluent est envoyé sur un deuxième étage de traitement
pour affiner l’épuration, particulièrement en ce qui
concerne la nitrification. Les surfaces nécessaires à chaque
étage, qui peuvent être adaptées en fonction du climat, du
niveau de rejet requis, d’une pointe de charge estivale, de
la charge hydraulique (eaux claires parasites, tronçons de
réseaux unitaires…) sont de 1,2 m2.EH–1 pour l’ensemble
des trois lits du premier étage (soit une charge organique
de 300 g DCO m-2.j-1, ≈ 150 g MES m-2.j-1, ≈ 25-30 g NK
m-2.j-1 et une charge hydraulique de 0,37 m.j-1 sur le filtre
du premier étage en service) et 0,8 m2.EH-1 pour les deux
filtres du deuxième étage. Ce dimensionnement est basé
sur un rejet quotidien de 120 g de DCO.EH -1, 60 g
MES.EH-1, 10-12 g de NK.EH-1 et 150 l. EH-1 comme il est
souvent observé pour les petites collectivités en France.
Les filtres sont alimentés par bâchés pour assurer une distribution optimum des eaux et des MES sur la totalité de
la surface du filtre ainsi que pour améliorer l’oxygénation.
Quand la dénivelée entre l’entrée et la sortie de la station
est suffisante, la station peut fonctionner sans apport
d’énergie, par l’intermédiaire de siphons auto-amorçants
par exemple. Cette configuration est connue pour permettre une bonne dégradation de la matière carbonée, rétention des MES ainsi qu’une nitrification presque complète [BOUTIN et al., 1997].
3. Développement de la technique en
France
Face au succès que connaît de nos jours ce procédé, et
sachant que le dimensionnement n’est pas figé, le récent
groupe français sur l’utilisation des macrophytes dans le
traitement des eaux usées, initié par l’agence de l’eau
Rhône Méditerranée & Corse, a décidé de lancer une
enquête nationale dans le but de faire un état des lieux du
nombre de stations, leur dimensionnement, leurs performances et les dysfonctionnements qu’elles peuvent
connaître. L’objectif second étant de corriger d’éventuelles
erreurs de dimensionnement afin de fiabiliser la filière. Cet
article présente des résultats de cette étude et des leçons
qui peuvent en être tirées en termes de dimensionnement.
3.1. Méthode de recueil de données et traitement statistique
Figure 6. Schéma d’un premier étage de filtre
Figure 7. Profils granulométriques
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Les données relatives à la situation française ont été collectées par l’intermédiaire de questionnaires envoyés aux
Satese. Nous nous sommes également attachés à sélectionner des stations à différentes altitudes (0 à 1 000 m).
Outre le recensement des stations, ce questionnaire avait
pour objectif de répertorier les caractéristiques de dimensionnement des stations. Un échantillon de 81 stations a
été sélectionné, représentatif de la situation nationale,
pour évaluer les performances épuratoires des filtres par
des bilans 24 heures. À raison d’un maximum de deux
sites par département, la sélection a intégré plusieurs critères pour lesquels une variation était recherchée : altitude, constructeurs, nature du réseau. La plupart des bilans
ont alors été réalisés par les Satese avec le soutien financier
des agences de l’eau.
Les performances épuratoires ont été évaluées par des
bilans 24 heures proportionnels au débit pour différentes
périodes de l’année (été et hiver).
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Dans la mesure du possible, chaque étage de traitement a
été évalué en suivant les paramètres DCO, DBO5, MES,
NK, N-NH4, PT et P-PO4 (méthodes normalisées). Les débits ont été mesurés, soit par l’intermédiaire de canaux
venturi, soit par l’enregistrement de temps de fonctionnement de pompes préalablement tarées.
Sachant que le pourcentage d’azote dans les MES des eaux
usées brutes est de 3 à 5 % et seulement de 0,7 % dans les
dépôts accumulés à la surface des filtres [MOLLE, 2003],
la nitrification est calculée à partir des rendements épuratoires observés sur NK. Une telle approximation est considérée plus réaliste que des calculs basés sur les concentrations en nitrates, compte tenu de la difficulté de boucler les
bilans d’azote sur ce type de filière en raison des phénomènes de stockage et relargage liés au rythme des alimentations et repos. Tous les rendements sont calculés à partir
des flux en kg. Une analyse statistique des résultats est réalisée pour les comparer entre eux. Il s’agit d’une analyse de
variances et de comparaison de moyennes (p = 0,05) par
les tests de Fisher et de Student, en comparant les échantillons deux à deux. L’intervalle de confiance (95 % des
valeurs) est déterminé par la relation, ±2 ET où N est le
√N
nombre de valeurs et [ET] l’écart-type.
Les différences de dimensionnement proviennent parfois
d’une adaptation aux caractéristiques des eaux à traitées
(présence d’eaux claires parasites, par ex.). 70 % des ces
stations traitent les eaux provenant d’un réseau séparatif,
10 % d’un réseau séparatif comportant des eaux claires
parasites et 20 % d’un réseau unitaire. Le système d’alimentation des filtres est, dans la majeure partie des cas,
gravitaire (60 % des filtres du 1er étage et 75 % des filtres
du 2e étage alimentés par siphon) autorisant, par-là même,
un fonctionnement sans apport d’énergie.
Figure 8. Développement de la filière verticale
3.2. Caractéristiques du développement des FPR
Plus de 400 stations par filtres plantés de roseaux (FPR),
sont actuellement en fonctionnement en France, et plus
de 100 stations par an sont réalisées de nos jours (figure 8).
Bien que non complète, en raison d’un taux de réponse
des Satese de l’ordre de 64 %, l’enquête révèle la popularité des marais artificiels pour le traitement des eaux usées
des petites collectivités. La filière à deux étages et à écoulement vertical, recommandée par le Cemagref [BOUTIN et
al., 1998], est particulièrement appréciée puisqu’elle représente 80 % des stations construites. 60 % des stations
ont entre 4 et 6 ans de fonctionnement, 60 % traitent uniquement des eaux usées domestiques et la capacité
moyenne est de 410 EH (médiane : 325 EH).
Plus de 300 stations (65 % < 300 EH) actuellement traitent directement des eaux usées brutes par filtres plantés
de roseaux en suivant à peu près les recommandations du
Cemagref, selon le tableau I.
Min
Max
1er étage ( m2. EH-1)
Moyenne
1,2
0,1
4,7
2e étage (m2. EH-1)
0,8
0,1
3,6
Tableau I
50
L’analyse des performances épuratoires a été effectuée sur
233 bilans 24 heures de 81 stations (tableau II). Faute de
données suffisantes sur les autres filières, l’étude a été focalisée sur la filière classique Vertical + Vertical (en grisé)
traitant des eaux usées brutes.
Nombre de
stations
Nombre de
bilans
V+V
53
134
0 - 7,0
V+H
2
33
1,2 - 8,0
V+ FS
7
11
0,4 - 2,0
V
5
5
0,6 - 4,6
V+L
3
12
0,2 - 2,5
V+V+H
1
9
Démarrage
V+V+L
1
6
11,6 - 15,0
V+H+H
2
3
0,6 - 2,3
V+H+L
2
3
1,2
V + L +V
1
2
1,6 - 8,5
V+H+V
1
1
2,6
L+V
1
9
0 - 1,0
L+V+V
1
3
?
H+V+H
1
2
3,5 - 4,0
Type de Stations
Âge de la station lors
des bilans (années)
Ta b l e a u I I . Ty p e s d e s s t a t i o n s é v a l u é e s ( V : v e r t i c a l ;
H : horizontal ; FS : Filtre à sable ; L : lagunage)
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la disposition des bactéries hétérotrophes en suspension et
fixées sur les galets de la couche drainante, dans un milieu
saturé en eau la majeure partie du temps et donc peu aéré.
Dans ce milieu déficient en oxygène, les bactéries utilisent
donc celui des nitrates produits lors de la traversée des
massifs filtrants du 2e étage pour dégrader la fraction
carbonée de la matière organique.
4. Efficacité globale de la filière V + V
Sur l’ensemble des stations (« filière classique » V+V sans
prétraitement), de larges variations de charges hydrauliques (MoyCH = 0,37 m.j–1 ; ET = 0,46 ; min – max =
0,09 – 2,91 m.j–1) et organique sont observées sur le
filtre du premier étage en fonctionnement. En conséquence et au regard des différences de conception, âge de
la station, etc., les rendements épuratoires varient également sur l’ensemble des paramètres.
Le tableau III présente des résultats obtenus au cours de
cette enquête pour des charges hydraulique et organique
extrêmement variables. Les concentrations en DCO et
DBO présentées ici révèlent que la filière atteint très souvent le niveau D4 de la circulaire du 17/02/1997.
Il apparaît alors que les performances en termes de DCO
et de MES restent correctes même pour des charges supérieures à celles préconisées. Pour de faibles charges hydrauliques, des abattements plus faibles en DCO sont observés (80 ± 6 %; N = 15). Ceci peut être mis en relation
avec la non-homogénéité de la répartition de l’eau et donc
des dépôts, pour cette gamme de charge, conduisant à la
présence de passages préférentiels au sein du massif filtrant [MOLLE, 2005a]. L’abattement de la DCO est sensible aux conditions d’écoulement, et particulièrement aux
vitesses d’infiltration. En revanche, les rendements sur les
MES sont stables et élevés, quelle que soit la charge.
Les sels ammoniacaux et l’azote organique sont très bien
oxydés dans les filtres plantés de roseaux à écoulement
vertical, ce qui signifie que de fortes concentrations de nitrates sont rejetées dans l’effluent traité étant donné que
l’ensemble de la filière fonctionne en aérobiose et que la
fonction principale des filtres du 2e étage est de compléter
la nitrification entamée sur ceux du 1er étage.
On peut seulement observer une légère dénitrification
dans le fond des filtres du 1er étage lorsque leur couche
drainante est utilisée comme bâche de stockage temporaire
avant le siphon auto-amorçant qui alimente les filtres du
2e étage. Du carbone résiduel biodégradable se trouve ici à
DCO
En raison de la sensibilité de la nitrification à la présence
d’oxygène et sa compétition avec la dégradation de la matière carbonée, on observe une dispersion plus importante
des rendements. Plusieurs paramètres comme le système
de distribution, la gestion de l’alimentation (fréquence et
volume des bâchées), le type et la hauteur de matériau utilisé peuvent influencer la nitrification [MOLLE, 2005].
Le phosphore est normalement peu retenu en raison des
très faibles capacités de rétention des granulats majoritairement siliceux qui constituent le matériau de garnissage
des massifs filtrants et on a vu précédemment que les prélèvements par les plantes étaient insignifiants. Pour ce paramètre, le recours à un traitement physico-chimique, ou
une rétention sur un matériau spécifique est indispensable
[MOLLE et al., 2005b].
Le tableau IV est établi à partir de bilans de performances
réalisées sur un nombre restreint de stations, relativement
jeunes (5 ans maximum) correspondant aux recommandations proposées par le Cemagref [BOUTIN et al., 1998].
L’échantillon de stations est donc plus homogène, à la fois
dans son dimensionnement et dans ses conditions de fonctionnement, même si la valeur maximale de charge organique (1677 g DCO.m-2.j-1) reçue sur le filtre en service du
1er étage d’une station est accidentelle. Les performances
obtenues confirment que le niveau de rejet D4 (circulaire
du 17 février 1997) peut être obtenu même pour la fourchette haute des intervalles de confiance. Elles attestent
aussi d’une robustesse du traitement par rapport à des
surcharges passagères, sans que les limites de charges organiques pouvant être traitées en permanence, et notamment
en saison hivernale, ne soient aujourd’hui connues.
DBO
MES
NK
PT
%
mg.l-1
%
mg.l-1
%
mg.l-1
%
mg.l-1
%
mg.l-1
Moyenne
88
88
94
17
94
16
82
13
30
7,9
ET
16
50
8,3
25,5
9,3
27
20,5
17
89,3
6,9
(N)
(108)
(122)
(106)
(119)
(109)
(122)
(108)
(120)
(109)
(118)
Charge hydraulique moyenne de 0,37 m.j-1 (ET : 0,46 ; min : 0,09 ; max : 2,91) et une charge en
DCO moyenne de 200 g.m-2.j-1 (ET : 234 ; min : 17,3 ; max : 1 677) sur le filtre du 1er étage en
service. Moy. = moyenne ; ET = écart-type ; (N) = nombre de valeurs.
Tableau III. Performances des filtres plantés à écoulement vertical (48 stations entre 0,2 et 7,2 années de
TSM numéro 11 - 2005 - 100e année
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TSM Dossier
De l’assainissement à la protection de l’environnement
DCO
%
Étage 1
Étage 2
TOTAL
MES
mg.l
-1
%
DBO
mg.l
-1
%
80 (24)
127
86 (24)
35
52 (23)
65 ± 15
(42)
59 (23)
17 ± 11
(42)
89 (24)
92 ± 2
(42)
-
95 ± 2
(42)
-
NK
mg.l
-1
%
32
60 (24)
mg.l-1
30
68 (23)
13 ± 5
(42)
70 (23)
13 ± 5
(42)
96 ± 1
(42)
-
87 ± 5
(42)
-
NB : Pour des charges organiques (moy : 200 ; min : 17 ; max : 1 677 g
DCO.m -2 .j -1 ; écart-type : 321) et hydrauliques (moy : 0,202 ; min : 0,03 ;
max : 0,671 m.j-1 ; écart-type : 0,139).
(N) : Nombre de bilans réalisés sur 19 stations répondant aux critères définis.
Tableau IV. Performances constatées en sortie de stations dimensionnées entre 1,2 et
1,5 m 2 au 1 er étage et 0,8 à 1,0 m 2 au 2 e étage (pour des charge hydrauliques limitées à
3 fois le débit de temps sec)
10 bilans 24 ou 48 h Rendement moyen des filtres
entre 1988 et 1992 Écart-Type (ET)
Février 1996
Qualité (mg.l-1)
Rendement des filtres du 1er étage
DCOb
DCOf
MES
NK
68,1 %
-
87,2 %
28,9 %
6,3 %
-
2,3 %
8,9 %
110
70
20
31
80,0 %
50,0 %
92,0 %
33,0 %
Tableau V. Évolution comparée des rendements des filtres plantés de roseaux en 1er étage
entre 1988 - 1992 et 1996 à Gensac-la-Pallue
Dans de nombreux cas, l’exploitant de la station mentionne
une amélioration des rendements épuratoires avec
l’accroissement de la couche de dépôt à la surface des
filtres du premier étage. Les performances observées à la
station de Gensac-la-Pallue (tableau V) témoignent de ce
gain d’activité sur l’ensemble des paramètres intéressant la
matière organique et les composés azotés. Les performances, relativement modestes au début en DCO et NK,
sont liées à la faible épaisseur du gravillon de surface le
plus actif (seulement 30 cm) ainsi qu’à sa granulométrie
(3/8 mm).
Le tableau V confirme également l’excellente rétention des
MES sur les filtres du 1er étage.
Le gain de performance s’explique par le fait que la couche
de dépôts est biologiquement très active et convenablement aérée comme en témoigne la présence de nombreux
vers de terre qui participent aux recyclages multiples de la
matière organique et aux processus de minéralisation probablement stimulés par «l’effet rhizosphère» qui est encore
peu documenté mais auquel les travaux de MÜNCH et al.
(2005) contribuent incontestablement à confirmer l’existence et son impact positif.
5. Contraintes d’exploitation
Les opérations répertoriées dans le tableau VI sont absolument nécessaires pour atteindre le traitement optimal,
garantir sa pérennité et en définitive maintenir l’intégrité
52
du fonctionnement de la station. Elles ont donc une
influence directe sur l’efficacité du traitement si elles ne
sont pas réalisées correctement et à la fréquence voulue.
Toutes n’ont pas nécessairement le même impact sur le
fonctionnement mais on peut néanmoins considérer
qu’un défaut d’attention se répercutera en général sur le
fonctionnement à long terme. Si la quasi-totalité des
tâches répertoriées peut être réalisée par un personnel
motivé et qui a compris l’importance de la régularité et du
soin apporté à sa mission avec un outillage qui relève de la
panoplie des outils de jardinage (tondeuse, débroussailleuse, râteaux…), la vidange des boues à une fréquence
décennale requiert des équipements sensiblement plus
lourds et la présence simultanée de plusieurs personnes.
Les temps présentés dans le tableau VI sont indicatifs de la
présence réelle du préposé sur la station indépendamment
des trajets, pauses et congés.
La manœuvre des vannes pour alterner l’alimentation des
filtres est l’opération qui réclame la fréquence la plus
élevée. Lorsque la station est à sa charge nominale, il est
nécessaire de changer de filtre deux fois par semaine au 1er
étage pour que les dépôts résultant des MES véhiculées
par les eaux usées brutes qui se sont accumulées puissent
se ressuyer et être percées par les tiges des roseaux pour
retrouver un niveau convenable de perméabilité lors de la
prochaine alimentation. De surcroît, cette accumulation
très progressive permet de garantir une minéralisation
aérobie comme cela a déjà été entrevu.
TSM numéro 11 - 2005 - 100e année
Traitement des eaux usées par marais artificiels : action des plantes et développement de la technique en France
La période de repos est également mise à profit pour renouveler l’oxygène présent dans les interstices des matériaux de garnissage des filtres et réguler la biomasse épuratoire qui se développe en périphérie des granulats.
Sur les deux filtres du 2e étage, sensiblement moins chargés au plan organique après les rendements d’élimination
déjà atteints en sortie du 1er étage, une alternance une fois
par semaine se révèle suffisante. Simultanément à la manœuvre des vannes, vérifier que les dispositifs d’alimentation par bâchées (réservoir + système de vidange à fort débit) fonctionnent correctement est également de la plus
grande importance pour s’assurer que la distribution des
effluents est correctement réalisée sur l’ensemble des surfaces en jeu.
Conclusion
Cependant, c’est la fiabilité de ces performances qui donne le plus de satisfaction aux exploitants ; celle-ci n’est pas
aussi dépendante d’opérations requérant un haut niveau
de technicité que dans les procédés intensifs. Quand ils
peuvent être installés sur des terrains pentus avec une dénivelée d’au moins 4 mètres entre le débouché du réseau
d’assainissement et le rejet au milieu naturel, l’alimentation gravitaire par siphons auto-amorçants contribue encore à la fiabilité et à la robustesse du fonctionnement en
l’absence d’équipements électro-mécaniques. La gestion et
la maintenance de ces derniers exigent des compétences
spécifiques et une technicité qui focalisent et détournent
parfois, les capacités d’observation et de réaction de l’exploitant face à des phénomènes biologiques complexes
mais essentiels qui évoluent au gré des cycles de la nature
influencés par les conditions météorologiques.
Même s’ils ne sont pas encore capables d’atteindre sur les
nutriments les niveaux de performance des stations à boues
activées de taille plus importante, plusieurs études révèlent
que les filtres plantés de roseaux permettent d’accéder à des
qualités de traitement comparables sur les paramètres indicateurs de la fraction carbonée et en nitrification.
La probabilité de dysfonctionnement des filtres plantés de
roseaux est faible sous réserve d’un dimensionnement approprié aux conditions locales. L’expérience montre que la
surface totale plantée est d’au moins 2 m2, fractionnée en
plusieurs bassins sur les deux étages, dans le cas général
d’un réseau séparatif.
400 EH
1 000 EH
Fréquence
Durée de
chaque
opération
Total par
an
(heures)
Durée de
chaque
opération
Total par
an
(heures)
Manœuvre des vannes, contrôle des siphons
2/semaine
5 minutes
9
5 minutes
9
Nettoyage du dégrilleur
1/semaine
10 minutes
9
10 minutes
9
Inspection générale des filtres et contrôle des
mauvaises herbes
1/semaine
10 minutes
9
15 minutes
13
Tenue du cahier d'exploitation
(nombre de bâchées, test NO3- et NH4+…)
1/semaine
15 minutes
13
20 minutes
18
Tonte de l'herbe sur les digues et les abords de
la station avec des outils de jardinage
6/an
4 heures
24
8 heures
48
Inspection et nettoyage des réseaux de
distribution sur les filtres des 1er et 2e étages
2/an
2 heures
4
3 heures
6
Nettoyage des regards de collecte, des siphons
bâches de stockage temporaire des eaux
2/an
1 heure
2
1,5 heure
3
1/an
30 heures
30
80 heures
80
1/10 ans
30 heures
3
60 heures
6
Liste des opérations
Faucardage et évacuation des roseaux
Extraction des boues sur les filtres du 1er étage*
Total annuel (heures)
103
192
* Ces temps relativement courts d’extraction des boues résultent de l’expérience acquise à la station de
Gensac-la-Pallue où la topographie est plate et l’espace entre chaque filtre abondant, ce qui permet des
manœuvres aisées du tractopelle, du tracteur et de sa remorque. De plus, les boues extraites étaient déposées à proximité immédiate. Ces temps seraient nécessairement revus à la hausse en cas d’accessibilité
moins aisée sur terrains en pente et pour une disposition des bassins en terrasses, par exemple. Ces préoccupations doivent être intégrées dès le stade de projet à la conception des ouvrages. Sur les installations
récentes, le dispositif de distribution des effluents peut être démonté avant vidange pour rendre l’accès à
toute la surface des filtres plus aisé.
Tableau VI. Principales opérations et temps minimum à consacrer à l’exploitation des filtres plantés de roseaux à
écoulement vertical
TSM numéro 11 - 2005 - 100e année
53
TSM Dossier
De l’assainissement à la protection de l’environnement
Néanmoins, les travaux de MOLLE (2003) montrent une
grande capacité d’adaptation à des surcharges hydrauliques résultant de réseaux séparatifs drainant des eaux
claires parasites. La connexion à des réseaux unitaires est
cependant prématurée car elle nécessitera vraisemblablement des aménagements spécifiques, tant en conception
et en dimensionnement qu’en gestion de l’alternance de
l’alimentation des filtres.
Quelles que soient les conditions de fonctionnement, cette
alternance revêt une importance fondamentale pour éviter
le colmatage et un fonctionnement en aérobiose. Même si
l’aération peut être amplifiée par les phénomènes de
convection liés aux déplacements liquides dans les interstices non saturés des granulats, grâce à l’alimentation par
bâchées, il faut insister sur l’action de prévention du
colmatage induite mécaniquement par les roseaux qui
participent ainsi indirectement à l’aération des dépôts
organiques en surface et, plus en profondeur, à celle de
l’ensemble du massif filtrant.
Autour de chaque tige, un anneau libre à l’écoulement de
l’eau se crée, il est de surcroît constamment réalésé par les
oscillations dues au vent. L’eau s’y infiltre et chemine le
long des rhizomes, racines et radicelles abondamment
colonisés par une biomasse bactérienne très active comme
le montrent les essais réalisés en Allemagne [MÜNCH et
al., 2005]. Dès lors qu’elle atteint les couches de granulats
plus grossiers, aucune barrière ne s’interpose à l’écoulement gravitaire de l’eau dans les couches profondes drainées et mises en connexion avec l’atmosphère par l’intermédiaire de cheminées d’aération. Cette action des
roseaux s’exerçant au niveau de la surface des filtres, au
sein de la couche croissante de dépôts qu’ils transpercent
densément, stimule l’infiltration et permet de restaurer
rapidement le contact avec l’atmosphère à l’issue de
chaque bâchée. S’il n’est pas encore possible de quantifier
cette contribution indirecte à l’oxygénation des massifs
filtrants, il est fort probable qu’elle est plus significative
que les relargages directs d’oxygène au niveau des racines,
qui, bien qu’incontestables, font encore l’objet de polémiques au plan quantitatif.
L’expérience acquise à Gensac-la-Pallue montre qu’après
vidange des boues, le fonctionnement reprend naturellement son cours et, après 10 semaines de repousse, les
roseaux ont complètement recouvert la surface des filtres.
Un nouveau cycle d’une bonne dizaine d’années peut
alors recommencer sans avoir nécessairement de matériel
sophistiqué à renouveler.
Bibliographie
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exemple en France”. Pages 41.41-41.15 in 11 e colloque
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MOLLE P., LIÉNARD A., BOUTIN C., MERLIN G., IWEMA A.,
2005a. “How to treat raw sewage with constructed wetlands:
An overview of the French systems”. Wat. Sci. Tech. (à paraître).
MOLLE P., LIÉNARD A., GRASMICK A., IWEMA A., 2005b.
“Apatite as an interesting seed to remove phosphorus from
wastewater in constructed wetlands”. Wat. Sci. Tech. (à paraître).
MÜNCH Ch., KUSCHK P., RÖSKE I., 2005. “Root stimulated
nitrogen removal - only a local effect or important for the water
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VYMAZAL J., BRIX H., COOPER P., GREEN M.B., HABERL
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Europe”, Backhuys Publishers, Leiden, Netherlands.
VYMAZAL J., 2005. “Removal of phosphorus via harvesting of
emergent vegetation in constructed wetlands for wastewater
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TSM numéro 11 - 2005 - 100e année
Traitement des eaux usées par marais artificiels : action des plantes et développement de la technique en France
Résumé
A. LIÉNARD, P. MOLLE, C. BOUTIN, P.-H. DODANE.
Traitement des eaux usées par marais artificiels :
action des plantes et développement de la technique en France
L’usage des végétaux dans le traitement des eaux usées est en
fort développement depuis quelques années. Dès le début des
années 1980, le Cemagref a entrepris des recherches sur les
systèmes de traitement de type « cultures fixées sur
supports fins » et plus particulièrement sur les filtres plantés de
roseaux (FPR). Cette technique connaît actuellement un grand
succès auprès de nombreuses collectivités rurales en France. La
technique française est originale car elle permet d’admettre des
eaux usées brutes ayant simplement subi un dégrillage grossier.
TSM numéro 11 - 2005 - 100e année
Dans un premier temps, cet article fait le point sur le rôle des
végétaux et, pour les nutriments, plus particulièrement le
phosphore, relativise fortement les quantités, souvent très optimistes, qui peuvent être exportées par faucardage. Par
contre, l’action des roseaux est particulièrement déterminante
pour éviter le colmatage de ces filtres. Cette synthèse bibliographique est issue des données récentes présentées au
congrès d’Avignon en septembre 2004.
Ensuite, un état de l’art national issu d’une enquête conduite
auprès des Satese (services d’assistance technique aux
exploitants de stations d’épuration) et en collaboration
avec les agences de l’eau, confirme clairement les potentialités des filtres plantés de roseaux à écoulement vertical
(FPR).
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