La Plage débute sur la paille - La Chaux-de
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La Plage débute sur la paille - La Chaux-de
JEUDI 28 JUILLET 2016 m RÉGION 5 LA CHAUX-DE-FONDS Le public est invité samedi, veille de l’ouverture officielle du festival des arts de rue, à une soirée de soutien pour renflouer les caisses. La Plage débute sur la paille public devra imaginer la déco qu’on n’a pas pu faire, faute de finances. «Une baleine de 25 mètres», peut-on lire sur le kiosque de la place du Marché. L’idée est aussi de lancer le débat: «Quelles solutions pour 2017? Moins de spectacles? Entrées payantes?», interroge une installation. SYLVIE BALMER Première pour cette 23e édition de la Plage des Six-Pompes: les festivaliers sont invités à remplir les chapeaux la veille de l’ouverture officielle de la manifestation chaux-de-fonnière, soit samedi. Dès 18h30, rue du Collège et place des Marronniers, la nouvelle association des Amis de la Plage (lire encadré) organisera sa première soirée de soutien. L’occasion, pour les amoureux du festival, de se mettre en jambes en assistant à un spectacle et à une vente aux enchères d’objets rarissimes et farfelus. Subventions ici et ailleurs On a décidé «de répercuter z cette perte de subvention sur un seul poste: la déco, pour que cela se voie.» MARTIN NOVERRAZ COORDINATEUR DE LA PLAGE La Plage souffre d’un sous-financement, rappelaient les organisateurs du festival en mai dernier, tentant d’attirer l’attention des députés du Grand Conseil neuchâtelois en leur offrant des pavés (notre édition du 25 mai dernier). L’occasion de rappeler que la Plage a accueilli l’an dernier quelque 100 000 spectateurs et 50 compagnies sur sept jours, avec l’aide de 500 bénévoles. Le public a versé Simple et efficace, la décoration créée pour cette 23e édition de la Plage par le collectif du LAC vise à sensibiliser le public aux soucis financiers du festival, sans plomber l’ambiance pour autant. DAVID MARCHON globalement 100 000 fr. dans les chapeaux qui sont remis aux artistes. Pour le reste, la manifestation dispose d’un budget de 750 000 fr. «Pour la plupart des gens, cela représente des sommes énormes. Ils pensent que nous sommes pleins aux as. Mais il faut comprendre que, pour accueillir 100 000 personnes sur sept jours, ce n’est pas suffisant», rappelle le programmateur Manu Moser, qui indique, à titre d’exemple: «10 000 fr., ça ne couvre même pas le budget de lavage des gobelets réutilisables, qui se situe entre 12 000 et 15 000 fr.» La Plage recevait un soutien communal sonnant et trébuchant de 65 000 francs jusqu’aux récentes difficultés financières de la Ville. Depuis, comme d’autres associations culturelles, sa subvention a été amputée de 5%. «L’an passé, nous avons échappé de justesse à cette coupe, pour des questions de calendrier», explique le coordinateur du festival, Martin Noverraz. «Mais la Ville a rattrapé le coup en 2016 et notre subvention a été amputée de 10%, tombant à 58 000 francs.» Comment absorber la baisse de la subvention communale, de l’ordre de 7000 francs? Supprimer le dessert des bénévoles ou le papier dans les toilettes? «On y a pensé!», rigole Manu Moser. «Mais plutôt que de diluer cette perte dans l’ensemble des secteurs, on a décidé de la répercuter sur un seul poste: la décoration. On a eu envie que cette perte de subvention se voie.» Le LAC reflète la réalité Le budget décoration était jusqu’ici de 14 000 francs, ce qui n’était déjà pas lourd pour ha- biller un site aussi vaste que l’enceinte du festival. Cette année, l’équipe du Laboratoire autogéré de création (LAC), à 100% bénévole, relève le défi avec un budget réduit... et beaucoup d’humour. «On avait deux options», résume Johan Katz, à la tête de l’équipe. «Faire une déco hyperminimaliste quasi invisible ou au contraire, gueuler qu’on n’a plus de pognon!» C’est cette dernière option qui a été retenue. De la place du Marché à la rue du Collège, de grandes lettres blanches illustrent le propos. Le Le message des alternatifs, qui savent comment faire fort avec peu, est percutant. L’idée brillante. «On a été formés à la dure aux Etranges Nuits du cinéma où, là, le budget déco ne dépasse pas 2000 francs...», rappelle Johan Katz. Ce qui ne l’empêche pas de s’étonner. «Pourquoi le budget culturel de la Ville de Genève atteint 30% de son budget global contre seulement 8,5% à Neuchâtel et 6,5% à La Chaux-de-Fonds?» Des chiffres qui font bondir Manu Moser: «Avec ce que les gens paient comme impôts ici, ils ont le droit d’avoir accès à de la culture à prix bas! L’affluence du public, en hausse année après année, peut être considérée comme un plébiscite», estime-t-il. } LES AMIS DE LA PLAGE «Créée en avril dernier, L’association des Amis de la Plage a pour but de trouver des ressources vives, comme les bénévoles, mais aussi, et avant tout, des ressources financières», rappelle Martin Noverraz. Sur le site internet de l’association on peut lire que «chaque don soutiendra le maintien d’une offre culturelle diversifiée, ambitieuse et éclectique. Chaque énergie contribuera directement à la cohésion sociale que représente la manifestation.» LES MONTAGNES BOUGENT Portrait du Chaux-de-Fonnier Eugène Hänni, parti chercher fortune dans le Pacifique. Le père Vanille rêvait d’émettre timbres et de battre monnaie CONTEXTE En marge de l’exposition du Musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds «Ça bouge dans les Montagnes», qui illustre deux siècles de migration, nous consacrons en guise de petite série d’été quelques portraits à des anciens Chaux-de-Fonniers partis sous d’autres cieux. Le tour d’Eugène Hänni, dit le père Vanille (1870-1908). «Il faisait le tour du Pacifique à la recherche d’une île sauvage encore indépendante dans laquelle il pourrait devenir directeur des Postes, émettre des timbres et battre monnaie, deux privilèges de la souveraineté, grâce auxquels il se voyait déjà en train de faire sous les cocotiers des îles Sous-le-Vent, une facile, rapide et mirobolante fortune...» De qui donc parle le père O’Reilly, ethnologue français, qui a organisé le musée Gauguin à Tahiti? D’Eugène Hänni, né à La Chaux-de-Fonds en 1870 et qui a fait le tour du monde. Personnage modeste, myope et timide, à la bonne mémoire et réputé intelligent, grand amateur de timbres postaux de surcroît, Eugène Hänni est d’abord greffier au tribunal de Neuchâtel, apprend l’allemand outre-Sarine, l’espagnol à Gênes en s’occupant de commerce d’exportation. A Londres, il déteste le brouillard. A Buenos Aires, il est sûr de trouver une place bien rémunérée et le soleil. Mais il fait plutôt le tour de l’Amérique du Sud, pour finalement s’embarquer pour Tahiti. Il a 24 ans et apprend sur le bateau le tahitien à partir d’une traduction de la Bible. Quand Eugène Hänni arrive à Tahiti, c’est l’ébullition. Les principales îles du Vent ont été annexées par la France en 1880 déjà. Pour poursuivre son rêve de frapper timbres et monnaie, il pense s’établir plus au sud, à Rurutu, une île pas encore soumise. Il devient l’hôte privilégié ASSASSINAT MYSTÉRIEUX Signé E. Hänni, entre autres éditeur de cartes postales, sur la préparation du Coprah. A droite, la couverture du livre de la correspondance d’Hänni édité par Payot en 1908. L’ethnologue neuchâtelois Roland Kaehr en a publié à Papeete une version complète en 2015. SP-«VERS D’AUTRES CONTINENTS», EDITIONS GILLES ATTINGER. de la famille royale locale à qui il expose son projet d’affiliation à l’Union postale universelle (fondée en 1878). Las, le futur roi n’est pas intéressé. Eugène s’improvise un temps boulanger, mais il fait trop chaud. Le Chaux-de-Fonnier rentre à Papeete et dit adieu à la richesse. Eugène Hänni n’en est pas moins curieux de tout et plonge sans préjugés dans la vie quotidienne des indigènes, dont il parle la langue, et participe avec empathie à leurs cérémonies. Ses carnets, croquis et longues lettres (40 pages) fourmillent de détails sur les produits, prix, lieux, personnes et procédés techniques. Il vivote, édite sem- ble-t-il des cartes postales et finit par rentrer en Europe à cause du climat en 1896, ses illusions perdues et avec de sérieux maux de dents. Il n’a que 26 ans. } ROBERT NUSSBAUM Source: dossier documentaire à l’attention des guides de l’exposition «Ça bouge dans les Montagnes». Le 28 février 1908, Eugène Hänni est retrouvé étranglé dans son petit appartement-entrepôt par la concierge du 104, boulevard Voltaire à Paris. Il a 38 ans. Son décès est annoncé dans «La Feuille d’avis de Neuchâtel» et la presse parisienne s’en fait l’écho. Que s’est-il passé? Le Chaux-de-Fonnier était établi comme négociant. Il recevait de la vanille et d’autres produits exotiques des îles (d’où son surnom de père Vanille) contre de la verroterie de Paris. L’assassin présumé, un certain Vermeire arrêté à Marseille, n’a jamais fait d’aveux et est finalement acquitté, malgré ses antécédents et de forts soupçons. Le mobile du crime? Il semble que Hänni avait une belle collection de coquillages recueillis à Rurutu qui aurait pu exciter la convoitise. Ou encore qu’il avait rassemblé de précieux documents ethnographiques. Enfin, l’assassin s’est peutêtre trompé d’adresse, avec celle de Silbermann frères, bijoutiers...