le festival etonnants voyageurs défend depuis plus de 20 ans le

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le festival etonnants voyageurs défend depuis plus de 20 ans le
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FESTIVAL ÉTONNANTS VOYAGEURS
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LE FESTIVAL ETONNANTS VOYAGEURS DÉFEND DEPUIS PLUS DE 20 ANS LE CONCEPT
CARNER AVEC LA BELGIQUE EN INVITÉ D’HONNEUR. TEXTE OLIVIER VAN VAERENBERGH, À SAINT-MALO
a littérature en français, ou francophone, aurait-elle plus à dire que la
littérature française? Parcourir
les allées, rencontres et expos qui
ont émaillé la dernière édition du
festival Etonnants Voyageurs, à
Saint-Malo, à la fin du mois de
mai, c’est répondre à la question
sans une once d’hésitation. Ici, loin
des foires belges et des salons parisiens,
ce sont des auteurs du monde entier qui se croisent, se
rencontrent, discutent, expliquent et “racontent le
monde”. Le monde d’aujourd’hui, désormais globalisé, et
qui ne résiste plus à la seule analyse nationale. Désor-
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mais, pour comprendre le monde, il faut en lire les écrivains, d’où qu’ils soient. Ce constat, l’écrivain et essayiste
français Michel Le Bris le tire depuis 1990 et la première
édition de ce festival alors sous-titré Quand les écrivains
redécouvrent le monde. Le Mur de Berlin venait de tomber, l’URSS était en train de disparaître: “Un nouveau
monde était en train de naître, devant nous, sans plus de
cartes ni de repères. Il appartenait de nouveau aux artistes,
aux créateurs, aux écrivains de nous donner à voir, de nous
en restituer la parole vive, explique le fondateur, toujours
aux commandes du désormais Festival international du
livre et du film. Et ce, sans considération de genres, roman,
récit de voyage, BD, science-fiction, poésie, roman noir: le
rendez-vous des petits enfants de Stevenson et de Conrad!”
FOCUSVIF I 8 JUIN 2012
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OBAL
DE LITTÉRATURE-MONDE: 320 INVITÉS DE 43 PAYS ÉTAIENT PRÉSENTS POUR L’IN© DE KEM
Multiculturalisme littéraire
Au rendez-vous de cette année ont répondu présent
plus de 300 artistes et écrivains, en provenance de 43
pays du monde. Et on y a effectivement dressé un portrait presque complet du nouveau monde qui est le nôtre, à travers d’innombrables livres évidemment, mais
aussi des débats, des rencontres, des films, des expos,
dans un programme gargantuesque, à la mesure de
ses sujets principaux: l’Europe en crise et sa recherche d’une culture commune; l’émergence de
l’Asie-Pacifique et de ses auteurs néo-zélandais, australiens, océaniens; le printemps arabe; la France plurielle; les révolutions urbaines... Autant de thèmes qui
n’existaient pas il y a 20 ans mais qui s’imposent au-
jourd’hui et de manière globale, avec la mondialisation, le Net et la mise en réseau de la planète.
Ce souci d’ouverture, pourtant évident pour le lecteur
contemporain qui ne compte plus les nationalités présentes dans sa bibliothèque, n’est pourtant jamais allé
de soi, surtout en France. L’idée et le festival de Michel
Le Bris se sont donc transformés en mouvement. Dès
1992, une douzaine d’écrivains signaient un manifeste,
Pour une littérature voyageuse, dénonçant “le nombrilisme hexagonal, le poids des idéologies ou des avantgardes”. Manifeste remis au goût du jour en 2007, en
Une du Monde, et cette fois signé par 44 écrivains du
monde entier (Alain Mabanckou, Le Clézio, Amin Maalouf, Tahar Ben Jelloun, Erik Orsenna, Patrick ● ● ●
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● ● ● Rambaud,
Jean Rouaud, Abdourahman Waberi...)
réunis autour “du refus d’une littérature nombriliste,
formaliste, qui n’aurait d’autre objet qu’elle-même”. Le
festival Etonnants Voyageurs, fer de lance de ce “mouvement pour une littérature qui dise le monde”, a depuis
multiplié les initiatives pour faire connaître -et traduire!- les auteurs du monde entier. En 2010, Michel
Le Bris était ainsi à Haïti pour une nouvelle escale
d’Etonnants Voyageurs, après avoir monté des événements dans le Montana, en Irlande, en Bosnie ou au
Mali. Le tremblement de terre en a décidé autrement,
mais le festival haïtien a quand même vu le jour en février dernier, et reviendra en 2014.
World Alliance
Les Etonnants Voyageurs ont également rejoint la
World Alliance, regroupement des plus importants
festivals de littérature dans le monde, mus par cette
même ambition d’ouverture. Saint-Malo a ainsi entamé une collaboration étroite avec les festivals de Pékin, New York, Edimbourg, Berlin, Toronto, Melbourne
et Jaipur, en Inde, afin de soutenir et mettre en valeur
le travail de ces écrivains-là. Les membres de la World
Alliance ont ainsi pris l’engagement de faire circuler le
plus possible et dans les meilleures conditions les auteurs, de s’informer régulièrement, tant sur les jeunes
écrivains prometteurs susceptibles d’être invités
quelle que soit leur langue que sur les œuvres traduites des langues nationales ou de langues étrangères. Les huit festivals pèseront de tout leur poids sur
leurs autorités nationales pour participer à cet effort
de traduction et de circulation des œuvres littéraires.
Une alliance qui devrait par ailleurs s’ouvrir prochainement à des festivals d’Afrique, d’Amérique latine et
du Moyen-Orient.
Retour à Saint-Malo: après 3 jours de festival, 300 rencontres, 100 films, 8 expos et 28 lieux disséminés dans la cité
corsaire, plus de 60000 visiteurs sont repartis convaincus.
Ils ont pu croiser et y lire le Chilien Luis Sepulveda, l’Islandais Stefan Mani, le Franco-congolais Alain Mabanckou,
l’Iranien Daryush Shayegan, l’Américain Donald Pollock,
l’Australien Chris Womersley, l’Indien Sanjay Subrahmanyan... et une tripotée de Belges, venus en force en tant
que premiers invités d’honneur du festival -désormais,
pour s’affranchir un peu plus encore de la mainmise française, un pays francophone sera chaque année mis en
avant. La Belgique ouvrait le bal. Comme quoi, l’ouverture
au monde commence parfois par son plus proche voisin. ●
DEUX TOPS, UN FLOP
BENOÎT JACQUES: TOP.
La star du stand Wallonie-Bruxelles International,
c’est lui. L’illustrateur et artiste bruxellois installé en
France fut de loin le meilleur vendeur de la troupe,
comme la plupart des illustrateurs jeunesse. Joli pied
de nez aussi: depuis plus de douze ans, Benoît Jacques
s’auto-édite et contrôle toutes les étapes de fabrication de ses livres, de l’impression à la distribution, en
se passant de toute structure extérieure. L’homme est
aussi rare que ses livres: La nuit du visiteur date déjà
de 2008, il a publié depuis un très étrange et exigeant
Wazo Kong, fable asiatique écrite dans une langue inconnue...
M’ENFIN FRANQUIN: TOP.
Le papa de Gaston, mort en 1997, n’en est évidemment pas à sa première expo, mais celle-ci est à la
fois émouvante, riche et unique. Frédéric Jannin, son
ami et disciple, est parti d’un original rare, issu de
Pendant ce temps à Landerneau, une éphémère
rubrique du magazine A suivre qui accueillit à la fin
des années 70 l’équipe du Trombone Illustré, alors
éjectée de Spirou. Dans ce petit dessin d’une énorme
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richesse, on retrouve quelques thèmes chers à Franquin qui sont ici remis en avant: les femmes, la nature, le vélo, les recherches graphiques... Autant
d’excuses pour exhiber quelques originaux et pièces
rares, ainsi que de multiples reproductions écœurantes de talent. L’expo sera à Paris et au Centre
Wallonie-Bruxelles dès la fin du mois de novembre.
Juste le temps de régler quelques couacs scénographiques.
LA BELGIQUE SAUVAGE: FLOP.
Ce devait être le spectacle-phare de la délégation
bruxelloise: la réunion d’à peu près tous nos provocateurs surréalistes, de Noël “Gloup Gloup” Godin à Jan
Bucquoy, en passant par André Stas, Jean-Pierre Verheggen ou Théophile de Giraud. La salle était certes
pleine et morte de rire devant ce “best of” mêlant
vieux courts métrages, aphorismes, lectures, sketches
et chanson populaire. Mais au final, on ne sait toujours
pas si elle a ri avec nous ou de nous: “Grâce à WallonieBruxelles, on picole depuis 11h!”, a bien résumé l’un
d’eux, vacillant sur scène. La provoc à la Belge a pris
ce soir-là un sacré coup de vieux. ● O.V.V.
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