pETIT éOLIEN : MARKETING ET RéALITéS

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pETIT éOLIEN : MARKETING ET RéALITéS
WEBMaG
NEWSLETTER03
N°21 - Février
avril08
2010
débats & opinions
Petit éolien : marketing et réalités
Plusieurs promoteurs tentent de
commercialiser à tout prix des
technologies qui doivent encore
faire leurs preuves. Quitte à exagérer la productivité et la rentabilité de leurs produits. L’APERe
incite les communes, les entreprises et les particuliers à la plus
grande prudence.
Voici cinq réalisations que leurs propriétaires
regrettent déjà ou regretteront un jour :
1.Selon la presse, la commune de Blegny
a récemment commandé cinq petites éoliennes, commercialisées sous
l’appellation de « turboliennes » (en
marketing, il est impératif de créer un
nouveau nom, même si le produit n’a
rien de neuf ). Coût par unité : 20 000 €.
Ces petites éoliennes contrarotatives à
axe horizontal sont conçues pour être
placées en toiture. Elles sont développées à Grenoble par Eléna Energie, en
collaboration avec plusieurs centres de
recherche, et distribuées en Belgique
par la société DTA à Herstal. Le promoteur annonce un « concept révolutionnaire » : 2 rotors régulés et un design
spécifique des carènes intérieure et
extérieure. Selon Eléna Energie, cette
configuration à double hélices permettrait de fournir, à puissance identique,
« 2 à 3 fois plus d’énergie qu’une éolienne traditionnelle ». Le modèle de
1,5 kW offrirait ainsi « une production
annuelle proche de 6 000 kWh ». Vraiment ? Sur base des principes physiques (précisés plus bas), cette machine
devrait produire au mieux 1 800 kWh
par an. Par comparaison avec une petite éolienne tripale classique, cet appareil peut éventuellement gagner un
peu en productivité grâce au carénage,
pour autant qu’elle s’oriente bien au
vent. Par contre, en cas de tempête,
bonjour la prise au vent et les dégâts !
2.Qui se souvient par exemple de la « turbo-éolienne universelle contrarotative
à axe vertical » installée en 1999 à Rochefort ? Malgré les annonces élogieuses dans la presse, ce modèle n’a jamais
produit un seul kilowattheure.
3.Autre souvenir : Eole, le nouveau bâtiment de l’intercommunale IGRETEC à
www.RENOUVELLE.org Deux principes Physiques
Gosselies a, quant à lui, été équipé en
2007 de deux petites éoliennes, commercialisées sous l’appellation de « statoéoliens ». Ces machines de 10 kW, conçues
en France par Gual Industrie selon un
concept annoncé à nouveau comme
« révolutionnaire », sont censées produire chacune 10 000 kWh et ont coûté
au total 50 000 €. « C’est un échec total »,
reconnaît-on aujourd’hui chez IGRETEC.
« Le chantier a été abandonné par l’opérateur belge, qui a ensuite disparu. »
Outre des dysfonctionnements mécaniques, le modèle révèle une courbe
de puissance ahurissante et totalement
inadaptée aux conditions venteuses en
Wallonie : il démarre avec un vent de
10 m/s (la plupart des appareils démarrent avec un vent de 3 m/s) et atteint sa
puissance nominale avec une vitesse de
vent de 40 m/s (144 km/h), soit dans des
conditions de tempête cyclonique ! A ce
jour, ces machines ont atteint péniblement 300 W de puissance. Difficile dès
lors de parler de rentabilité !
4.Dans un registre de quasi sciencesfiction, rappelons également la saga
controversée de la WARP, basée sur un
brevet aéronautique de la NASA (lire
Renouvelle octobre 2006). Cette tour à
éoliennes, qui évoquait un empilement
de soucoupes volantes, s’est temporairement matérialisée en 2005 sur le bâtiment d’INTERAGRI à Andenne. Depuis
lors, l’installation, le concept et le promoteur semblent s’être volatilisés, sans
avoir produit le moindre kilowattheure.
5.Dernier exemple dans l’actualité : Les
prototypes dessinés par le célèbre designer Philippe Starck et commercialisés,
comme il se doit, sous l’appellation « Revolutionair ». La jolie turbine de 400 W
et 2 500 € tournera au mieux 800 heures
efficaces par an, soit un retour sur investissement proche de 30 ans. Bref, un bel
objet qui permettra à leur propriétaire
de pavoiser sur le climat.
Ces cinq exemples malheureux incitent à
rappeler deux principes physiques fondamentaux pour analyser la pertinence d’une
éolienne :
• La quantité d’énergie que l’on peut récupérer avec une éolienne est proportionnelle à la surface balayée par les pales;
• La loi de Betz définit les limites de rendement d’une turbine, quelle que soit
sa forme : « Une éolienne ne pourra jamais convertir en énergie mécanique
plus de 16/27 (ou 59 %) de l’énergie cinétique contenue dans le vent ». Que
l’on mette deux, trois ou plusieurs
hélices n’y changera rien !
De plus, une éolienne n’est efficace que
si elle bénéficie d’un vent laminaire, sans
turbulence. Or une petite éolienne placée
sur un bâtiment est située de facto sur un
obstacle au vent et en subit les perturbations. Le programme européen Wineur a
montré que, pour être rentable, l’installation d’une éolienne en toiture n’est envisageable que dans certaines conditions
très difficiles à réunir : l’appareil doit notamment être placé au milieu du toit et le
point le plus bas du rotor doit se trouver
à une distance du toit au moins égale au
tiers de la hauteur du bâtiment.
 www.urbanwind.net
Michel HUART
Secrétaire Général de l’APERe
L’APERe incite les communes, les entreprises et les particuliers à la plus
grande prudence vis-à-vis des nouveaux concepts en cours de développement dans le petit éolien. Ces prototypes doivent d’abord être testés en
situation réelle et présenter des données validées par un centre de recherche reconnu en Belgique. Une mesure
des vents (vitesse, direction et niveau
de turbulence) sur le site envisagé est
également indispensable afin de choisir un modèle de turbine adéquat. En
règle générale, les technologies matures du petit éolien peuvent offrir une
solution énergétique pertinente pour
les PME et les exploitations agricoles
(lire Renouvelle n° 16 et 18).
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