Information géographique et Internet

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Information géographique et Internet
Networks and Communication Studies
NETCOM, vol. 15, n° 3-4, 2001
p. 257-288
Information géographique et Internet :
les sites territoriaux ou l’émergence
d’une intelligence collective du territoire
Sylvain Pierre1
Résumé.— La diffusion de l’information géographique est l’un des enjeux de l’utilisation et de
l’appropriation d’Internet. L’apport de la géographie à la compréhension du monde sera pour une
bonne part tributaire de cette possibilité de rendre lisible et accessible le territoire dans toute sa
complexité au plus grand nombre. Cet article s’intéresse à certains sites Internet spécifiques portant les
enjeux sociaux les plus forts : les sites territoriaux, produits par des gestionnaires traditionnels du
territoire (États, collectivités…) ou par divers autres acteurs émergents (associations, communautés
d’intérêt). Ces sites ainsi que les systèmes d’information territoriaux sur lesquels ils reposent constituent
un domaine d’intervention et d’étude privilégié pour le géographe2.
Mots clés.— Territoires, Internet, Information géographique, Cartographie
Abstract.— For geographic science most important goal of Internet use and appropriateness will rely on
the different possibilities to broadcast geographic information. Geography contribution to understand
the world will rely on this possibility to enhance people’s access to the different kind of territories and
their representations. Geographic information development is boosted by technologies. We will focus on
the territorial Web Sites : made by usual territorial managers (States, districts…) or by new actors
(NGO, communities…), these web sites seem to be a very interesting subject to study by geographers.
Key words.— Territories, Internet, Geographic information, Mapping
Le réseau Internet, vecteur idéologique et technique de la globalisation,
s’étend, véhiculant des idées fortes : abolition des contraintes liées à l’espace et au
temps notamment. La croissance accélérée du phénomène ne laisse que peu de
recul à son étude. Les questions autour du développement d’Internet sont
1. Sylvain PIERRE, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, 2-4, allée de Lotz, F-69363 Lyon
Cedex 07, téléphone : (33) 04 72 71 26 00 ; télécopie : (33) 04 72 71 26 01 ; http://www.eau-rhone-mediterranee-corse.environnement.gouv.fr. E-mail : [email protected] ; http://rdb.eaurmc.fr.
2. Cet article fait suite à la préparation d’une recherche dans le cadre de la formation doctorale
Mutations spatiales : “Information géographique et représentations du territoire sur Internet : techniques,
acteurs, usages des sites territoriaux”, Mémoire de DEA, (dir. H. Bakis), Université de Montpellier III
sept. 2000, 135 p. env. plus annexes.
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multiples : individus, collectivités, États sont concernés. C’est sur les nouvelles formes
d’organisation des territoires portées par Internet que nous avons à nous interroger,
ainsi que sur les formes que peuvent prendre les nouveaux outils de compréhension
du territoire : “En somme comment se repérer dans le monde, global, qui se lève et
paraît remplacer l’ancien, bien classé en lieux divers ? L’espace lui-même change et
commande d’autres mappemondes.” (Serres, 1994, p. 12).
Dans ce contexte, l’apport de la géographie à la compréhension du monde
contemporain repose sur la possibilité de rendre lisible et accessible le territoire,
dans toute sa complexité, au plus grand nombre par le biais de l’information
géographique et de la représentation des territoires sur Internet. Une telle
approche est maintenant rendue possible par la convergence du développement
d’Internet dans sa dimension informationnelle et communicationnelle avec l’évolution, plus ancienne, des techniques numériques de représentation et d’analyse des
territoires. Géographie numérique, information géographique, géomatique,
systèmes d’information géographique (SIG ou GIS en anglais), autant de vocables
qui ont depuis le début des années 1980 dépassé le cercle restreint des laboratoires
et des universités pour investir le champ de la géographie des aménageurs et
gestionnaires du territoire. Avec le développement d’Internet, ces domaines de
connaissance sont à la portée d’un large public. Il s’agit de montrer les différentes
facettes, ainsi que les enjeux, de la représentation des territoires sur Internet alors
que les nouvelles technologies de consultation banalisent l’accès à l’information
géographique. Nous nous intéresserons à certaines formes de diffusion de l’information géographique : celles produites par les gestionnaires “traditionnels” du
territoire (États, collectivités, etc.) ou bien par certains acteurs émergents (associations, communautés d’intérêt). Ces formes, portant les enjeux sociaux les plus
forts, s’appuient nécessairement sur des systèmes d’information territoriaux élaborés. Les “sites territoriaux” sont-ils l’expression de fonctionnements nouveaux,
voire d’une certaine intelligence collective du territoire ?
Les sites territoriaux sont situés au point de convergence du territoire, des
technologies numériques – Internet, géographie numérique – et d’un certain nombre
d’acteurs. La forte imbrication de ces trois composantes doit être démêlée. L’élément
de cohésion de l’ensemble est l’information, et de manière plus spécifique l’information géographique. Il s’agit ici d’en faire apparaître une approche spécifique.
1 - AUX ORIGINES DU PARADIGME NUMÉRIQUE :
INFORMATION ET COMMUNICATION
Il semble pertinent de reprendre l’idée de l’émergence d’un véritable paradigme numérique (“digital” pour Breton et Proulx, 1995, et “informationnel” pour
Castells, 1998). À partir des fondements théoriques de la première moitié du
XXe siècle — Norbert Wiener et la cybernétique, Von Neuman et la formalisation
du principe de l’ordinateur, Shannon et la théorie de la communication — s’est
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Territoire
Figure 1.— Éléments
constitutifs des sites
territoriaux.
Sites
territoriaux
Internet
Information
géographique
Acteurs
élaboré un ensemble cohérent s’articulant autour de l’électronique comme axe
technique, du traitement automatique et logique de l’information comme axe
méthodologique, d’un système universel de représentation du monde comme axe
politique et d’un axe économique. Toutefois certains spécialistes des sciences de
l’information s’interrogent sur le cheminement qui a conduit à ce développement :
“Il apparaît clairement maintenant que sans la force de tous les arguments de
nature idéologique en faveur de l’avènement d’une société de l’information, c’està-dire sans la progression des représentations de la société comme devant être
désormais organisée autour de l’information et de la communication, le seul argument de l’efficacité de l’électronique n’aurait peut-être pas suffi” (Breton, Proulx,
1995, p. 113). D’autres vont plus loin encore et voient en lui une véritable “procédure d’éradication du monde social” (Poche, 1996).
Pour les géographes les interrogations ne sont pas absentes bien au
contraire et portent sur le rôle du changement technique vis à vis du changement
social et économique : “Les caractéristiques spécifiques à la communication électronique sont transférées directement au social : la société est baptisée société de
l’information, société du temps réel” (Offner, Pumain, 1993). Corollaire, la place de
la composante humaine, sociale, devenue de fait le facteur aléatoire qu’il faut
maîtriser, est clairement mise en évidence : “Ces théories ont entraîné la réduction
du social, de l’humain, du biologique à la logique unidimensionnelle des machines
artificielles” (Offner, Pumain, 1993, p. 114).
L’information “précède tout, elle est le ciment qui tient ensemble les principaux éléments qui permettent à notre société d’évoluer” (Cartier, 1997, p. 19) et les
“théories de l’information ont produit nombre de résultats et de propositions intéressantes pour l’analyse de certains phénomènes géographiques autour des
concepts de système, de réseaux et de flux, d’entropie, d’énergie et de bruit”
(Brunet et al., 1993, p. 277).
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1.1. Définitions et interrogations autour de l’information à l’ère numérique
L’information donne “par la médiation de la communication, un savoir et
une expertise à ses destinataires ou à ses usagers. Elle a trois fonctions, didactique,
culturelle et politique, qu’elle met en œuvre en donnant une consistance à l’opinion publique, et en suivant quatre types de logique : didactique, documentaire,
critique et aide à la décision” (Lamizet, 1995, p. 155). Ces quatre logiques sont, à
des degrés divers, à l’œuvre sur Internet. Plus précisément, l’information telle que
nous souhaitons l’envisager, peut être appréhendée comme participant d’une aide
à la décision : “L’information est un produit de l’activité humaine qui a pour effet
de réduire l’incertitude sur les conséquences de décision. […] Cette réduction d’incertitude sur l’environnement, s’appuie sur l’analyse du modèle décisionnel de l’acteur informé, l’étude des conséquences des décisions prise (et du changement
d’environnement) sur l’équilibre économique général, et enfin sur le calcul des
effets finaux de l’information – et des décisions prises ou modifiées en réaction –
sur les profits (ou l’utilité) des agents.” (Didier, 1990, p. 151). L’information c’est
aussi “la devise forte qui assure le libre échange conceptuel entre disciplines”
(Mattelart, 1977, p. 31).
C’est dans cette double perspective que nous situons les sites territoriaux :
une diffusion de l’information géographique à la fois vers d’autres disciplines et
vers un public élargi.
1.2. Approche stratégique des systèmes d’information
Depuis les origines de la formalisation de la pensée systémique, les systèmes
d’information ont considérablement évolué, suivant en cela l’évolution de l’informatique, passant du temps différé au temps réel, d’une infrastructure dédiée à une
infrastructure hétérogène s’appuyant sur la micro-informatique, ceci ayant pour
conséquence l’interopérabilité : “La nécessité de faire communiquer des technologies de l’information très hétérogènes a entraîné l’émergence de standards et de
protocoles d’échanges de données permettant de multiplier les fonctionnalités de
systèmes jusqu’alors fonctionnellement dédiés” (Baumard, Benvenuti, 1998, p. 5).
Internet constitue dans cette perspective un stade d’évolution technique et
organisationnel supérieur. Nous posons ici l’hypothèse du rôle joué par Internet
dans la modification d’un certain nombre de systèmes d’information, une modification synonyme d’élargissement et d’ouverture. Pour cela nous faisons notre une
approche stratégique des systèmes d’information, prenant en compte la dimension
territoriale et qui distingue “quatre domaines d’intervention stratégiques impliquant
des technologies de l’information avancées. Le premier est celui de la défense et de
l’extension de la territorialité. […] Les systèmes d’information géographiques sont
les technologies critiques de la conquête des marchés dans ce domaine d’intervention” (Baumard et Benvenuti, 1998, p. 13). Mais dans le contexte de la mondialisation ceci concerne des acteurs privilégiés : “Avec le développement des systèmes
d’information, les grands acteurs du monde, politique ou entrepreneur, ont des
possibilités inconnues jusqu’à présent de traitement de l’information géographique
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permettant de faire ressortir les caractéristiques d’un lieu, avec ses avantages et
inconvénients en fonction des objectifs que l’on se fixe” (Dollfus, 1997, p. 72).
Pourquoi ne pas considérer un certain nombre de systèmes d’information dédiés,
impliquant et facilitant la stratégie non plus d’entreprises dans la conquête de
marchés, mais d’individus ou de communautés dans l’appropriation et la compréhension des territoires ?
Les sites territoriaux concrétisent d’une certaine manière ces nouveaux
systèmes d’information dans la dimension d’ouverture que nous proposons.
1.3. Définition, contenu et usage
Combinant à la fois innovations technologiques, usages nouveaux et innovations économiques, Internet est un “système conceptuel et non infrastructurel.
[…] Un réseau virtuel de réseaux physiques, auto-organisé, doté de propriétés que
ne possède aucun des éléments le composant” (Rochlin, 1995, p. 21). Pour la
première fois dans les rapports des individus à l’information, producteurs et
consommateurs sont théoriquement sur le même plan, le consommateur d’information pouvant aisément devenir à son tour producteur.
Allons plus loin et regardons ce qui constitue la partie la plus visible du
réseau, qui est aussi la partie nous intéressant plus particulièrement : le World Wide
Web. Norme technologique combinant la navigation hypertexte et le multimédia
— l’hypermédia —, le Web constitue le moyen universel d’accès à l’information sur
Internet. Comment caractériser cette information ? Si l’on suit les schémas d’analyse
des sciences de l’information et de la communication, le Web peut être considéré
comme un système documentaire d’un nouveau type, associant des fonctions
jusqu’alors dédiées à un type de système documentaire particulier : production,
diffusion, transmission et recherche d’information. La spécificité et la place de l’information géographique dans ce système documentaire sont au cœur de l’émergence des sites territoriaux. Outre l’aspect qualitatif, le Web introduit une variation
quantitative de l’information aux conséquences significatives dans le domaine du
pouvoir : “l’accroissement de la masse d’information disponible sur le monde va
entraîner une reformulation des relations entre information et pouvoir, et, sans
doute, une reformulation des fonctions et des compétences des acteurs détenteurs
du pouvoir dans les espaces du politique” (Lamizet, 1995, p. 183). Nous aurons à
cerner cette relation dans le cadre plus précis de l’information géographique et de
la représentation des territoires sur Internet.
Dans l’approche des usages du Web, deux analyses sensiblement différentes
semblent émerger. La première définit un certain déterminisme socioculturel : les
usages de l’information sur Internet sont façonnés par les modèles socioculturels
proposés aux utilisateurs, modèles eux-mêmes dictés par les fournisseurs d’application et contenu dominant, aujourd’hui largement américains. Il suffit d’inventer les
applications et les contenus pour ouvrir le champ à des usages nouveaux, correspondant à des modèles socioculturels variés et adaptés à tous les types d’utilisateurs
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(Abramatic, 1999, p. 18). La seconde met en avant l’usage : “Dans le développement
extrêmement rapide du Web, l’usage a précédé le savoir. […] Le prodigieux essor du
Web a résulté du travail individuel de millions d’utilisateurs, auteurs potentiels qui
l’ont alimenté de leur travail bénévole. De ce fait le savoir-faire associé au Web
résulte souvent de l’émergence de règles induites par les limites des outils disponibles et par des modes collectivement acceptés, bien plus que d’une réflexion
mûrie et d’une véritable maîtrise de la technologie” (Nanard, 1999, p. 276). Ces
deux analyses sont complémentaires et rendent compte des différentes tendances à
l’œuvre actuellement. Le constat de la première analyse est cependant lourd de
conséquences : si le développement d’Internet en terme de contenu est orienté par
des acteurs dont la préoccupation première est la rentabilité, on peut craindre une
offre relativement pauvre. Toutefois, face à cet Internet purement commercial, il
existe un Internet autogéré par ses utilisateurs et leurs groupes, dont la caractéristique principale est qu’ils “paient” l’information avec de l’information. Ce clivage est
le fruit de l’évolution d’Internet dans son ensemble, la mise en ligne d’informations
et de contenus sur Internet était au départ motivée par un idéal de partage de l’information — période universitaire — puis par un souci de communication et enfin
par un désir de rentabilité. Les trois types d’approche (autogérée/communautaire,
informative, commerciale) coexistent actuellement et concernent nécessairement
l’information géographique et les sites territoriaux.
Pour conclure sur ces aspects, il paraît judicieux de relever ce que certains
auteurs proposent sous la forme d’une métaphore biologique. De Rosnay dès 1975
pressentait l’émergence d’un “système nerveux” planétaire, une approche qu’il
approfondissait quelque vingt années plus tard. Notre société serait en train de
générer une “membrane” chargée d’assurer l’interface avec la concentration
phénoménale d’information qui nous entoure, se comportant en cela comme une
cellule biologique. Cette analogie, reprise et approfondie de manière plus spécifique vers Internet, permet de dégager les deux éléments structurants de l’information telle que nous l’envisageons. Le Web en tant qu’interface d’accès à
l’information serait cette “membrane” d’accès aux bases de données qui, elles,
structurent l’information, le rôle de chacun des deux éléments étant complémentaire et indissociable l’un de l’autre : “Si le Web s’est si vite répandu dans la société,
alors que l’informatique avait un taux de pénétration faible, c’est précisément grâce
à cet effet de membrane. L’usager est préservé de ce qui n’est pas pour lui, il ne
peut voir que ce que la membrane a filtrée pour lui : de l’information présentée.
Les bases de données se développent dans le domaine des données, pas dans celui
de l’homme.” (Nanard, 1999, p. 283). Ceci pose inévitablement un certain nombre
de questions. Qui filtre et comment ? Quels sont les buts recherchés ? Quelles
peuvent en être les conséquences ?
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1.4. Impact et appropriation d’Internet
Derrière une approche purement quantitative, on recensait fin 1999 environ
200 millions d’internautes. Quelle est la réalité d’Internet en terme d’impact et d’appropriation ? On touche ici des domaines encore peu explorés, proches à la fois
des sciences cognitives, de la sociologie de l’information. Avant toute chose il est
nécessaire de définir ce qu’est l’appropriation envisagée dans le cadre du réseau
Internet et du World Wide Web et plus largement dans celui défini par les technologies de l’Hypermédia. À la suite des travaux de Piaget l’appropriation peut être
considérée comme relevant à la fois de “rétroactions négatives (accommodations)
par intériorisation de nouvelles normes ; mais également comme rétroactions positives (assimilation) par la création de sens apporté par les utilisateurs” (Puccia et
al., 1999, p. 55). Quelques travaux récents proposent une approche de l’appropriation des nouveaux réseaux de communication. La constitution de communautés
virtuelles semble être l’élément le plus significatif (Harvey, 1995), l’adoption de ces
réseaux dépendrait moins de leur mode de diffusion et de leurs caractéristiques
fonctionnelles ou techniques que de la façon dont les gens les réinventent ou se
les approprient. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication devraient alors être abordées “non plus comme de simples objets qui seraient
acceptés ou refusés, mais bien comme de véritables outils producteurs d’usages,
de contenus, de comportements sociaux, d’apprentissages communicationnels”
(Puccia et al., 1999, p. 61).
RÉTROACTION SOCIALE ET INTELLIGENCE COLLECTIVE
La pleine compréhension de l’utilisation et des effets d’un outil comme Internet est encore pour une bonne part hors de notre portée. Pourtant un domaine
découlant des usages et d’une appropriation réussie semble cristalliser une partie
des enjeux de la société de l’information. Ce domaine peut être envisagé sous le
terme de “rétroaction sociale” (De Rosnay, 1975, p. 213-226). Au-delà des slogans,
forcément réducteurs, du type “démocratie numérique”, la forme nouvelle de relation à l’information introduite par Internet permet d’envisager de nouveaux rapports au pouvoir. Ce nouveau rapport ne peut se concevoir que dans la mesure ou
l’espace média permet une double communication du haut vers le bas mais surtout
du bas vers le haut à travers les différents paliers de la société. Par la réorganisation
des flux d’information, Internet dans sa globalité peut constituer un facteur
prépondérant de rétroactions sociales renforcées qui pourront peut-être aider à
dépasser les limites actuelles de la participation dans les sociétés démocratiques.
Plus qu’une hypothétique démocratie électronique, Internet permet la constitution
de nouveaux groupes sociaux élargis à des communautés d’intérêts, “les situations
sociales ne dépendant plus exclusivement de l’espace physique mais également
des systèmes d’information” (Harvey, 1995, p. 68). Très proche sur le fond de cette
notion de rétroaction sociale, la notion d’intelligence collective proposée par le
philosophe Pierre Lévy constitue une autre piste de réflexion intéressante. Pour
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l’auteur, le traitement de l’information doit être partout distribué et partout coordonné et ne doit pas être l’apanage d’organes sociaux séparés, ceci devant
permettre de mutualiser les connaissances et de se les signaler réciproquement. La
vie en société serait alors transformée radicalement sur deux plans : “Premièrement
nous disposerions de moyens simples et pratiques pour savoir ce que nous faisons
ensemble. Deuxièmement, nous manierions, encore plus facilement que nous
n’écrivons aujourd’hui, les instruments qui permettent l’énonciation collective”
(Lévy, 1994, p. 15). La dimension géographique s’insère naturellement dans ce
schéma, et c’est d’une certaine manière une intelligence collective du territoire qui
peut être envisagée sous la forme des sites territoriaux.
2. INTERNET ET TERRITOIRES : REGARDS CROISÉS
La confrontation du phénomène Internet et du territoire nous laisse face à
un certain nombre d’interrogations sur lesquelles se sont penchés bien évidemment les géographes, mais aussi des spécialistes d’autres disciplines, les modifications éventuelles dans le rapport des hommes à l’espace géographique introduites
par le développement d’Internet n’ayant pas laissé indifférents philosophes, sociologues, économistes, certains allant jusqu’à envisager la fin de la géographie.
2.1. Développement d’Internet et géographie : de nouveaux rapports aux territoires
Nature de l’espace géographique et du territoire
Omniprésente dans les sciences sociales, la notion de territoire rend compte
de réalités variées et devient donc de ce fait plus difficile à cerner. Pourtant essentielle à toute analyse géographique, son approche doit être claire et sans faille.
Nous retiendrons, parmi toutes celles qui ont pu être émises, la définition suivante :
“Le territoire peut être défini comme la portion de la surface terrestre, appropriée
par un groupe social pour assurer sa reproduction et la satisfaction de ses besoins
vitaux. […] On peut considérer que cette entité constituée par l’ensemble des interactions qu’un groupe entretient dans le temps avec son territoire, en liaison avec le
monde extérieur est un espace géographique” (Le Berre, 1997, p. 606 et 609).
Le territoire en tant qu’objet d’étude peut être analysé selon une approche
systémique qui permet de rendre compte de sa complexité. Parmi les différentes
interactions à l’œuvre dans un système tel que représenté sur la figure 2, les flux
d’information semblent être une composante fondamentale pour au moins trois
d’entre eux. L’information sans distinction de forme est nécessaire au fonctionnement des différents systèmes spatiaux. L’étude du rôle de l’information dans le
fonctionnement des systèmes spatiaux et des territoires apparaît comme centrale
dans le contexte de la société de l’information et du développement des technologies de l’information et de la communication. D’autre part un territoire correspond à “un espace approprié, limité, à un espace où se manifestent des pouvoirs,
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Aménagement gestion
Nature
Groupe social
Territoire
Contraintes
naturelles
Autres
groupes sociaux
Contraintes territoriales
Figure 2.— Système spatial et territoire (d’après Le Berre).
en particulier d’organisation et de contrôle, à un espace dans lequel se développent, s’inscrivent des projets sociaux – que ces projets s’appellent développement,
aménagement, planification voire environnement” (Fischer, 2000). C’est dans cette
perspective que se placent selon nous les sites territoriaux. Par le support d’Internet, de nouvelles représentations des territoires vont émerger favorisant les projets
sociaux évoqués dans cette définition. La cohérence et l’intégration des territoires
sont réalisées par des systèmes de maillages, de nœuds et de réseaux organisés
hiérarchiquement et qui constituent l’enveloppe dans laquelle prennent naissance
les relations de pouvoir (Raffestin, 1980), les réseaux matérialisant une certaine
maîtrise de l’espace. Internet réseau de communication modifie les relations entre
les acteurs des différents groupes sociaux et avec le territoire. Le poids porté sur
l’espace géographique et sur les territoires semble être d’un type nouveau. À une
“fin de la géographie” prônée ou crainte par quelques-uns va répondre le discours
des géographes ; un discours toutefois empreint de nombreuses incertitudes.
Relations entre réseaux et territoire
Sur le plan technique ou social, le réseau constitue la forme d’organisation
symbolisant le mieux les bouleversements en cours. Les rapports entre territoires et
réseaux ont été étudiés selon différentes approches. Le passage à une société privilégiant l’organisation en réseaux est largement affirmé par la géographie comme
par les autres sciences sociales : “On serait passé à une géographie des réseaux, qui
s’opposerait et s’éloignerait d’une géographie des kilomètres carrés, plus traditionnelle : il s’agirait d’une topologie des relations sur un espace discontinu en archipel, voire de relations dont la localisation précise des différents nœuds serait
indifférente” (Bakis, 1993, p. 84). Cette évolution fait apparaître de nouvelles
formes d’opposition entre réseaux et territoires — “Le réseau, véhicule des relations à distance via la connexité, s’opposerait-il au territoire, support continu des
liens de la proximité ?” (Offner, Pumain, 1993, p. 13) —, des oppositions qui
peuvent entraîner une véritable “crise de la territorialité” (Dollfus, 1997, p. 76).
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Autre facteur à prendre en considération, l’importance de la distance
géométrique dans la constitution des territoires tendrait aujourd’hui à disparaître,
les réseaux, l’organisation en réseaux constituant le moyen idéal de s’affranchir de
ces contraintes. Envisagé selon une approche géopolitique ce postulat s’applique
de manière claire aux États qui “constituent un thermomètre territorial du point
jusqu’auquel la distance peut être, dans toutes les dimensions de la vie sociale,
maîtrisée. Leur liaison impérative aux territoires les rend en effet fragiles : si ce
dernier ne suit plus, ils sautent – ce qui n’est pas le cas des structures en réseaux
ou des espaces flous” (Retaillé, 1997, p. 225).
Territoires et réseaux sont toujours très fortement imbriqués et étudiés
comme tels, mais la dimension sociale du réseau vient, d’une certaine manière,
compléter et, dans certains cas, dépasser le territoire : “L’appartenance à des
réseaux croisés donne aux individus une identité plus complexe que par le passé.
C’est aussi un effet de l’élargissement des horizons. Le territoire ou son image aseptisée (la région) n’est plus un objet géographique total.” (Durand et al., 1992,
p. 27). L’élément clef de la prépondérance du réseau sous ses formes les plus
récentes est l’information : “Notre époque, par la qualité de ses techniques de fabrication et de diffusion de l’information, a aboli les distances et les temps de réponse
aux stimuli socioculturels, économiques et politiques qui régissent, en interaction,
les sociétés.” (Cassé, 1995, p. 64). À ces remarques, il faut aussi ajouter la “banalisation de territoires en réseaux” relevée par Henry Bakis.
Fin de la géographie ?
Le premier à avoir perçu les modifications qu’allaient apporter au rapport à
l’espace les nouvelles technologies de l’information est Marshall Mac Luhan. Avec la
théorie du “village global”, il fonde le mythe de l’abolition des distances sur la possibilité d’annuler le déplacement matériel des personnes et des biens par substitution
d’une circulation instantanée de messages numériques. Cette affirmation d’une
information délocalisée, déspatialisée, a par ailleurs certainement contribué à la
désaffection des géographes pour l’étude de ces phénomènes.
Trente années plus tard, alors que les progrès techniques ont pour partie
réalisé la vision de Mac Luhan, la “fin de la géographie” est réaffirmée plus clairement encore par les apôtres de ces technologies. L’un des premiers à avoir envisagé cette “fin” est un gourou de l’informatique, Nicholas Negroponte, directeur du
Media Lab au Massachusetts Institute of Technology qui écrit : “L’ère de la postinformation va éliminer les limites géographiques.” (Negroponte, 1995, p. 206).
Pour Paul Virilio (1998, p. 17 et 19), urbaniste, l’idée de la fin de la géographie est
également à l’ordre du jour, mais cette fois le ton est volontiers alarmiste : “Après la
‘fin de l’histoire’ prématurément annoncée par Francis Fukuyama il y a quelques
années, ce qui se révèle ici, c’est l’amorce de la ‘fin de l’espace’ d’une petite
planète en suspension dans l’éther électronique de nos modernes moyens de télécommunications. […] À défaut d’une ‘fin de l’histoire’, c’est donc à celle de la
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géographie que nous assistons”. Provocation, certes, une telle affirmation, émise
par une personne au fait des problèmes liés à la gestion de l’espace, laisse songeur
et devrait faire réagir d’autres penseurs du fait territorial.
Derrière ces phrases à l’emporte-pièce se profilent des interrogations réelles.
Les transformations induites par les technologies de l’information et de la communication sur nos sociétés portent avant tout sur les deux constantes du temps et de
l’espace. Ces transformations ont pu être perçues, bien avant l’apparition d’Internet, comme pouvant brouiller la réalité territoriale : “le territoire concret est transformé en information, il devient un territoire abstrait et représenté : laisser voir tous
les phénomènes particuliers et confus, cacher l’essentiel qui devient de l’ordonné”
(Raffestin, 1980, p. 184). La représentation des territoires sur Internet doit permettre de dépasser cette possibilité, bien réelle par ailleurs.
Entre Internet et le territoire, les transformations ne sont pas nouvelles : le
lent développement des réseaux de communication, puis l’accélération progressive
autour des réseaux de télécommunication préparaient l’arrivée d’Internet. Mais
alors que l’instantanéité, la contraction du temps et donc une forme d’abolition des
distances étaient déjà présentes avec le téléphone, Internet semble annoncer des
bouleversements allant largement au-delà de la dimension territoriale au sens
strict : “Les réseaux techniques anciens étaient essentiellement des structures verticalement intégrées et relativement hiérarchisées, dans lesquelles les formes d’organisation horizontales étaient monofonctionnelles. […] La différenciation et
l’intégration horizontales remplaceront les fonctions précédemment effectuées aux
nœuds. Dans l’avenir, les services seront localisés dans les réseaux et non plus
dans les nœuds ; et, à mesure que ces réseaux traverseront les frontières régionales
et nationales, ils s’abstrairont de plus en plus des infrastructures mêmes qui les
supportent” (Rochlin, 1995, p. 24-25). Cette lointaine mise en perspective nous
incite à affirmer que les modifications à l’œuvre actuellement ne constituent
qu’une étape dans un mouvement dont l’ampleur nous dépasse certainement.
Des réponses théoriques…
La fin de la géographie n’est évidemment qu’une illusion : “Ce n’est que par
la prise en compte de la dimension spatiale et de nos rapports de plus en plus
complexes avec l’environnement que nous pourrons proposer des réponses pertinentes aux grands problèmes de notre temps.” (Cassé, 1995, p. 68). Mais les
réponses apportées à cette affirmation permettent d’engager le débat autour des
véritables enjeux proposés aux spécialistes du territoire par le développement des
nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Il s’agit, d’abord, de revenir sur ce qui constitue les fondements de notre
rapport au temps et à l’espace. Les temps longs de la construction territoriale, les
bases historiques de notre société ne peuvent être ignorés : “Peut-on réduire l’espace géographique, le territoire, à la seule notion de distance au sens géométrique
du terme ? Si l’on réduit le temps à la notion de temps réel, immédiat, les effets des
268
NETCOM, vol. 15, n° 3-4, 2001
technologies sur l’espace seront effectivement instantanés. La durée de construction des faits spatiaux disparaît donc […] Or, on le sait depuis longtemps, cette
durée constitue la base même de la construction des territoires” (Bailly, Scariati,
1999, p. 85). La construction sociale de l’espace de nos sociétés doit également être
rappelée. L’introduction du fait social dans la réfutation de la fin de la géographie
est commune à plusieurs auteurs : “Quand on attribue aux techniques d’information et de communication le pouvoir d’annihiler l’espace et d’abolir les distances,
on oublie bien souvent au passage que l’espace dont il s’agit est une production
sociale” (Eveno, 1997, p. 436). Histoire, société, les fondements de notre civilisation sont invoqués pour justifier la permanence des enjeux territoriaux. Il est en
effet important, face à la démesure que semble prendre le phénomène Internet, de
raison garder.
… et pratiques
D’autre part si l’indifférenciation spatiale et l’abolition des contraintes liées
aux distances avaient pris quelque importance, les effets traditionnels de polarisation des territoires devraient s’estomper. Or il n’en est rien, les travaux de
géographes français ou étrangers montrent d’emblée l’importance des inégalités
que ce soit dans l’accès aux sites Web ou bien dans les processus de leur création.
Quelle que soit l’échelle, de la planète (United Nations Development Program,
1999), à un pays comme la France (Grasland, 1997, p. 77-78), le développement et
l’accès sont on ne peut plus inégalement répartis. On retrouve ce phénomène de
concentration économique et géographique dans le processus de développement
du marché des services liés à Internet (Downes, Greenstein, 1998).
L’espace géographique reste toujours présent, Internet venant plutôt nous
accompagner dans notre approche du monde en train de se construire : “Internet et
les nouveaux outils de communication sont le signe, autant que les agents de
modifications essentielles dans nos manières de nous représenter et de vivre l’espace.” (Bailly, Scariati, 1999, p. 83).
2.2. Cyberespace et espace géographique
On le voit les réflexions autour des effets du réseau Internet, et pas seulement du fait des géographes, ont d’emblée interrogé les rapports de l’homme à
l’espace géographique. Ce lien, ambivalent, contradictoire, est un indice supplémentaire de l’importance réciproque que peuvent s’accorder le réseau Internet et
le territoire.
Les effets sur le territoire des infrastructures de communication et de télécommunication ont été largement étudiés. L’apport spécifique d’Internet, l’angle
particulier sous lequel les géographes peuvent aborder le sujet vont nécessiter de
nouvelles approches. Car de nouvelles formes d’organisation de la société et donc
de ses territoires prennent forme actuellement : “Un ensemble de couches horizontales constituées de flux de matières et/ou d’informations et/ou de communications
INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET INTERNET
269
qui franchissent librement les frontières sociales et politiques, et auxquelles se
raccordent en des lieux déterminés des dispositifs socio-techniques verticaux destinés à extraire de ces couches les ressources nécessaires pour une finalité donnée.”
(Rochlin, 1995, p. 26). Alors que les interrogations ne sont pas toutes levées,
certains, réfutant la fin de la géographie, entérinent cependant l’abolition des
distances (Corman, 1998).
Dans le contexte qui est le nôtre, la représentation des territoires et l’information géographique sur Internet, le cyberespace constitue plus un élément de
référence qu’une composante à part entière. Par l’apport d’une notion globalisante des réalités du phénomène Internet, le cyberespace permet cette confrontation avec l’espace géographique d’où ressortent des interrogations déjà
envisagées : “Au niveau de l’espace et de la représentation du monde, la question
du cyberespace, conjointement au phénomène de la mondialisation, posent
aujourd’hui une série de problèmes sur le statut du local” (Bailly, Scariati, 1999,
p. 83). En quoi les modifications apportées par Internet modifient-elles le rapport
à l’espace géographique ? Quelles en sont les conséquences ? Sous quel angle
envisager ces modifications ? Autant de questions pour lesquelles il est encore trop
tôt de proposer des réponses.
Ces études nous permettent simplement d’effleurer les problèmes de représentation et d’accessibilité à l’information présente dans le cyberespace, des
problèmes dont l’acuité ne fera que s’accentuer avec le temps. À ce titre l’information géographique, nécessaire à la représentation des territoires sur Internet, est
concernée.
2.3. Proposition de classification des territoires selon leur relation à Internet
Les différents éléments dégagés nous permettent de cerner l’effet d’Internet
sur le territoire. Trois grands axes se dégagent, à la fois caractéristiques des infrastructures de type réseau et spécifiques à Internet.
Le développement d’Internet renforce les polarités territoriales
Le thème de l’abolition du temps et des distances n’est qu’un lieu commun
qui masque la réalité géographique d’Internet, réseau technique, au contraire
profondément ancrée dans le territoire privilégiant des points, innervant les différentes unités territoriales de manière différenciée, ne différant en cela en rien des
autres moyens de communication et de télécommunication.
Le développement d’Internet accroît les possibilités d’action des réseaux sociaux
sur le territoire
Grâce à Internet le corps social peut prendre la mesure des phénomènes et
faire émerger de nouveaux acteurs pendant que d’autres, préexistants, adaptent
leur stratégie territoriale. L’individu a la possibilité de participer à des groupes —
ONG, associations notamment — qui vont peser sur des débats aux enjeux
270
NETCOM, vol. 15, n° 3-4, 2001
éminemment territoriaux, les négociations de l’OMC en novembre 1999 constituant,
à ce titre, l’exemple le plus probant. Cela n’aurait pas été possible sans Internet.
Le développement d’Internet crée de nouveaux rapports au territoire
La dimension didactique d’Internet permet d’envisager une relation plus
étroite des individus avec le territoire. Internet peut, par exemple, rendre accessible
le fonctionnement d’une collectivité à ses administrés. Dans cette direction, qui intéresse plus particulièrement notre sujet, le croisement d’une échelle territoriale –
système monde, continent, pays, région, ville — avec une thématique - environnement, économie, démographie… — détermine un premier cadre d’analyse pour
l’étude de l’information géographique et de la représentation des territoires sur Internet. Il est possible ensuite de tenter de caractériser les territoires selon le type de relation entretenue avec Internet. Tous les territoires, quelles que soient leur échelle ou
leur spécificité, peuvent être rattachés à l’une des trois catégories suivantes.
La typologie proposée, enrichie des différentes combinaisons d’échelles,
complète le cadre de réflexion ébauché plus haut.
Notre classification trouve un exemple d’application théorique dans la
figure 3. Les rapports aux territoires selon Internet, dans une logique de représentation et de compréhension, dessinent un ensemble de territoires imbriqués, constitué
de zones doublement défavorisées — non représentées et majoritairement non
connectées —, et, à l’autre extrémité, de territoires représentés, accessibles du point
de vue de la représentation à un grand nombre d’acteurs. Les enjeux portés par
cette approche touchent, pour le champ de notre étude, aux domaines de la
construction des territoires par leur représentation, de la diffusion sur Internet d’une
information géographique structurée sous la forme des sites territoriaux.
Connecté
à Internet
Territoires de l'individu et des
groupes sociaux connectés,
utilisant Internet
Hors Internet
Cette catégorie se construit par la
négation de la précédente : tous les
territoires non connectés à Internet.
Sur Internet
Il s'agit des sites territoriaux :
l'espace géographique d'un
territoire est accessible sur le
World Wide Web.
Sylvain Pierre 2000
Figure 3.— Classification des territoires en fonction de leur relation à Internet.
INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET INTERNET
271
Figure 4.—
Exemple
d’organisation
des territoires
selon leur
rapport à
Internet.
Sylvain Pierre 2000
3. DE LA CARTE AUX SITES TERRITORIAUX, ÉVOLUTION DE L’INFORMATION
GÉOGRAPHIQUE ET DES REPRÉSENTATIONS DU TERRITOIRE
Face aux flux d’information qui nous entourent les procédures de traitement
et de représentation de cette information prennent une importance capitale. La
place de l’information géographique et de la cartographie est bien là, au cœur de
ce contexte, apportant la capacité de lire le territoire, et donc de nous aider à le
comprendre. Aujourd’hui le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication tend à modifier en profondeur les différentes
composantes de la représentation cartographique, sa réalisation comme sa lecture :
“En passant du papier à l’écran, la carte est devenue la visualisation cartographique
et des fonctionnalités nouvelles sont apparues : la modélisation en temps réel, les
vues 3D, l’accès aux systèmes d’information, les liens hypertextes ou encore l’animation. […] Au-delà des changements formels, l’apparition de ces fonctionnalités a
engendré des modifications fondamentales en terme de diffusion, de représentation, d’utilisation et de production de l’information spatialisée” (Caquard, 1998,
p. 347). Les sites territoriaux et plus largement l’information et les représentations
géographiques sur Internet constituent le révélateur des changements fondamentaux issus des technologies numériques et affectant les sciences ayant pour sujet
d’étude l’espace géographique.
3.1 Carte et information géographique : outils de savoir et de pouvoir
La diffusion croissante de la représentation cartographique sous différentes
formes aurait pu être utilisée comme argument supplémentaire dans la réfutation de
la fin de la géographie. La profusion de cartes est le signe d’une démocratisation de
la représentation des territoires. Ce n’est pas tant que les cartes aient perdu leur
pouvoir, mais on est passé des cartes topographiques, transmettant une information
géographique par nature, utilisée par les militaires pour dominer le territoire, à une
palette très large de produits thématiques transmettant une information géographique par destination : “On a pu faire apparaître des aspects nouveaux de la
272
NETCOM, vol. 15, n° 3-4, 2001
surface terrestre qui, tout en restant objectifs, étaient de moins en moins neutres”
(Rimbert, 1998, p. 112). Cette évolution est intimement liée à l’évolution des techniques et à l’emploi de l’informatique, l’outil et sa finalité évoluant : “Entre la décision de créer une carte, sa réalisation et son interprétation finale, aucun acte n’est
décidément neutre. Or il s’agit moins de donner à voir ou revoir la topographie de
la Terre que de montrer, loin des repères de la géométrie euclidienne, les moindres
mutations des sociétés” (Bourcier, 1995, p. 182).
Cartographie et information géographique
Si la carte a conservé toute son importance, c’est qu’elle est d’abord le
moyen privilégié de transmettre une information spatialisée, inscrite sur le territoire. L’information géographique satisfait des besoins, elle est le résultat d’un
processus de production, qui, nous le verrons plus loin, prend une ampleur considérable avec l’utilisation du numérique.
Si l’on constate que “Tout objet peut être repéré par sa localisation. Toute
information sur l’existence ou les caractéristiques de cet objet peut être considérée
comme géographique” (Didier, 1990, p. 4), la carte comme objet de la matérialisation de cette information est donc bien l’outil universel de compréhension du territoire. Les technologies numériques ont introduit ici des bouleversements comme
dans tous les domaines de l’information. D’autre part, on observe une certaine
banalisation de l’information géographique, dans des directions qui, semble-t-il,
détournent des véritables enjeux des représentations du territoire. Publicité,
tourisme concourent en effet à donner à chacun un semblant de verni géographique, de connaissance des territoires et de leur représentation. Pourtant, “L’activité humaine exige une représentation de l’espace commun visible” (Laurini, 1990,
p. 25), et ce ne sont pas ces formes simplifiées de représentation des territoires qui
peuvent suffire. Les différents usages de la carte, localiser, comprendre, communiquer, agir, dans les champs politiques, économiques ou environnementaux,
doivent être considérés comme participant d’un savoir universel. Avec l’apport des
techniques informatiques c’est la place de la cartographie dans le champ des
sciences de l’information qui est mise en question (Ferland, 1997).
Représentation cartographique et territoire : enjeux
Le lien des sociétés avec leur espace géographique s’est longtemps cristallisé autour du savoir et du pouvoir que représentent les cartes. La carte, médium
entre la société et son territoire, traduit un véritable pouvoir géographique
(Di Méo, 1998, p. 185). Mais, “De tout temps, les cartes ont facilité l’expression
géographique de systèmes sociaux” (Bailly, Scariati, 1999, p. 45), aussi peut-on se
demander, qui, finalement, de la carte ou du territoire construit l’autre ? Nous ne
proposerons pas de réponses à cette question, là n’est pas le sujet, mais l’interrogation doit être gardée à l’esprit. Cependant la carte n’est pas le territoire. Car face à
la complexité du monde, l’enchevêtrement inextricable des réseaux, des flux, des
INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET INTERNET
273
territoires, le recours à un outil de lecture simple s’impose, la finalité étant de
mettre à disposition des citoyens les instruments de compréhension de l’espace :
“Alors qu’autrefois chaque homme, vivant en autosubsistance, pouvait rendre
compte (et se rendre compte) de la plupart de ses pratiques, en se référant à un
très petit nombre d’ensembles spatiaux ; aujourd’hui, il faut pour vivre en société
utiliser un très grand nombre d’ensembles spatiaux, plus ou moins bien construits”
(Lacoste, 1985, p. 156). La représentation constitue de ce fait la première étape
d’une appropriation de l’espace géographique : “Produire une représentation de
l’espace est déjà une appropriation, donc un contrôle, même si cela demeure dans
le domaine de la connaissance. Tout projet dans l’espace qui s’exprime par une
représentation révèle l’image souhaitée d’un territoire, lieu de relation” (Raffestin,
1980, p. 130). L’information géographique véhiculée par les cartes tire son utilité
du fait qu’elle permet de remplir certaines fonctions, d’accomplir certaines actions,
de prendre certaines décisions (Didier, 1990, p. 84). Ce sont ces fonctions, actions
ou décisions qui fondent l’utilité sociale de la représentation cartographique. Il
s’agit de transmettre l’information, dans ce cas géographique, à ses utilisateurs
potentiels : c’est-à-dire tout le monde. La carte reste le moyen le plus sûr de rendre
intelligible le territoire : “La carte en tant que représentation d’une instance géographique confère sa forme au territoire. Elle le rend perceptible et mémorisable. Elle
autorise sa connaissance et son apprentissage. Elle fusionne l’espace topologique
des positions (parcours, trajets, distances) et l’espace géométrique des figures
(contours, configurations, symétrie)” (Di Méo, 1998, p. 183).
Regard critique sur la représentation cartographique
Le pouvoir des cartes, de la représentation des territoires, sur quelque
support que ce soit, ne doit pas empêcher le regard critique car “L’idée que les
cartes peuvent produire une image scientifiquement exacte du monde, où les
informations factuelles sont représentées sans parti pris, est bien ancrée dans notre
mythologie culturelle.” (Harley, 1995, p. 33). Le producteur de la représentation
cartographique doit garder l’idée que son travail pourra être interrogé dans ses
fondements, le contexte dans lequel aura été produit le document constituant un
point important d’investigation : “La carte, comme tout instrument géographique,
reflète le monde social qui la produit. Nous devons donc apprendre à interpréter
les processus cartographiques et, pour ce faire, apprendre à déconstruire les cartes,
c’est-à-dire à ‘lire entre les lignes’ pour découvrir valeurs, silences, contradictions
derrière l’honnêteté apparente de l’image” (Rimbert, 1998, p. 112). Au centre de
ces interrogations, l’information garde, une fois de plus, toute son acuité avec,
cette fois-ci, le processus de communication et les dangers de manipulation : “On
peut s’interroger sur les limites de la cartographie et sur le passage souvent mal
balisé, entre une forme de représentation scientifique des connaissances et la
manipulation incontrôlée de l’information” (Bailly, Scariati, 1999, p. 44).
274
NETCOM, vol. 15, n° 3-4, 2001
Une des approches proposées consiste à se rapprocher des fondements du
langage cartographique, la sémiologie, ou au moins revenir aux fondamentaux de
l’expression graphique : “L’approche critique passe par une bonne connaissance
des techniques cartographiques. Nous pensons ici moins à l’usage de plus en plus
répandu des systèmes d’information géographique que l’informatique rend extrêmement performants, qu’à ce qui demeure la base de l’élaboration des cartes, la
sémiologie, les choix discriminants de représentation et les légendes” (Cambrezy,
de Maximy, 1995, p. 12).
3.2. Représentations du territoire dans l’ère numérique
Comme l’ensemble des disciplines la géographie – ses moyens d’investigation
autant que ses modes de représentation – a été durablement affectée par la révolution informatique, conjonction de la théorie de l’information et de l’électronique.
Une évolution récente porteuse de changements fondamentaux
Les premiers liens tissés entre la représentation du territoire, la cartographie,
et l’informatique datent du début des années 1970 : la cartographie automatique.
Les programmes utilisés à l’époque étaient des outils d’aide à la cartographie.
Cependant l’utilisation de techniques numériques, même rudimentaires, va contribuer fortement à l’évolution de la pensée géographique : “En ce sens on peut dire
que la géographie a beaucoup apporté à l’informatique, car elle a conduit à poser
des problèmes qui n’avaient pas été appréhendés lorsque les premiers ordinateurs
ne travaillaient que sur des chiffres ou des chaînes de caractères, sans interférences
avec la géométrie à deux ou trois dimensions. De son côté, l’informatique a
contraint les géographes à une formalisation plus stricte de leurs concepts. L’idée
des trois éléments de base de l’espace que sont les points, les arêtes et les surfaces
a notamment dû être approfondie dans toute ses implications.” (Guermond, 1995,
p. 289). Ces notions de topologie, de déconstruction d’un territoire en éléments
structurants sont aujourd’hui tellement utilisées qu’elles en deviennent transparentes à beaucoup d’utilisateurs, même avertis, tout en restant finalement assez
éloignées des pratiques territoriales du plus grand nombre des citoyens.
Outre la formalisation, l’apport de l’informatique à la cartographie porte principalement sur la diffusion et la perception. Les différents auteurs s’accordent sensiblement autour des thèmes de l’évolution technique : “Les trois apports
fondamentaux de l’informatique appliquée à la carte résident dans la rapidité d’exécution, la sûreté du trait et la diffusion de l’information” (Brunet, 1990, p. 224).
Cependant, ce qui à notre sens constitue l’apport principal, la diffusion et son corollaire l’utilisation, doit être mis en avant : “les changements technologiques contemporains affectent non seulement l’établissement et la production des cartes mais
aussi la façon dont elles sont distribuées et reçues” (Rimbert, 1990, p. 26). Le
support numérique permet toutes sortes de transferts, de conversions autorisant une
circulation de la représentation cartographique et de l’information géographique
INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET INTERNET
275
sans précédent. Cette accélération de la circulation peut elle-même déboucher sur
des usages nouveaux, voir un accroissement de l’intelligence collective : “à partir du
moment où une carte est la somme de données engrangées mécaniquement
quelque part et d’une manière de les assembler selon un algorithme géométrique
qu’il faut bien indiquer à la machine, la carte devient le produit bon marché d’une
intelligence organisatrice.” (Moles, in Rimbert, 1990, p. 9).
Le passage de l’information géographique sous forme numérique a comme
conséquence de modifier la valeur de cette information : “La valeur de l’information étant liée à son usage pour la décision, on pressent que les systèmes d’informations géographiques numériques ont une valeur économique propre supérieure
à celle des cartes traditionnelles” (Didier, 1990, p. 114). Cet aspect économique
n’est pas uniquement représentatif du marché des logiciels et bases de données
géographiques, il s’agit également de la valeur ajoutée que les organisations
peuvent retirer de l’utilisation de cette information.
Contexte de l’évolution des systèmes d’information géographique vers les sites
territoriaux
Le propos n’est pas ici de reformuler ce qui a été longuement décrit dans la
littérature, les ouvrages de référence sur les SIG, leurs techniques et leur mise en
œuvre étant fort nombreux3. Peut-être doit-on simplement rappeler qu’un SIG est
avant tout une des composantes d’un système d’information et qu’à ce titre ses
éléments constitutifs sont à la fois techniques, organisationnels et humains. Il s’agit
de s’interroger en premier lieu sur le contexte qui prévaut à l’évolution conduisant
des SIG aux sites territoriaux. L’environnement technique constitue le premier
élément à prendre en compte. Les outils ont atteint un niveau de fiabilité suffisant,
le secteur économique du logiciel et de l’information géographique a trouvé une
certaine stabilité. Les sources de données sont identifiées, cataloguées (Joly et al.,
1998), accessibles. Les techniques de traitement et de stockage de l’information sous
forme vectorielle ou image sont éprouvées et bénéficient des évolutions récentes en
matière de compression. On peut également considérer que le taux d’équipement
des organisations potentiellement utilisatrices de ces techniques atteint un niveau
correct. De ce fait le marché doit trouver de nouvelles voies de croissance. Le développement d’Internet semble constituer une opportunité prometteuse allant dans ce
sens. Parallèlement s’opère un resserrement des actions des collectivités ou des
services de l’État autour d’enjeux territoriaux, l’approfondissement de la prise en
compte du territoire et donc des possibilités de le comprendre et de le représenter
devenant central4. Parmi les différentes origines de ce phénomène nous retiendrons
3. Pour se cantonner aux publications françaises, l’ensemble des ouvrages d’Henri PORNON, la
série Géographie assistée par ordinateur, Paris, Hermès.
4. “dans les services de l’État, plus de la moitié des départements ont vu le lancement de
‘systèmes d’information territoriaux’, début 1999” (Mandelkern, 1999).
276
NETCOM, vol. 15, n° 3-4, 2001
la notion d’environnement, de préservation du cadre de vie, demande sociale récurrente depuis une dizaine d’années et trouvant son expression la plus immédiate
dans l’approche territoriale. La nécessité de comprendre les phénomènes environnementaux dans leur dimension géographique a entraîné la mise en place de
systèmes d’information par les gestionnaires de cet environnement.
Ces systèmes d’information comportent la plupart du temps une dimension
géographique assurée par un SIG. L’arrivée à maturité de tels systèmes couplés à
l’émergence de solutions techniques sur Internet définissent à notre sens le cadre
de l’évolution vers les sites territoriaux. Il est possible de considérer les sites territoriaux dans le domaine de l’environnement comme une extension de ces systèmes
d’information. Par ailleurs la diffusion des technologies de l’information va
permettre de faire émerger de nouveaux acteurs. Associations, communautés d’intérêt vont pouvoir être présentes dans ce domaine des systèmes d’information à
vocation territoriale et ainsi communiquer sur les thèmes qui leur sont propres.
Incertitudes de l’évolution
Dans ce contexte, le SIG, outil de spécialiste, comporte il est vrai de nombreux défauts et demande à être complété : “Les SIG tels qu’ils sont conçus actuellement ne sont pas un aboutissement, mais seulement le point de départ de la
réflexion géographique, le matériau de base” (Guermond, 1995, p. 290). Les sites
territoriaux ne constituent évidemment qu’une partie de la réponse, mais y participent, apportant un nouveau mode de diffusion de l’information territoriale.
Toutefois la vigilance s’impose : “L’un des effets de l’accélération du progrès technologique, qui se manifeste dans la cartographie et les systèmes d’information
géographiques numérisés, a été de renforcer ses hypothèses positivistes et d’alimenter une nouvelle arrogance du fait de la valeur attribuée à la géographie
comme moyen d’accès à la réalité.” (Harley, 1995, p. 62). Ce qui est ici affirmé peut
être aisément transposé à la représentation du territoire sur Internet, le facteur
démultipliant de la diffusion sur le World Wide Web rendant encore plus sensibles
les informations transmises ainsi que leur mise en forme. L’évolution de l’utilisation
des SIG et de la cartographie numérique est envisagée en étroite relation avec une
certaine utilité sociale : “Avec ou sans impact technologique, la cartographie y
compris les SIG, en tant que science de la représentation spatiale aux échelles
géographiques, ne vivra des développements théoriques importants qu’en participant à l’évolution d’une recherche scientifique qui vise la compréhension du
monde” (Ferland, 1997).
L’information géographique sous forme numérique constitue l’élément
central de cette évolution menant des SIG vers les sites territoriaux. Quels que
soient les outils et les techniques, c’est par la disponibilité de l’information que la
représentation des territoires commence à sortir des institutions qui l’ont, jusqu’ici,
utilisée de manière privilégiée.
INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET INTERNET
277
Gestionnaire
Système de
pilotage
Décisions
Demande
Opérateurs
Action
sur le territoire
Information
Observation
Système
opérant
Système
d’information sur
l’environnement
SIE
SIE
Observation
Expertise
Information
Territoire
Figure 5.— Structure d’un système de gestion du territoire (d’après Gayte et al., 1997).
3.3. Enjeux sociaux de l’information géographique sur Internet
Si l’on met entre parenthèse quelques études reposant sur des projets expérimentaux, sur lesquelles nous reviendrons plus loin, les enjeux sociaux de la
représentation des territoires sur le World Wide Web n’ont pas donné lieu à une
réflexion approfondie. De plus, le développement récent d’Internet ne laisse finalement que peu de recul pour envisager sereinement ce type d’approche. Aussi
doit-on se référer aux différents travaux ayant pris comme sujet d’étude ce qui
constitue, pour notre problématique, la partie amont des techniques numériques
de la géographie : les systèmes d’information géographique. Comme pour toute
innovation technologique, l’environnement social des SIG et leur impact sur la
société constituent un champ d’étude à part entière. Pourtant, alors que la question
du changement social face à des innovations est largement étudiée par la géographie, l’analyse de l’impact des technologies de la géographie par elle-même ne
semble pas avoir produit un volume considérable de travaux.
Cette étude d’une “géographie de l’information géographique” (Chrisman,
in Roche, 2000, p. 5) est pourtant nécessaire. La diffusion des techniques SIG et de
l’information géographique numérique, élargie dorénavant à l’Internet, est
porteuse de changements considérables dans la gestion des territoires.
L’élément le plus significatif, à notre sens, de ces démarches analyse les SIG
et au-delà les techniques de le géographie numérique comme modifiant la relation
au territoire dans le processus de représentation d’une part et les prises de décisions et d’action d’autre part5.
5. Voir ROCHE, 2000. On retrouve à des degrés divers et déclinés selon plusieurs thématiques
cette orientation dans l’initiative 19 du NCGIA (National Center for Geographic Information and Analysis, Initiative 19 : GIS and Society : The Social Implications of How People, Space, and Environment are
Represented in GIS) ; et dans l’axe “Empowerment, Marginalization and Public Participation GIS” du
projet Varenius aux États-Unis (Varenius Workshop [1998], Empowerment, Marginalization and Public
Participation GIS ; http://www.ncgia.ucsb.edu/varenius/ppgis/).
278
NETCOM, vol. 15, n° 3-4, 2001
Décisions/Actions
Contraintes spatiales
Modifie
Aménagement
gestion
Contraintes politiques
socio-économiques
organisationnelles
Territoire
SIG
Influence
Représentation
Figure 6.— SIG et territoire (d’après Roche 2000).
Les champs couverts sont les suivants :
• processus à l’œuvre au sein des organisations utilisant les SIG ;
• enjeux liés aux possibilités réelles ou supposées d’accroissement de la
démocratie par l’utilisation de ces techniques (Michaffie, 1995, p. 113-129) ;
• intégration des techniques de visualisation, systèmes de valeurs, formes
de raisonnement dans les techniques de la géographie numérique ;
• accès différentiel des groupes sociaux à l’information géographique et
capacité à utiliser celle-ci.
Les possibilités offertes par Internet et le “Web mapping” sont analysées
comme l’un des modèles pouvant faciliter l’accès des communautés à l’information
géographique (Leitner, 1998). Les avantages de ce modèle résident dans son aspect
égalitaire théorique, l’accès direct aux données et le potentiel d’interaction bidirectionnel entre le système d’information et l’utilisateur. Les limites sont à rechercher dans la capacité des communautés à dominer le support informatique d’une
telle application, la concordance entre les possibilités de manipulation des
données et la satisfaction des besoins de la communauté et la difficulté de recourir
éventuellement à une expertise extérieure pour l’interprétation de ces données
géographiques.
Le support Internet, vecteur de la diffusion des techniques et du discours
géographique, va permettre de dynamiser le schéma initial en ouvrant l’accès à
l’information géographique. Les gestionnaires du territoire sont concernés en
premier lieu. Il pourra être intéressant de tenter de mesurer qualitativement et
quantitativement cette évolution. De plus, par la disponibilité des techniques et des
données de base, des communautés d’intérêt dépassant le cadre des utilisateurs
traditionnels de l’information géographique vont pouvoir investir le domaine de
l’information et de la représentation, leur action territoriale se trouvant facilitée. La
possibilité d’atteindre un plus grand nombre de personnes par le biais d’Internet se
trouve ici à l’origine du phénomène.
INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET INTERNET
Communauté
d’intérêt
Individus
Gestionnaire
Décisions
Actions
279
Organisation
sociale
Représentation
SIG
Site
Territorial
Territoire
Site
Territorial
Territoire
Information
géographique
Espace
géographique
Sylvain Pierre 2000
Figure 7.— Sites territoriaux et territoires.
Présentons une vue synthétique de la place des sites territoriaux dans le
contexte de l’information géographique, des territoires et de l’organisation sociale,
telle qu’elle peut être extrapolée des différents travaux cités.
3.4. Information géographique et représentation des territoires sur Internet :
différents angles d’approche
Les premières interrogations sur la réalité de la représentation des territoires
sur Internet sont apparues en même temps que les premières utilisation de l’information géographique et des représentations cartographiques sur le Web. Dès 1995,
la question “Web GIS : Toy or Tool ?” (Thoen, 1998) établissait d’emblée un lien
entre les SIG et la représentation cartographique sur le Web et soulevait des interrogations quant à l’utilité de ces nouvelles applications.
Face à la multiplication des sources d’information, des tentatives de classification
Le meilleur moyen d’appréhender la réalité des représentations territoriales
sur Internet consiste à se lancer sur la “Toile” et à rechercher les sites “références”
ou annuaires portant sur ce sujet. Cette approche ne se veut en aucune manière
exhaustive, cela permettra de cerner les premières caractéristiques de la représentation des territoires sur Internet. Le besoin d’ordonner et de comprendre cette source
d’information répond à l’émergence de ces nouveaux modes de représentation et
prend différentes formes. Les premiers à être concernés devraient être les sites
consacrés à la géographie et bon nombre d’entre eux proposent soit des réflexions
(exemple le Monde d’Internet, rubrique de la revue Mappemonde accessible sur le
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NETCOM, vol. 15, n° 3-4, 2001
site de la Maison de la géographie http://www.mgm.fr/Mappemonde/index.html.)
sur le sujet, soit des annuaires de liens vers des sites territoriaux ou vers d’autres
annuaires. Ces formes de structuration des sources d’information posent d’emblée
le problème de leur mise à jour : on peut ainsi trouver un site très bien structuré
n’ayant été mis à jour pour la dernière fois qu’en 1998 (Distributed Geographic
Information Links Database http://www.geog.byu.edu/gisonline/links/main.htm).
Sur ce sujet du référencement, le rôle joué par des magazines en ligne ne doit pas
être négligé. Traitant principalement de géographie numérique, ils proposent, dans
le cadre d’articles spécifiques, un nombre élevé de liens vers des sites opérationnels (site de l’éditeur des magazines GIS World et GIS Europe, proposant une série
d’articles http://www.geoplace.com/gw/1999/0999/999tec.asp ou bien encore
http://www.geocomm.com/links/webmaps.html). Dans ce domaine de la géographie sur Internet les sites territoriaux apparaissent sous les rubriques suivantes :
• Web GIS
• Interactive Web Mapping Applications
• Distributed Geographic Information Links
• Interactive mapping sites
Les thématiques des sites sont souvent peu détaillées, l’extension géographique couverte pouvant, elle, être déduite de l’appellation du site.
Parmi les tentatives de cerner les contours de la représentation cartographique sur Internet, peu proposent des éléments de réflexion sur une classification. L’une d’elle (sites archives, vitrines, catalogues, de services) laisse en suspens
ce que nous proposons sous l’appellation sites territoriaux (Beucher, 1999). Cependant, la recherche d’un profil idéal des sites cartographique reprenant les points
forts de chacun des types proposés retient l’attention : “Démontrer un savoir-faire,
expliquer, comprendre les cartes comme le proposent les sites vitrines. Visualiser
des cartes et les télécharger comme le permettent les sites catalogues. Permettre une
interactivité entre le document et l’utilisateur comme le font les sites de services.
Proposer d’autres sites complémentaires comme le permettent les sites archives.”
Une autre approche de la représentation des territoires sur Internet consiste
à faciliter l’accès à l’information géographique grâce à des méta-données et à une
interface géographique6. Les travaux en cours montrent que les différents aspects
de l’accès à l’information géographique sur Internet – référencement, interface –
sont très spécifiques et nécessitent une approche et des outils particuliers.
Le besoin d’une classification, voire d’une normalisation, des sites cartographiques semble évident. Michel Bernard (CNIG-AFIGEO, 1998, p. 5), consultant, spécialiste des systèmes d’information géographique, propose les catégories
suivantes pour une utilisation d’Internet à des fins cartographiques : Internet pour
6. L’Institut géographique national mène actuellement des travaux sur l’analyse des sites Web
en cartographie dans le cadre d’une thèse portant sur la conception d’interface homme-machine dédiée
à la spécificité des données géographiques. Voir également les travaux de Proulx et al.
INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET INTERNET
281
publier ; Internet pour développer : la consultation – on donne à voir au public –,
des applications interactives, du travail coopératif. Parallèlement, d’autres analyses
se concentrent sur les aspects techniques de la cartographie sur Internet (Cornelis,
1997 ; Chang, 1997 ; Stynes et al., 1999 ; Limp, 1999). Ces travaux décrivent un
paysage technique extrêmement morcelé, le nombre des solutions pouvant être
mises en œuvre démontrant l’extrême jeunesse de ce secteur de l’information
géographique de même que ses capacités à évoluer. Les tentatives pour recenser et
proposer des classifications des sites territoriaux sont encore parcellaires et
renvoient ici au problème plus général du référencement de l’information sur
Internet, les spécificités de l’information géographique, spatialisée, ne faisant que
les exacerber. Toutefois les travaux réalisés jusqu’ici montrent tous le dynamisme
et une partie de la réalité de la représentation du territoire sur Internet.
Des pistes pour une réflexion sur l’évolution de la représentation du territoire
Parmi les travaux de réflexion sur l’évolution des techniques de représentation du territoire pouvant permettre d’alimenter la réflexion sur les sites territoriaux, trois grandes orientations peuvent être distinguées.
Sémiologie graphique et cartographie
Une première approche est celle de la réflexion théorique et épistémologique de la cartographie à l’ère du numérique et d’Internet. Il s’agit de revisiter ou
d’actualiser les travaux fondateurs de la sémiologie graphique. Les nouveaux outils
informatiques favorisent la diffusion de l’information géographique sous forme de
représentation cartographique On sent à travers différentes publications un besoin
de formaliser mais aussi d’actualiser les formes d’expression cartographique7. La
sémiologie graphique posait voilà plus de trente ans les bases de la communication
et de l’expression cartographique moderne, mettant en évidence l’importance de
l’information géographique sous sa forme graphique. Or l’incidence des technologies se fait sentir également dans ce domaine : “Si pendant des siècles, des cartes sur
papier ont convenu, la technologie offre à présent d’autres possibilités : la sémiologie de la représentation de l’espace n’est pas indépendante des nouvelles technologies” (Laurini, 1990, p. 25). Aujourd’hui, l’évolution des techniques aidant, la
production de documents cartographiques a véritablement explosé, quantitativement et qualitativement, les nouveaux outils, SIG notamment, permettant de
produire les cartes mais aussi et surtout les données nécessaires à une production
cartographique diversifiée. Pour certains, l’évolution technologique a laissé de côté
toute réflexion de fond sur la communication cartographique formalisée par Bertin
(1967, rééd. 1998). Il faut donc se pencher sur l’usage et la manipulation de ces
formes graphiques nouvelles, dynamiques (Ferland, 1997).
7. Colloque 30 ans de sémiologie graphique, Paris, 12-13 décembre 1997 http://www.cybergeo.presse.fr/semiogra/INTROJMO.HTM
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Nouvelles techniques de visualisation
Les évolutions de l’informatique graphique, des techniques de visualisation,
rejaillissent sur les techniques cartographiques. On peut d’ailleurs noter que ces
évolutions ont bénéficié des apports théoriques de la sémiologie graphique. Les
nouvelles possibilités offertes dans le domaine de la représentation du territoire
sont étroitement liées aux autres disciplines recourant aux techniques de visualisation. Les mathématiques, la médecine, l’exploration pétrolière utilisent des outils
de traitement et de représentation de l’information sous forme graphique. Les algorithmes de traitement d’image ou les techniques de représentation en trois dimensions sont partagés par la science géographique avec au moins une des disciplines
citées. On peut avoir une idée des voies ouvertes par les techniques numériques,
mais également des interrogations qu’elles soulèvent, en consultant les travaux de
la “Commission on Visualization” de “l’International Cartographic Association”
(MacEachren, 1998). Les axes principaux relevés sont les suivants :
• évolution des modes de représentation — 3D, modèles de données,
traitement ;
• évolution des interfaces — agents intelligents “géographiques”, visualisation dans un contexte de travail coopératif, appropriation des nouvelles variables
visuelles ;
• visualisation des bases de données — “Data mining” appliqué à l’information géographique ;
• recours aux sciences cognitives pour évaluer l’impact du passage du
support papier statique, à des supports dynamiques et interactifs.
Dans ce contexte fortement marqué par la technique — convergence des
techniques numériques de la géographie et du World Wide Web — les questions
soulevées ont amené certains auteurs à élaborer de nouveaux cadres de réflexions.
La visualisation y est perçue et analysée dans sa finalité : l’usage de la carte
(Johansson, 2000). La synthèse de cette approche peut être appréhendée sous la
forme de la figure 8.
La proposition, structurée autour des trois dimensions “interaction homme –
carte”, “collective - individuelle” et “information” constitue une grille de lecture de
la représentation cartographique sur support numérique tout à fait intéressante et
transposable à l’étude des sites territoriaux.
Démarches expérimentales d’accès des communautés à l’information géographique
La généralisation de la diffusion de l’information géographique sur Internet
va nécessiter d’appréhender ces différentes voies d’évolutions techniques dans
leurs dimensions sociales, l’appropriation des innovations devenant indispensable
tout comme l’explication ou le commentaire, les techniques n’étant jamais
neutres. Entre la transmission de l’information géographique à des utilisateurs et
la formation à la logique de cette information, quel chemin suivre et quels
moyens employer ?
283
Con
nue
Info
rma Inconn
ue
tion
Visualisatio
n
Sphère
Collective
Individuelle
Communicat
ion
INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET INTERNET
Figure 8.— Dimensions de base
de la visualisation/usage de la carte
(MacEachren, 1994).
le
Faib
carte
e
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Forte
nh
actio
Inter
De nouveaux outils émergent, porteurs de modifications importantes dans
l’accès des communautés à l’information territoriale. Cela peut être envisagé pour
des groupes de professionnels travaillant sur le territoire avec des outils SIG participatifs et coopératifs. Il s’agit encore essentiellement de l’adaptation de logiciels de
travail partagé — Cooperative Working — au domaine de la gestion de l’espace
(CNIG-AFIGEO, 1998, p. 53). Plus orientées vers les besoins des citoyens en
matière d’information spatialisée, de nouvelles applications justement construites
pour dépasser le cercle jusqu’alors réduit des utilisateurs habituels de l’information
géographique voient le jour. Le lien de ces applications avec les SIG est évident, il
s’agit de diffuser par Internet ou Intranet le contenu de bases de données, jusqu’ici
confinées dans des environnements dédiés, et de permettre un retour d’information de la part des utilisateurs (Chavan et al., 1997). Explicitement tourné vers l’expérimentation, ce type d’approche nous permet d’envisager ce que pourront être
les sites territoriaux dans quelques années.
Les géographes anglo-saxons semblent avoir pris ce domaine comme
champ d’étude à part entière depuis maintenant quelques années. Certains, s’appuyant sur un petit nombre d’applications pilotes, tentent d’analyser les possibilités
pour le public d’agir sur des processus relevant de l’aménagement du territoire
(Evans et al.). Les enseignements tirés de ces expériences montrent que, pour
dépasser ce stade expérimental, les contraintes à surmonter seront d’ordre technique, économique et culturel. Technique, car le recours à des techniques informatiques récentes devant permettre la représentation territoriale rend ce type de
projets très sensibles. Économique, car l’utilisation de données géographiques
numériques de base se heurte, en Grande-Bretagne, aux intérêts de l’Ordnance
Survey (équivalent anglais de l’Institut géographique national). Culturel, les utilisateurs doivent être sensibilisés, si ce n’est éduqués, aux spécificités de l’information
géographique afin de pouvoir pleinement utiliser ce type d’application.
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Ces expériences soulèvent le problème de la perception par le grand public
de l’existence de sources d’informations géographiques interactives. On peut envisager une première approche en évaluant l’information relative à la représentation
du territoire circulant dans les médias traditionnels. Ainsi, dans la rubrique multimédia du magazine Télérama (Cardan, 2000) voit-on publier, à la faveur des catastrophes environnementales de la fin de l’année 1999, un article décrivant un certain
nombre de sites comportant une composante cartographique significative,
montrant différents thèmes environnementaux – Office national des forêts, Bureau
de recherche géologique et minière, Météo France, Réseau des données sur l’eau
du bassin Rhône-Méditerranée-Corse, Radiophare.
Parmi l’éventail de sites proposés, seuls deux sont représentatifs de ce que
nous envisageons sous l’appellation sites territoriaux, les autres présentant une
information géographique qui pourrait constituer une couche d’information de
sites territoriaux. Le traitement journalistique du sujet ne doit pas occulter les effets
et la signification d’une telle publication : l’accès du grand public à l’information
géographique, et par conséquent aux sites territoriaux, existe et les autres médias
répercutent l’information.
CONCLUSION
Les éléments dégagés lors de cette phase exploratoire portent essentiellement sur les aspects théoriques et concrets de l’information géographique et de la
représentation des territoires sur Internet. Parmi les éléments théoriques dégagés
nous retiendrons la notion d’intelligence collective du territoire. Les sites territoriaux semblent constituer un moyen d’accès privilégié à la complexité de phénomènes inscrits dans l’espace géographique. Ils participent de ce fait à l’élaboration
d’un nouveau type de relation au territoire et contribuent théoriquement à cette
intelligence organisatrice.
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