La formation judiciaire au soutien des réformes des systèmes

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La formation judiciaire au soutien des réformes des systèmes
Intervention à l’IOJT le 22 novembre 2013 sur
« La formation judiciaire au soutien des réformes des systèmes judiciaires, de
l’indépendance et de la responsabilité »
Introduction
Je suis très heureuse et très honorée de pouvoir représenter l’ENM à cette
table ronde, et j’en remercie les organisateurs, même si je vous l’avoue, je me
suis posé beaucoup de questions sur la manière de répondre au thème qu’il
m’a été demandé de développer, tant les manières d’y répondre peuvent être
différentes.
J’ai choisi de répondre à la question autrement formulée:
Comment la formation judicaire soutient l’Etat de droit, donc le droit
positif et les réformes judiciaires, et comment la formation judicaire favorise
l’indépendance et la responsabilité?
Deux niveaux pour répondre à cette question :
Le niveau national
Le niveau international
A Au niveau national, comment assurer par la formation judicaire le
succès des réformes judiciaires ?
En ayant institué en 1958, il y a un peu plus de 50 ans, l’Ecole Nationale
de la Magistrature, la France, a perçu la nécessité d’adapter sa magistrature au
changement des techniques et des conditions de travail. L’idée de son créateur,
Michel Debré, était d’offrir aux magistrats une formation structurée et plus
ouverte sur les connaissances contemporaines, leur permettant une
connaissance sans cesse mise à jour des réformes intervenues et du droit
positif applicable.
C’est précisément l’un des premiers objectifs de la formation continue
dispensée à l’ENM qui vise à accompagner les magistrats à appliquer les
nouvelles lois issues des réformes judicaires, tout en favorisant l’esprit critique
et le sens de la responsabilité.
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C’est également le fil directeur de la profonde réforme de l’école en 2008 :
l’ouverture aux partenaires, à la société civile, à l’international.
1- Les dispositifs mis en place par l’ENM dans l’accompagnement des
réformes
La nécessité de mettre rapidement à la disposition de l’ensemble ou d’un grand
nombre de magistrats, une formation de base lors de l’entrée en vigueur d’une
réforme d’envergure a obligé à l’Ecole à se doter de structures lui permettant
de mobiliser l’ensemble de ses moyens pédagogiques et technologiques, grâce
notamment à sa présence à différents niveaux de territoires, à la richesse de
son partenariat et à la mise en œuvre d’outils modernes de formation.
 La présence de l’ENM à différents niveaux de territoires
Comme vous le savez, la France est un pays très centralisé, et l’ENM est une
grande école de service public, qui, pour ce qui concerne la FC des juges et
procureurs français, se trouve à Paris.
Néanmoins, la FC même décidée à Paris peut être dupliquée grâce à un
maillage de formation nouveau, à l’échelle interrégionale, depuis la réforme de
l’Ecole en 2008. Ont été en effet institués les CRF, qui sont des personnels de
l’école, 9 magistrats pour toute la FRANCE, en poste au niveau d’une CA, mais
qui ont une compétence qui regroupe un territoire plus vaste, se composant de
plusieurs CA, et qui développent des formations continues délocalisées,
permettant de former dans les meilleurs délais le +grand nombre de magistrats
possibles.
 Le partenariat de l’Ecole :
La conception française de la formation judiciaire considère que pour qu’une
formation continue soit efficace et constructive, elle doit au moins en partie
être interministérielle ou partenariale ; elle doit associer l’ensemble des autres
professions qui concourent au fonctionnement de la justice : juges, procureurs,
et selon les cas, greffiers, policiers, avocats, médecins, huissiers, notaires, etc.
Si bien que lorsqu’ une réforme implique plusieurs professions, il est bon que
des formations puisent être envisagées en commun, dans une certaine mesure,
et partagée.
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 Les outils modernes de pédagogie
Outre les sessions classiques, pour toucher le plus grand nombre, mise en
œuvre d’outils de type e-learning ; généralement en complément d’une
formation présentielle, ou pour donner en urgence un minimum d’informations
indispensables aux juges sur le terrain.
Deux exemples récents d’une certaine ampleur pour illustrer le rôle de la FJ et
en France de l’ENM au soutien des réformes :
 la réforme législative sur le contrôle de la constitutionalité des lois
En 2010, lors de la réforme législative sur le contrôle de la constitutionalité
des lois qui a introduit dans le droit français la question prioritaire de
constitutionnalité, ouvrant aux justiciables sous certaines conditions, un
nouveau recours leur permettant de soulever l’inconstitutionnalité de
disposition législatives en vigueur devant les juridictions judiciaires, lors d’une
instance en cours, l’ENM a élaboré un plan d’action autour de 4 axes principaux
pour assurer dans un temps limité la formation des magistrats à l’exercice de
nouvelles compétences que leur conférait la loi :
- Une session de formation au sein de l’ENM en partenariat avec le Conseil
constitutionnel à un public de 180 magistrats
- Des sessions dupliquées au niveau local par les 9 CRF, à destination de
l’ensemble des magistrats des CA de leur ressort, en collaboration avec le
ministère de la justice, le conseil constitutionnel, les barreaux locaux, les
universitaires
- - un dispositif de formation à distance en e-training avec des liens utiles
sur les sites mis en place par le conseil constitutionnel, la cour de
cassation, le conseil d’Etat et le ministère de la justice.
- Un support audiovisuel mis en place en commun grâce à collaboration
ENM, Conseil Constitutionnel, le conseil national des barreaux, DVD
envoyé à toutes les juridictions.
 La réforme législative sur les hospitalisations sous contrainte
En 2010, le projet de réforme d’une loi datant de 1990 sur les hospitalisations
sous contrainte déposé en mai 2010, a permis de préparer les formations
nécessaires à ce grand changement qui a introduit par une loi finalement
entrée en vigueur en 2011, l’intervention obligatoire du juge judicaire pour
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toute hospitalisation sans consentement. Jusque-là ces hospitalisations sous
contrainte étaient seulement de la compétence administrative, à savoir le
préfet en France.
- En 2010 : Une session de formation codirigée par un médecin psychiatre
et un magistrat, à destination d’un public de magistrats, médecins,
directeurs d’hôpitaux, contrôleurs des lieux de privation de liberté,
pompiers, commissaires de police et avocats : rôle constitutionnel du
juge judiciaire, gardien des libertés individuelles : approche
pluridisciplinaire, analyse et réflexion en commun ;
- En 2011 : Courriel de l’ENM à toutes les CA pour informer de la
publication des nouveaux textes et de l’offre de formations nationales
correspondantes mises en place par l’ENM, mais aussi adressé à tous les
hôpitaux afin d’associer les professionnels de la santé concerné ;
- Une session en avril 2011 à l’ENM ;
- Sessions dupliquées en région (700 personnes ont pu participer)
- Elaboration d’un fascicule documentaire actualisé ;
- Une mise en ligne d’un e-learning sur le site de l’ENM accessible en
permanence depuis toutes les juridictions et transmis aux médecins,
directeurs d’hôpitaux et cadres de santé concernés.
2- Les formations dans un espace de liberté et de développement du sens
–critique
La formation judiciaire doit aussi, compte tenu de la spécificité de la mission
des magistrats, être légitime et favoriser la culture d’indépendance et de
responsabilité.
C’est pour cette raison aussi que nous sommes convaincus en France que la
formation professionnelle des juges et des procureurs doit être organisée par
les autorités judiciaires des Etats ou leurs organes publics spécialement
délégués : seules les émanations des autorités judiciaires des Etats ont une
véritable légitimité en matière de formation professionnelle en ce domaine.
D’où l’attachement des magistrats français à leur école et au statut particulier
de leur école, qui est certes sous tutelle du Ministère de la justice pour ce qui
concerne son budget et son personnel, mais qui en est indépendante sur tous
les autres aspects, et notamment pédagogiques. L’ENM est alors seulement
responsable devant le conseil d’administration présidé par le 1er président de la
cour de cassation française, c’est-à-dire la plus haute autorité judiciaire.
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En particulier, l’ENM est libre de faire intervenir qui elle veut dans ses
formations, et elle réserve toujours une grande place aux personnalités les plus
indépendantes, les partenaires extérieurs de divers horizons, qui peuvent avoir
du poids dans la société civile et sont écoutées : professeurs d’université,
députés, chercheurs etc…
Ainsi conçues, l’éducation et la formation professionnelle, associées à la
communication, favorisent l’esprit critique et d’analyse, développent le sens de
la responsabilité, de l’initiative et de la décision, constituant aussi la garantie
d’une justice humaine, ouverte sur la société et le monde, quelles que soient
les réformes judiciaires à mettre en œuvre.
3- Les formations comme espace de réflexion
Un dernier aspect sans doute moins connu mais très intéressant, c’est qu’une
école de formation est aussi un lieu de réflexion, d’échanges, de recherches en
droit interne ou en droit comparé, bref un lieu très riche où il se passe, où il se
dit beaucoup de choses.
C’est la raison pour laquelle, l’ENM est régulièrement consultée sur les
réformes envisagées, soit par le ministère directement, soit par des groupes de
travail ou des commissions désignées par le ministre de la justice ou d’autres
autorités, soit par des commissions parlementaires. Elle peut donc pousser des
idées parfois innovantes sur des sujets justice d’importance tels que : la
réforme du Ministère public : nomination, compétences, périmètre
d’intervention, direction PJ, organisation (commission Nadal), Réforme sur la
justice des mineurs, introduction d’un tribunal correctionnel pour mineur etc…
Partenariat et réactivité dans les démarches de formation, voilà en tous cas les
deux axes forts qui sont clairement annoncés dans les textes fondateurs
nouveaux de l’Ecole nationale de la magistrature, et qui, reliés à la notion de
solidarité ont donné un nouvel élan à notre coopération internationale, plus
que jamais tournée vers l’échange, notamment dans le cadre des réseaux, dont
l’IOJT fait justement partie, mais aussi au soutien de réformes visant à la
professionnalisation de la magistrature et à la mise en œuvre des standards
internationaux de la formation judiciaire dans différents pays.
C’est donc le deuxième niveau de la réponse à la question suivante :
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B. Au niveau international, comment la formation judicaire permet
d’accompagner les réformes du système judicaire, l’indépendance et la
responsabilité des magistrats et comment la formation judiciaire vient au
soutien de l’Etat de droit?
La formation judiciaire est un outil au service d’une justice indépendante et de
qualité, sur laquelle repose tout système démocratique. Cela signifie que tous
les pays qui souhaitent engager des réformes en faveur d’une justice plus
indépendante, plus transparente et plus performante, ont besoin de magistrats
légitimes et compétents, ce qui implique une réflexion sur leur recrutement et
leur formation.
Pourquoi et comment l’expertise française de l’ENM est sollicitée par ces pays ?
A quel besoin, l’ENM est-elle appelée à répondre et comment ?
On peut distinguer deux axes forts dans les demandes formulées auprès de
notre école :
1- L’assistance technique pour créer ou moderniser une école de la
magistrature
2- La formation directe des juges et procureurs en fonction des besoins
du pays
1- L’aide à la création ou la modernisation d’une école de la magistrature :
Pour accompagner une réforme de la justice, l’organisation d’une formation
judiciaire structurée apparaît incontournable.
Et il est vrai que le modèle Ecole de la magistrature type ENM à la française est
effectivement très sollicité car il donne des garanties. Le recrutement par la
voie d’un concours égalitaire, une formation initiale probatoire, et une
formation continue obligatoire, sont les garants d’une magistrature légitime,
compétente, indépendante et au comportement éthique affirmé.
C’est tellement vrai qu’alors que jusque dans les années 2000, l’expertise de
l’ENM était plutôt sollicitée par des pays dont le système judiciaire et le
système de formation judiciaire étaient très proches du notre (pays du
Maghreb et pays d’Afrique francophone, principalement mais aussi certains
pays d’Amérique latine et d’Asie du Sud-est), aujourd’hui, on constate de plus
en plus que de nouveaux pays ne se rattachant pas à notre tradition,
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s’adressent de plus en plus à l’ENM, et je pense notamment à certains pays
d’Asie centrale, tels que le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, la Mongolie.
Cette demande d’assistance technique pour créer ou moderniser une école
permet aussi de pérenniser un projet de coopération, qui ne va pas seulement
s’adresser aux hommes et aux femmes qui composent le corps judiciaire, qui
est par définition mouvant, mais qui va installer des structures nouvelles ou
rénovées, qui vont durablement soutenir le projet de réforme judiciaire.
Quelles sont les demandes qui sont formulées auprès de l’ENM :
 Une expertise au niveau du recrutement des juges :
La sécurisation et la transparence des voies de recrutement font partie des
premiers objectifs de toute réforme judiciaire. Il existe de nombreuses voies
possibles de recrutement et les différences sont d’ailleurs assez fortes entre les
pays de tradition de droit continental et les pays de common law.
Or, force est de constater que l’expérience de l’ENM dans sa mission première
d’organiser le recrutement des futurs juges et procureurs par voie de concours
est particulièrement sollicitée.
Le fait que ce soit une école de formation dotée d’un statut autonome par
rapport au ministère de la justice, avec un jury souverain, indépendant et de
l’école et du ministère, constitue un exemple attractif pour les pays qui
souhaitent se rapprocher des standards internationaux en la matière.
En outre, l’école française ayant elle aussi profondément réformer son
concours en 2008, elle a pu partager ses réflexions avec nombre de ses
partenaires : les conditions et autorisations pour concourir (enquête de
moralité, critère de diplôme), les types d’épreuve, individuelles ou collectives,
les objectifs : vérification du niveau de connaissances, et perception de la
personnalité (tests psychologiques) etc…
Autant de thématiques qui intéressent cette réflexion.
 Une expertise au niveau de l’organisation d’une école de formation :
C’est le sujet du statut de l’école et du lien avec sa tutelle, le ministère de la
justice en France, de la gestion administrative de l’école, du statut des
formateurs : magistrats ? Permanents ou occasionnels ?, etc…
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 Une expertise au niveau de l’évaluation de la formation initiale :
C’est la question centrale du principe de la formation initiale probatoire et
donc de l’évaluation des juges en formation.
Le simple fait d’instaurer dans certaines écoles la possibilité pour le stagiaire
d’être exclu au cours de la formation ou à la fin, si certains comportements
inadaptés sont relevés ou si le stagiaire n’a absolument pas le niveau requis, est
souvent une véritable révolution.
Or, si la période de formation théorique est plus simple à évaluer (épreuve de
rédaction d’un jugement), la période pratique, c’est-à-dire la période du stage
en juridiction, qui est la pierre angulaire de la formation, est plus sensible car
l’évaluation est généralement faite par des maitres de stage trop complaisants
pour différentes raisons, et n’est donc pas satisfaisante.
L’objectivation des évaluations est indispensable.
La question s’est posée avec acuité en France il y a quelques années, et une des
grandes avancées de la réforme de l’école en 2008 a été de dissocier
l’évaluation sommative de l’évaluation normative.
Celui qui forme n’évalue pas ; rôle des CRF en France.
 Une demande d’expertise au niveau des curricula eux-mêmes : comment
construire un programme pédagogique, définition des besoins et des
objectifs en fonction de chaque situation et contexte particulier : aide à
développer des maquettes de formation initiale ou continue :
La formation initiale :
- le contenu des enseignements en fonction du niveau des stagiaires : un
niveau trop bas au niveau des facultés dans certains pays obligera l’école
à consacrer une période de formation à une remise à niveau théorique,
avant d’aborder le cœur du métier de juger ;
- les liens entre l’école et les juridictions pour assurer le suivi dans la
pédagogie, entre la théorie et la pratique etc…
La formation continue : quel contenu, pour quel magistrat, à quel moment ?
Formation lors des changements de fonction, formation des futurs chefs de
juridiction, parcours de formation adapté aux juges spécialisés ?
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 Une aide dans le renforcement des équipes pédagogiques :
Les formations de formateurs sont de plus en plus demandées car elles ont
pour but d’approfondir les acquis en matière de conception et de mise en
œuvre de programmes et supports pédagogiques, et permettent souvent de
susciter le changement.
Certains des formateurs que nous avons eus le plaisir d’accueillir à l’ENM sont
repartis dans leur école avec des idées nouvelles adaptées à leurs réalités
locales :
Par exemple mettre davantage l’accent dans le parcours de formation du futur
juge, sur la rigueur et la qualité de la rédaction du jugement écrit, sur le savoir
être, sur les comportements éthiques et déontologiques des magistrats, sur les
droits de l’homme dans l’administration de la justice.
Deuxième axe fort de la formation judicaire en appui d’une réforme judicaire :
2- La formation directe des personnels judiciaire en fonction des besoins
Comme tout à l’heure, lorsque je déclinais les outils de la formation judiciaire
que l’ENM a mis en œuvre en France pour accompagner une réforme dans les
meilleurs conditions, certains pays qui sont confrontés à une problématique
particulière ou qui souhaitent réformer leur législation doivent assurer la
formation de ceux qui vont mettre en œuvre ces réformes.
L’ENM a ainsi été sollicitée pour apporter son aide en matière de lutte contre la
piraterie maritime dans le golfe d’Aden, en matière de lutte contre le
terrorisme dans les pays du Sahel, de lutte contre le crime organisé et la
corruption en Afrique ou au Moyen Orient.
 Formation des juges somaliens à la lutte contre la piraterie maritime,
Projet PNUD avec MAE français ;
 formation des juges et procureurs du Niger et de Mauritanie dans le
cadre du Projet JUSSEC (crédits français) en zone Sahélo-saharienne en
coordination avec l’ONUDC ;
 Formation des juges irakiens à la lutte contre le crime organisé et le
terrorisme dans le cadre du Projet eujustlex en Irak de l’Union
européenne
 Formation à la lutte contre la corruption et le blanchiment au bénéfice
de nombreux pays d’Afrique et du Maghreb.
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Même s’il s’agit principalement de formation directe des acteurs judiciaires
concernés, donc plus ponctuelle, ce type de formation s’inscrit souvent dans
une stratégie globale de réforme et accompagne notamment une
réorganisation au niveau des juridictions, ayant ainsi un effet plus pérenne :
C’est le cas de la formation en matière de lutte anti-terroriste qui
accompagnait la réforme de l’organisation d’un pôle spécialisé au niveau des
juridictions, c’est le cas de la lutte contre la piraterie maritime, dont la
formation est venue en appui de la création d’une juridiction spécialisée dédiée
à ces questions. En outre, ces formations sont souvent des formations mixtes
dans lesquelles sont associés non seulement des professionnels en fonction,
mais aussi des formateurs, ce qui permet de diffuser les savoirs et acquis.
Dans certaines situations d’urgence, l’ENM a pu être sollicitée pour répondre
au besoin premier d’assurer la continuité de la justice par la formation
judiciaire, comme cela a été le cas lors du séisme en Haïti.
Après le séisme en Haïti, la France a participé à l’effort de reconstruction, et en
matière de formation judiciaire, l’école de la magistrature locale ayant été
complètement détruite, l’ENM a accueilli en France, le temps de la
reconstruction de l’école haïtienne, l’ensemble de la promotion des futurs
juges haïtiens ainsi que leurs formateurs, soit une trentaine de personnes et a
assuré leur formation initiale pendant plus d’un an. Les futurs juges haïtiens
ont ainsi été intégrés dans la promotion des auditeurs de justice français, à
l’école à Bordeaux puis en stage dans les juridictions françaises. Les formateurs
haïtiens ont pu suivre, quant à eux, les formateurs français et bénéficier de
formation de formateurs. Cela a été un temps fort pour tous, et les échanges
entre auditeurs français et haïtiens particulièrement riches et fraternels.
Conclusion
Cette coopération a nécessité des engagements clairs des 2 côtés et c’est sur
quoi je voudrais conclure.
Le transfert de connaissance, les échanges de bonne pratique, d’expérience,
nécessitent, pour faire évoluer les systèmes de formation, un engagement fort
des deux côtés :
1- L’engagement de celui qui s’inscrit dans le changement :
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Ce n’est pas toujours facile. M. Amadi Ba nous l’a rappelé hier : quand il a dû
mettre en place une politique de rupture pour faire évoluer son école au
Sénégal : résistance au changement : Au sein de la structure elle-même, au
niveau politique aussi. Il faut sans arrêt convaincre du bienfondé des réformes
proposées.
2- L’engagement de celui qui vient au soutien de son partenaire :
Ce n’est pas toujours facile non plus, car il faut être en mesure de se mobiliser,
d’être présent et actif, quelles que soient les circonstances, quelles que soient
les ressources disponibles.
C’est une des difficultés de l’ENM, pourtant une grande école, à qui on (le
ministère de la justice, sa tutelle,) demande en ce moment, et depuis 3 ans
aujourd’hui, un effort considérable pour former toujours plus de magistrats
français, avec des moyens réduits et des coupes budgétaires sévères. L’ENM a
dû repenser son activité internationale pour trouver de nouveaux financements
et des moyens de mobiliser ses personnels en interne ainsi que les magistrats
dans les juridictions, malgré une charge de travail de plus en plus écrasante.
Nous sommes en effet convaincus que c’est une des missions essentielles de
toute institution de formation judiciaire : pouvoir continuer à partager les
expériences avec les autres institutions de différents pays, pour rechercher
toujours les meilleures manières de « fabriquer » nos juges et procureurs, afin
de rendre une justice digne, de qualité et de gagner la confiance des
professionnels et du citoyen.
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