Etranger et immigré - Revue des sciences sociales
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Etranger et immigré - Revue des sciences sociales
BRIGITTE FICHET Etranger et immigré Deux termes problématiques Par les portes d'Orkenise Veut entrer un charretier. Par les portes d'Orkenise Veut sortir un va-nu-pieds. Et les gardes de la ville Courant sus au va-nu-pieds: «Qu'emportes-tu de la ville?» «J'y laisse mon cœur entier.» Et les gardes de la ville Courant sus au charretier: «Qu'apportes-tu dans la ville?» «Mon cœur pour me marier. » Que de cœurs dans Orkenise! Les gardes riaient, riaient. Va-nu-pieds la route est grise, L'amour grise, ô charretier. Les beaux gardes de la ville, Tricotaient superbement; Puis les portes de la ville Se fermèrent lentement. Apollinaire Faculté des Sciences sociales Laboratoire de sociologie de la culture européenne Centre d'études des migrations et des relations inter-culturelles (CEMRIC) L ' ancien thème de la rupture épistémologique qui fonde une disci pline ou une école de pensée dans sa spécificité a été revisité dans la logique utilitariste. Dans cette perspective, le cher cheur peut être suspecté de ne chercher que son intérêt corporatiste sous couvert de la lé gitimité scientifique dont il pare son para digme... Dans la logique élitiste, le cher cheur est soupçonné d'asseoir son autorité à travers un discours ésotérique et une pensée qui se doit de construire des concepts éloi gnés du sens commun. La logique scientifique bénéficie d'une certaine autonomie dans le choix de ses concepts, mais elle n'est pas à l'abri d'une mise en question à partir de critères qui ne sont pas les siens. La rupture fondatrice, paradigme de la sociologie, devient à certains égards rupture honteuse. Cependant elle ne constitue nul lement un dogme, ni une recette qui s'im pose en toute occasion. Mais quand elle se propose, elle peut se heurter à des résis tances tant sociales que scientifiques'". L'examen de ces résistances constitue un excellent terrain d'investigation, à la croisée de la sociologie et de la pensée sociale. Un modèle est bon s'il est adapté à la fi nalité qu'il est censé servir et plus ou moins puissant selon l'importance des phéno mènes dont il est capable de rendre compte. Dans le domaine des sciences sociales, le débat public porte souvent sur les implica tions du modèle, qui peut apparaître inuti lement compliqué (i.e. éloigné du sens commun), parce que la finalité scientifique n'en est pas perçue et que les effets so Revue des Sciences Sociales de la France de l'Est, 1993 112 ciaux, réels ou supposés, en semblent in certains ou menaçants. Le domaine des migrations offre à cet égard un terrain d'observation privilégié. Il connaît ces derniers temps une multiplica tion des écrits retraçant les contours des no tions techniques ou usuelles d'étranger et d'immigré, dénonçant leur confusion ou proposant de nouvelles définitions'2'. Cette contribution montre que l'explora tion des représentations pratiques de l'im migré révèle des signifiés éloignés de toute dimension de migration. Cependant, l'in adéquation de la représentation à son objet n'entame pas l'usage social, qui suit d'autres finalités. Poursuivant des fins au moins des criptives, les sciences sociales ont à restau rer la migration comme comportement, le migrant comme l'acteur d'une performance, l'immigré comme l'«ayant migré» et non comme un état ou le substrat d'une essence particulière. Immigré: en quel sens? L'immigré, dans les représentations pra tiques, est sujet aux variations conjonctu relles des perceptions. Dans le courant des années 70, il était en core le «travailleur migrant» (quand il s'agissait du pays d'origine?) ou le «tra vailleur immigré » : le travail semblait devoir justifier sa venue puis son séjour en France et, implicitement voire explicitement dans certains discours, le chômage nécessiter son retour. L'objet de la pensée sociale n'était pas l'«immigré» travailleur mais bien le Zuzana Jaczova, Zinc sur contreplaqué, élastomère, 1991 «travailleur», inséré dans un contexte qui était encore celui de la lutte des classes. La locution de « travailleur immigré » a proba blement connu une vogue plus tardive que l'usage du seul substantif de «travailleur». Actuellement, alors même que l'immi gration régulière de travailleurs étrangers s'est poursuivie (à un rythme réduit), l'ap pellation courante ne retient plus que le terme d'immigré. Il est vrai que le regrou pement familial a permis l'arrivée d'«inactifs ». Cependant, contrairement aux idées reçues, l'immigration des familles a connu sa plus forte intensité avant le coup d'arrêt de l'immigration en 1974. Les chiffres de l'OMI montrent comment l'introduction des membres des familles diminue à partir de cette date. Si l'immigration familiale est ap 113 parue considérable à cette époque, au mo ment même où elle ralentissait, c'est proba blement parce qu'elle devenait, pour la pre mière fois depuis la seconde guerre mondiale, plus importante que l'immigra tion de travailleurs qui a connu, elle, une chute radicale. Par ailleurs, il est difficile de savoir dans quelle mesure les familles ont participé aux mouvements de migrations temporaires tant décrits à propos des actifs. La méconnais sance des retours des travailleurs ou des fa milles doit inspirer ici une grande prudence. Mais, sans nul doute, ces dernières ont ac compagné la stabilisation de l'immigration en France, en s'y installant progressivement et en diversifiant peu à peu les sphères de leur vie sociale. Travailleur ou non, l'immigré est perçu, à première vue, comme l'étranger venu s'ins taller en France. Mais les représentations courantes ne retiennent pas toutes les natio nalités au même titre: un Anglais ou un Japonais ont moins de chances de passer pour un immigré qu'un Tunisien ... ou un Martiniquais ! Même les Français des dépar tements d'outre-mer peuvent ainsi être per çus comme des étrangers venus d'ailleurs... La nationalité ne constitue donc pas un bon critère de définition de l'immigré. Par ses connotations, le terme d'«im migré» évoque une personne originaire d'une ancienne colonie ou d'un pays peu développé, et encore une personne peu qualifiée. Dans cette perception, le mineur marocain ne manquera pas d'apparaître comme un immigré et l'ingénieur algérien risque de laisser perplexes un certain nombre de ses interlocuteurs. Le sens commun se livre ainsi à des pondérations subtiles entre les différents critères mentionnés : le balayeur sénégalais sera beaucoup plus sûrement classé comme «immigré» que le «technicien de surface» allemand qui lui-même n'est guère plus un «immigré» que le chef d'or chestre américain. Les représentations courantes vont en core plus loin: «l'immigré» désigne aussi un individu qui n'a jamais lui-même immi gré en France. Le terme, et la représentation qu'il véhicule, peuvent donc être totalement détachés de la réalité de l'expérience de la migration. Est-il possible de rendre compte de cet écart? Comme objet social particulier, la repré sentation de l'immigré revêt un caractère concret. De ce fait, il apparaît très normale ment construit «de bric et de broc », débor dant inconsidérément les classifications qui tenteraient d'en rendre raison. Cette situation est loin d'être anormale pour un objet concret. Elle n'est pas irra tionnelle non plus : c'est l'un des mérites re connu à l'heure actuelle aux méthodes de classification automatique que de permettre d'isoler des ensembles les plus homogènes possibles, les plus différents les uns des autres, à partir de critères qui n'ont pas le même impact sur chaque ensemble. Mais, dans ce cas, l'analyse rend compte du poids relatif- ou de l'absence de poids - d'un cri tère dans la constitution d'un ensemble. Ce qui échappe ici, c'est la logique de la pondération des critères dans l'image de l'« immigré», d'où la tentation de dire qu'il n'y en a pas et de justifier trop rapidement la nécessité d'une rupture avec le sens com mun. Il peut être utile d'essayer de faire émerger une possible rationalité de cette construction. Michel Crozier et Erhard Friedberg(3) ont montré l'aspect heuristique du postulat de la rationalité prêtée a priori aux acteurs dont on peut ne pas comprendre les comportements: c'est ainsi qu'en la re cherchant, on se donne les moyens de dé tecter éventuellement une rationalité peu apparente, alors que l'attitude inverse en dé tourne l'attention. Dans cette perspective, nous avions déjà tenté de rendre compte de cette représenta tion sociale du «travailleur immigré»(4). La cohérence des éléments de définition pa raissait soumise à une logique de discrimi nation reflétant le processus de reproduction partielle(5) de la force de travail sur le mar ché capitaliste. Cette interprétation présen tait l'avantage d'un affranchissement de la définition politique des frontières au profit d'une définition théorisée sur le plan éco nomique. Si elle convenait aux migrations tournantes (migrations jugées temporaires de travailleurs isolés), elle ne peut être éten due telle quelle à l'immigration actuelle. Cependant la logique de la discrimination n'est pas caduque. Elle ouvre alors d'autres horizons à l'interprétation du terme et de la représentation de l'immigré. En effet, la fonction la plus courante du terme n'est pas celle de la description mais celle de la désignation. Il fonctionne tel un pronom démonstratif (celui-ci, celui-là...) qui, avec une extrême économie de langage, parvient à faire comprendre à tous, dans un contexte donné, de qui il s'agit. Si le terme d'immigré n'est pas employé de façon des criptive, alors le signifiant «immigré» ne renvoie pas au signifié, au sens de «qui a ac compli une immigration dans notre espace » mais à un référent différent : «celui qui n'est pas des nôtres ». 114 La fonction de désignation se prolonge dans les effets complémentaires de distinc tion du ou des «nous» qui, en l'occurrence, apparaissent moins «non-migrants» que «membres du groupe» et de stigmatisation des « autres » qui ne le seraient pas. Cet usage du vocabulaire pourra encore avoir un effet performatif, ou de prédiction créatrice : celui de contribuer à une ségréga tion sur le plan social et d'estomper les dé finitions sur le plan de la communication. La figure de l' « immigré » peut alors être impo sée à quiconque est indésirable. L'extranéité peut être inventée ou héritée de générations en générations. Elle se lit comme la projec tion d'un refus refoulé d'intégration de l'autre. Ces fonctions sont autant de variantes qui sont associées à une conception sociale nor mative de l'immigré. Cela peut expliquer pourquoi le terme est si souvent confondu avec celui d'étranger, puisqu'ils renvoient tous deux à un «extérieur» incertain. L'étranger au village est «venu d'ailleurs» même s'il n'est pas d'une autre nationalité'6'. Quelles sont les incidences de cette si tuation sur les définitions utilisées dans les travaux descriptifs? Nous avons déjà souligné le besoin ré current qui se manifeste à l'heure actuelle de distinguer les concepts trop souvent confon dus d'étranger et d'immigré. Il s'accom pagne parfois du souci d'éclairer le grand public, comme le montre la publication d'un article dans «Le Monde» en septembre 1991(7). La clarification commence par le concept d'étranger, dont il est proposé une définition opérationnelle puisqu'il s'agira de dénombrement: «sont "étrangères" les personnes qui ont leur résidence perma nente en France à l'époque du recensement et qui déclarent n'avoir pas la nationalité française». La définition technique de la nationalité, qui est d'ordre juridique, fait place à une information d'ordre déclaratif, ce qui est le cas général des informations recueillies par le recensement. Cette trans position n'est pas sans quelque biais, mais là n'est pas le point le plus important. En ce qui concerne l'immigré, l'article propose une définition retenant «les per sonnes nées hors de France étrangères ou françaises par acquisition». Le but recherché par les auteurs vient de leur échapper, i.e. l'occasion de séparer ra- dicalement la problématique juridique ou identitaire de la nationalité et la probléma tique socio-démographique de la migration comme passage d'un espace à un autre. Pourquoi ne donner qu'une définition de l'immigré étranger quand il s'agit de l'im migré ? A priori, l'immigration se définit in dépendamment de la nationalité, même si rien ensuite n'interdit de considérer l'immi gration des étrangers, comme celle des re traités ou celle des vacanciers selon les centres d'intérêt. Dans une réponse passée trop inaperçue, Jacques Vallin(8) tente de restituer sa place à la notion d'immigration en rappelant que si le critère de migration est bien celui de la naissance hors de France, tous les Français de naissance nés à l'étranger et venus rési der en France relèvent de cette définition de l'immigré. Et, en effet, si l'article initial pré cise qu'«il existe, faut-il y insister, des étrangers, nés en France, qui ne sont pas des immigrés », il propose une définition qui ex clut l'immigration des Français de nais sance. Autorité des auteurs du premier article, prégnance de la forme du graphique qui l'illustre, prévalence du sens commun? Quelles qu'en soient les raisons, ces notions que l'on croit clarifiées sont actuellement largement diffusées et créditées d'objectivité(9). Quelques textes échappent à ces confusions, mais ils sont rares(10). Les représentations pratiques se révèlent donc, une fois de plus, comme des faits so ciaux, conceptions sociales qui s'imposent aux chercheurs, en font un outil de travail avant d'en avoir fait un objet de travail. L'immigré pour lui-même L'étude des mouvements migratoires, on le voit, a du mal à se constituer en champ au tonome, à s'affranchir des représentations courantes. L'analyse des mouvements migratoires suppose que l'on définisse quatre critères: un espace, un temps, une population et au moins un critère de déplacement. - Un espace dont le franchissement des frontières détermine le fait de la migra tion. L'espace le plus fréquemment employé est l'espace national, privilégié aussi en ce qu'il fonde le grand clivage classique entre migrations internes et migrations externes... (le non-dit des adjectifs pris dans leur sens «absolu» s'impose ici sans ambiguïté: il s'agit de l'espace na tional). Cependant, tout autre espace clairement délimité peut être utilisé. L'INSEE pu blie de nombreux articles et tableaux statistiques sur des migrations de toutes sortes, inter-régionales, interurbaines... (A l'inverse, les migrations de travail ser vent même à dessiner les espaces spéci fiques que sont les bassins d'emploi.) - Un temps : la migration s'observe sur une durée plus ou moins longue, annuelle ou intercensitaire... le plus souvent la même pour tous les individus, mais ce n'est pas toujours le cas. La référence au lieu de naissance implique une date potentielle ment différente pour chaque observa tion. - Une population : les individus qui la composent sont définis par un ou des cri tères communs: les cigognes, les hu mains, les retraités et leurs conjoints, les nationaux et/ou les étrangers... - Un critère de déplacement : le critère le plus classique est le changement de rési dence, mais on peut considérer les mi grations par rapport au lieu de naissance, entre les lieux de résidence et de travail, les migrations saisonnières de vacances d'été ou d'hiver... Les mouvements migratoires les plus divers peuvent ainsi être décrits par une combinaison heuristique de ces critères, en fonction de la problématique choisie. Il apparaît clairement qu'il s'agit d'un champ d'intérêt spécifique, sans lien intrin sèque avec la nationalité des migrants. Mais si la dimension nationale s'avère pertinente, elle peut être introduite explicitement dans les critères de définition de la population, du territoire, ou des deux à la fois. L'interaction des deux dimensions de la migration et de la nationalité pourrait se for maliser par un très classique tableau logique. Il fournit une sorte de tableau de Mendeleïev qui permettrait d'organiser l'exploration des différents cas observables. Nous examinerons ici, à titre d'illustra tion, la répartition de la population, française et étrangère, résidente en France métropoli taine. Le critère de migration retenu est le lieu de naissance. Le premier tableau permet d'identifier la population étrangère, la population immigrée 115 en France métropolitaine, et, à l'intersection, la population immigrée étrangère. Cette der nière ne constitue donc qu'une partie de l'im migration en métropole: s'y ajoutent les Français nés dans les départements et terri toires d'outre-mer, dans les anciennes colo nies et les protectorats ou encore à l'étranger et venus s'installer en métropole. Dans une autre hypothèse, si l'espace retenu est celui de la France légale (i.e. y compris les DOMTOM), alors les migrations des Réunionnais ou des Guadeloupéens en métropole de viennent des migrations intérieures, au même titre que celles des Alsaciens installés en Bretagne. Il reste l'immigration des Français nés à l'étranger. (tableau I bis). Le tableau II illustre la lecture de quelques autres notions courantes, relatives aux origines. - La population d'origine étrangère devenue française - se visualise par la ligne des Français par acquisition. Si, au lieu de l'origine personnelle, l'on sou haite considérer l'origine familiale (l'effet inter-générationnel de la nationa lité), on retiendra une frange des Français de naissance, ceux qui sont nés d'un ou deux parent(s) étranger(s), bénéficiant dans ce dernier cas de l'effet du double droit du sol. - La population immigrée d'origine étran gère est le sous-ensemble de la popula tion précédente, formé des personnes nées hors métropole. - La population issue de l'immigration*1" comprend les personnes nées en métro pole dont un parent au moins a immigré en métropole. On peut examiner l'effet inter-générationnel de la migration sur des familles, quelle que soit leur natio nalité. Si chacune de ces populations devait être estimée quantitativement, les défini tions proposées seraient à compléter par des précisions les rendant plus opérationnelles, en fonction de la source statistique dispo nible. Le recensement de la population, par exemple, donne la population immigrée avec la nationalité qu'elle a au jour de l'ob servation et non au jour de l'immigration. Le temps intervient différemment sur les deux dimensions. Le critère de déplacement par le lieu de naissance est par définition inva riable, mais la situation serait différente si le changement de résidence était retenu. Les définitions ainsi formulées ont l'avantage de séparer radicalement le fait de Tableau I. La population résidente en France métropolitaine, répartie selon la nationalité et la situation migratoire Population étrangère Population immigrée Population étrangère immigrée Tableau I bis. La population résidente en France légale, selon la nationalité et la situation migratoire Population étrangère Population immigrée Population étrangère immigrée Hll Tableau II. La population résidente en France métropolitaine selon son origine Population française d'origine étrangère origine personnelle origine familiale Population immigrée d'origine étrangère Population issue de l'immigration I I VÙk\ 116 la migration et la condition d'étranger, tout en autorisant une grande clarté dans Tinterrelation des deux dimensions(12). L'immigration ne pourra être étudiée pour elle-même que si elle est pensée pour elle-même, c'est-à-dire notamment sans être subrepticement «informée» par la prégnance de la dimension nationale. Trop rares sont les recherches qui entreprennent systématiquement une comparaison des ef fets de la migration et de ceux de l'apparte nance nationale03'. La migration s'approche comme une forme de mobilité spatiale et sociale sur un terrain lui-même mouvant. Elle constitue une expérience propre, elle implique un tra vail social original de la part des acteurs, travail de reconnaissance des réseaux so ciaux, de (ré)insertion, la création de nou veaux espaces sociaux, l'ajustement de nou veaux modes d'interactions, etc. Le refus de la réification de l'immigré - de l'«ayantmigré» - passe bien par la restitution de l'histoire et des rapports sociaux masqués par cette réification. 6 7 8 9 Notes 1 2 3 4 5 En ce qui concerne les sciences «dures», voir Thomas S. Kuhn, «The Structure of Scientific Révolutions», Chicago and London, University of Chicago Press, 1962, pp. 64 et suivantes. Simone Bonnafous, «L'immigration prise aux mots. Les immigrés dans la presse au tournant des années 80», Paris, Editions KIME (Collection Argumentation et sciences du lan gage), 1991, pp. 18-21. Albano Cordeiro, «Les immigrés ne sont pas tous des étrangers », in : Hommes et migrations : Le poids des mots, n° 1154, pp. 10-12. Michèle Tribalat, «Cent ans d'immigration, étrangers d'hier, Français d'aujourd'hui». « Apport démographique, dynamique familiale et économique de l'immigration étrangère», Paris, PUF/INED (Collection Travaux et documents, n° 131), 1991, p. 6, et l'excellente préface de Michel Louis Levy. Michel Crozier et Erhard Friedberg, «L'acteur et le système. Les contraintes de l'action collec tive», Paris, Editions du Seuil (Collection Sociologie politique), p. 395. Brigitte Fichet, «Les travailleurs immigrés. La reproduction de la force de travail », in : Cahiers de l'Institut d'urbanisme et d'aménagement régional, n° 2, Strasbourg, 1980, p. 190. La reproduction de la force de travail sur le mar ché recouvre l'entretien au jour le jour du tra vailleur dans sa période active (reconstitution), son entretien en période inactive (invalidité. 10 11 12 chômage, retraite...) et celui de ses enfants avant qu'ils n'entrent en activité (renouvellement). La reproduction partielle sur le marché suppose une coupure géographique et économique entre la reconstitution d'une part, l'entretien et le re nouvellement de l'autre. On oublie parfois que le fameux texte de G. Simmel, « Digressions sur l'étranger», cite la nationalité comme point de similitude éven tuelle entre «nous et lui ». La prégnance de la di mension nationale sur les mentalités est chose variable. Georg Simmel, «Digressions sur l'étranger», traduction de Ph. Fritsch et I. Joseph in : Yves Grafmeyer et Isaac Joseph, « L'école de Chicago. Naissance de l'écologie urbaine», Paris, Aubier-Montaigne (Collection Champ urbain), p. 57. Gérard Calot, Marceau Long, Claude Milleron, « Une mise au point commune des dirigeants de 1TNED, de 1TNSEE et du Haut Conseil à l'inté gration», in: Le Monde, 26 septembre 1991. Jacques Vallin, «Deux millions d"'immigrés" oubliés », in : Le Monde, 3 octobre 1991. Le pré-rapport du Haut Conseil à l'intégration (février 1991) diffuse une définition très ambi guë de l'immigré. D'abord exacte («... mieux vaut définir rigoureusement l'immigré comme quelqu'un qui est né à l'étranger, qui est entré en France et qui y vit en général définitive ment ...»), elle est inexplicablement réduite quelques lignes plus bas : «En réalité il y a des immigrés qui sont restés étrangers et des immi grés qui sont devenus français ». Le dernier rapport s'aligne sur cette réduction. «Immigré : personne née étrangère, à l'étranger, qui s'est installée en France. L'immigré a pu, au cours de sa vie, acquérir la nationalité fran çaise». (Haut Conseil à l'intégration, «La connaissance de l'immigration et de l'intégra tion», novembre 1991, Rapport au Premier mi nistre, Paris, La Documentation française (Collection des rapports officiels), 1992, p. 14. Michèle Tribalat, dans ses clarifications concep tuelles, donne d'abord une définition exacte de l'immigré, avant d'annoncer son intérêt particu lier pour l'immigration étrangère. On comprend alors que, dans la suite du texte, le terme d'im migré puisse être restreint au seul immigré étran ger (op. cit. (note 2), p. 6). Mais cela ne va pas sans dire... La population issue de l'immigration est définie ici comme la population des personnes nées d'au moins un parent qui a immigré (mais n'ayant pas personnellement immigré). Autrement, la défi nition susciterait une redondance partielle avec celle de la population immigrée. Rien n'empêche de retenir simultanément les deux ensembles des immigrés et de leurs enfants nés en métropole. Ce n'est malheureusement pas le cas d'autres tentatives de clarification : l'article du Monde et les rapports du Haut Conseil à l'intégration (cités supra, notes 8 et 9) définissent la personne d'origine étrangère comme une «personne née en France d'un parent ou d'un grand-parent ayant immigré (sic) en France». On ne saurait mieux confondre... De plus, quelle est la réalité « assez aisément perceptible » de cette catégorie ? 117 13 Peu citée est l'étude comparative de Dominique Schnapper, «Tradition culturelle et appartenance sociale: émigrés italiens et migrants français dans la région parisienne », in : Revue française de sociologie, XVII, 1976, pp. 485-498.