I. Le droit de rétention

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I. Le droit de rétention
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Fiche mise à jour : 23 février 2009
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Diplôme : Master 1
Matière : Droit des sûretés
Web-tuteur :catherine d’Hoir-Lauprêtre Sabine ROBERT
SEEAANNCCEE NN°9 – LAA PPRRO
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I.
LE DROIT DE RETENTION
3
Com., 19 novembre 2002
4
II.
LE DROIT DE PREFERENCE ET L’EXECUTION DU
GAGE
A.
B.
LA REALISATION CONVENTIONNELLE DU GAGE
5
6
Civ., 16 mars 1983
6
Com., 5 octobre 2004
7
Com., 9 avril 1996
8
LE PAIEMENT DU CREANCIER PAR REALISATION JUDICIAIRE DU GAGE
10
Com., 31 janvier 1983
10
Com., 6 janvier 1998
11
Date de création du document : année universitaire 2005/06
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2
Ass. plen., 26 octobre 1984
12
3
L’une des summa divisio du droit des sûretés opposait les sûretés
personnelles, tel le cautionnement, aux sûretés réelles, tels l’hypothèque
ou le nantissement. Ce dernier contrat consistait en la remise, par le
débiteur, d’une chose mobilière ou immobilière, au créancier afin de
garantir le paiement. La réforme de 2006 a opéré une simplification
terminologique : l’article 2329 du code civil cite les sûretés sur les
meubles et désigne notamment le gage des meubles corporels et le
nantissement des meubles incorporels. Toutefois le législateur n’a pas
modifié totalement la terminologie et on conserve par exemple le
nantissement du matériel-outillage ou bien le gage d’instruments
financiers. Le gage est désormais codifié aux articles 2333 à 2354 du
code civil. Au terme de l’article 2333 du code civil, la remise de la
chose n’est plus un élément constitutif du gage : celui-ci est parfait par
l’établissement d’un écrit qui doit être régulièrement publié pour être
opposable aux tiers (art. 2336 c.civ.), la dépossession entre les mains du
créancier ou d’un tiers convenu produisant le même effet. Etant
constitutif d’une sûreté réelle, ce contrat crée donc au profit du créancier
un droit réel, duquel découlent les droits de préférence et de suite. Si ces
prérogatives sont importantes et fondent, en cas de défaillance du
débiteur, l’attribution exclusive de la chose ou de sa valeur au
créancier (II), elles sont cependant insuffisantes pour protéger le
créancier dans la période précédant l’échéance de sa créance. En effet, le
droit de préférence du créancier gagiste n’est pas le mieux classé et le
droit de suite, en raison du caractère mobilier de la chose, est bien peu
efficace face à l’article 2279 du Cciv. La protection essentielle offerte
par cette sûreté réelle mobilière au créancier vient alors de son principal
effet constitutif, la remise de la chose. En effet, grâce à cette remise, le
créancier est en possession d’un bien dont le débiteur est propriétaire.
Certes, cette détention précaire ne lui permet ni de prescrire, puisqu’il ne
possède pas à titre de propriétaire 1 ; ni de profiter de la chose, car il n’en
a pas l’utilité. Néanmoins, en même temps qu’elle met à sa charge
certaines obligations 2, elle lui confère certains droits, le principal étant le
droit de rétention (I).
I. Le droit de rétention
.La dépossession du débiteur n’est donc plus une condition de validité du
contrat de gage qui devient un contrat consensuel écrit à peine de nullité.
La dépossession, tout comme les formalités de publicité, est requise pour
l’opposabilité du gage aux tiers .La détention par le créancier de la chose
1
Il détient la chose d’autrui et n’a pas l’animus domini, il ne peut donc se prévaloir des
dispositions de l’article 2279.
2
Les obligations du créancier durant la durée du gage résultent, en effet, de sa qualité
de détenteur. A ce titre, il est tenu de conserver la chose et de la restituer lorsqu’il a été
payé.
4
du débiteur, est destinée à empêcher son détournement et à assurer
l’effectivité des prérogatives liées aux droits de préférence et de suite
constitués par cette sûreté réelle. Elle fonde, au profit du créancier, un
droit de rétention. Ce dernier assure la protection du créancier dans la
période antérieure à la réalisation du gage. En vertu de ce droit de
rétention, le créancier peut conserver la chose tant qu’il n’a pas obtenu le
paiement de l’intégralité de la créance assortie du gage. La jurisprudence
veille à ce que cette prérogative soit respectée, rappelant régulièrement
que le créancier peut refuser de se dessaisir de la chose s’il n’obtient pas
préalablement le paiement de sa créance à concurrence de la valeur de
celle-ci (Com. 19 novembre 2002). Le droit de rétention dont est
bénéficiaire le créancier gagiste échappe, selon la Cour de cassation, au
régime des sûretés dans le cadre des procédures collectives. En effet, il
ne cède pas face aux mesures spécifiques prévues par ce droit spécial.
Cette autonomie reconnue au droit de rétention en fait une prérogative
très efficace.
La réforme du droit des sûretés de 2006 permet désormais au débiteur de
constituer un gage avec ou sans remise du bien au créancier. Au terme
de l’article 2337 du code civil, le principe en matière de gage est que le
débiteur reste en possession du bien gagé : la publicité qui en est faite le
rend opposable aux tiers. La loi LME du 4 août 2008 a de plus ajouté une
disposition nouvelle à l’article 2286 du code civil , étendant le bénéfice
du droit de rétention « à celui qui bénéficie d’un gage sans
dépossession » ; l’instauration de ce droit de rétention fictif est assez
vivement critiquée par la Doctrine comme contraire à la nature même du
droit de rétention.
A défaut la remise du bien au créancier ou à un tiers convenu produit le
même effet. Toutefois, au terme de l’article 2340 du code civil
« lorsqu’un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement
l’objet d’un gage avec dépossession, le droit de préférence du créancier
gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur lorsqu’il
est régulièrement publié nonobstant le droit de rétention de ce dernier».
Com., 19 novembre 2002
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 2073 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société marseillaise de crédit (la
banque) a consenti en 1992 à la société Pharmacom une avance sur
marchandises garantie par un gage portant sur un lot de produits de la société
débitrice ; que la convention de constitution de gage prévoyait que des
prélèvements sur les marchandises gagées ne pouvaient être effectués que
moyennant paiement anticipé d'un montant égal à la valeur des marchandises
déclarées ou substitution simultanée de marchandises de valeur équivalente ;
que la société Pharmacom, faisant valoir qu'elle n'avait pu obtenir
l'autorisation de reprendre une partie des marchandises gagées alors que la
valeur de ces marchandises était supérieure au montant du crédit garanti, a
assigné la banque en paiement du montant de la différence ;
Attendu que, pour condamner la banque à payer une somme à M. X... en
qualité de liquidateur de la société Pharmacom, la cour d'appel relève que la
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convention de constitution de gage prévoyait que des prélèvements sur les
marchandises gagées ne pouvaient être effectués que moyennant soit
paiement anticipé d'un montant égal à la valeur des marchandises déclarées,
soit substitution simultanée de marchandises d'un montant équivalent ; que
l'expert a constaté que la créancière n'avait pas donné suite à des demandes
de déstockage formulées en novembre 1995 bien que les marchandises
fussent périssables et avait laissé leur péremption survenir en connaissance
de cause sans mettre en oeuvre antérieurement les droits de réalisation ou
d'attribution que lui reconnaît la loi et qui ne sont pas contestés ;
qu'abstraction faite de la lettre de la convention, la créancière ne pouvait agir
de la sorte sans nuire consciemment à la débitrice qui demeurait tenue du
remboursement du crédit d'avance et dont le gage se trouvait ainsi réduit à
néant ; qu'à juste raison, l'expert a, dans ces conditions, considéré que son
inaction fautive justifie qu'à concurrence de la valeur non critiquée de la
marchandise périmée, sa responsabilité se trouve engagée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le créancier gagiste peut refuser de se
dessaisir de son gage s'il n'obtient pas préalablement paiement de sa créance
à concurrence de la valeur de celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin
2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en
conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Montpellier ;
L’efficacité du droit de rétention est accrue par l’indivisibilité de ce
dernier. En effet, Celui-ci subsiste alors même qu’il y a eu paiement
partiel. Par ailleurs, l’article 2349 du code civil précise que la division
de la dette entre les héritiers du créancier ou du débiteur décédé,
n’emporte pas division du gage.
II. Le droit de préférence et l’exécution du gage
Grâce à son droit de rétention le créancier peut donc s’assurer de
l’absence de détournement de la chose dans l’attente du paiement ou, en
cas de défaillance, de la réalisation du gage. En tant que sûreté réelle, le
gage confère au créancier un droit de préférence sur lequel se fonde
l’exécution du gage. En effet, le créancier gagiste jouit d’un droit sur la
valeur de la chose mobilière offerte en garantie, de sorte que si sa
créance demeure impayée, il pourra soit obtenir son attribution en pleine
propriété (art. 2347 c.civ.), soit la faire vendre afin de se payer, par
priorité, sur le prix (art. 2346 c.civ..). Le droit de préférence dont il
bénéficie lui assure une priorité sur la valeur de la chose. Cependant, s’il
lui permet d’écarter les créanciers chirographaires, il n’empêche pas la
concurrence avec d’autres créanciers privilégiés. Son droit dépendra
alors du classement effectué entre tous lesdits créanciers en fonction du
fondement de leur sûreté et de la date de constitution de celle-ci.
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En principe, la réalisation du gage doit être judiciaire. Le créancier doit
suivre les voies d’exécution prévues par la loi (B). Avant la réforme de
2006 il ne pouvait pas insérer dans le contrat de gage une clause
l’autorisant à s’approprier la chose ou à en disposer sans suivre les
procédures légales de paiement (A). Mais depuis la réforme du 23 mars
2006, l’article 2348 dispose « qu’il peut être convenu, lors de la
constitution du gage ou postérieurement, qu’à défaut de l’exécution de
l’obligation garantie, le créancier deviendra propriétaire du bien gagé ».
Ainsi le pacte commissoire est licite dans la convention de gage sauf en
cas de procédure collective à l’encontre du débiteur.
A. La réalisation conventionnelle du gage
Antérieurement à la réforme de 2006, Le « pacte commissoire », clause
par laquelle le débiteur reconnaissait au créancier le droit de s’approprier
lui-même la chose donnée en gage, était interdite par l’article 2078 al. 2
c. civ. Cette prohibition, sanctionnée par la nullité, tendait à protéger le
débiteur qui, en situation de faiblesse par rapport au créancier, risquait de
renoncer à la protection que lui offraient les voies d’exécution. Il s’agit
donc d’une nullité relative, n’affectant que la clause elle-même, à moins
que celle-ci ne constituât la cause déterminante du contrat, auquel cas la
nullité atteint le contrat dans son ensemble (Civ. 1ère 16 mars 1983
¸confirmé récemment par Civ. 1ère 4 décembre 2001). La nullité tendant à
la protection du débiteur, celui-ci pouvait, selon la Cour de cassation, y
renoncer. Par ailleurs, la jurisprudence avait précisé que le mandat donné
par le débiteur au créancier, postérieurement à la constitution du gage, en
vue de la vente, n’était pas contraire à l’article 2078, cette disposition ne
faisant obstacle qu’au seul pacte commissoire conclu au moment de la
constitution du gage (Com. 5 octobre 2004). Cette solution, qui pouvait
se justifier par le fait que la protection offerte au débiteur ne devait pas
se retourner contre lui, pouvait se voir opposer le fait qu’il n’était pas
certain que le débiteur n’ait plus besoin de protection postérieurement à
la constitution du gage.
Civ., 16 mars 1983
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que Mlle d’Achon a remis
à M D’Amat un écrit ainsi libellé : reçu la somme de 60000 F pour achat
d’une argenterie déposée au crédit municipal dont les bons sont joints. Ladite
somme devra être remboursée dans le délai d’un mois de ce jour au cas ou
l’argenterie ne répondrait pas aux désirs des acheteurs, Paris, le 31 juillet
1973 ; qu’un premier arrêt du 22 avril 1977, devenu irrévocable, a décidé
qu’il y avait eu un prêt de 60000 francs a valoir sur une vente dont la
réalisation n’était pas intervenue ; que Mlle d’Achon a assigné M d’Amat
aux fins d’obtenir la remise par le crédit municipal de Paris des objets nantis,
nonobstant la non-représentation des récépissés de dépôt ;
7
Que l’arrêt attaqué a accueilli la demande des Mlle d’Achon ; sur le premier
moyen, pris en ses trois branches : sans intérêt ; et sur le second moyen, pris
en ses deux branches :
Attendu qu’il est encore reproché à la Cour d’appel d’avoir prononcé la
nullité du contrat comme constituant un prêt sur gage assorti d’un pacte
commissoire, alors que, d’une part, elle aurait ainsi méconnu l’autorité
attachée à l’arrêt du 22 avril 1977, qui aurait admis la validité de ce contrat,
et alors que, d’autre part, la nullité du pacte commissoire ne pourrait affecter
la validité du gage ;
Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt du 22 avril 1977 s’est prononcé sur
la nature et le contenu du contrat litigieux et non sur sa validité ;
En second lieu, que si la nullité du pacte commissoire n’atteint pas que le
pacte lui-même, il en va différemment quand ce pacte constitue la cause
déterminante du contrat ;
Que la Cour d’appel, ayant constaté que tel était le cas, a donc, a bon droit,
déclaré que la nullité du pacte commissoire s’étendait au contrat tout entier ;
Qu’il s’ensuit que le second moyen en peut être accueilli en aucune de ses
branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu, le 28 septembre
1981, par la Cour d’appel de Paris.
Com., 5 octobre 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 juin 2000), qu'en 1990, la société
BNP Paribas (la banque) a consenti à M. X..., vice-président et directeur
général de la société Sidergie, cotée au second marché, un crédit destiné à
financer l'acquisition d'actions de cette société et garanti par un nantissement
sur lesdites actions ; qu'entre le 21 juin et le 28 juin 1993, la banque a
procédé, sans ordre de M. X..., à la cession de 764 de ces actions ; qu'après
avoir protesté, M. X... a négocié avec la banque et donné, au mois de
novembre 1993, l'ordre de céder 5 513 autres titres ; qu'au mois de décembre
1995, M. X..., se prévalant du non-respect de l'article 2078 du Code civil et
prétendant avoir été victime d'un dol, a demandé l'annulation des cessions
d'actions ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler les cessions
intervenues au mois de juin 1993, alors, selon le moyen :
1 / que l'acceptation en novembre 1993 de la vente de 5 513 titres ne lui
interdisait pas de se prévaloir des vices d'une vente de 764 actions intervenue
antérieurement, en violation de son consentement et de règles légales
impératives, si bien que l'arrêt est privé de tout fondement légal au regard de
l'article 1134 du Code civil ;
2 / que dès lors qu'il était acquis aux débats que la vente des 21, 22, 23, 24 et
28 juin était intervenue sans son consentement, sans autorisation de justice et
hors les formes légales impératives requises pour la vente civile des valeurs
mobilières remises en nantissement, la cour d'appel ne pouvait refuser
d'annuler cette vente sans violer les dispositions de l'article 2078 du Code
civil ;
Mais attendu que les formalités prévues par l'article 2078 du Code civil,
ayant pour finalité la protection du débiteur, sont sanctionnées par une nullité
d'intérêt privé à laquelle celui-ci peut renoncer ; qu'en l'espèce, ayant retenu
qu'après avoir protesté, M. X... avait négocié avec la banque et donné l'ordre
de céder d'autres titres, et relevé que les deux opérations tendaient au même
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but, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que M. X... avait eu la volonté de
réparer le vice affectant la cession dont il avait connaissance, a pu décider
qu'il avait couvert les irrégularités des cessions intervenues en juin ; que le
moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler la
cession intervenue au mois de novembre 1993 alors, selon le moyen :
1 / que l'acceptation de la vente de 5 513 titres ne valait pas renonciation du
vendeur à invoquer la violation des dispositions impératives de l'article 2078
du Code civil, si bien que l'arrêt est privé de toute base légale au regard de ce
texte ;
2 / que l'interdiction pour le mandataire chargé de vendre d'acheter lui-même,
ou par sous-mandataire ou personne interposée, est sanctionnée par la nullité
de la vente, si bien qu'en écartant la demande d'annulation de la vente du 9
novembre 1993 fondée sur l'achat des titres nantis par la BNP elle-même, sur
le motif qu'il n'aurait pu demander que des dommages-intérêts, la cour
d'appel a violé l'article 1596 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que les dispositions de l'article 2078 du Code civil
ne font pas obstacle à ce que, postérieurement à la constitution du gage, le
débiteur donne mandat au créancier gagiste de procéder pour son compte à la
vente de la chose donnée en gage ;
Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant relevé que l'intervention
d'une SICAV BNP comme contrepartie n'était pas établie, la critique de la
seconde branche s'adresse à un motif surabondant ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être
accueilli en sa seconde branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Notons par ailleurs que certains gages spéciaux échappaient à la
prohibition de l’article 2078 al. 2 du Cciv. Ainsi, en matière de gageespèces, la jurisprudence décidait que l’article 2078 ne faisait pas
obstacle à la clause prévoyant l’attribution par créancier des espèces
remises à titre de gage (Com. 9 avril 1996).
Com., 9 avril 1996
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mai 1993), qu'une société Centrum
Bouw IV, sous-filiale de la société Nova Park, a acquis la presque totalité des
actions de la société Immobilière hôtelière Montparnasse (la société IHM) ;
que, par acte du 14 avril 1983, la Banque Worms a consenti un prêt à la
société Fipresa Finanz und Beteilung (la société Fipresa) dont le capital était
détenu par M. Hatt, principal animateur du " groupe Nova Park ", et que la
société IHM s'est portée caution pour la société Fipresa à hauteur de 68 000
000 francs et a déposé cette somme sur un compte bloqué à la Banque
Worms pour garantir son engagement ; que la société Fipresa n'a pas payé
l'échéance du mois d'avril 1984 ; que la Banque Worms a mis en demeure le
débiteur principal et la caution de payer les sommes devenues exigibles puis
a informé la société IHM qu'elle avait effectué une compensation entre les
sommes nanties et sa créance ; que la société SODEVAM a racheté les
actions de la société IHM ; que celle-ci a assigné la Banque Worms pour
faire déclarer nuls l'engagement de caution du 14 avril 1983 et le contrat de
9
gage et la faire condamner à lui payer le montant de la somme appréhendée
plus les intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société IHM fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes,
alors, selon le pourvoi, que pour apprécier, dans le cadre de l'article 101 de la
loi du 24 juillet 1966, si l'administrateur ou le directeur général est "
indirectement intéressé " à une convention de cautionnement passée par la
société, il convient de se placer non seulement dans les rapports entre la
caution et le créancier, mais encore dans les rapports du débiteur et de la
caution, et d'apprécier, au regard du rapport triangulaire instauré par le
cautionnement, si le dirigeant social a eu un intérêt indirect à l'opération ; si
bien qu'en refusant de se prononcer sur l'intérêt indirect au cautionnement
donné par le président du conseil d'administration de la société IHM,
également directeur financier du groupe Nova Park, au profit d'une société
du groupe Nova Park pour garantie d'un prêt finançant des investissements à
New York auxquels la société IHM n'avait aucun intérêt, au seul motif que le
dirigeant de la société caution n'était pas lié avec les dirigeants de la société
créancière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au
regard des articles 101 à 105 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que la Banque
Worms, envers qui la société IHM s'était engagée comme caution de la
société Fipresa, était étrangère aux accords intervenus entre ces sociétés et
qu'elle était de bonne foi, l'arrêt énonce qu'une nullité, fondée sur
l'application des articles 101 à 105 de la loi du 24 juillet 1966, de la
convention en vertu de laquelle la société IHM s'est portée caution pour la
société Fipresa, serait inopposable à la banque et serait sans conséquence sur
la validité du cautionnement ; que, par ces constatations et énonciations, la
cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société IHM reproche à l'arrêt de n'avoir pas annulé le pacte
commissoire stipulé dans l'acte constitutif du gage-espèces du 14 avril 1983,
alors, selon le pourvoi, que toute clause autorisant le créancier à s'approprier
le gage ou à en disposer sans les formalités prescrites par l'article 2078 du
Code civil est frappée d'une nullité d'ordre public ; qu'ainsi la cour d'appel,
en jugeant que le créancier avait pu s'attribuer le " gage-espèces " à due
concurrence des sommes garanties par la caution au titre de l'acte de prêt du
14 avril 1983, a violé les articles 2078 du Code civil et 93 du Code du
commerce ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que n'est pas prohibée
par l'article 2078 du Code civil la stipulation d'attribution d'un gage constitué
en espèces par le créancier, à due concurrence du défaut de paiement à
échéance ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
L’ordonnance de mars 2006 a totalement modifié ces jurisprudences :
désormais, lors de la constitution du gage ou postérieurement, les
parties peuvent écarter le recours à une autorisation de justice, la
valeur du bien devant toujours être déterminée au jour du transfert
par un expert ( art. 2348 c. civ.)
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B. Le paiement du créancier par réalisation judiciaire du
gage
L'article 2347 du Cciv. prévoit qu’en cas de défaillance du débiteur
le créancier peut obtenir la réalisation judiciaire du gage. En effet, s’il ne
peut disposer du gage par lui-même, en revanche, il peut saisir les
tribunaux afin d’obtenir l’attribution du bien en pleine propriété ou la
vente aux enchères. La particularité de l’exécution du gage est que la
saisie du bien sur lequel s’exerce le droit réel du créancier n’est pas
nécessaire, puisque ce dernier est en possession de la chose, du fait de la
remise de celle-ci. Le créancier bénéficie donc d’une option ; il peut soit
obtenir l’autorisation judiciaire de vendre le bien afin de se faire payer
sur le prix, soit se faire judiciairement attribuer le gage en pleine
propriété à concurrence de ce qui lui est dû. En cas d’attribution
judiciaire, la chose est estimée. Si sa valeur est inférieure à la créance, le
créancier conservera sa créance pour le solde, à titre chirographaire. Si sa
valeur est supérieure, il sera tenu de la différence envers le débiteur.
Selon la doctrine, le jugement d’attribution du gage en pleine propriété,
en ce qu’il transfert la pleine propriété au créancier, jusque-là simple
détenteur précaire de la chose, constitue une véritable dation en
paiement. En principe, cette attribution judiciaire de la propriété du gage
est indépendante des règles concernant l’ordre des privilèges en cas de
vente la chose (Com. 31 janvier 1983). Le droit de préférence s’exerce
donc pleinement et le créancier gagiste, qui ne souffre d’aucune
concurrence, peut donc obtenir le paiement par priorité sur tout autre
créancier, même privilégié. La situation de celui-ci est donc très
avantageuse, puisqu’il pourra recevoir le bien en pleine propriété et
intégralement, sans avoir à concourir avec les autres créanciers. Ce
principe est appliqué très strictement par la jurisprudence (Com. 6
janvier 1998) et seule une disposition légale contraire peut y faire
obstacle (Ass. plen. 26 octobre 1984). Cependant, cette solution,
prolongement du droit de rétention dans la phase d’exécution, étant très
extrême et peu commune en matière de sûreté (la voie d’exécution
classique étant la vente forcée), il peut paraître excessif de ne pas
assouplir son application (par exemple en matière de procédure
collective).
Com., 31 janvier 1983
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : Vu l’article 2078 du Code
civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le crédit général industriel (CGI) qui avait
consenti à la Société Etablissements Gauthier mécano soudure (Société
Gauthier) un prêt destiné à l’acquisition de machines pour son exploitation et
qui avait inscrit un nantissement sur ce matériel en garantie de son
remboursement, a assigné la Société Gauthier, et Pey syndic du règlement
judiciaire de celle-ci pour se voir prononcer l’attribution dudit matériel
d’après l’estimation faite par expertise ;
11
Attendu que pour débouter le CGI de sa demande, la Cour d’appel a retenu
que la loi du 18 janvier 1951 concernant le nantissement de l’outillage ou du
matériel d’équipement acquis par un commerçant dispose que ce
nantissement est soumis, sous réserve des dispositions spéciales qu’elle
contient, aux règles édictées par la loi du 17 mars 1909 relative au
nantissement des fonds de commerce qui exclut formellement l’attribution du
fonds au profit du créancier nanti et que l’article 9 de la loi du 18 janvier
1951 dispose que le privilège du créancier nanti sur du matériel
d’équipement est primé par le privilège accordé aux salariés par l’article L143-10 du Code du travail ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi alors que les dispositions de l’article 8 de
la loi du 17 mars 1909 ne sont pas de celles auxquelles renvoie la loi du 18
janvier 1951, que l’attribution du gage est indépendante des règles
concernant l’ordre dans lequel s’exercent sur le prix les divers privilèges en
cas de vente du bien nanti, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : casse et annule l’arrêt rendu le 30 juin 1981, entre les parties,
par la Cour d’appel de Lyon ; remet en conséquence, la cause et les parties au
même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Chambéry, à ce désignée par
délibération spéciale prise en la Chambre du conseil.
Com., 6 janvier 1998
Statuant tant sur le pourvoi principal de l'ASSEDIC et de l'AGS que sur le
pourvoi incident de M. Belat, ès qualités de liquidateur ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi principal et sur le
moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi incident qui sont
identiques, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 avril 1995) que la société de travail
temporaire Europe système interim (ESI) a souscrit une garantie financière
auprès de la Société de caution mutuelle des entreprises de travail temporaire
(Socamett) et en contrepartie, a nanti, au profit de cette dernière, le solde du
fonds de garantie constitué dans le cadre d'un contrat d'affacturage conclu
avec la société Factofrance Heller ; qu'à la suite du prononcé de la liquidation
judiciaire de la société ESI et de la résiliation du contrat d'affacturage, la
société Socamett a demandé l'attribution judiciaire du gage ;
Attendu que l'ASSEDIC et l'AGS, d'un côté, le liquidateur de la société ESI,
d'un autre côté, font grief à l'arrêt d'avoir ordonné au liquidateur de remettre
à la société Socamett le solde du fonds de garantie alors, selon le pourvoi,
d'une part, que la loi du 25 janvier 1985 subordonne le droit à l'attribution
judiciaire du gage autre qu'un nantissement sur outillage et matériel
professionnel, à l'existence d'un droit de rétention ; qu'en décidant le
contraire, la cour d'appel a violé l'article 159, alinéa 3, de la loi susnommée ;
alors, d'autre part, que les créances superprivilégiées de salaires l'emportent
de plein droit sur toutes les autres créances même celles garanties par un
nantissement ; qu'en ne conférant pas à l'AGS subrogée dans les droits des
créanciers superprivilégiés, la priorité absolue de paiement sur une créance
garantie par un nantissement, la cour d'appel a violé l'article 40 de la loi du
25 janvier 1985 ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que tout créancier nanti
peut demander l'attribution judiciaire du gage même non assorti d'un droit de
rétention et que le superprivilège des salaires ne peut faire obstacle à cette
attribution ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident
12
Ass. plen., 26 octobre 1984
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2078 du Code civil ;
Attendu que le créancier gagiste peut, à défaut de payement, faire ordonner
en justice que le bien grevé lui soit attribué jusqu'à due concurrence ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que l'Union
Française de Banques (U.F.B.) a consenti un prêt à la société Bâtiments et
Travaux Publics Girard, Noël et Roch (G.N.R.) pour lui permettre l'achat
d'une grue et a obtenu en garantie de sa créance, un nantissement sur cette
machine ; que la société G.N.R. ayant été mise en liquidation des biens,
l'U.F.B. a engagé contre le syndic une action tendant à ce que le matériel lui
soit attribué en payement de sa créance et jusqu'à due concurrence ; que le
Directeur général des Impôts, l'A.S.S.E.D.I.C. du Doubs et du Jura et
l'association pour la gestion du régime d'assurance des salariés sont
intervenus à l'instance ;
Attendu que, pour débouter l'U.F.B. de sa demande, l'arrêt attaqué retient que
le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement prévu par la loi du
18 janvier 1951 est soumis, si l'acquéreur est un commerçant, aux règles
édictées par la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du
fonds de commerce, dont l'article 8, alinéa 2, interdit au créancier gagiste de
se faire attribuer le fonds en paiement, que l'article 9 de la loi du 18 janvier
1951, selon lequel le créancier nanti est exposé à subir le droit de préférence
des créanciers titulaires d'un privilège préférable au sein, l'empêche
d'invoquer l'application de l'article 2078 du Code civil et qu'enfin l'article 14
de la même loi, qui dispose que le créancier nanti poursuivant la réalisation
du bien grevé doit se conformer aux règles édictées par l'article 20 de la loi
du 17 mars 1909 qui organise la procédure de mise en vente du fonds de
commerce en tous ses éléments lorsque la vente d'un seul est poursuivie,
révèle la volonté du législateur d'éviter le démantèlement du fonds de
commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut de disposition contraire,
l'attribution judiciaire du gage est offerte au créancier titulaire d'un
nantissement sur outillage et matériel d'équipement, qui ne poursuit pas la
réalisation du bien grevé, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE l'arrêt rendu, entre les parties, le 4 novembre 1982, par
la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties au
même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Dijon, à ce désignée par
délibération spéciale prise en la Chambre du conseil ;
Cette faculté d’attribution judiciaire risque d’être source de litiges en
présence de plusieurs créanciers gagistes régulièrement inscrits,
certains bénéficiant de plus d’un pacte commissoire : l’article 2348 du
code civil ne règle pas la question.
NB : le sort du créancier gagiste dans le cadre de la procédure
collective ouverte à l’encontre du débiteur doit être étudiée dans le
cadre spécifique de cette matière juridique.
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