I. Le droit de rétention
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I. Le droit de rétention
La Faculté de Droit Virtuelle est la plate-forme pédagogique de la Faculté de Droit de Lyon www.facdedroit-lyon3.com Fiche mise à jour : 23 février 2009 FIICCHHEE PEEDDAAG GO OG GIIQ QU UE E VIIR RT TU UE EL LL LE E Diplôme : Master 1 Matière : Droit des sûretés Web-tuteur :catherine d’Hoir-Lauprêtre Sabine ROBERT SEEAANNCCEE NN°9 – LAA PPRRO OT TE EC CT TIIO ON ND DU UC CR RE EA AN NC CIIE ER R G GA AG GIIS ST TE E SO OM MM MA AIIR RE E I. LE DROIT DE RETENTION 3 Com., 19 novembre 2002 4 II. LE DROIT DE PREFERENCE ET L’EXECUTION DU GAGE A. B. LA REALISATION CONVENTIONNELLE DU GAGE 5 6 Civ., 16 mars 1983 6 Com., 5 octobre 2004 7 Com., 9 avril 1996 8 LE PAIEMENT DU CREANCIER PAR REALISATION JUDICIAIRE DU GAGE 10 Com., 31 janvier 1983 10 Com., 6 janvier 1998 11 Date de création du document : année universitaire 2005/06 Consultez les autres fiches sur le site de la FDV : www.facdedroit-lyon3.com 2 Ass. plen., 26 octobre 1984 12 3 L’une des summa divisio du droit des sûretés opposait les sûretés personnelles, tel le cautionnement, aux sûretés réelles, tels l’hypothèque ou le nantissement. Ce dernier contrat consistait en la remise, par le débiteur, d’une chose mobilière ou immobilière, au créancier afin de garantir le paiement. La réforme de 2006 a opéré une simplification terminologique : l’article 2329 du code civil cite les sûretés sur les meubles et désigne notamment le gage des meubles corporels et le nantissement des meubles incorporels. Toutefois le législateur n’a pas modifié totalement la terminologie et on conserve par exemple le nantissement du matériel-outillage ou bien le gage d’instruments financiers. Le gage est désormais codifié aux articles 2333 à 2354 du code civil. Au terme de l’article 2333 du code civil, la remise de la chose n’est plus un élément constitutif du gage : celui-ci est parfait par l’établissement d’un écrit qui doit être régulièrement publié pour être opposable aux tiers (art. 2336 c.civ.), la dépossession entre les mains du créancier ou d’un tiers convenu produisant le même effet. Etant constitutif d’une sûreté réelle, ce contrat crée donc au profit du créancier un droit réel, duquel découlent les droits de préférence et de suite. Si ces prérogatives sont importantes et fondent, en cas de défaillance du débiteur, l’attribution exclusive de la chose ou de sa valeur au créancier (II), elles sont cependant insuffisantes pour protéger le créancier dans la période précédant l’échéance de sa créance. En effet, le droit de préférence du créancier gagiste n’est pas le mieux classé et le droit de suite, en raison du caractère mobilier de la chose, est bien peu efficace face à l’article 2279 du Cciv. La protection essentielle offerte par cette sûreté réelle mobilière au créancier vient alors de son principal effet constitutif, la remise de la chose. En effet, grâce à cette remise, le créancier est en possession d’un bien dont le débiteur est propriétaire. Certes, cette détention précaire ne lui permet ni de prescrire, puisqu’il ne possède pas à titre de propriétaire 1 ; ni de profiter de la chose, car il n’en a pas l’utilité. Néanmoins, en même temps qu’elle met à sa charge certaines obligations 2, elle lui confère certains droits, le principal étant le droit de rétention (I). I. Le droit de rétention .La dépossession du débiteur n’est donc plus une condition de validité du contrat de gage qui devient un contrat consensuel écrit à peine de nullité. La dépossession, tout comme les formalités de publicité, est requise pour l’opposabilité du gage aux tiers .La détention par le créancier de la chose 1 Il détient la chose d’autrui et n’a pas l’animus domini, il ne peut donc se prévaloir des dispositions de l’article 2279. 2 Les obligations du créancier durant la durée du gage résultent, en effet, de sa qualité de détenteur. A ce titre, il est tenu de conserver la chose et de la restituer lorsqu’il a été payé. 4 du débiteur, est destinée à empêcher son détournement et à assurer l’effectivité des prérogatives liées aux droits de préférence et de suite constitués par cette sûreté réelle. Elle fonde, au profit du créancier, un droit de rétention. Ce dernier assure la protection du créancier dans la période antérieure à la réalisation du gage. En vertu de ce droit de rétention, le créancier peut conserver la chose tant qu’il n’a pas obtenu le paiement de l’intégralité de la créance assortie du gage. La jurisprudence veille à ce que cette prérogative soit respectée, rappelant régulièrement que le créancier peut refuser de se dessaisir de la chose s’il n’obtient pas préalablement le paiement de sa créance à concurrence de la valeur de celle-ci (Com. 19 novembre 2002). Le droit de rétention dont est bénéficiaire le créancier gagiste échappe, selon la Cour de cassation, au régime des sûretés dans le cadre des procédures collectives. En effet, il ne cède pas face aux mesures spécifiques prévues par ce droit spécial. Cette autonomie reconnue au droit de rétention en fait une prérogative très efficace. La réforme du droit des sûretés de 2006 permet désormais au débiteur de constituer un gage avec ou sans remise du bien au créancier. Au terme de l’article 2337 du code civil, le principe en matière de gage est que le débiteur reste en possession du bien gagé : la publicité qui en est faite le rend opposable aux tiers. La loi LME du 4 août 2008 a de plus ajouté une disposition nouvelle à l’article 2286 du code civil , étendant le bénéfice du droit de rétention « à celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession » ; l’instauration de ce droit de rétention fictif est assez vivement critiquée par la Doctrine comme contraire à la nature même du droit de rétention. A défaut la remise du bien au créancier ou à un tiers convenu produit le même effet. Toutefois, au terme de l’article 2340 du code civil « lorsqu’un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement l’objet d’un gage avec dépossession, le droit de préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur lorsqu’il est régulièrement publié nonobstant le droit de rétention de ce dernier». Com., 19 novembre 2002 Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche : Vu l'article 2073 du Code civil ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société marseillaise de crédit (la banque) a consenti en 1992 à la société Pharmacom une avance sur marchandises garantie par un gage portant sur un lot de produits de la société débitrice ; que la convention de constitution de gage prévoyait que des prélèvements sur les marchandises gagées ne pouvaient être effectués que moyennant paiement anticipé d'un montant égal à la valeur des marchandises déclarées ou substitution simultanée de marchandises de valeur équivalente ; que la société Pharmacom, faisant valoir qu'elle n'avait pu obtenir l'autorisation de reprendre une partie des marchandises gagées alors que la valeur de ces marchandises était supérieure au montant du crédit garanti, a assigné la banque en paiement du montant de la différence ; Attendu que, pour condamner la banque à payer une somme à M. X... en qualité de liquidateur de la société Pharmacom, la cour d'appel relève que la 5 convention de constitution de gage prévoyait que des prélèvements sur les marchandises gagées ne pouvaient être effectués que moyennant soit paiement anticipé d'un montant égal à la valeur des marchandises déclarées, soit substitution simultanée de marchandises d'un montant équivalent ; que l'expert a constaté que la créancière n'avait pas donné suite à des demandes de déstockage formulées en novembre 1995 bien que les marchandises fussent périssables et avait laissé leur péremption survenir en connaissance de cause sans mettre en oeuvre antérieurement les droits de réalisation ou d'attribution que lui reconnaît la loi et qui ne sont pas contestés ; qu'abstraction faite de la lettre de la convention, la créancière ne pouvait agir de la sorte sans nuire consciemment à la débitrice qui demeurait tenue du remboursement du crédit d'avance et dont le gage se trouvait ainsi réduit à néant ; qu'à juste raison, l'expert a, dans ces conditions, considéré que son inaction fautive justifie qu'à concurrence de la valeur non critiquée de la marchandise périmée, sa responsabilité se trouve engagée ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le créancier gagiste peut refuser de se dessaisir de son gage s'il n'obtient pas préalablement paiement de sa créance à concurrence de la valeur de celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs: CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; L’efficacité du droit de rétention est accrue par l’indivisibilité de ce dernier. En effet, Celui-ci subsiste alors même qu’il y a eu paiement partiel. Par ailleurs, l’article 2349 du code civil précise que la division de la dette entre les héritiers du créancier ou du débiteur décédé, n’emporte pas division du gage. II. Le droit de préférence et l’exécution du gage Grâce à son droit de rétention le créancier peut donc s’assurer de l’absence de détournement de la chose dans l’attente du paiement ou, en cas de défaillance, de la réalisation du gage. En tant que sûreté réelle, le gage confère au créancier un droit de préférence sur lequel se fonde l’exécution du gage. En effet, le créancier gagiste jouit d’un droit sur la valeur de la chose mobilière offerte en garantie, de sorte que si sa créance demeure impayée, il pourra soit obtenir son attribution en pleine propriété (art. 2347 c.civ.), soit la faire vendre afin de se payer, par priorité, sur le prix (art. 2346 c.civ..). Le droit de préférence dont il bénéficie lui assure une priorité sur la valeur de la chose. Cependant, s’il lui permet d’écarter les créanciers chirographaires, il n’empêche pas la concurrence avec d’autres créanciers privilégiés. Son droit dépendra alors du classement effectué entre tous lesdits créanciers en fonction du fondement de leur sûreté et de la date de constitution de celle-ci. 6 En principe, la réalisation du gage doit être judiciaire. Le créancier doit suivre les voies d’exécution prévues par la loi (B). Avant la réforme de 2006 il ne pouvait pas insérer dans le contrat de gage une clause l’autorisant à s’approprier la chose ou à en disposer sans suivre les procédures légales de paiement (A). Mais depuis la réforme du 23 mars 2006, l’article 2348 dispose « qu’il peut être convenu, lors de la constitution du gage ou postérieurement, qu’à défaut de l’exécution de l’obligation garantie, le créancier deviendra propriétaire du bien gagé ». Ainsi le pacte commissoire est licite dans la convention de gage sauf en cas de procédure collective à l’encontre du débiteur. A. La réalisation conventionnelle du gage Antérieurement à la réforme de 2006, Le « pacte commissoire », clause par laquelle le débiteur reconnaissait au créancier le droit de s’approprier lui-même la chose donnée en gage, était interdite par l’article 2078 al. 2 c. civ. Cette prohibition, sanctionnée par la nullité, tendait à protéger le débiteur qui, en situation de faiblesse par rapport au créancier, risquait de renoncer à la protection que lui offraient les voies d’exécution. Il s’agit donc d’une nullité relative, n’affectant que la clause elle-même, à moins que celle-ci ne constituât la cause déterminante du contrat, auquel cas la nullité atteint le contrat dans son ensemble (Civ. 1ère 16 mars 1983 ¸confirmé récemment par Civ. 1ère 4 décembre 2001). La nullité tendant à la protection du débiteur, celui-ci pouvait, selon la Cour de cassation, y renoncer. Par ailleurs, la jurisprudence avait précisé que le mandat donné par le débiteur au créancier, postérieurement à la constitution du gage, en vue de la vente, n’était pas contraire à l’article 2078, cette disposition ne faisant obstacle qu’au seul pacte commissoire conclu au moment de la constitution du gage (Com. 5 octobre 2004). Cette solution, qui pouvait se justifier par le fait que la protection offerte au débiteur ne devait pas se retourner contre lui, pouvait se voir opposer le fait qu’il n’était pas certain que le débiteur n’ait plus besoin de protection postérieurement à la constitution du gage. Civ., 16 mars 1983 Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que Mlle d’Achon a remis à M D’Amat un écrit ainsi libellé : reçu la somme de 60000 F pour achat d’une argenterie déposée au crédit municipal dont les bons sont joints. Ladite somme devra être remboursée dans le délai d’un mois de ce jour au cas ou l’argenterie ne répondrait pas aux désirs des acheteurs, Paris, le 31 juillet 1973 ; qu’un premier arrêt du 22 avril 1977, devenu irrévocable, a décidé qu’il y avait eu un prêt de 60000 francs a valoir sur une vente dont la réalisation n’était pas intervenue ; que Mlle d’Achon a assigné M d’Amat aux fins d’obtenir la remise par le crédit municipal de Paris des objets nantis, nonobstant la non-représentation des récépissés de dépôt ; 7 Que l’arrêt attaqué a accueilli la demande des Mlle d’Achon ; sur le premier moyen, pris en ses trois branches : sans intérêt ; et sur le second moyen, pris en ses deux branches : Attendu qu’il est encore reproché à la Cour d’appel d’avoir prononcé la nullité du contrat comme constituant un prêt sur gage assorti d’un pacte commissoire, alors que, d’une part, elle aurait ainsi méconnu l’autorité attachée à l’arrêt du 22 avril 1977, qui aurait admis la validité de ce contrat, et alors que, d’autre part, la nullité du pacte commissoire ne pourrait affecter la validité du gage ; Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt du 22 avril 1977 s’est prononcé sur la nature et le contenu du contrat litigieux et non sur sa validité ; En second lieu, que si la nullité du pacte commissoire n’atteint pas que le pacte lui-même, il en va différemment quand ce pacte constitue la cause déterminante du contrat ; Que la Cour d’appel, ayant constaté que tel était le cas, a donc, a bon droit, déclaré que la nullité du pacte commissoire s’étendait au contrat tout entier ; Qu’il s’ensuit que le second moyen en peut être accueilli en aucune de ses branches ; Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu, le 28 septembre 1981, par la Cour d’appel de Paris. Com., 5 octobre 2004 Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 juin 2000), qu'en 1990, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à M. X..., vice-président et directeur général de la société Sidergie, cotée au second marché, un crédit destiné à financer l'acquisition d'actions de cette société et garanti par un nantissement sur lesdites actions ; qu'entre le 21 juin et le 28 juin 1993, la banque a procédé, sans ordre de M. X..., à la cession de 764 de ces actions ; qu'après avoir protesté, M. X... a négocié avec la banque et donné, au mois de novembre 1993, l'ordre de céder 5 513 autres titres ; qu'au mois de décembre 1995, M. X..., se prévalant du non-respect de l'article 2078 du Code civil et prétendant avoir été victime d'un dol, a demandé l'annulation des cessions d'actions ; Sur le premier moyen : Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler les cessions intervenues au mois de juin 1993, alors, selon le moyen : 1 / que l'acceptation en novembre 1993 de la vente de 5 513 titres ne lui interdisait pas de se prévaloir des vices d'une vente de 764 actions intervenue antérieurement, en violation de son consentement et de règles légales impératives, si bien que l'arrêt est privé de tout fondement légal au regard de l'article 1134 du Code civil ; 2 / que dès lors qu'il était acquis aux débats que la vente des 21, 22, 23, 24 et 28 juin était intervenue sans son consentement, sans autorisation de justice et hors les formes légales impératives requises pour la vente civile des valeurs mobilières remises en nantissement, la cour d'appel ne pouvait refuser d'annuler cette vente sans violer les dispositions de l'article 2078 du Code civil ; Mais attendu que les formalités prévues par l'article 2078 du Code civil, ayant pour finalité la protection du débiteur, sont sanctionnées par une nullité d'intérêt privé à laquelle celui-ci peut renoncer ; qu'en l'espèce, ayant retenu qu'après avoir protesté, M. X... avait négocié avec la banque et donné l'ordre de céder d'autres titres, et relevé que les deux opérations tendaient au même 8 but, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que M. X... avait eu la volonté de réparer le vice affectant la cession dont il avait connaissance, a pu décider qu'il avait couvert les irrégularités des cessions intervenues en juin ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Et sur le second moyen : Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler la cession intervenue au mois de novembre 1993 alors, selon le moyen : 1 / que l'acceptation de la vente de 5 513 titres ne valait pas renonciation du vendeur à invoquer la violation des dispositions impératives de l'article 2078 du Code civil, si bien que l'arrêt est privé de toute base légale au regard de ce texte ; 2 / que l'interdiction pour le mandataire chargé de vendre d'acheter lui-même, ou par sous-mandataire ou personne interposée, est sanctionnée par la nullité de la vente, si bien qu'en écartant la demande d'annulation de la vente du 9 novembre 1993 fondée sur l'achat des titres nantis par la BNP elle-même, sur le motif qu'il n'aurait pu demander que des dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 1596 du Code civil ; Mais attendu, d'une part, que les dispositions de l'article 2078 du Code civil ne font pas obstacle à ce que, postérieurement à la constitution du gage, le débiteur donne mandat au créancier gagiste de procéder pour son compte à la vente de la chose donnée en gage ; Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant relevé que l'intervention d'une SICAV BNP comme contrepartie n'était pas établie, la critique de la seconde branche s'adresse à un motif surabondant ; D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être accueilli en sa seconde branche ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Notons par ailleurs que certains gages spéciaux échappaient à la prohibition de l’article 2078 al. 2 du Cciv. Ainsi, en matière de gageespèces, la jurisprudence décidait que l’article 2078 ne faisait pas obstacle à la clause prévoyant l’attribution par créancier des espèces remises à titre de gage (Com. 9 avril 1996). Com., 9 avril 1996 Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mai 1993), qu'une société Centrum Bouw IV, sous-filiale de la société Nova Park, a acquis la presque totalité des actions de la société Immobilière hôtelière Montparnasse (la société IHM) ; que, par acte du 14 avril 1983, la Banque Worms a consenti un prêt à la société Fipresa Finanz und Beteilung (la société Fipresa) dont le capital était détenu par M. Hatt, principal animateur du " groupe Nova Park ", et que la société IHM s'est portée caution pour la société Fipresa à hauteur de 68 000 000 francs et a déposé cette somme sur un compte bloqué à la Banque Worms pour garantir son engagement ; que la société Fipresa n'a pas payé l'échéance du mois d'avril 1984 ; que la Banque Worms a mis en demeure le débiteur principal et la caution de payer les sommes devenues exigibles puis a informé la société IHM qu'elle avait effectué une compensation entre les sommes nanties et sa créance ; que la société SODEVAM a racheté les actions de la société IHM ; que celle-ci a assigné la Banque Worms pour faire déclarer nuls l'engagement de caution du 14 avril 1983 et le contrat de 9 gage et la faire condamner à lui payer le montant de la somme appréhendée plus les intérêts ; Sur le premier moyen : Attendu que la société IHM fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le pourvoi, que pour apprécier, dans le cadre de l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966, si l'administrateur ou le directeur général est " indirectement intéressé " à une convention de cautionnement passée par la société, il convient de se placer non seulement dans les rapports entre la caution et le créancier, mais encore dans les rapports du débiteur et de la caution, et d'apprécier, au regard du rapport triangulaire instauré par le cautionnement, si le dirigeant social a eu un intérêt indirect à l'opération ; si bien qu'en refusant de se prononcer sur l'intérêt indirect au cautionnement donné par le président du conseil d'administration de la société IHM, également directeur financier du groupe Nova Park, au profit d'une société du groupe Nova Park pour garantie d'un prêt finançant des investissements à New York auxquels la société IHM n'avait aucun intérêt, au seul motif que le dirigeant de la société caution n'était pas lié avec les dirigeants de la société créancière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 101 à 105 de la loi du 24 juillet 1966 ; Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que la Banque Worms, envers qui la société IHM s'était engagée comme caution de la société Fipresa, était étrangère aux accords intervenus entre ces sociétés et qu'elle était de bonne foi, l'arrêt énonce qu'une nullité, fondée sur l'application des articles 101 à 105 de la loi du 24 juillet 1966, de la convention en vertu de laquelle la société IHM s'est portée caution pour la société Fipresa, serait inopposable à la banque et serait sans conséquence sur la validité du cautionnement ; que, par ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen : Attendu que la société IHM reproche à l'arrêt de n'avoir pas annulé le pacte commissoire stipulé dans l'acte constitutif du gage-espèces du 14 avril 1983, alors, selon le pourvoi, que toute clause autorisant le créancier à s'approprier le gage ou à en disposer sans les formalités prescrites par l'article 2078 du Code civil est frappée d'une nullité d'ordre public ; qu'ainsi la cour d'appel, en jugeant que le créancier avait pu s'attribuer le " gage-espèces " à due concurrence des sommes garanties par la caution au titre de l'acte de prêt du 14 avril 1983, a violé les articles 2078 du Code civil et 93 du Code du commerce ; Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que n'est pas prohibée par l'article 2078 du Code civil la stipulation d'attribution d'un gage constitué en espèces par le créancier, à due concurrence du défaut de paiement à échéance ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. L’ordonnance de mars 2006 a totalement modifié ces jurisprudences : désormais, lors de la constitution du gage ou postérieurement, les parties peuvent écarter le recours à une autorisation de justice, la valeur du bien devant toujours être déterminée au jour du transfert par un expert ( art. 2348 c. civ.) 10 B. Le paiement du créancier par réalisation judiciaire du gage L'article 2347 du Cciv. prévoit qu’en cas de défaillance du débiteur le créancier peut obtenir la réalisation judiciaire du gage. En effet, s’il ne peut disposer du gage par lui-même, en revanche, il peut saisir les tribunaux afin d’obtenir l’attribution du bien en pleine propriété ou la vente aux enchères. La particularité de l’exécution du gage est que la saisie du bien sur lequel s’exerce le droit réel du créancier n’est pas nécessaire, puisque ce dernier est en possession de la chose, du fait de la remise de celle-ci. Le créancier bénéficie donc d’une option ; il peut soit obtenir l’autorisation judiciaire de vendre le bien afin de se faire payer sur le prix, soit se faire judiciairement attribuer le gage en pleine propriété à concurrence de ce qui lui est dû. En cas d’attribution judiciaire, la chose est estimée. Si sa valeur est inférieure à la créance, le créancier conservera sa créance pour le solde, à titre chirographaire. Si sa valeur est supérieure, il sera tenu de la différence envers le débiteur. Selon la doctrine, le jugement d’attribution du gage en pleine propriété, en ce qu’il transfert la pleine propriété au créancier, jusque-là simple détenteur précaire de la chose, constitue une véritable dation en paiement. En principe, cette attribution judiciaire de la propriété du gage est indépendante des règles concernant l’ordre des privilèges en cas de vente la chose (Com. 31 janvier 1983). Le droit de préférence s’exerce donc pleinement et le créancier gagiste, qui ne souffre d’aucune concurrence, peut donc obtenir le paiement par priorité sur tout autre créancier, même privilégié. La situation de celui-ci est donc très avantageuse, puisqu’il pourra recevoir le bien en pleine propriété et intégralement, sans avoir à concourir avec les autres créanciers. Ce principe est appliqué très strictement par la jurisprudence (Com. 6 janvier 1998) et seule une disposition légale contraire peut y faire obstacle (Ass. plen. 26 octobre 1984). Cependant, cette solution, prolongement du droit de rétention dans la phase d’exécution, étant très extrême et peu commune en matière de sûreté (la voie d’exécution classique étant la vente forcée), il peut paraître excessif de ne pas assouplir son application (par exemple en matière de procédure collective). Com., 31 janvier 1983 Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : Vu l’article 2078 du Code civil ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le crédit général industriel (CGI) qui avait consenti à la Société Etablissements Gauthier mécano soudure (Société Gauthier) un prêt destiné à l’acquisition de machines pour son exploitation et qui avait inscrit un nantissement sur ce matériel en garantie de son remboursement, a assigné la Société Gauthier, et Pey syndic du règlement judiciaire de celle-ci pour se voir prononcer l’attribution dudit matériel d’après l’estimation faite par expertise ; 11 Attendu que pour débouter le CGI de sa demande, la Cour d’appel a retenu que la loi du 18 janvier 1951 concernant le nantissement de l’outillage ou du matériel d’équipement acquis par un commerçant dispose que ce nantissement est soumis, sous réserve des dispositions spéciales qu’elle contient, aux règles édictées par la loi du 17 mars 1909 relative au nantissement des fonds de commerce qui exclut formellement l’attribution du fonds au profit du créancier nanti et que l’article 9 de la loi du 18 janvier 1951 dispose que le privilège du créancier nanti sur du matériel d’équipement est primé par le privilège accordé aux salariés par l’article L143-10 du Code du travail ; Attendu qu’en se déterminant ainsi alors que les dispositions de l’article 8 de la loi du 17 mars 1909 ne sont pas de celles auxquelles renvoie la loi du 18 janvier 1951, que l’attribution du gage est indépendante des règles concernant l’ordre dans lequel s’exercent sur le prix les divers privilèges en cas de vente du bien nanti, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ; Par ces motifs : casse et annule l’arrêt rendu le 30 juin 1981, entre les parties, par la Cour d’appel de Lyon ; remet en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Chambéry, à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du conseil. Com., 6 janvier 1998 Statuant tant sur le pourvoi principal de l'ASSEDIC et de l'AGS que sur le pourvoi incident de M. Belat, ès qualités de liquidateur ; Sur le moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi principal et sur le moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi incident qui sont identiques, réunis : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 avril 1995) que la société de travail temporaire Europe système interim (ESI) a souscrit une garantie financière auprès de la Société de caution mutuelle des entreprises de travail temporaire (Socamett) et en contrepartie, a nanti, au profit de cette dernière, le solde du fonds de garantie constitué dans le cadre d'un contrat d'affacturage conclu avec la société Factofrance Heller ; qu'à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de la société ESI et de la résiliation du contrat d'affacturage, la société Socamett a demandé l'attribution judiciaire du gage ; Attendu que l'ASSEDIC et l'AGS, d'un côté, le liquidateur de la société ESI, d'un autre côté, font grief à l'arrêt d'avoir ordonné au liquidateur de remettre à la société Socamett le solde du fonds de garantie alors, selon le pourvoi, d'une part, que la loi du 25 janvier 1985 subordonne le droit à l'attribution judiciaire du gage autre qu'un nantissement sur outillage et matériel professionnel, à l'existence d'un droit de rétention ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 159, alinéa 3, de la loi susnommée ; alors, d'autre part, que les créances superprivilégiées de salaires l'emportent de plein droit sur toutes les autres créances même celles garanties par un nantissement ; qu'en ne conférant pas à l'AGS subrogée dans les droits des créanciers superprivilégiés, la priorité absolue de paiement sur une créance garantie par un nantissement, la cour d'appel a violé l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que tout créancier nanti peut demander l'attribution judiciaire du gage même non assorti d'un droit de rétention et que le superprivilège des salaires ne peut faire obstacle à cette attribution ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident 12 Ass. plen., 26 octobre 1984 Sur le moyen unique : Vu l'article 2078 du Code civil ; Attendu que le créancier gagiste peut, à défaut de payement, faire ordonner en justice que le bien grevé lui soit attribué jusqu'à due concurrence ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que l'Union Française de Banques (U.F.B.) a consenti un prêt à la société Bâtiments et Travaux Publics Girard, Noël et Roch (G.N.R.) pour lui permettre l'achat d'une grue et a obtenu en garantie de sa créance, un nantissement sur cette machine ; que la société G.N.R. ayant été mise en liquidation des biens, l'U.F.B. a engagé contre le syndic une action tendant à ce que le matériel lui soit attribué en payement de sa créance et jusqu'à due concurrence ; que le Directeur général des Impôts, l'A.S.S.E.D.I.C. du Doubs et du Jura et l'association pour la gestion du régime d'assurance des salariés sont intervenus à l'instance ; Attendu que, pour débouter l'U.F.B. de sa demande, l'arrêt attaqué retient que le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement prévu par la loi du 18 janvier 1951 est soumis, si l'acquéreur est un commerçant, aux règles édictées par la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce, dont l'article 8, alinéa 2, interdit au créancier gagiste de se faire attribuer le fonds en paiement, que l'article 9 de la loi du 18 janvier 1951, selon lequel le créancier nanti est exposé à subir le droit de préférence des créanciers titulaires d'un privilège préférable au sein, l'empêche d'invoquer l'application de l'article 2078 du Code civil et qu'enfin l'article 14 de la même loi, qui dispose que le créancier nanti poursuivant la réalisation du bien grevé doit se conformer aux règles édictées par l'article 20 de la loi du 17 mars 1909 qui organise la procédure de mise en vente du fonds de commerce en tous ses éléments lorsque la vente d'un seul est poursuivie, révèle la volonté du législateur d'éviter le démantèlement du fonds de commerce ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut de disposition contraire, l'attribution judiciaire du gage est offerte au créancier titulaire d'un nantissement sur outillage et matériel d'équipement, qui ne poursuit pas la réalisation du bien grevé, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu, entre les parties, le 4 novembre 1982, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du conseil ; Cette faculté d’attribution judiciaire risque d’être source de litiges en présence de plusieurs créanciers gagistes régulièrement inscrits, certains bénéficiant de plus d’un pacte commissoire : l’article 2348 du code civil ne règle pas la question. NB : le sort du créancier gagiste dans le cadre de la procédure collective ouverte à l’encontre du débiteur doit être étudiée dans le cadre spécifique de cette matière juridique. Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons. Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale 2.0 France Vous êtes libres : de reproduire, distribuer et communiquer cette création au public de modifier cette création Selon les conditions suivantes : Paternité. Vous devez citer le nom de l'auteur original de la manière indiquée par l'auteur de l'oeuvre ou le titulaire des droits qui vous confère cette autorisation (mais pas d'une manière qui suggérerait qu'ils vous soutiennent ou approuvent votre utilisation de l'oeuvre). Pas d'Utilisation Commerciale. Vous n'avez pas le droit d'utiliser cette création à des fins commerciales. A chaque réutilisation ou distribution de cette création, vous devez faire apparaître clairement au public les conditions contractuelles de sa mise à disposition. 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