Croyances et raisonnement divinatoire dans les «concours de beauté

Croyances et raisonnement divinatoire
dans les «concours de beauté»
A
ngela Sutan est
chercheuse en
économie expérimentale
au Bureau d’Economie
Théorique et Appliquée
(BETA) de l’Université
Louis Pasteur à
Strasbourg.
Afin
d’analyser
les
comportements humains
avec les moyens de
l’économie expérimentale,
elle invente des jeux qui reconstituent des situations réelles simplifiées en
laboratoire. Des personnes volontaires rémunérées sont invitées à participer à
ces jeux. Leurs réponses sont ensuite comparées aux réponses théoriques qui
étaient prévues grâce à des équations mathématiques (des modèles).
Angela se consacre tout particulièrement aux croyances des joueurs et à leur
profondeur de raisonnement : lorsque plusieurs personnes jouent en même
temps au même jeu, elles élaborent des stratégies pour gagner. Chacun imagine
les réactions des autres, et c’est en fonction de ce qu’ils croient que les autres
vont jouer, qu’ils élaborent leurs propres tactiques. Mais jusqu’où peut-on
imaginer les comportements des autres ?
« Bien que motivée par des résultats mathématiques extrêmement clairs,
l’économie expérimentale nous place dans la situation d’Alice au pays des
merveilles : les interactions que l’on observe se révèlent être comme des jeux
bien compliqués, où tous les joueurs jouent en même temps…. »
Angela Sutan
Experimentarium
«Je devine, que tu devines...»
… ou même encore :
« Je devine que tu devines que tout le monde devine que… etc.»
Mais où s’arrêter ? Jusqu’où chercher à deviner les réactions des autres pour
être certain d’élaborer la bonne stratégie ? Comme ces types de raisonnement
sont présents dans toutes nos prises de décisions (choisir une route plutôt
qu’une autre pour éviter les embouteillages, choisir entre le bus et la voiture
aux heures de pointes, investir dans telle ou telle entreprise, etc.), ils intéressent les économistes. Ils cherchent à comprendre notre manière de raisonner
face à des situations qui impliquent les croyances de plusieurs personnes.
L’exemple le plus connu est celui que l’on doit à John Mayard Keynes, en
1936, avec son «concours de beauté» : si je participe, avec d’autres individus,
à un jeu où le gagnant sera celui parmi nous qui sera capable de deviner
quelle fille, parmi 100, sera élue «miss» dans un concours de beauté, comment
devrais-je procéder pour faire mon choix ? Je ne vais pas choisir la fille que
je trouve vraiment la plus belle, ni celle que je pense que les autres trouvent
la plus belle, mais celle que je pense que les autres pensent que les autres
pensent….être la plus belle. Ce raisonnement de divination me permettra de
deviner exactement qui sera élue «miss», et donc de gagner le jeu, à condition
de le poursuivre jusqu’à la même profondeur que les autres individus.
Si tous poussent ce raisonnement au plus loin, tous sont certains de gagner…
Applications
Par exemple, proposer des systèmes d’aide à la décision pour : choisir une
route plutôt qu’une autre pour éviter les embouteillages, choisir entre le bus et
la voiture aux heures de pointes, investir dans telle ou telle entreprise, etc.
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