T`es trop, Goldwyn Mayer ! De Fabienne Jacob

Transcription

T`es trop, Goldwyn Mayer ! De Fabienne Jacob
CONTRAINTE DE JEU
Ecrire un conte animalier avec un lion, un dinosaure et la morale suivante : « Hélas ! On
voit que de tout temps les petits ont pâti des sottises des grands ».
T’es trop, Goldwyn Mayer !
De Fabienne Jacob
Depuis qu’il était tout petit le vieux lion Goldwyn Mayer, roi d’une jungle envahi où les plus
redoutables prédateurs étaient désormais les amateurs de safari, rêvait d’être un
dinosaure.
-Mais pourquoi tu veux être un dinosaure, mon chéri, moi, je n’aime rien tant que ta belle
queue rousse, lui susurrait sans cesse à la crinière son épouse, la divine Marylin
MonroOOOOOOOOOOOE (à lire en rugissant)
-Kes tu kiffes de plus que le pouvoir, p’pa ? Vouloir être un autre que soi nuit grave à
l’estime de soi, lui assénait sans cesse son fils Solaar, bassiste du groupe Fissa la Savane
(à lire avec un tempo de rap)
-Le roux de ton pelage rappelle le couchant des primitifs italiens alors que le vert lavasse
de l’écaille de dinosaure évoque le vert de la vase des marigots, lui expliquait, pédante, sa
fille Lioncella qui s’était coupé une oreille pour pouvoir entrer en première année des
Beaux-Arts de l’université Leonardo (à lire avec un ton légèrement snob et germanopratin).
Nenni, rien n’y fit, ni les jérémiades des uns, ni les récriminations des autres. Les nuits du
vieux Goldwyn étaient toujours peuplées de tyranosaures rex et de diplodocus…
Il essaya d’abord de s’allonger la queue, mais toute la testostérone, dont pourtant il n’était
pas dépourvu, n’y suffit.
Puis il tenta l’implant d’écailles vert vase. Mais depuis que PPDA s’était fait virer de TF1, il
ne trouva plus un iota de la précieuse matière première nécessaire à l’implantation
d’implants.
Enfin il fit une tentative du côté de la couleur, s’ingéniant à ajouter une touche de vert dans
l’éclat vieil or de son poil, mais le bleu coqueluche qui en résulta fut du plus mauvais effet.
Il était tout juste bon à postuler comme figurant dans le film « Peau d’âne » de Jacques
Demy.
De guerre lasse, il alla voir son plus vieil ami Woody haleine d’hyène.
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-Je vois plus que la psychanalyse, lui conseilla son pote de toujours l’air plus narquois que
jamais.
Alors Goldwyn parcourut les déserts et les mers et finalement dénicha un vieux freudien au
fin fond de la forêt viennoise. Mais l’auguste praticien n’avait toujours pas ouvert sa gueule
au bout de la quinzième séance alors que Goldwyn lui confiait toujours plus, le goût du lait
de sa mère, la taille de la vraie queue de son père qu’il avait entrevue un jour de grande
fatigue…
A la seizième séance, Goldwyn rendit les armes. Il venait en effet d’apprendre que son
analyste grâce à ses deniers avait réussi à se payer une deuxième piscine dans son mas du
Luberon, juste derrière la piste d’atterrissage pour hélicoptères !
La queue entre les jambes, queue dont la taille lui sembla avoir diminué depuis la cure
qu’il avait entamée, il revint vers le vieux Woody.
-Alors, vieux, ça a marché ?, s’enquit son ami.
-M’en parle pas, je me suis retrouvé à payer une fortune pour soliloquer sur un divan
devant un qui m’avait tout l’air d’en avoir rien à battre derrière ses lunettes d’écaille.
-Bon, je vois plus qu’une chose, déclara Woody après sept minutes de réflexion. Les
ateliers d’écriture. Tu pourras exprimer comme tu l’entends le fond des grands fonds, la
vérité vraie et l’intérieure intériorité et tu verras, tu finiras par y voir clair dans ton désir
d’être un dinosaure.
Toujours bonne pâte, Goldwyn s’inscrivit aux ateliers du mardi soir d’une association dont
on lui avait dit le plus grand bien : « Tu connais la nouvelle ». La petite assoc abraisienne
avait su se faire connaître et reconnaître
Goldwyn se remit à y croire et quand vint le premier soir du premier atelier, il s’assit tout
fringant à sa table pour écrire un texte de sa plus belle plume. L’animatrice avait l’air tout
à fait sympathique et compétente.
La consigne tomba : « Ecrivez un conte animalier dont les deux protagonistes sont un lion
et un dinosaure. La morale en sera : Hélas ! on voit que de tout temps, les petits ont pâti
des sottises des grands »
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