Conduite à tenir face à un prurit chez le lapin
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Conduite à tenir face à un prurit chez le lapin
Conduite à tenir face à un prurit chez le lapin Depuis quelques années, l’engouement des français pour les Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) a conduit à une présentation de plus en plus fréquente de ces animaux en consultation. Parmi eux, le lapin nain semble être le plus populaire (Malley, 1994). La dermatologie du lapin est un thème important pour le praticien. En effet, selon une étude rétrospective menée sur 3 ans par l’Ecole Vétérinaire d’Edinburg, 28,1% des animaux (chien, chat et NAC) étaient présentés pour des troubles dermatologiques. Parmi eux, 9.2 % étaient des NAC comprenant une grande majorité de petits mammifères tels que le lapin. Dans 80 % des cas, une étiologie parasitaire a été mise en évidence. Le symptôme dermatologique le plus fréquemment rapporté était le prurit (40%), suivi par l’alopécie (26%), des masses cutanées (8.5%) et les squames (8.5%) (Hill et al 2006). La présentation d’un prurit chez le lapin nécessite le recueil d’informations concernant des conditions d’entretien (environnement, présence d’autres animaux en contact avec le patient, statut sanitaire) ainsi que la réalisation d’examens clinique et dermatologique méthodique. Certaines spécificités anatomiques et comportementales du lapin sont importantes à considérer lorsque celui-ci est présenté en consultation. La lapine entière possède un fanon, une sorte de double menton qui peut être me siège de dermatite suintante. De plus, le lapin ne dispose pas de coussinet comme le chien ce qui le rend particulièrement prédisposé à développer des pododermatites. Le lapin dispose également de glande de marquage. Leur contenu est dispersé par des frottements de l’animal dans son environnement afin de marquer son territoire. Le comportement de toilettage est aussi prononcé chez cette espèce. Le vétérinaire pourra établir un diagnostic différentiel à la suite de l’examen des lésions et de leur localisation. Considérant l’importante prévalence de certaines maladies cutanées, il est possible d’envisager certaines pathologies en fonction de leur zone de prédilection et des types de lésions. Comme chez le chien, l’intensité du prurit peut également aider le clinicien à affiner ses hypothèses diagnostiques. Snook et al (2016) ont établi la prévalence des pathologies cutanées chez 334 lapins présentés à L’Hôpital Universitaire de l’Ecole de Médecine Vétérinaire de Davis. Selon leur étude, la pododermatite (25%) est la pathologie cutanée la plus représentée, suivie par les abcès (20%, d’origine dentaire), les alopécies focales ou diffuses (16%) d’origine parasitaire, et les otites externes (12%) avec une étiologie d’origine parasitaire pour la plupart des cas. Le prurit « est une sensation naissant dans la peau et entrainant une envie de se gratter » (Follet, 2003). Il est souvent le premier signe clinique observable et peut être secondaire à une dermatose cutanée, pouvant être associée à d’autres signes cliniques et/ou lésions de la peau. Les manifestations cliniques du prurit peuvent être des démangeaisons du corps ou de certaines parties du corps ou un toilettage excessif. Les différentes pathologies cutanées responsables de prurit seront abordées selon une topographie précise de l’animal : la tête, les oreilles, les pattes, le corps et l’arrière-train (Follet, 2003). Les pathologies cutanées qui affectent la tête de l’animal comprennent les abcès d’origine dentaire, les dermatites suintantes (menton et fanon) et les dermatophytoses (Trichophyton mentagrophytes ou plus rarement Microsporum canis). La nécrobacillose ou maladie de Schmorl est une pathologie cutanée rare causée par la bactérie Fusobacteroium necrophorum. Les lésions ulcérées et nécrotiques sont localisées au niveau de la tête, du cou et de pattes de l’animal (Hess L and Tater K, 2012). Des cas dermatite suintante peuvent se développer au niveau du menton lors de malocclusion dentaire mais également au niveau du fanon. Les gales auriculaires d’origine parasitaire causées par Psoroptes cuniculi provoquent un prurit intense au niveau de l’oreille externe, des mouvements de la tête et des comportements d’automutilation. La présence de croutes épaisses au sein des pavillons auriculaires est caractéristique d’une atteinte sévère. Chez des lapins affaiblis, le parasite peut de disséminer à l’ensemble de la tête, au fanon, au tronc, aux pattes et à la région périnéale. De nombreuses pathologies cutanées ayant comme siège le corps de l’animal sont nombreuses. Les origines infectieuses sont prépondérantes tandis que d’autres étiologies non infectieuses telles que l’adénite sébacée peuvent être aussi rencontrées chez le lapin prurigineux. Les agents de gale cutanée sont fréquemment diagnostiqués et certains sont zoonotiques : Cheyletiella Parasitovorax et Leporacarus gibus (Ovidio and Santoro, 2014 : Pinter, 1999). Sarcoptes scabei (Eshar 2010) Notoedres cati provoquent une dermatite alopécique prurigineuse et crouteuse localisée à la tête, au cou, au tronc et aux pattes. Ces agents infectieux provoquent un prurit important et une alopécie des régions atteintes. Des cas d’infection à Ornithonyssus bacoti sont rapportés chez des lapins de laboratoire (White et al, 2002). Un lapin, s’il est en contact avec un chien un chat, peut être infecté par des puces Ctenocephalides felis et canis. Ce prurit est plutôt localisé au dos et à la queue, comme chez les carnivores domestiques. Des comportements d’auto-mutilation sont observés suite à de injections de kétamine and xylasine (Beyers et al, 1991). Des cas d’adénite sébacée sont décrits chez le lapin sont à différencier d’une cheyletiellose (Kovalik M et al. 201, Jassies-van der Lee et al, 2009). Les dermatites urineuses caractérisées par une dermatite suintante au niveau de l’arrière train sont secondaires à des pathologies urinaires (Encephalitozoon cuniculi, cystite, urolithiase) mais également à une incapacité du lapin à se positionner correctement lors de la miction (parésie des postérieurs, obésité). Lors de périodes chaudes, des larves de Cuterebra se développent dans le tissu sous-cutané si la région périanale est souillée. La phtiriose chez le lapin de compagnie est rarement rapportée. L’agent infectieux Heamodipsus ventricosus conduit à un prurit mais également à de l’anémie, une perte de poids et à l’apparition de papules érythémateuses. Les poux sont généralement visibles sur les parties dorso-latérales du corps et sur la région périnéale. Les pododermatites ulcératives sont une pathologie cutanée mais également musculo-osseuse fréquemment rencontrées chez le lapin de compagnie. Leur origine est multifactorielle : obésité, pathologie musculo-squelettique, mauvaise hygiène de la cage et traumatique (Rosell and Fuente 2013 ; Blair J. 2013). Les examens complémentaires utilisés chez le lapin sont similaires à ceux utilisés aux carnivores domestiques : scotch-test , raclages cutanés, culture bactérienne ou mycologique et biopsie cutanée pour examen histologique. Les approches thérapeutiques seront abordées à la suite de chaque pathologie présentée. Protocoles thérapeutiques infectieuses utilisés pour les principales maladies cutanées Maladies Traitement général Gale auriculaire Ivermectine 0.4 mg/Kg SC q7-14 jours, 3 traitements Sélamectine 6-18 mg/Kg q4 semaines, en application locale, 1-2 traitements Gale sarcoptique Cheylétielliose Ivermectine 0.4 mg/Kg SC q7-14 jours, 3 traitements Sélamectine 12 mg/Kg q2-4 semaines, 1-3 traitements Dermatophytoses Griseofulvin 15-25 mg/Kg q24h ou moitié de la dose q12h 30jours Enilconazole 0.2%, application de la suspension aqueuse, 2 fois par semaine, 2-3 semaines Myiases Ivermectine 0.4 mg/Kg SC q14 jours, 2 traitements La présentation d’un prurit chez le lapin est un motif fréquent de consultation. Celui-ci doit s’inscrire dans une prise en charge globale du patient qui comprend la description de l’environnement du patient mais également par un examen clinique rigoureux. Les pathologies cutanées sont fréquemment d’origine infectieuses. Dans ce contexte, le vétérinaire joue un rôle de prévention sur l’existence de zoonoses cutanées responsables de prurit chez le lapin de compagnie. Références Beyers TM, Richardson JA and Prince MD. 1991. Axonal degeneration and selfmutilation as a complication of the intramuscular use of ketamine and xylazine in rabbits. Lab Anim Sci. 41(5):519-20. Blair J. 2013. Bumblefoot : A Comparison of Clinical Presentation and Treatment of Pododermatitis in Rabbits, Rodents, and Birds. Veterinary Clinics of North America: Exotic Animal Practice 16(3) : 715–735 Eshar D. 2010. Prevalence of sarcoptic mange in pet rabbits (Oryctolagus cuniculus) in Israël). Journal of Israël Medical Association Volume 65 (4) 2010. Veterinary website: www.isrvma.org Follet S. 2003. Thèse pour le doctorat vétérinaire « Dermatologie du lapin de compagnie ». Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort. Hess L and Tater K. 2012. Chapter 18 : Dermatologic diseases, Section two : Rabbits, 232-244. In : Quesenberry KE and J. 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