Les indemnités de remplacement du revenu, comment s`y retrouver ?

Transcription

Les indemnités de remplacement du revenu, comment s`y retrouver ?
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Vol. 20,
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novembre 2004
2004
Les indemnités de
remplacement du revenu,
comment s’y retrouver ?
Faire circuler
et cocher ✓
Direction
Autres
gestionnaires
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en SST
Service
de santé
Comptabilité
Autres
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500, RUE SHERBROOKE OUEST, BUREAU 1000, MONTRÉAL (QUÉBEC) H3A 3C6
No de convention 40063479 de la Poste-publications
Convergence est publiée
quatre fois par année par
le Centre patronal de santé
et sécurité du travail du Québec.
Ce numéro a été tiré
à 34 000 exemplaires.
LES INDEMNITÉS
DE
REMPLACEMENT
DU
REVENU,
comment s’y retrouver ?
Cette revue est rédigée par
les conseillers du Centre patronal.
Elle est destinée aux entreprises
membres des associations
patronales ou d’affaires
qui adhèrent au
Centre patronal de santé
et sécurité du travail du Québec,
organisme à but non lucratif.
La reproduction des articles
est autorisée à la condition
expresse que la source soit
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N. B. – La forme masculine
utilisée dans cette revue désigne,
lorsqu’il y a lieu, aussi bien
les femmes que les hommes.
DISTRIBUTION
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du travail du Québec
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Téléc. : (514) 842-9375
www.centrepatronalsst.qc.ca
S o m m a i r e
Vol. 20, no 4 - novembre 2004
3
MOT DE LA RÉDACTION
Les IRR en clair !
4
Un droit et ses limites
6
Les IRR : le 0-14 en deux pages
8
15e jour d’absence ! Comment indemnise-t-on ?
10
Le versement des IRR… quand ça se complique
12
Les indemnités et l’article 61
13
Insaisissabilité et incessibilité : facile à dire !
14
Suspendre les IRR : c’est à la portée de l’employeur
15
Les IRR sont imposables ! Oui, oui, vous avez bien lu !
PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE
Denise Turenne
DIRECTION DES COMMUNICATIONS
Diane Rochon
RÉDACTION
Thérèse Bergeron
François Boucher
Josette Boulé
Denyse Brodeur
Josyane Brouillard
André Cardinal
Denis Dubreuil
François de Champlain
Francine Gauvin
Isabelle Lessard
Michel Watkins
CORRECTION, RÉVISION
ET COORDINATION
Thérèse Bergeron
ILLUSTRATIONS
Jacques Goldstyn
CONCEPTION GRAPHIQUE
Folio et Garetti
IMPRESSION
Impression BT
Certains articles de Convergence
sont indexés dans la base de données
Canadiana produite par le CCHST, ainsi
que dans la publication bibliographique
bimestrielle « Bulletin BIT/CIS - Sécurité
et Santé au Travail », du Centre
international d’informations de sécurité
et d’hygiène au travail (CIS), à Genève.
Dépôt légal
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISSN 0829-1314
16
INFORMATION JURIDIQUE
Trop-perçu : quand l’exception devient la règle…
18
Si la tendance se maintient
19
Question/Réponse
MOT DE LA RÉDACTION
LES IRR EN CLAIR !
Au Québec, depuis la moitié du
XlXe siècle où la société industrielle
a pris le pas sur la société rurale
comme mode de travail et de vie,
beaucoup de chemin a été parcouru
en matière de santé-sécurité,
entre autres, en ce qui concerne
l’indemnisation des travailleurs.
En effet, au fil des ans, une plus
grande concentration de
travailleurs dans certains milieux
de travail, puis la mécanisation des
procédés de fabrication ont parfois
eu comme conséquence d’accroître
des risques d’accidents.
Cela a donné lieu à une première
loi d’indemnisation, en 1909,
remplacée en 1928 et en 1931 par
d’autres lois relatives aux accidents
du travail, puis par une réforme
complète du régime, en 1985, avec
la Loi sur les accidents de travail
et les maladies professionnelles
(LATMP). Depuis sa mise en
vigueur, elle ne cesse d’ailleurs
d’être actualisée pour mieux
répondre, nous dit-on, aux besoins
de l’heure.
Aujourd’hui, en entreprise,
qui dit IRR dit… indemnité de
remplacement du revenu pour
le travailleur victime d’une lésion
professionnelle s’il devient incapable
d’exercer son emploi en raison
de cette lésion. Comptez-vous
plusieurs accidents de travail en ce
moment ? Tentez-vous de privilégier
l’assignation temporaire ?
Connaissez-vous vos droits et les
modalités de paiement des IRR ?
Vue comme une loi à portée
sociale, la LATMP est soumise à
une interprétation large et libérale
de son contenu, saisissez-vous les
subtilités reliées aux IRR ?
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CONVERGENCE novembre 2004
Ce Convergence dresse un tableau
complet de ce que vous devriez
savoir sur les indemnités de
remplacement du revenu. Il porte
sur les éléments de ce droit et ses
limites, sur le calcul des 14 premiers
jours et sur la responsabilité de
la CSST à compter de la quinzième
journée d’absence. On y présente
également la problématique des
vacances, de l’assignation
temporaire et des congés fériés,
la façon de gérer les absences lors
de soins spécifiques, le traitement
fiscal des indemnités, comment
suspendre les IRR, l’insaisissabilité
et l’incessibilité de celles-ci, et
les possibilités de remboursement
des indemnités par le travailleur,
dans certains cas. À cela s’ajoutent
des données fort concluantes
quant à l’évolution des accidents
indemnisés chez nous, ainsi qu’un
tableau comparatif avec les autres
provinces.
En l’occurrence, les coûts reliés aux
accidents et à la non-prévention
empiètent de plus en plus sur les
marges de profits réalisables, car ils
s’ajoutent aux coûts indirects de
production. À titre de gestionnaire
responsable, on a donc intérêt
à prendre la santé-sécurité au
sérieux en pensant davantage en
termes de prévention et de gestion
du risque, tout en assurant une
gestion serrée des réclamations pour
s’assurer de l’équité du système.
Bonne lecture !
3
UN
DROIT
ET SES LIMITES
Il existe plusieurs types d’indemnités auxquelles un travailleur a
droit à la suite d’une lésion professionnelle. Parmi celles-ci se
retrouve l’indemnité de remplacement du revenu (IRR), qui
permet de compenser la perte de salaire durant la période où le
travailleur ne peut exercer son travail. Pour bien comprendre
toutes les questions relatives aux indemnités de remplacement
du revenu, voyons les éléments ouvrant le droit à ces indemnités
et ceux qui le limitent.
Le droit
Toutes les dispositions concernant les
indemnités de remplacement du revenu
sont contenues dans la Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles
(LATMP). C’est l’article 44 de cette loi qui
définit le droit aux IRR :
Art. 44. Le travailleur victime d’une
lésion professionnelle a droit à une
indemnité de remplacement du revenu
s’il devient incapable d’exercer son
emploi en raison de cette lésion.
[…]
Si l’on décortique les éléments de l’article
44, on constate que pour recevoir une
indemnité de remplacement du revenu,
il faut respecter trois conditions.
1) D’abord, il faut être un travailleur
au sens de l’article 2 de la LATMP,
c’est-à-dire : « une personne physique
qui exécute un travail pour un
employeur, moyennant rémunération,
en vertu d’un contrat de travail ou
d’apprentissage, à l’exclusion :
• du domestique;
• de la personne physique engagée
par un particulier pour garder un
enfant, un malade, une personne
handicapée ou une personne âgée,
et qui ne réside pas dans le logement
de ce particulier;
• de la personne qui pratique le sport
qui constitue sa principale source
de revenus. »
2) Ensuite, il faut avoir été victime
d’une lésion professionnelle, soit
avoir subi « une blessure ou une
maladie qui survient par le fait ou à
l’occasion d’un accident du travail, ou
une maladie professionnelle, y compris
la récidive, la rechute ou l’aggravation. »
(art. 2, LATMP)
4
3) Et, finalement, il faut être incapable
d’exercer son travail en raison de
cette lésion.
Ces trois conditions doivent être
respectées. L’article 44 ne portant pas
sur la définition du travailleur et sur la
notion de lésion professionnelle, nous
aborderons sans plus tarder la dernière
condition.
Vous avez dit incapable
d’exercer son emploi
Un travailleur incapable d’exercer son
emploi en raison d’une lésion professionnelle perd évidemment le salaire lié à
cet emploi. L’indemnité de remplacement
du revenu a été prévue par le législateur
pour combler cette perte.
Parallèlement, la loi a introduit une
présomption à l’effet que « le travailleur
est présumé incapable d’exercer son
emploi tant que la lésion professionnelle
dont il a été victime n’est pas consolidée »
(art. 46, LATMP). Et la consolidation est
définie comme la guérison ou la stabilisation d’une lésion professionnelle à la
suite de laquelle aucune amélioration de
l’état de santé du travailleur victime de
cette lésion n’est prévisible.
En vertu de l’article 132 de la LATMP, la
CSST cesse de verser des IRR à la
première des situations suivantes :
• lorsque le travailleur réintègre son
emploi ou un emploi équivalent
(évidemment, l’employeur ou le
travailleur doit en informer sans délai
la CSST);
• lorsque la lésion est consolidée et
que le travailleur n’a pas d’atteinte
permanente ou de limitation fonctionnelle selon le rapport émis par le
médecin traitant.
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CONVERGENCE novembre 2004
Toutefois, le droit à l’IRR peut aussi
prendre fin lorsque la présomption
édictée à l’article 46 est renversée par la
démonstration, par l’employeur, que le
travailleur est CAPABLE d’exercer son
emploi même si sa lésion n’est pas
consolidée.
Prenons un exemple. Marcel est préposé
à la réception chez un fabricant de produits de plastique. Son travail consiste à
accueillir les fournisseurs venant livrer la
marchandise, à vérifier les bordereaux, à
remplir certains documents, et à saisir
quelques données sur un ordinateur.
Marcel s’est fracturé le poignet gauche
trois jours plus tôt, lorsqu’il a trébuché
dans une allée de circulation encombrée.
Sa lésion ne sera consolidée que dans
environ quatre semaines.
Selon l’article 46, Marcel est présumé
incapable d’exercer son emploi et, de ce
fait, a droit à des IRR. Toutefois, étant
droitier, il peut accomplir tout son travail
de la main droite malgré sa fracture au
poignet gauche. Et Gérard, le directeur
du service, a besoin de Marcel à son
poste régulier. Ce dernier connaît bien
les fournisseurs et il est difficile de le
remplacer. Comment agir ?
Dans un premier temps, l’employeur peut
demander à Marcel s’il est en mesure
d’effectuer ses tâches habituelles (notez
que Marcel peut même, de sa propre
initiative, retourner à son emploi avant la
date de consolidation). Puis, l’employeur
peut vérifier, auprès du médecin de
Marcel, si ce dernier est capable de
reprendre son emploi en lui fournissant la
description du poste de travail et des
tâches. Enfin, il peut aussi demander à la
CSST de statuer sur la capacité de Marcel
à reprendre son emploi, en fournissant, là
encore, l’information sur le poste de
travail. À partir de celle-ci et des renseignements médicaux qu’elle détient, la
CSST en arrivera fort probablement à la
conclusion que Marcel peut reprendre
son emploi et mettra fin aux indemnités.
Si Marcel avait été assigné à un autre
poste que son emploi régulier, la présomption de l’article 46 n’aurait pas été
renversée. À ce moment-là, le retour au
travail de Marcel s’effectuerait par de
Règle générale, la capacité de retour
à son travail équivaut à la fin des IRR.
Mais il existe des cas particuliers. En
effet, selon l’article 48 de la LATMP,
lorsque le travailleur redevient capable
d’exercer son emploi alors que son
droit au retour au travail est expiré
(un an, si l’établissement compte
moins de 21 travailleurs, ou deux ans
si l’établissement compte plus de 20
travailleurs), il aura droit à des IRR
jusqu’à ce qu’il réintègre son emploi
ou un emploi équivalent chez son
employeur ou un nouvel emploi
ailleurs. Mais attention, le versement
des IRR n’est pas éternel ! Dans ces
situations, les indemnités de remplacement du revenu seront versées
pendant au plus un an à compter de
la date où le travailleur redevient
capable de travailler.
l’assignation temporaire comme le prévoit
l’article 179 de la LATMP, ce qui suspendrait le droit de toucher des IRR.
Qu’arrive-t-il en réadaptation ?
Lorsqu’une lésion est consolidée, le
droit de recevoir des IRR ne s’arrête pas
toujours là. Tel est le cas lorsqu’un
travailleur ne peut exercer son emploi
prélésionnel, en raison d’une atteinte
permanente ou de limitations fonctionnelles, et qu’il a besoin de réadaptation.
Dans ces situations, le législateur a
prévu, à l’article 47 de la LATMP, que le
travailleur continuera de recevoir des
IRR tant qu’il aura besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer
son emploi ou, si cela est impossible,
pour devenir capable d’exercer à temps
plein un emploi convenable. Prenons
un exemple pour bien illustrer ceci.
Sophie a subi une amputation du pied
droit. Dès la consolidation de la lésion, et
en raison de cette atteinte permanente,
elle a droit à un programme de réadaptation physique et sociale. Elle devra,
entre autres, apprendre à marcher avec
une prothèse. De plus, pour qu’elle soit
en mesure de reprendre son emploi, son
poste devra être adapté à sa condition.
En attendant, pendant qu’elle est en
réadaptation et tant qu’elle ne sera pas
en mesure de reprendre son travail, elle
recevra des IRR.
Aussi, si le travailleur refuse son emploi
ou un emploi équivalent, et ce, sans
raison valable, l’IRR prend fin :
Autres particularités
D’autres situations amènent des réductions dans les indemnités de remplacement du revenu auxquelles les
travailleurs ont droit.
Pour approfondir ces situations particulières, nous vous invitons à consulter
le « Recueil des politiques en matière de
réadaptation - indemnisation » de la
CSST, disponible sur le site de la CSST,
à l’adresse suivante :
www.csst.qc.ca/portail/fr/publications/
pol_readap_indem.htm
• au décès du travailleur;
• au soixante-huitième anniversaire de
naissance du travailleur ou, si celui-ci
est victime d’une lésion professionnelle
alors qu’il est âgé d’au moins 64 ans,
quatre ans après la date du début de
son incapacité d’exercer son emploi.
Les limites
Y a-t-il une limite, dans le temps, pour
recevoir des IRR ? La réponse est oui.
Selon l’article 57 de la LATMP, le droit
à l’indemnité de remplacement du
revenu s’éteint au premier des événements suivants :
• lorsque le travailleur redevient capable
d’exercer son emploi;
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CONVERGENCE novembre 2004
L’article 49 de la LATMP prévoit aussi
que pour un travailleur ayant eu droit à
un programme de réadaptation, et pour
lequel un emploi convenable n’est pas
disponible, l’IRR sera versée pendant au
plus un an à compter de la date où le
travailleur devient capable d’exercer cet
emploi convenable.
Pour les travailleurs recevant déjà des
IRR lors de leur 65e anniversaire, le
montant de l’indemnité est réduit
progressivement de 25 % par année
jusqu’à ce qu’ils atteignent 68 ans.
Toutefois, un travailleur âgé de 64 ans,
au moment de sa lésion, verra son IRR
réduite de 25 % à compter de la
deuxième année suivant la date du
début de son incapacité, de 50 % à
compter de la troisième année et de
75 % à compter de la quatrième année
suivant cette date (art. 56, LATMP).
5
.
LES IRR .
LE 0-14 EN DEUX PAGES
Raymond a eu un accident du travail. Une vilaine coupure à la main droite. Il est maintenant
à la clinique où on lui fera vraisemblablement plusieurs points de suture. Vous êtes à l’aise avec
la plupart des aspects administratifs des réclamations, sauf en ce qui touche les indemnités de
remplacement du revenu (IRR). Ne désespérez pas, voici l’essentiel de ce que vous devez
savoir si le médecin de Raymond recommande un arrêt de travail.
Un employé peut recevoir des indemnités de remplacement du revenu en cas
de lésion professionnelle (accident de
travail ou maladie professionnelle) l’empêchant d’exercer son emploi. Si les
articles de la loi relatifs aux indemnités de
remplacement du revenu paraissent
assez simples de prime abord, dans la
réalité, plusieurs situations plus ou moins
courantes peuvent se présenter. Voici les
principales règles en la matière.
En cas d’arrêt de travail à la suite d’une
lésion professionnelle, les versements à
l’employé débutent immédiatement. Il
n’y a aucune période de carence. En
fait, la Loi sur les accidents de travail et
les maladies professionnelles (LATMP)
prévoit trois périodes distinctes : 1) le
jour de l’abandon, 2) les 14 premiers
jours et 3) le 15e jour et les suivants.
Dans tous les exemples, nous avons
considéré qu’il n’y avait pas d’assignation temporaire possible. Rappelons
que dès qu’une assignation temporaire
a lieu, l’employeur verse le salaire
régulier à l’employé (art. 180, LATMP).
Il n’y a donc pas d’IRR à verser.
Le jour de l’abandon
ou « Jour 0 »
C’est l’incapacité de l’employé à exercer
son emploi qui ouvre le droit au
versement d’IRR. La journée au cours
de laquelle commence l’incapacité à
travailler s’appelle jour de l’abandon ou
« Jour 0 ». Pour cette journée, l’employé
a droit à son salaire net pour les heures
perdues à cause de sa lésion. C’est
l’article 59 qui le prévoit.
Art. 59, par. 1, LATMP. L’employeur
au service duquel se trouve le travailleur
lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle lui verse son salaire net pour la
partie de la journée de travail au cours
de laquelle ce travailleur devient
incapable d’exercer son emploi en raison
6
de sa lésion, lorsque celui-ci aurait
normalement travaillé pendant cette
partie de journée, n’eût été de son
incapacité. (Nos soulignés)
Revenons à Raymond. Il s’est blessé le
mardi à 10 heures et il est allé à la
clinique. Son médecin traitant l’a mis en
arrêt de travail immédiatement. Compte
tenu de son horaire de travail, le jour de
l’accident, Raymond a perdu six heures
de travail. Il aura donc droit à son salaire
net pour ces heures.
Qu’arrive-t-il lorsque l’employé ne quitte
pas le travail le jour de l’accident ?
Prenons l’exemple de Louis. Il s’est
foulé la cheville au travail le mercredi
après-midi, mais la douleur étant
tolérable, il a terminé son quart de
travail. Le jeudi, il a travaillé une heure
avant de quitter pour aller chez son
médecin. Ce dernier l’a mis en arrêt
de travail. Le jour de l’abandon est le
jeudi et Louis aura droit à son salaire
net pour les heures de travail perdues
cette journée.
C’est le jour de l’abandon du travail qui
marque le début de l’indemnisation.
Dans la plupart des cas, le jour de
l’abandon correspond à la date de la
lésion (cas de Raymond), mais parfois
non (cas de Louis).
Et si Louis était mis en arrêt de travail le
mercredi soir après avoir complété son
quart de travail ? Pour la CSST, le jour
de l’abandon (jour 0) correspond au
dernier jour travaillé en tout ou en
partie. Puisque Louis a complété son
quart de travail du mercredi, le jour de
l’abandon (jour 0) est le mercredi. Dans
ce cas, l’employeur n’aurait rien à verser
à Louis pour le jour 0, puisque la
journée a été travaillée « en tout » et
qu’il a été rémunéré pour celle-ci. Louis
n’aurait donc pas subi de perte salariale
pour cette journée.
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE novembre 2004
Le jour de l’abandon ou « Jour 0 »
correspond au dernier jour travaillé en
tout ou en partie (début de l’incapacité).
C’est l’employeur qui verse le salaire
net à l’employé pour le jour de
l’abandon, ce montant n’est pas remboursable par la CSST.
Les 14 premiers jours
suivant l’arrêt de travail
Lorsque l’absence se poursuit au-delà du
« jour 0 », l’employeur doit avancer à
l’employé l’indemnité de remplacement
du revenu auquel il a droit pour la période
des 14 jours calendriers suivant le début
de l’incapacité (art. 60, LATMP).
Art. 60, par. 1, LATMP. L’employeur au
service duquel se trouve le travailleur
lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient
incapable d’exercer son emploi en raison
de sa lésion, 90 % de son salaire net pour
chaque jour ou partie de jour où ce
travailleur aurait normalement travaillé,
n’eût été de son incapacité, pendant les
14 jours complets suivant le début de
cette incapacité. […] (Nos soulignés)
L’employé a droit à une indemnité pour
chaque jour qu’il aurait normalement
travaillé, n’eût été son incapacité. S’il était
prévu qu’il travaille 10 jours pendant les
14 premiers jours, il sera indemnisé pour
ces dix jours.
Dans la majorité des causes entendues, les
tribunaux ont décidé que lors d’une
assignation temporaire, l’écoulement des
14 premiers jours n’est pas suspendu
puisque l’employé est incapable d’exercer
son emploi. Donc, si l’employé est mis en
arrêt de travail trois semaines après son
accident et que, pendant cette période, il a
effectué un travail en assignation temporaire, l’employeur n’aura pas à lui
avancer l’IRR des 14 premiers jours,
puisque cette période relève déjà du passé.
C’est la CSST qui indemnisera l’employé.
1. http://www.csst.qc.ca/
portail/fr/publications/
pol_readap_indem.htm
2. Voir Lapointe C.
Domtar inc. et CALP
et CSST, Cour suprême
du Canada,
000-22717.
3. Avis de l’employeur
et demande
de remboursement
– Formulaire 1940.
4. Selon les
documents de la
CSST, après les cinq
jours ouvrables,
l’employeur doit
avancer l’IRR pour les
14 premiers jours.
Or, plusieurs décisions
des tribunaux
administratifs
stipulent que
l’employeur n’a pas à
faire cette avance,
mais que ce serait à la
CSST d’indemniser
directement la
travailleuse (Centre
d’accueil Laval et
Chantal Jacques et
CSST, CALP 1994;
Roy et Société des
Alcools du Québec
CALP 37320-60-9202;
Hôtel-Dieu de
St-Jérôme et Chaput,
CALP 50907-64-9305).
L’indemnité se calcule à partir du salaire
brut qu’aurait touché l’employé. Le
salaire brut comprend, selon les cas, le
temps supplémentaire, la prime de nuit,
etc. Une limite s’applique cependant.
Pour 2004, le salaire brut d’un employé
peut être considéré jusqu’à concurrence
de 2 109,70 $ dans le calcul de l’IRR
des 14 premiers jours. À partir du
salaire brut, le salaire net est calculé en
soustrayant l’impôt provincial et fédéral
et les cotisations à l’assurance-emploi et
à la Régie des rentes du Québec
(aucune autre déduction n’est permise
pour le calcul, art. 62, LATMP). Aux fins
du calcul des déductions, c’est la
situation familiale utilisée normalement
par l’employeur qui est retenue. Le
salaire net est ramené à une base
quotidienne, et l’employé reçoit pour
chaque jour ou partie de jour où il
aurait travaillé, n’eût été son incapacité,
une IRR correspondant à 90 % de son
salaire net quotidien.
tation médicale, l’employeur n’a pas à
verser d’IRR ! De même, l’employeur
ne peut pas se soustraire à cette
obligation même s’il y a mise à pied,
grève, lock-out, vacances, etc.2
Des particularités existent pour certains
employés. Par exemple, pour les
employés à temps partiel, sur appel,
etc., le numéro de politique 2,02 de
la CSST (disponible sur le site Internet
de la Commission1) prévoit que pour
déterminer le salaire brut et l’IRR,
l’employeur peut se fier à sa liste de
rappel ou encore utiliser une moyenne
représentative du nombre d’heures
travaillées.
Dans le cas d’un retrait préventif de la
travailleuse enceinte ou qui allaite, une
particularité s’applique.
Même s’il n’est pas d’accord avec la
réclamation, l’employeur a l’obligation
de verser, à l’employé, l’IRR des 14
premiers jours si celui-ci lui rapporte
une attestation médicale indiquant un
arrêt de travail (art. 199, LATMP). Tant
que l’employé ne rapporte pas l’attes-
Puisqu’il s’agit d’une avance effectuée
par l’employeur, la CSST lui rembourse
le montant sur réception de l’ADR3 et
impute évidemment ces coûts à son
dossier.
Plusieurs autres particularités peuvent
se présenter. Pour vous aider à les
contrer, nous vous invitons à assister
à notre formation intitulée : Le calcul
de l’indemnité pour les « 14 premiers
jours ». Vous y apprendrez comment
calculer ces indemnités pour en
arriver à un résultat équitable pour
tous en respectant les règles prévues
à la LATMP.
Les autres absences
Qu’arrive-t-il des heures perdues lorsqu’un employé de retour au travail doit
s’absenter pour recevoir des soins reliés
à sa lésion ? Consultez la page 12 pour
en apprendre plus à ce sujet, car
plusieurs cliniques sont ouvertes le soir…
Des règles importantes
Les gestionnaires doivent bien comprendre les règles relatives aux calculs
des IRR pour que les employés soient
convenablement traités et que les
cotisations versées à la CSST, par
l’employeur, ne soient pas gonflées par
une surindemnisation. Mais ce n’est pas
fini, qu’arrive-t-il après les 14 premiers
jours ? Vous l’apprendrez dans l’article
de la page suivante.
Pour une maternité
sans danger
Art. 36, LSST. Le travailleur a droit,
pendant les cinq premiers jours ouvrables
de cessation de travail, d’être rémunéré
à son taux de salaire régulier […]
Il s’ensuit qu’une travailleuse sera
rémunérée normalement pour les cinq
premiers jours ouvrables de son retrait
préventif. Attention, cet article fait
référence à des jours ouvrables et non
à des jours normalement travaillés. La
personne qui n’était pas supposée
travailler dans les cinq premiers jours
ouvrables (pour l’entreprise), ne touchera
aucune somme en vertu de l’article 36.
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE novembre 2004
Après cette période, la LSST prévoit que
l’indemnisation se poursuit comme pour
les lésions professionnelles4.
7
e
15 JOUR D’ABSENCE !
COMMENT INDEMNISE-T-ON ?
C’est la responsabilité de la CSST de verser, directement à
l’employé, les indemnités de remplacement du revenu (IRR) à
partir de la quinzième journée d’absence. L’employeur n’étant
tenu que d’avancer 90 % du salaire net perdu, représentant
l’IRR, pour les quatorze premiers jours de calendrier. Si vous
êtes un employeur qui continue de verser l’indemnité de
remplacement du revenu après cette période, il serait bon de
vérifier si votre méthode de calcul coïncide avec le remboursement de la CSST. Pour les autres employeurs, il est intéressant
de connaître les règles en vigueur.
Le calcul de l’indemnité de remplacement
du revenu à partir de la quinzième
journée d’incapacité à exercer son emploi
est différent du calcul des quatorze
premiers jours. En effet, il n’est plus
question ici de salaire, mais bien de
revenu annuel brut. Les articles 45, 63, 65
et 67 de la LATMP établissent les règles
de calcul.
Voyons ces règles
Premièrement, l’indemnité de remplacement du revenu à partir de la quinzième
journée calendrier est égale à 90 % du
revenu annuel net (art. 45, LATMP).
Deuxièmement, le revenu net retenu
que le travailleur tire annuellement de
son emploi est égal à son revenu brut
annuel d’emploi, moins le montant des
déductions pondérées par tranches de
revenus que la Commission détermine
en fonction de la situation familiale
du travailleur (qui est inscrite sur le
formulaire « Réclamation du travailleur »)
et tient compte de :
1º l’impôt provincial
2º l’impôt fédéral
3º l’assurance-emploi
4º le régime des rentes du Québec
(art. 63, LATMP)
Troisièmement, le revenu annuel brut,
servant à établir l’indemnité de remplacement du revenu, ne peut être inférieur
au revenu brut annuel déterminé sur la
base du salaire minimum en vigueur
lorsque se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum
annuel assurable en vigueur à ce
moment (art. 65, LATMP), sauf dans les
cas prévus à la loi (71(2), 80(1) et 82(1).
Pour l’année 2005, le maximum annuel
assurable sera fixé à 56 000 $.
Quel est le revenu
annuel brut ?
Cette question est posée sur le formulaire de la CSST « Avis de l’employeur et
demande de remboursement » (ADR).
Pour trouver la bonne réponse, le calcul
doit être conforme à l’article 67 de la
LATMP. Cet article mentionne que : « le
revenu brut d’un travailleur est déterminé
sur la base du revenu brut prévu par son
contrat de travail (…) sauf si le travailleur
démontre à la Commission1 qu’il a tiré un
revenu brut plus élevé de l’emploi pour
l’employeur au service duquel il se
trouvait lorsque s’est manifestée sa lésion
professionnelle ou du même genre
d’emploi pour des employeurs différents
pendant les 12 mois précédant le début
de son incapacité. »…
1. Nos soulignés
8
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE novembre 2004
Pour déterminer l’indemnité de remplacement du revenu à partir de la
quinzième journée d’incapacité du
travailleur, la CSST réfère au revenu
annuel brut prévu par son contrat de
travail et à sa situation familiale. Mais
qu’entend-on par contrat de travail ?
Selon le Dictionnaire canadien des relations de travail, il s’agit : « d’un contrat par
lequel un travailleur s’engage à exécuter
un certain travail pour un employeur
moyennant rémunération et dans des
conditions de travail déterminées ». C’està-dire, qu’au moment de l’accident, il
faudra tenir compte du contrat de travail
pour déterminer le revenu annuel brut.
Alors, sous quel libellé est-il ? L’employé
est-il rémunéré sur une base annuelle ?
de façon hebdomadaire ? à taux horaire ?
etc. Combien d’heures par semaine
travaille-t-il ? 40 heures ? 37 heures ?
Si votre employé est engagé pour effectuer 40 heures par semaine à un taux
horaire de 20 $ l’heure, son revenu
annuel brut sera calculé de la façon
suivante : 40 heures X 20 $/hre X 52
semaines = 41 600 $. Si le salarié a un
revenu annuel de 40 000 $ et qu’il ne
travaille que 10 mois par année, son
revenu annuel brut sera de 40 000 $.
C’est le montant à indiquer à la section
5, à la case « revenu annuel brut » du
formulaire « Avis de l’employeur et
demande de remboursement ». Voilà le
principe général; il s’applique à tous les
employés réguliers qu’ils soient à plein
temps ou à temps partiel.
Par contre, si vous ne pouvez déterminer
le revenu annuel brut en raison des heures
variables de travail de l’employé d’une
semaine à l’autre, ou que cela dépend des
ventes pour établir la commission d’un
vendeur ou du kilométrage parcouru par
votre chauffeur, vous pouvez établir une
estimation de son revenu annuel brut
calculée sur une période de référence
(un mois, deux mois ou trois mois). Si vous
ne pouvez absolument pas procéder de
cette façon, retenez alors le revenu annuel
brut des douze derniers mois, puis
indiquez ce montant à la case « Revenu
annuel brut gagné au cours des douze
derniers mois », à la section 5 de l’ADR.
Toutefois, si le travailleur estime qu’il a
gagné plus et que son revenu brut est
plus élevé que votre estimation, il devra le
démontrer à la CSST à l’aide de ses formulaires T4 ou TP4 de l’année antérieure.
Article 67, 2e par., LATMP
Pour établir un revenu brut plus élevé,
pendant les 12 mois précédent le
début de son incapacité, le travailleur
peut inclure les bonis, les primes, les
pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires,
les vacances si leur valeur en espèce
n’est pas incluse dans le salaire, les
rémunérations participatoires, la valeur
en espèce de l’utilisation à des fins
personnelles d’une automobile ou d’un
logement fournis par l’employeur
lorsqu’il en a perdu la jouissance en
raison de sa lésion professionnelle et
les prestations en vertu de la Loi sur
l’assurance-emploi (Lois du Canada,
1996, chapitre 23).
2. Table des
indemnités de
remplacement
du revenu,
janvier 2004, CSST,
DC 200-6230-12.
À partir du revenu annuel brut inscrit
sur l’ADR et à partir de la situation
familiale du travailleur déclarée sur le
formulaire « Réclamation du travailleur »,
la CSST va utiliser le revenu correspondant à sa situation (célibataire,
famille monoparentale, conjoint à charge)
en se servant du guide « La table des
indemnités de remplacement du revenu » 2.
Elle divisera ce montant par 365 jours,
puis le multipliera par 14 jours afin de
verser l’IRR à toutes les deux semaines
jusqu’à la date d’anniversaire de son
accident, date à laquelle ce montant
sera revalorisé s’il y a lieu. L’employeur
qui continue d’avancer l’IRR utilise cette
table et cette méthode de calcul pour
arriver au même montant de remboursement que la CSST.
d’exercer, comme s’il exerçait cet
emploi à plein temps. Toutefois, s’il
devient incapable d’exercer un seul de
ses emplois, son revenu annuel brut est
celui qu’il tire de cet emploi, et l’article
65 (revenu minimum d’emploi) ne
s’applique pas dans ce cas.
Dispositions particulières pour
certains travailleurs
(absence de plus de quinze jours)
L’emploi le plus rémunérateur doit être
pris au sens propre du terme, c’est-àdire celui qui lui rapporte le plus
d’argent annuellement. En d’autres
termes, l’emploi qui doit être retenu est
généralement l’emploi principal par
rapport à l’emploi d’appoint. C’est le
revenu annuel brut de l’emploi principal
reporté sur une base à temps plein qui
est retenu aux fins du calcul de l’IRR.
Le recueil des politiques en matière de
réadaptation-indemnisation de la CSST
précise ces dispositions. En voici des
extraits.
Travailleur sur appel (art. 68)
Le revenu annuel brut du travailleur sur
appel est celui du travailleur de même
catégorie occupant un emploi semblable
dans la même région. Ce revenu est
établi en considérant le revenu brut
d’autres travailleurs sur appel occupant
un emploi semblable dans le même
établissement ou d’autres établissements
de la même région.
Travailleur saisonnier (art. 68)
Le revenu annuel brut d’un travailleur
saisonnier est celui d’un travailleur de
même catégorie occupant un emploi
semblable dans la même région.
Travailleur à commission, à la pièce,
à forfait ou à pourboire (art. 67)
À partir du quinzième jour, le revenu
annuel brut de ces travailleurs est
déterminé en se référant au salaire de
base s’il en existe un et en ajoutant, selon
le cas, avec preuve à l’appui (ex. : T4,
TP4, déclaration écrite de l’employeur,
rapport d’impôt du travailleur ou avis de
cotisation), les commissions ou les
pourboires gagnés.
Travailleur occupant plus d’un emploi
(art. 71)
Le revenu annuel brut de ce travailleur
est celui qu’il tirerait de l’emploi le plus
rémunérateur qu’il devient incapable
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CONVERGENCE novembre 2004
Travailleur qui subit
une rechute, récidive
ou aggravation (art. 70)
Le revenu annuel brut du travailleur est le
plus élevé de celui qu’il tire de l’emploi
qu’il occupe lors de la récidive, de la
rechute ou de l’aggravation, et du revenu
annuel brut qui a servi au calcul de
l’indemnité précédente.
Si la récidive, la rechute ou l’aggravation
survient plus d’un an après le début de
l’incapacité du travailleur, le revenu annuel
brut qui a servi au calcul de l’indemnité
précédente est revalorisé.
Conclusion
L’indemnité de remplacement du revenu
à partir de la quinzième journée est
fonction, dans un premier temps, du
revenu annuel brut prévu au contrat de
travail au moment de l’accident et de la
situation familiale du travailleur. Quelques
situations particulières ont été exposées
lorsque le principe général ne pouvait
s’appliquer. Pour connaître d’autres cas
particuliers, nous vous suggérons de
consulter le Recueil des politiques en
matière de réadaptation-indemnisation de
la CSST au www.csst.qc.ca.
9
LE VERSEMENT DES IRR…
QUAND ÇA SE COMPLIQUE
Lorsqu’un arrêt de travail survient juste avant les vacances,
est-ce que l’employé a droit,
en même temps, à sa paye de
vacances et à ses indemnités
de remplacement du revenu
(IRR) ? Et si l’employé cesse
son assignation temporaire
pour prendre des vacances,
a-t-il droit aux IRR ? Si celui-ci
doit cesser son assignation temporaire à la suite d’une blessure survenue à la maison,
a-t-il droit aux IRR ? Et qu’en
est-il des congés fériés ? La
gestion de ces cas n’est pas si
compliquée, dans la mesure
où vous savez ce qui suit…
Pour vous aider à démêler le tout, nous
vous présentons trois cas. Le premier, il
s’agit de Benoît, qui est censé prendre ses
vacances les deux dernières semaines de
juillet, mais la veille de son départ, il fait
une chute et se blesse sérieusement à la
cheville. Dans le second cas, il est question
de Marc. Il est en assignation temporaire
et, normalement, doit commencer ses
vacances la semaine prochaine. Enfin, le
troisième cas concerne Nathalie, en arrêt
de travail depuis la Fête du travail. À
travers ces exemples, nous expliquerons
les principales modalités concernant le
paiement des IRR en cas de vacances
et de congés.
Paye de vacances et IRR
1. Petit-déjeuner
SST Bonjour !
du Centre patronal
de janvier 2004,
Assignation
temporaire :
quoi payer ?
Conférencier invité,
e
M Jean Benoît, De
Granpré Chait.
10
La veille de ses vacances, Benoît fait une
chute au sol. Il reçoit les premiers soins du
secouriste et se rend directement à
l’urgence pour consulter un médecin qui
diagnostique une entorse à la cheville. Ce
dernier lui remet une attestation médicale
mentionnant « arrêt de travail ». Sa condition physique ne lui permet pas d’être
assigné temporairement à d’autres
tâches. Ainsi, au moment même où
Benoît doit entreprendre ses vacances, il
est en arrêt de travail. Dans ce contexte,
son employeur devra lui verser sa paye
de vacances et lui payer les 14 premiers
jours. Si Benoît s’absente au-delà de cette
période, la Commission de la santé et de
la sécurité du travail (CSST) procédera au
versement des IRR. C’est ce que prévoit
l’article 44 de la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles.
D’autres options s’offrent à l’employeur de
Benoît, il peut, entre autres, lui proposer
de déplacer ses vacances. Cette possibilité
peut représenter un avantage tant pour
l’employeur que pour l’employé. Si Benoît
remet ses vacances à plus tard,
l’employeur n’aura qu’à lui payer les 14
premiers jours, la paye de ses vacances lui
sera versée au moment où il les prendra
effectivement. De plus, s’il déplace ses
vacances, son employeur pourra éventuellement l’assigner temporairement à
d’autres tâches, réduisant ainsi les coûts
imputés à son dossier par la CSST.
L’avantage pour Benoît est la possibilité de
profiter pleinement de ses vacances et de
se déplacer où bon lui semble.
L’assignation temporaire
et les vacances
C’est maintenant le cas de Marc qui est
en assignation temporaire et dont les
vacances sont prévues pour les deux
prochaines semaines. Celui-ci désire donc
cesser son assignation temporaire pour
prendre ses vacances. Son employeur lui
versera alors sa paye de vacances. A-t-il
droit aussi à des IRR ? Non, car il interrompt volontairement son assignation
temporaire, il s’agit d’un choix personnel
et l’assignation n’est que suspendue, elle
est toujours disponible.
« Pendant l’assignation temporaire, le
droit des travailleurs à toucher des IRR
est suspendu puisque c’est l’employeur
qui paie leurs salaires et la fermeture
pour vacances de l’usine ne fait que
suspendre l’assignation temporaire qui
existe encore.
Le versement de la paie de vacances
aux travailleurs, comme s’ils exerçaient
encore leur emploi, respecte la convention collective et ne fait pas revivre
le droit à toucher des IRR.
S’il est vrai qu’un employé en assignation
temporaire ne pourra peut-être pas jouir
pleinement de ses vacances, qu’il est
tenu de prendre à ce moment, la loi ne
peut malheureusement pas remédier à
ce problème. »
Ici, il ne s’agit pas d’un cas où l’usine ferme
ses portes pour deux semaines, à l’initiative
de l’employeur. Cesser l’assignation temporaire ne serait alors pas le choix de
Marc, mais celui de l’entreprise. En raison
de cette nuance, la question relative au
droit de recevoir des IRR pendant la
période de vacances amène deux
réponses.
Pour les tenants de la seconde école de
pensée, l’employé doit recevoir l’IRR
même s’il a déjà reçu sa paye de vacances
comme les autres employés. Selon eux, il
s’agit d’un cumul de temps en vertu
duquel un employeur est tenu de
compenser un travailleur pour du travail
déjà accompli en raison d’un droit
reconnu à des vacances. Il ne s’agit pas
d’une double rémunération, car une
prime de vacances ne peut être assimilée
à du salaire.
En effet, il existe deux écoles de pensée à
la Commission des lésions professionnelles
(CLP). Pour les tenants de la première
école, la fermeture de l’entreprise pour la
Donc, lorsqu’il s’agit de vacances et
d’IRR, le mieux est de reporter les
vacances, après la date de consolidation.
Si l’usine doit fermer pour une période
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CONVERGENCE novembre 2004
période de vacances suspendant une
assignation temporaire ne donne pas droit
au cumul des IRR et de la paie de
vacances. Puisque l’employé reçoit son
plein salaire lorsqu’il est en assignation
temporaire, il ne doit pas recevoir des IRR
lorsque l’assignation temporaire est interrompue momentanément pour la période
des vacances. Dans l’affaire BridgestoneFirestone Canada c. Perreault et al. Et
CSST, le commissaire Gilles Robichaud
exprime ce point de vue1 :
déterminée en raison des vacances
annuelles, et que l’employé effectue une
assignation temporaire à ce moment, vous
pouvez utiliser le raisonnement des tenants
de la première école de pensée pour
demander à la CSST de ne pas verser les
IRR.
Les congés fériés et les IRR
Notre troisième cas concerne Nathalie,
blessée la veille de la Fête du travail et en
arrêt de travail le jour de ce congé férié.
Aura-t-elle un salaire pour ce congé et une
IRR ? Puisque le congé se situe dans les 14
premiers jours, on calculera l’IRR de la
façon suivante : si Nathalie devait être en
congé cette journée, le congé férié sera
considéré comme un jour de travail normal
dans le calcul de l’IRR puisqu’elle aurait été
rémunérée pour cette journée, malgré le
congé. Si Nathalie devait travailler durant ce
congé, son IRR tiendra compte du salaire
qu’elle aurait réellement touché pour cette
journée si elle avait été au travail.
Si le congé avait eu lieu après la période des
14 premiers jours, cela n’aurait pas modifié
le calcul de l’IRR, car la CSST indemnise sur
une autre base de calcul. Elle verse le
1/365e du revenu brut annuel pour chaque
jour d’arrêt de travail, y compris les samedis,
dimanches et jours fériés.
Maladie intercurrente
Il peut arriver que l’évolution d’une lésion
professionnelle soit perturbée par la survenance d’une maladie personnelle ou d’une
blessure qui n’a rien à voir avec le travail.
C’est ce qu’on appelle une maladie intercurrente. Elle peut être d’ordre physique ou
psychologique.
2. Tiré du document
d’analyse et de
référence du Centre
patronal, intitulé
Imputation : être
obéré injustement,
quessé ça au juste ?,
section 2, page 26,
31 mars 2003.
Cette maladie intercurrente peut allonger la
période de guérison reliée à la lésion professionnelle. Voici un exemple : un employé
est en arrêt de travail alors qu’il subit un
infarctus. Il doit interrompre les traitements
reliés à sa lésion professionnelle, ce qui a
pour effet de retarder, de quelques mois, la
date de consolidation de sa lésion.
Même si l’arrêt de travail est prolongé en
raison d’une maladie personnelle, la CSST
continuera de verser les IRR à l’employé
jusqu’à ce qu’il reprenne son travail, cela fait
partie de ses politiques. Toutefois, l’employeur pourra demander à la CSST de lui
créditer le montant des IRR versées,
lesquelles correspondent à la période d’arrêt
de travail relative à sa maladie personnelle.
À ce sujet, la CLP a conclu qu’un
employeur se trouve obéré injustement
lorsqu’une maladie intercurrente empêche
ou suspend une assignation temporaire
déjà débutée, même s’il n’y a pas de
preuve que cette maladie intercurrente
a eu pour effet de prolonger la durée de
la lésion professionnelle2.
Voici ce que stipule la CSST dans sa politique
à propos de la maladie intercurrente :
La gestion d’un dossier d’une lésion professionnelle nécessite que l’on soit informé
de ce que l’on peut faire pour réduire
les coûts imputés, surtout lorsque des
situations particulières surviennent. Il se
peut que Benoît, Marc ou Nathalie se
trouvent déjà à votre emploi ou qu’ils le
deviennent… Puisque vous vous êtes
rendu à la fin de cet article, vous voilà
maintenant prêt à agir !
À conserver dans vos dossiers…
« … Lorsqu’il est démontré que la maladie
intercurrente altère l’évolution ou la durée
de la consolidation de la lésion professionnelle, la totalité ou une partie des dépenses
qui en découlent et que la CSST doit
assumer peuvent être imputées à l’ensemble des employeurs.
Il incombe à l’employeur de fournir une
preuve démontrant que la maladie
intercurrente a altéré l’évolution habituelle de la lésion professionnelle et en a
retardé la consolidation.
Cette démonstration devra être faite à
l’aide d’un rapport médical confirmant qu’il
y a eu maladie intercurrente et indiquant
à quel degré elle a altéré l’évolution
habituelle de la lésion professionnelle.
L’analyse de ce rapport permettra de déterminer le pourcentage des dépenses qui sera
imputé à l’ensemble des employeurs. »
La maladie intercurrente
et l’assignation temporaire
Si l’employé doit cesser son assignation
temporaire en raison d’une maladie
intercurrente, aura-t-il droit aux IRR ?
Selon la CSST : oui. Notez cependant
que certains commissaires de la CLP
jugent qu’il s’agit, de la part de la CSST,
d’une erreur de reprendre le versement
des IRR dans ce contexte. L’employeur
pourra, dans ces circonstances, utiliser
l’article 326(2) de la LATMP s’il se croit
obéré injustement.
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CONVERGENCE novembre 2004
11
LES INDEMNITÉS ET
L’ARTICLE 61
Vous songez actuellement aux faits associés à l’accident de Bernard, votre machiniste. D’abord, il
y a eu cet arrêt de travail de trois semaines ainsi que des indemnités de remplacement du revenu
(IRR). Puis, il y a eu un retour au travail en assignation temporaire. Jusqu’à ce moment, le dossier
a été bien géré. Mais cela ne s’arrête pas là puisque, lors de son retour au travail, Bernard vous
a transmis une copie du rapport médical sur lequel apparaît le message suivant : physiothérapie
3 jours/semaine pour une période de 5 semaines. Comment allez-vous gérer cet horaire ?
Comment rémunérer Bernard pendant cette période ? L’employeur sera-t-il automatiquement
remboursé pour le salaire versé lors des absences en raison des traitements ?
Quelle horreur cet horaire !
Vous devrez maintenant vous assurer que
l’assignation temporaire du machiniste
s’organise efficacement, compte tenu des
nombreuses séances de physiothérapie
prescrites par le médecin. Bref, il faudra
questionner l’horaire des traitements afin
d’éviter que le tout ne devienne insupportable ! À ce sujet, voici ce que mentionne l’article 61 de la Loi sur les accidents
de travail et les maladies professionnelles
(LATMP) :
« Lorsqu’un travailleur victime d’une lésion
professionnelle est de retour au travail, son
employeur lui verse son salaire net pour
chaque jour ou partie de jour où ce
travailleur doit s’absenter de son travail pour
recevoir des soins ou subir des examens
médicaux relativement à sa lésion ou pour
accomplir une activité dans le cadre de son
plan individualisé de réadaptation.
La Commission rembourse à l’employeur,
sur demande, le salaire qu’il a payé en
vertu du premier alinéa, sauf lorsque le
travailleur s’est absenté de son travail pour
subir un examen médical requis par son
employeur. » (nos soulignés)
Aussi, souvenons-nous que la responsabilité contractuelle d’un employé
(en assignation temporaire tout comme
en « travail régulier ») est d’assurer une
prestation de travail adéquate (productivité et efficacité), tout au long de
la semaine de travail. Et voilà que
l’employé mentionne que les traitements auront lieu les lundis, mercredis
et vendredis après-midi, de 14 h à
14 h 40 ! Comment « gérer » cette
situation pour le moins difficile en
termes d’horaire de travail ? D’abord et
avant tout, il est de la responsabilité de
l’employé de démontrer qu’il lui est
impossible d’agir autrement et que les
12
traitements doivent se dérouler selon
cet horaire. À l’article 61 de la LATMP,
c’est en utilisant les mots « doit
s’absenter » que le législateur établit le
fardeau à l’employé de démontrer qu’il
est obligé de s’absenter à un moment
déterminé pour recevoir des soins. Vous
êtes en droit de vérifier la possibilité –
pour cet employé – de recevoir les
traitements à l’extérieur des heures
régulières de travail, afin que soit
respectée la prestation de travail
adéquate mentionnée précédemment.
Par exemple, si les heures d’ouverture
de la clinique de physiothérapie sont de
8 heures à 20 heures, pourquoi ne
serait-il pas possible de recevoir les
traitements en soirée ? Et si les heures
d’ouverture de la clinique correspondent
approximativement aux heures de
travail de Bernard, il serait plus efficace
de prévoir l’heure des traitements au
début ou à la fin du quart de travail,
afin de limiter les pertes de temps
de travail.
Question de rémunération
Au moment où le travailleur doit
s’absenter de son travail pour recevoir
des soins, il reçoit de l’employeur son
salaire net. Tel qu’il est spécifié à l’article
62 de la LATMP, le salaire net de Bernard
sera égal à son salaire brut moins les
retenues à la source habituellement
prélevées par l’employeur.
Salaire net = salaire brut - (impôt fédéral
+ impôt provincial + assurance-emploi +
régime des rentes du Québec)
Donc, pour les périodes où l’employé doit
s’absenter de son travail pour recevoir
des soins, il faudra penser aviser le service
de la paie, afin que les calculs appropriés
soient effectués.
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CONVERGENCE novembre 2004
Remboursement :
pas automatiquement !
Contrairement aux autres indemnités,
le salaire versé relié aux soins et aux
examens n’est pas remboursé automatiquement par la CSST. Tel qu’il est
mentionné au dernier paragraphe de
l’article 61, la Commission rembourse
l’employeur seulement si ce dernier le
demande. Mais attention, faites bien
vos calculs, car il n’est pas toujours
rentable financièrement de demander
ce type de remboursement ! En effet, si
vous agissez ainsi, la CSST imputera le
montant remboursé au dossier de
l’employeur, pour cette lésion, et cela
peut coûter plus cher en bout de piste.
Rappelons aussi que la CSST ne
rembourse pas le salaire net versé si
l’absence provient d’une demande
d’examen requis par l’employeur.
Enfin, notez que l’article 61 vise tout
travailleur étant de retour « au travail »
et non pas « à son travail » ! C’est la
raison pour laquelle cette démarche
s’applique notamment aux employés
en assignation temporaire.
Est-ce que votre procédure de gestion
des dossiers d’accident inclut les
éléments suivants ?
• L’employé victime d’une lésion professionnelle vérifiera auprès de la clinique
de physiothérapie la possibilité de
recevoir les traitements selon un
horaire qui optimisera une prestation
de travail adéquate.
• L’employeur pourra effectuer des
vérifications auprès de la clinique de
physiothérapie quant à l’horaire des
traitements.
.
INSAISISSABILITÉ ET INCESSIBILITÉ .
FACILE À DIRE !
En règle générale, les indemnités versées en vertu de la LATMP sont incessibles, insaisissables
et non imposables. Mais ça ne veut pas dire intouchable ! En certaines circonstances, le bénéficiaire du chèque de la CSST peut se faire désarçonner ou, encore, se voir freiner dans ses élans
de générosité.
Insaisissabilité ou presque
L’article 144 de la LATMP prévoit des
situations où les indemnités payables par
la CSST devront subir une cure d’amaigrissement avant d’être encaissées par
le travailleur.
1) La CSST doit, sur demande des instances concernées, déduire des indemnités
payables en vertu de la LATMP, le montant
remboursable en vertu de la Loi sur le
soutien du revenu et favorisant l’emploi et
la solidarité sociale – familièrement connu
sous l’appellation BS.
1. Brassard c. CSST
(1990) R.J.Q. 1992
(CS).
2. Succession
Maurice Blackburn
et SECAL,
CLP 119344-029906, 01-10-16.
3. Tétrault
(Succession) et
La Baguetterie,
CLP 120340-62
c-9907, 00-01-18;
CSST c. Succession
de feu J-G Roger,
C.A. 500-09-012577029, 04-04-16;
McKenna c. CLP
(2001) CLP 491 (C.A.).
Voir un exemple
d’une indemnité
forfaitaire de décès
(art. 98) :
Compagnie Minière
Québec Cartier et
Succession Liliane
Desjardins (2000)
CLP 24.
4. Gillam et Centre
Molson (1999) CLP
940.
Par exemple, une personne qui se ferait
reconnaître une lésion professionnelle en
appel, plusieurs mois suivant son arrêt de
travail, verrait son chèque d’indemnité
amputé des montants représentant l’aide
financière de derniers recours, versée par
le ministère de l’Emploi et de la Solidarité.
2) La CSST devra aussi, sur demande de la
Régie des rentes du Québec (RRQ),
déduire de l’IRR payable à un travailleur,
les montants de rente d’invalidité ou de
rente de retraite qui ont été versés en vertu
de la Loi sur le régime de rentes du Québec
qui sont recouvrables.
3) Il y a, enfin, la situation où le travailleur
doit verser une pension alimentaire. Malgré
sa lésion professionnelle, et sa séparation,
puisque ses petits continuent à manger, la
loi prévoit que les IRR peuvent être saisis
jusqu’à concurrence de 50 % pour le
paiement d’une dette alimentaire. Ainsi,
un employeur qui effectue des retenues
sur le salaire d’un travailleur pour le
paiement d’une pension alimentaire
devrait être vigilant lorsque des IRR sont
versées. Il devrait à tout le moins aviser la
CSST de la saisie-arrêt de salaire et/ou le
ministre du Revenu (le percepteur de
pension alimentaire), le cas échéant.
Incessible : jargon juridique,
effets pratiques
La cession, c’est la transmission entre vifs
d’un droit ou d’un bien. Si la loi prévoit
que les indemnités sont incessibles, c’est
qu’on ne peut pas céder son droit à une
indemnité à un autre vif (une autre
personne).
Par exemple, un travailleur ne peut pas
transmettre son droit à une IRR à sa
conjointe. À la suite de sa fugue de l’hôpital
où il était traité pour une lésion professionnelle, un travailleur voit la CSST suspendre
ses IRR, ayant posé un acte qui empêche
ou retarde sa guérison. Le tribunal a jugé
que le droit aux IRR est un droit personnel
de la victime d’un accident du travail et que
cette indemnité ne peut être versée à
l’épouse du travailleur qui a fait une fugue
et dont on était toujours sans nouvelles…
plus de trois ans plus tard.1
Dans le même ordre d’idées, à la suite
d’une réclamation pour maladie professionnelle déposée par la succession de feu
Monsieur B, la CLP a rejeté la réclamation
et a cru utile d’indiquer que même si le
travailleur s’était vu reconnaître une maladie
professionnelle, la succession n’aurait pas eu
droit aux IRR que le travailleur aurait pu
toucher s’il avait produit sa réclamation de
son vivant. L’article 144 stipulant que les
IRR sont incessibles, elles ne se transmettent pas aux héritiers.2
Non imposable ?
Pour une réflexion plus étendue sur la
non-imposition des indemnités, nous vous
référons à l’article de la page 15.
Un peu de retenue
Un travailleur a déjà demandé à ce que
la CSST verse, à même ses IRR, les
cotisations à la Régie des rentes du
Québec. Saisie de l’affaire, la CLP a
conclu que les IRR ne sont pas cotisables
au sens de la RRQ, et qu’elles ne sont
pas mentionnées à l’article 144 comme
étant une déduction possible4. Alors, avant
d’accepter des demandes de retenues
sur les IRR, même sur une base volontaire, informez-vous de leur légalité.
Mais attention, il ne faut pas confondre la
cession (entre vifs) de la transmission par
succession (d’un mort à un vif). Bien que
l’article 144 stipule que les indemnités
sont incessibles, cela ne veut pas dire
qu’elles sont intransmissibles (comme
dans le cas des IRR).
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE novembre 2004
Par exemple, un travailleur se voit reconnaître une atteinte permanente lui donnant
droit à une indemnité pour dommages
corporels. Il décède d’une cause étrangère
à sa lésion professionnelle quelque temps
plus tard, avant d’avoir reçu son chèque
l’indemnisant pour son atteinte permanente. Le droit à cette indemnité est né
avant son décès (art. 91). Même si la
détermination du montant se fait après le
décès, la créance fait partie du patrimoine
du travailleur au moment de son décès et
est transmissible par succession.3
13
.
SUSPENDRE LES IRR .
C’EST À LA PORTÉE DE L’EMPLOYEUR !
Bien des gestionnaires en SST croient, à tort, que l’employé
blessé se trouve sous une cloche de verre, qu’il est intouchable.
De ce fait, cette même « victime » se voit accorder des privilèges
non justifiés, faute d’une gestion adéquate des indemnités qui lui
sont octroyées. Pourtant, face à un employé qui ne respecte pas
ses obligations envers son employeur ou la CSST et, outre le droit
de gérance, un recours existe : l’article 142 de la LATMP.
Consultez votre texte de loi,
ça vaut la peine !
L’article 142 de la LATMP permet à la
CSST de réduire ou de suspendre, dans
certaines circonstances, le paiement d’une
indemnité de remplacement du revenu
(IRR) à un travailleur pour un manquement à ses obligations. Par exemple, si le
travailleur fournit des renseignements
inexacts quant à son adresse personnelle, s’il reste introuvable au moment de
lui proposer une assignation temporaire
ou, encore, s’il omet de faire le travail
proposé en assignation temporaire, malgré
l’accord de son médecin traitant. Il peut
s’agir également d’un travailleur qui pose
des gestes incompatibles avec sa lésion,
comme ne pas respecter ses limitations
fonctionnelles et conduire un camion ou
effectuer des travaux de rénovation alors
qu’il prétend être incapable de travailler.
Dans certains cas, il s’agit d’un employé
qui refuse ou omet de donner l’heure
juste quant à sa condition à la suite d’une
visite chez son médecin ou à la date de
consolidation de sa lésion. Dans d’autres
situations, c’est un employé qui refuse de
fournir une copie de son rapport d’impôt
nécessaire à la CSST, en vue de déterminer le revenu pour l’emploi convenable qu’on souhaite lui assigner.
Un exemple !
Roger, un employé d’entrepôt, se blesse
au dos en manœuvrant des boîtes. Son
médecin prescrit deux semaines d’arrêt de
travail, des anti-inflammatoires et des
traitements de physiothérapie. Après deux
semaines, vous apprenez que son absence
se prolongera encore quelques semaines.
Vous décidez de soumettre Roger à un
examen médical. Au moment où vous
tentez de le joindre, il est introuvable à
l’adresse qu’il vous avait donnée. Après
des recherches plus poussées, vous arrivez
enfin à le retracer pour apprendre qu’il
refuse l’examen médical.
Votre rôle en tant
qu’employeur : gérer !
Devant de telles situations, vous vous
devez de soulever la cloche de verre qui
« protège » cet employé. Commencez par
le rencontrer afin de lui rappeler ses
obligations en vertu de la LATMP. Si la
situation n’est pas corrigée, vous pourrez
informer la CSST des événements observés afin de faire suspendre les IRR. Votre
demande peut être soumise par téléphone, puis confirmée, par écrit, auprès
de l’agent d’indemnisation en charge de
la réclamation. Donnez, dans le contenu
de votre lettre, les motifs justifiant votre
démarche et une description claire de vos
efforts à rétablir cette situation avec
l’employé. Vous pouvez aussi ajouter les
obligations prévues à la loi que votre
employé ne respecte pas. Par la suite, la
CSST pourra procéder à des vérifications
afin de confirmer vos observations et
décider de la nécessité de suspendre le
paiement des IRR tant et aussi longtemps
que Roger ne respectera pas ses obligations. Il est d’ailleurs dans l’intérêt des
deux parties que les dispositions prévues
à l’article 142 de la LATMP soient
respectées, car elles favorisent une gestion
équitable de chaque réclamation, de
même qu’une guérison prompte et
efficace de la lésion grâce à la collaboration de l’employé.
1. Document publié
par le Centre
patronal de SST
en octobre 2003.
14
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE novembre 2004
En tant que
gestionnaire averti…
Restez vigilant quant aux situations se
rapportant à l’article 142 et agissez
rapidement afin de voir les écarts se
corriger. En complément aux dispositions
de l’article 142, assurez-vous que votre
procédure de déclaration d’accident
précise les rôles et les responsabilités des
parties, et qu’elle soit bien connue de tout
le personnel. Et ce, d’autant plus qu’en
vertu de cet article, la CSST peut réduire
ou suspendre les IRR. Toutefois, lorsque
le manquement sera corrigé, sachez
qu’elle peut verser, à l’employé, les IRR
suspendues de façon rétroactive si le
motif qui a justifié sa décision n’existe
plus (art. 143, LATMP).
Pour en savoir davantage, nous vous
suggérons fortement de consulter le
document Suspension des indemnités
par la CSST : 17 bonnes raisons de la
demander1. Bonne lecture et surtout…
bonne gestion !
LES IRR SONT IMPOSABLES !
OUI, OUI, VOUS AVEZ BIEN LU !
Quand un employé s’absente du travail à la suite d’une lésion professionnelle, il reçoit des indemnités de remplacement du revenu (IRR). Tout le
monde sait que les IRR versées correspondent à 90 % du « salaire net »
du travailleur. De plus, tout le monde sait (s’en étonne ou s’en offusque)
que les indemnités versées en cas de lésion professionnelle sont
non imposables (art. 144, LATMP) ! Mais, alors, pourquoi ce titre, me
direz-vous ? Parce que le gouvernement du Québec a décidé de rendre
« imposables » les indemnités de remplacement du revenu.
Réduire l’iniquité
L’IRR versée par la CSST pour la période
d’absence étant inférieure au salaire net de
l’employé, on pourrait s’attendre à ce que
son revenu annuel net (salaire net + IRR)
soit moindre que celui d’un employé ne
s’étant pas absenté. Mais ce n’est pas
toujours le cas ! Compte tenu des lois
fiscales et de l’article 144 de la LATMP, qui
prévoit que les indemnités versées sont non
imposables, les personnes ayant touché des
IRR pendant une partie de l’année peuvent,
en bout de ligne, avoir un revenu annuel
net plus élevé qu’un employé ayant travaillé
toute l’année. Ils ont donc plus d’argent
dans leurs poches !
« Le mode de détermination des indemnités
de remplacement du revenu, conjugué avec
le traitement fiscal applicable aux revenus
imposables, peut, dans certains cas, avoir
pour effet d’augmenter le revenu disponible
des personnes bénéficiant de ces indemnités
à un niveau plus élevé que celui d’un travailleur à plein temps […] »1
À partir des chiffres1 du ministère des Finances, on peut faire le constat suivant pour
l’année d’imposition 2004. Un employé
dont le salaire annuel brut est de 40 000 $,
qui touche des indemnités de remplacement
du revenu de la CSST pendant six mois,
aurait un revenu annuel net de 28 700 $
(IRR + salaire net). En comparaison, s’il ne
s’était pas absenté, son revenu net aurait été
de 28 200 $. Dans cet exemple, non seulement son revenu net n’est pas moindre, il
est supérieur de 500 $ !
1. Source :
gouvernement
du Québec,
Budget 2004-2005,
Renseignements
additionnels sur
les mesures
du budget.
D’où proviennent les écarts ?
Plusieurs raisons expliquent cette différence.
Premièrement, compte tenu des six mois
d’absence du travail, l’employé a eu un
revenu imposable moindre, ce qui a réduit
son taux moyen d’imposition (son salaire a
été imposé comme s’il gagnait 20 000 $
par an et non 40 000 $). De plus, son
revenu total étant moindre, cela a pu lui
donner droit à des crédits d’impôt, qui lui
sont normalement refusés, ou augmenter la
Situation (salaire brut
annuel de 40 000 $)
Sans absence
Absence selon
les règles actuelles
Absence selon
les nouvelles règles
Salaire net théorique
Salaire net réel
1 mois d’absence
Salaire net réel
6 mois d’absence
28 200 $
28 200 $
28 400 $
28 700 $
28 300 $
27 800 $
27 900 $
26 750 $
valeur de certains. On peut penser ici au
crédit pour la TVQ, au crédit pour les frais
de garde d’enfants, etc.
Nouveauté fiscale !
Pour réduire cet effet indésirable, les IRR
seront, à partir de l’année 2004, indirectement imposables. Pour l’année fiscale
2004, l’employé devra, dans son rapport
d’impôt, corriger le montant de l’impôt sur
le revenu à payer pour prendre en compte
le fait qu’il a reçu des IRR. Pour les années
fiscales subséquentes, un ajustement au
crédit d’impôt personnel de base sera
effectué pour atteindre le même objectif.
Entre autres, ces calculs prendront en
compte le nombre de jours correspondant
aux IRR reçues, et le revenu brut qui a été
utilisé pour calculer l’IRR.
SAAQ et CSST
Cette nouvelle approche fiscale s’applique
aux sommes reçues en vertu des lois
administrées par la CSST soit, principalement, la Loi sur les accidents de travail et les
maladies professionnelles (lésions professionnelles), la Loi sur la santé et la sécurité du
travail (retrait préventif) et la Loi sur
l’indemnisation des victimes d’actes criminels.
Elle s’applique aussi aux indemnités versées
sous la Loi sur l’assurance automobile
administrée par la Société de l’assurance
automobile (SAAQ).
Si l’on revient à notre exemple, au lieu d’un
revenu net total de 28 700 $, selon les
anciennes règles fiscales, l’employé aura un
revenu net total de 27 800 $ (IRR + salaire
net). L’iniquité est donc réduite.
Cette nouvelle approche n’éliminera pas
complètement l’iniquité soulevée par le
gouvernement, mais cela la limitera. Elle ne
générera pas de gestion supplémentaire
de la part de l’employeur. C’est la CSST
qui fournira l’information pertinente aux
employés pour appliquer ces nouvelles
règles fiscales. Pour plus de détails, consultez le document Budget 2004-2005,
Renseignements additionnels sur les mesures
du budget, section 1.11, à l’adresse suivante :
Pourquoi l’iniquité n’est-elle pas complètement éliminée ? On peut identifier au
moins une raison : les règles fiscales
http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/
budget/2004-2005/fr/pdf/Renseignements
Add.pdf
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE novembre 2004
fédérales demeurent inchangées. Selon le
tableau du ministère des Finances, pour
notre exemple, la somme du salaire net
et des IRR devrait théoriquement être de
26 750 $ (voir ci-dessous).
15
INFORMATION JURIDIQUE
.
TROP PERÇU .
QUAND L’EXCEPTION DEVIENT LA RÈGLE…
Quand un travailleur reçoit de la CSST des indemnités auxquelles il n’a pas droit, doit-il les
rembourser ? D’emblée, on a tendance à répondre : bien sûr ! Cependant, la Loi sur les accidents
de travail et les maladies professionnelles (LATMP) prévoit toutes sortes de situations pour
lesquelles un travailleur n’aura pas à rembourser certaines prestations touchées en trop. De même,
la loi accorde à la CSST le pouvoir de faire « remise de dette » en certaines circonstances. Enfin,
les tribunaux se sont avérés fort généreux envers les travailleurs… Alors, doit-il rembourser ?
Le principe général
et les exceptions
L’article 430 de la LATMP énonce un
principe général en matière de remboursement de trop-perçu, ainsi que les
deux premières exceptions à ce principe.
Il spécifie :
« Sous réserve des articles 129 et 363,
une personne qui a reçu une prestation à laquelle elle n’a pas droit ou
dont le montant excède celui auquel
elle a droit doit rembourser le tropperçu à la Commission. »
Il faut garder en tête ce principe général
pour traiter des nombreuses exceptions
mentionnées à la loi qui s’entremêlent,
selon les circonstances.
La première exception est celle de l’article
129 de la LATMP. Selon cet article,
la CSST peut, dans certains cas exceptionnels, verser au travailleur des indemnités de remplacement du revenu en
cas de besoin pressant avant même
d’accepter formellement sa réclamation.
Si, ultérieurement, la CSST rejette ladite
réclamation, elle ne peut alors réclamer
du bénéficiaire les sommes reçues, à
moins qu’il n’ait obtenu ces indemnités
16
par mauvaise foi ou, encore, jusqu’à
concurrence des sommes qu’il a pu
recevoir d’un autre régime d’assurance
public d’indemnisation.
La seconde exception, visée par l’article
430 de la LATMP, se retrouve à l’article
363. On y précise que lorsque la CSST, à
la suite d’une décision en révision (art.
358.3, LATMP), ou lorsque la Commission des lésions professionnelles (CLP)
annule ou réduit le montant d’une IRR,
d’une indemnité de décès (art. 101 ou
102 (1er alinéa) ou, encore, d’une prestation de réadaptation, que les prestations
déjà fournies à un bénéficiaire ne peuvent
être recouvrées par la CSST sauf, à nouveau, si ces indemnités ont été obtenues
par mauvaise foi ou s’il s’agit du salaire
versé pour les 14 premiers jours.
À ce sujet, l’article 60 de la LATMP précise
que la CSST doit recouvrer du travailleur
les sommes correspondant au salaire
versé par l’employeur pour la période des
14 premiers jours de sa lésion et
auxquelles il n’avait pas droit. Ce même
principe est confirmé à l’article 363.
La CSST doit également réclamer du
travailleur les indemnités de remplace-
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CONVERGENCE novembre 2004
ment du revenu (IRR) qu’il a reçues sans
droit, depuis la date de consolidation de sa
lésion, alors qu’il avait été informé par son
médecin de cette consolidation et qu’il a
omis d’en aviser son employeur. C’est ce
qu’indique l’article 133 de la LATMP.
Également, la CSST doit recouvrer d’un
travailleur la totalité ou une partie de
toute subvention qu’elle lui a versée et
qui n’a pas servi aux fins pour lesquelles
elle a été autorisée. Il peut s’agir, par
exemple, d’une subvention versée à un
travailleur pour qu’il crée une entreprise
afin d’y occuper un emploi convenable
(art. 178, LATMP). C’est ce qu’indique
l’article 186 de la LATMP.
Enfin, certaines prestations payables
immédiatement, malgré qu’elles soient
sujettes à une contestation peuvent être
recouvrées ultérieurement par la CSST si
une décision finale confirme que le travailleur n’avait pas droit à ces indemnités.
Il s’agit, par exemple, des indemnités
de décès en vertu des articles 109 et 111
de la LATMP; des indemnités pour
dommages matériels (art. 112, 113 et 115,
LATMP) et, enfin, des frais d’assistance
médicale remboursés au travailleur qui
les avaient payées (art. 188 et 189).
Pour résumer…
Certaines sommes doivent être réclamées au travailleur par la CSST : les
14 premiers jours; les sommes visées à
l’article 133 de la LATMP (IRR après la
consolidation) et celles découlant de
subventions mal utilisées (art. 186,
LATMP). Toute autre prestation demeure
acquise au travailleur, à moins qu’elle
n’ait été obtenue de mauvaise foi. Cette
notion de mauvaise foi s’interprète selon
son sens courant, à savoir que la personne sait pertinemment qu’elle touche
des sommes qui ne lui sont pas dues.
Une telle situation permet donc d’affirmer que le travailleur reçoit alors une
prestation à laquelle « il n’a pas droit »
selon l’article 430 de la LATMP1.
1. À ce sujet, voir
une décision récente
qui analyse la notion
de mauvaise foi :
Jacques Olivier
Ford inc. c. Brabant,
CLP 215664-62C0309, 11-06-2004.
2. Levert c. CALP
et Centre hospitalier
Laurentien,
2000 CLP 719,
(Cour d’appel
du Québec),
27-11-2000.
3. Murphy c. CLP
et Daishowa inc.,
2000 CLP 726,
(Cour d’appel
du Québec),
27-11-2000.
4. Fortin et al. c.
Olymel Princeville
et CSST,
CLP 127894-04B9912-R, 01-04-2003.
La remise de dette
Hormis le cas où la loi exige de la CSST
qu’elle réclame un trop-perçu de la part
du travailleur (ci-dessus), cette dernière
peut, si elle le juge à-propos, faire
remise de dette au travailleur. C’est ce
qu’indique l’article 437 de la LATMP en
ces termes :
« La Commission peut, même après le
dépôt du certificat, faire remise de la
dette si elle le juge équitable en raison
notamment de la bonne foi du débiteur
ou de sa situation financière.
Remise non permise. – Cependant, la
Commission ne peut faire remise
d’une dette qu’elle est tenue de recouvrer en vertu du quatrième alinéa de
l’article 60 ou de l’article 133. »
C’est cet article que la CSST utilise, par
exemple, lorsqu’elle fait remise de dette
à un travailleur lorsqu’un trop payé
découle d’un litige en matière médicale
au Bureau d’évaluation médicale (BEM).
Lorsque la CSST, pour une raison ou
une autre, décide de faire remise de
dette au travailleur, les sommes visées
sont créditées du dossier de l’employeur
et envoyées au fonds général.
Quelques cas litigieux
Un travailleur qui conteste, selon la procédure prévue, une assignation temporaire autorisée par son médecin, n’a pas
à effectuer ce travail. En conséquence, il
recevra des IRR de la part de la CSST
pendant cette période. Or, si une
décision finale vient confirmer qu’il était
apte à faire l’assignation, le travailleur
recevait-il alors ses IRR sans droit et
doit-il les rembourser à la CSST ? Cette
question, qui a perduré devant les
tribunaux a finalement reçu une
réponse négative de la Cour d’appel du
Québec dans les affaires Levert2 et
Daishowa3. Pour la Cour d’appel, le
travailleur a le droit de contester une
assignation temporaire et de toucher
alors des IRR pendant cette période. En
conséquence, on ne peut dire qu’il
touche ses IRR « sans droit », au sens de
l’article 430 de la LATMP ni au sens de
l’article 363 de celle-ci.
Mais qu’en est-il des sommes correspondant aux 14 premiers jours et visées
par cette situation de contestation d’une
assignation temporaire ? On se rappelle
que les articles 60 et 363 de la LATMP
imposent, à la CSST, l’obligation de
réclamer du travailleur les sommes
visées à cette période. Dans une décision
récente, la CLP a jugé que, malgré ces
dispositions, la CSST ne pouvait réclamer
des sommes correspondant aux 14 premiers jours lorsqu’une contestation de
l’assignation temporaire est en jeu4.
Cette décision nous semble fort
discutable dans la mesure où l’on écarte
un texte précis de la loi (art. 363 et 60,
LATMP) pour faire primer le droit de
contester une assignation temporaire,
par ailleurs valide.
De combien parle-t-on ?
Selon la CSST, celle-ci a inscrit aux
« comptes radiés », quant aux « surpayés
recouvrables », les montants suivants.
On entend, sous ce titre, non seulement
les cas où la CSST a fait remise de dette
au travailleur, mais également les
sommes non récupérables, par exemple
lorsque le travailleur est introuvable
ou insolvable ou que le surpayé versé
par la CSST est infime. En 2000, cela
représentait 8,8 millions de dollars; en
2001, 10,7 millions de dollars; en 2002,
12,8 millions de dollars; en 2003, 12,6
millions de dollars.
Conclusion
Nous avons abordé les principales
dispositions de la LATMP en matière de
remboursement de trop-perçus par un
travailleur. Le moins que l’on puisse dire,
c’est que d’un principe général fort
clair (art. 430, LATMP), on en arrive
fréquemment à appliquer une exception
à la règle.
Connaissez-vous
vos responsabilités légales en SST ?
Pour vous renseigner sur ce sujet,
un de nos conseillers peut présenter, directement dans votre entreprise,
une conférence où il abordera :
• vos obligations générales en vertu de la législation en SST
• les conséquences d’un manquement à ces obligations
Plus spécifiquement, vous apprendrez :
• Quelles sont les possibilités de poursuites pénales par la CSST ?
• Qui peut être poursuivi ?
• Quel est le rôle du « représentant de l’employeur » dans le processus pénal ?
• Que signifie la notion de « diligence raisonnable » ? Quelle en est la portée ?
Pour plus de renseignements, appelez-nous au (514) 842-8401.
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE novembre 2004
17
SI LA
TENDANCE
Ah ! ces indemnités de remplacement du revenu
(IRR), que de changements ! Financées par les
entreprises, elles sont versées aux accidentés
du travail. Cet article tentera de faire la lumière
sur la réalité changeante des IRR depuis les dix
dernières années.
Les accidents de travail, sont-ils
IRRéversiblement en hausse ?
Chaque fois qu’un travailleur se blesse et
qu’il s’ensuit un arrêt de travail, des IRR lui
sont versées. Le régime coûte alors plus
cher, logique, non ? Concentrons-nous
sur ces accidents et tentons d’y répondre.
Le nombre d’accidents du travail (avec
perte de temps), au Québec, ne cesse
d’augmenter : vrai ou faux ? 1
1.
Évolution des accidents indemnisés par la CSST
1994-2003
140 000
135 000
130 000
125 000
120 000
115 000
110 000
110 000
02
00
Nombre d'accidents
Pourcentage des travailleurs qui ont un accident
2.
Évolution des IRR versées aux travailleurs
de 1994 à 2003 (en millions de dollars constants)
Si le nombre d’accidents avec
perte de temps est resté stable,
les IRR versées devraient aussi
demeurer stables…
C’est IRRéfutable, non !
Le montant des IRR versées aux travailleurs a augmenté de 18,5 % en 10 ans;
en 2003, la CSST a versé, en IRR,
946 944 000 $ aux travailleurs. Comment
expliquer cette hausse ? La réponse
n’est pas facile, mais tentons de trouver
certains éléments de celle-ci.
Un des éléments avancés est le fait qu’il
y a plus d’accidents en 2003 qu’en
1994. Eh bien, c’est certainement une
des raisons, mais comme on en a
discuté précédemment, cette différence
s’avère minime avec une hausse de 3 %
des lésions.
2002
2000
1998
1996
1000
900
800
700
600
500
1994
La réponse est « faux » : le nombre d’accidents au Québec est relativement stable
depuis les dix dernières années, et ce,
malgré une hausse de 612 335 travailleurs couverts par le régime pendant
cette période. Les extrémités de notre
graphique se situent en 1996 où 118 590
accidents ont été indemnisés, alors que
138 403 l’ont été en 2000. Le nombre
d’accidents du travail acceptés en 2003
s’élève 135 724. Bref, la proportion de
travailleurs qui touchent des IRR a diminué depuis ces dix dernières années
(5,3 accidents par 100 travailleurs en
1994, comparativement à 4,6 en 2003).
L’évolution des sommes d’argent versées
dans les différents programmes de réparation nous révèle que celles-ci montent
en flèche, et ce, malgré la stabilisation du
nombre de dossiers.2
20
6
8
20
19
9
19
9
19
9
4
5,40 %
5,20 %
5,00 %
4,80 %
4,60 %
4,40 %
4,20 %
4,00 %
SE MAINTIENT…
2003 = année de référence
3.
Province
Nouvelle-Écosse
Île du Prince Édouard
Terre-Neuve
Nouveau-Brunswick
Ontario
Alberta
Manitoba
Québec
Saskatchewan
Colombie-Britannique
18
Indemnités de remplacement
du revenu (2004)
Taux moyen de
cotisation (2004)
par 100 $ de
masse salariale
75 % du salaire net pour les 26 premières
semaines, 85 % du net par la suite
80% du salaire net les 38 premières
semaines, 85 % du salaire net par la suite
80 % du salaire net
85 % du salaire moyen net
85 % du salaire net
90 % du salaire net
90 % du salaire net
90 % du salaire net
90 % du salaire net
90 % du salaire moyen net
2,57 $
2,39 $
3,24 $
2,20 $
2,19 $
1,98 $
1,70 $
2,15 $
2,05 $
2,06 $
Un autre facteur qui explique cette
hausse est la baisse d’impôt en 2001 !
Cette baisse d’impôt a eu pour effet
d’augmenter le revenu net des travailleurs. Et, comme les indemnités sont
calculées selon le revenu net des
travailleurs, si celui-ci augmente, les IRR
vont également monter !
Un autre élément important est l’aspect
« maturation ». La CSST est un régime qui
n’a pas encore atteint pleinement sa
maturité et plusieurs des prestations
versées proviennent d’accidents antérieurs
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CONVERGENCE novembre 2004
(le tiers en 2003), qui s’ajoutent d’année
en année. Cette réalité se traduira par une
hausse de prestations jusqu’à la maturité
du régime (supposément en 2025).
Il existe aussi d’autres facteurs plus
controversés. On parle d’attentes plus
longues pour recevoir des soins de santé,
ce qui se traduit par des travailleurs plus
longtemps en arrêt de travail. Aussi, le
vieillissement de la population, une
proportion plus élevée de maux de dos
et de lésions psychologiques contribueraient à créer des lésions indemnisées qui guérissent moins rapidement.
L’utilisation de plus en plus importante
de la physiothérapie et de l’ergothérapie
a aussi été mise de l’avant pour
expliquer, en partie, cette hausse.
Quoi qu’il en soit, d’autres facteurs expliquent certainement cette hausse de
coûts. Dîtes-vous donc qu’un accident
de travail coûte de plus en plus cher !
Le Québec est-il IRResponsable
et trop généreux
en matière d’IRR ?
À 90 % du salaire net, le régime de compensation des accidentés du travail est-il
plus généreux au Québec que dans
les autres provinces ? Nous vous invitons
à tirer vos propres conclusions du tableau
comparatif ci-contre.3
En effet, le Québec fait partie des provinces les plus « généreuses ». Quand un
travailleur se blesse ici, il a droit à 90 %
de son revenu net ! Mais n’enviez pas
trop rapidement la Nouvelle-Écosse : en
2004, les employeurs ont eu un taux
moyen de cotisation plus élevé (2,57 $)
qu’au Québec (2,15 $).
Au lieu de vous IRRiter,
agissez !
Chez nous, une lésion professionnelle
coûte de plus en plus cher. C’est donc à
vous, employeur, de prendre le leadership
de la SST dans votre entreprise pour
réduire les lésions professionnelles et les
coûts qui s’y rattachent. Suivez vos
dossiers pas à pas et bonne gestion !
Note : les chiffres proviennent de Statistiques
Canada et du service de la statistique de la CSST.
QUESTION/RÉPONSE
?
Sommes-nous floués ?
Un étudiant à notre emploi, l’été
dernier, à titre de journalier, a subi un
accident du travail grave à notre
entrepôt de fruits et légumes. Ayant
été heurté par un chariot élévateur, il a
eu une blessure importante à la tête au
point de ne plus être capable de
poursuivre ses études en droit à la suite
de séquelles irréversibles. Bien triste
affaire que celle-là car, à 23 ans, il était
sur le point de terminer ses études
universitaires. Évidemment, notre
étudiant a reçu des indemnités de
remplacement du revenu (IRR). Au
début, il a reçu un montant hebdomadaire, calculé à partir du revenu brut
annuel déterminé sur la base du salaire
minimum en vigueur. Mais cette
situation n’a pas duré bien longtemps.
Notre étudiant a fait la preuve à la
CSST que s’il avait accédé à la profession, il aurait gagné un salaire
beaucoup plus élevé que le salaire
minimum. Et c’est sur ce revenu qu’il
souhaitait qu’elle se base pour effectuer
le calcul de ses IRR. La CSST ayant
accepté la preuve soumise, ses IRR
sont maintenant calculées à partir
du salaire qu’il aurait eu à sa sortie de
l’université… et nous en sommes
imputés… Sommes-nous floués ?
Non, vous ne l’êtes pas, car vous aviez
l’ensemble des conditions réunies pour que
cette inattendue hausse de frais imputés à
votre dossier se produise : premièrement,
l’âge de votre étudiant (il a plus de 21 ans),
deuxièmement, la gravité de sa lésion
(il n’est pas en mesure de terminer ses
études universitaires) et, finalement, le fait
que l’étudiant allait accéder à une profession (il aurait eu un salaire élevé). C’est
d’ailleurs ce principe de l’article 80 de la
LATMP qui dicte la règle : « à compter de
l’âge de 21 ans, l’indemnité de remplacement du revenu d’un étudiant est révisée
à la hausse s’il démontre à la Commission
qu’il aurait probablement gagné un revenu
brut d’emploi plus élevé à la fin des études
en cours, s’il n’avait pas été victime d’une
lésion professionnelle ».
À retenir
Le calcul de l’indemnité de remplacement de revenu d’un étudiant est différent
de celui d’un travailleur ordinaire et le
cas soulevé ci-dessus n’est pas unique en
son genre. Il existe aussi des dispositions
spéciales pour les étudiants de moins de
18 ans, ainsi que pour les étudiants de 18
à 21 ans. Les premiers sont indemnisés à
84 $ par semaine (en 2004) tandis que
les autres reçoivent un montant calculé à
partir du revenu brut annuel déterminé
sur la base du salaire minimum en
vigueur. Donc, ce n’est pas si simple…
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