Les options pour réduire les salaires des frontaliers
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Les options pour réduire les salaires des frontaliers
Page 13 Mercredi 21 janvier 2015 Economie&Finance Croissance Pour faire face au franc fort, Cartier augmente ses prix de 5% en Europe Page 14 L’économie chinoise, au plus bas, préoccupe Paul Krugman Page 15 CARTIER Horlogerie SMI 8178,90 +0,32% Euro Stoxx 50 3244,92 +0,75 Dollar/franc 0,8741 Euro/franc 1,0105 Baril Brent/dollar 48,42 Once d’or/dollar 1288 > Emploi Des patrons souhaitent réduire les revenus de leurs employés français > Ils s’exposeraient à un «gros risque juridique», met en garde un spécialiste du droit du travail Valère Gogniat En l’espace de quelques minutes, leurs salaires ont gagné presque 20%. Depuis jeudi dernier, les travailleurs frontaliers apparaissent comme les grands gagnants de l’abandon du taux plancher entre le franc et l’euro. Faut-il corriger ce gain à la baisse? Et si oui, comment faire? Comme durant l’été 2011, des pistes se dessinent: certains imaginent payer ces travailleurs nomades en euros. D’autres, baisser leurs salaires en francs. Ce débat anime d’infinies conversations dans les régions frontalières. Pour l’heure, l’une des seules propositions concrètes a été formulée par Pierre Castella sur les ondes de la RTS. Le patron de Dixi précise au Temps «qu’il ne s’agirait pas de payer [ses] collaborateurs frontaliers en euros, mais en francs suisses. Simplement en indexant leurs salaires au pouvoir d’achat qu’ils avaient début janvier.» L’industriel loclois, dont environ 60% des employés viennent de France, ne craint pas que de telles mesures puissent provoquer des tensions dans l’entreprise: «Si nous ne réagissons pas, ce seront les employés résidant en Suisse qui se sentiront floués!» Tout dépendra toutefois du niveau auquel le franc se stabilisera face au dollar et à l’euro. Et si une telle décision devait être prise – «une, parmi tant d’autres destinées à redresser la barre» –, ce serait en coordination avec d’autres industriels du canton. Chaque entreprise réfléchit pourtant différemment. Quelques kilomètres plus loin, à La Chaux-deFonds, cette question «ne se pose simplement pas. Cela ne correspondrait pas à notre manière de travailler», répond-on chez Goldec. Manuela Surdez, directrice du spécialiste du décolletage d’horlogerie haut de gamme (40% de frontaliers), craint que de telles mesures «mettent en péril l’ambiance de travail. Cela risquerait d’être un peu malsain…» «Si nous ne réagissons pas, ce seront les employés résidant en Suisse qui se sentiront floués» Pour ce qui est du paiement des salaires en euros, un Tribunal arbitral a déjà tranché. Début 2012, l’entreprise Von Roll Infratec, basée à Delémont et à Choindez (JU), avait fait signer un avenant à ses employés frontaliers, forçant ces derniers à accepter des salaires en euros. En septembre 2012, le Tribu- nal arbitral de la CCT de l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM) avait donné raison au syndicat, obligeant la société à rembourser ses employés frontaliers. Mais d’autres pistes existent. Dans une prise de position publiée lundi, la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) les a explorées. Car si le fait de prendre des mesures qui ne touchent que les travailleurs frontaliers serait en effet «discriminatoire» – car contraire à l’accord sur la libre circulation des personnes signé avec l’Union européenne –, il serait envisageable de «notifier un congé-modification qui prévoit le paiement du salaire en euros à tous les collaborateurs». Légalement, rien ne s’y oppose, explique la CVCI. Idem pour une baisse de salaire généralisée à l’ensemble du personnel. Dans ce cas, l’employeur doit pouvoir démontrer l’existence «d’un motif économique». A en croire la CVCI, la suppression du taux plancher peut être considérée comme tel. «Si cela devait être tenté, nous nous y opposerions farouchement, prévient Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève. Une décision du Tribunal de district d’Arlesheim à Bâle, datant de début 2012, avait considéré cette technique comme illégale au motif d’une survalorisation du franc par rapport à l’euro.» La société Stöcklin Logistik (Bâle-Campagne) avait tenté en 2010 de réduire les salaires de ses 120 employés frontaliers de 6%. De son côté, la Fédération des entreprises romandes confirme recevoir des appels de patrons sur cette question. Son directeur, LUCIEN FORTUNATI/TAMEDIA Les options pour réduire les salaires des frontaliers Les frontaliers apparaissent comme les grands gagnants de l’abandon du taux plancher. ARCHIVES Blaise Matthey, propose «un panier salarial» basé sur le pouvoir d’achat et «pondéré en fonction d’un critère de déplacement afin d’éviter toute discrimination au détriment des frontaliers ou des travailleurs suisses». Les spécialistes sont dubitatifs. Pour l’avocat neuchâtelois Alexan- dre Massard, «il n’y a pas de solutions miracles. Mais il faudrait dépasser les seules considérations de domicile des employés et comparer les emplois poste par poste». En bref, quelles que soient les solutions retenues, ce spécialiste du droit du travail estime qu’elles poseront «de grandes complications ad- ministratives pour les entreprises avec un gros risque juridique à la clé» en cas de litige conduisant aux tribunaux. Sans compter que le taux de change peut encore évoluer à la hausse ou à la baisse dans les mois ou les semaines qui viennent. Collaboration: Dejan Nikolic et Bernard Wuthrich Les cantons de Genève et du Jura davantage tournés vers la France Sans surprise, c’est dans le canton de Genève que le pourcentage de frontaliers par rapport au nombre d’emplois est le plus élevé. On y trouve 88 809 frontaliers pour 292 000 emplois, soit environ 30%. En termes de pourcentage, le canton du Jura arrive en deuxième position avec 6500 frontaliers pour 41 000 emplois (environ 16%). Troisième sur la liste, Neuchâtel, qui compte 11 000 frontaliers pour 94 100 emplois au total (12%). Viennent ensuite les cantons de Vaud (25 000 frontaliers pour 360 000 emplois, soit 7%) et du Valais (2525 frontaliers pour 167 043 emplois, soit 1,5%). Ces chiffres fournis par les différents offices cantonaux doivent toutefois être comparés avec précaution. Tous les cantons ne proposent pas des données régulièrement mises à jour. V. G. Un coup dur aussi pour les internationaux Des taux négatifs pour les grands clients > Le renchérissement du franc nuit à l’attractivité de la Genève internationale «Là, cela devient vraiment, vraiment cher!» Employé d’une mission d’un pays européen basée à Genève, l’homme préfère garder l’anonymat lorsqu’il réagit à l’envolée du franc. «Quand je suis arrivé en 2008, 1 euro valait 1,56 franc, puis on a eu le taux plancher à 1,20 francs, aujourd’hui c’est 98 centimes. Alors que les frontaliers sabrent le champagne, on plonge et personne ne pense à nous.» Dépité, il se demande s’il ne va pas finir par se retrouver en dessous du seuil de pauvreté suisse alors que dans son pays il fait figure de privilégié… Le personnel des représentations diplomatiques européennes en Suisse, payé en euros, a de quoi faire la grimace. Son pouvoir d’achat vient de chuter de 15 à 20%, mais il sait que, dans les capitales, ces soucis sont loin d’être partagés. «Nous avons fait remonter l’information à la centrale, indique-t-on à la mission de France auprès de l’ONU. Mais on ne tient pas trop à communiquer, il y a d’autres problèmes.» La hausse brutale du franc suisse est un coup dur pour la Genève internationale alors que certaines organisations sont régulièrement tentées par des délocalisations en raison du coût de la vie. «Dans l’im- médiat, l’impact devrait être limité car la plupart des employés de l’ONU sont payés en francs suisses ou en dollars, indique Ian Richards, le secrétaire exécutif du syndicat de l’ONU à Genève. Mais à moyenlong terme, la question va à nouveau se poser. Il va y avoir beaucoup de travail pour défendre la place de Genève.» «Une mauvaise nouvelle» «Objectivement, c’est une mauvaise nouvelle, explique François Longchamp, le président du gouvernement genevois, même s’il est encore un peu tôt pour savoir comment le franc va évoluer.» La politique de la Banque centrale européenne, les élections en Grèce, l’évolution du dollar: autant d’incertitudes qui empêchent d’y voir clair. «A ce jour, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) n’envisage pas de prendre des mesures additionnelles qui pourraient atténuer l’impact du franc fort sur les secteurs internationaux établis à Genève», indique la porteparole de la mission suisse auprès de l’ONU, Paola Ceresetti. Le taux de change avec le dollar est identique à celui qui prévalait en mars 2014, souligne-t-on. «Cette nouvelle situation, ajoute-t-elle, conforte finalement l’analyse selon laquelle la Genève internationale fait face à des défis importants et confirme le bien-fondé de la stratégie du Conseil fédéral visant à renforcer la politique d’Etat hôte de la Confédération pour offrir des conditionscadres optimales.» Une quarantaine de missions diplomatiques des pays les moins avancés bénéficie d’une subvention mensuelle de 3000 francs pour la location de bureaux. Le Conseil fédéral a par ailleurs promis 117 millions de francs en faveur de la Genève internationale pour la période 20162019. Le DFAE ajoute que Genève maintient ses avantages: synergies grâce à la concentration d’organisations internationales, qualité de la vie et des services, stabilité politique. Frédéric Koller > La mesure apparaît peu probable dans la banque de détail. Mais les frais dépassent déjà souvent les revenus des intérêts Payer pour déposer son argent à la banque? Cette mesure sera bientôt une réalité pour certains clients, suite à la décision de la BNS de jeudi. Lundi, la Banque Migros a indiqué envisager de prélever des Récession? Ce n’est pas l’option privilégiée ö Une majorité de professionnels de la finance voient le franc suisse s’installer autour de la parité jusqu’en juin 2015. Mais seuls 25% d’entre eux s’attendent à une profonde récession en Suisse, alors que 67% s’attendent à une croissance affaiblie mais sans récession. Tel est le sentiment de 295 professionnels suisses interrogés par le CFA Institute. ö Malgré le nouvel abaissement du taux d’intérêt de référence de la Banque nationale suisse, UBS maintient son taux hypothécaire actuel. Contrairement à d’autres établissements, la grande banque a décidé de ne pas l’adapter à la nouvelle baisse des taux. ö Le ministre de l’Economie, Johann Schneider-Ammann, appelle à des mesures ciblées pour renforcer les conditions-cadres de l’économie. En premier lieu, il faut créer assez d’emplois pour tous les Suisses, dit-il dans une interview à la Neue Zürcher Zeitung. Pour le conseiller fédéral PLR, nul besoin d’un paquet conjoncturel à proprement parler tant que l’économie n’entre pas en récession. ö Avec l’appréciation du franc, les CFF ont fait savoir mardi qu’ils allaient revoir à la baisse les prix des billets de train internationaux. Dès le 1er février, le taux de conversion appliqué à la monnaie unique sera de 1:1. Pour les liaisons transfrontalières vers la France et l’Italie, le prix baissera de 18% sur la totalité du trajet. ö Mardi soir à 18 heures, l’euro était à 1, 0105 franc et le dollar à 0,8741 franc. L’or s’affichait au plus haut depuis cinq mois. LT/ATS taux négatifs sur les avoirs déposés par des gros investisseurs «à partir d’un certain montant». Elle emboîte le pas à Credit Suisse, qui appliquera cette mesure aux avoirs des clients institutionnels et des grandes entreprises. Ce sera aussi le cas chez Lombard Odier, qui prélèvera un taux d’intérêt négatif de 0,75% sur la part supérieure à 100 000 francs des comptes ouverts en Suisse et à l’étranger par ses clients, selon la Tribune de Genève de mardi. Et dans la banque de détail? Jusqu’ici, aucun institut n’a osé franchir ce pas. Même les banques qui offrent des taux proches de zéro, comme PostFinance, qui limite la rémunération pour ses comptes privés à 0,01%, n’envisagent pas une telle mesure. «Il n’est pas prévu d’introduire des taux négatifs pour la clientèle privée et celle d’entreprise», a souligné un porte-parole. Tout au plus, cela pourrait être envisagé pour les grands clients. Hausse des frais de gestion Les banques pourraient se rattraper via une hausse des frais de gestion et commissions. «Les banques ne vont pas répercuter les taux négatifs sur les comptes privés ou d’épargne. Ce serait une mesure très maladroite», juge Benjamin Manz, directeur du site Moneyland.ch, spécialisé dans la comparaison des tarifs bancaires. Selon lui, un institut a plus intérêt à augmenter ses frais de gestion de base qu’à introduire des taux négatifs. Et abaisser les taux à zéro? «Une telle mesure peut être envisagée pour des comptes privés. Pour les comptes d’épargne, les taux à zéro sont moins probables pour le moment. Les taux appliqués sur les comptes d’épargne ont une importante dimension marketing», relève-t-il. En tenant compte de tous les frais appliqués par les banques, les taux négatifs sont déjà une réalité pour de nombreux clients. Une étude de Moneyland le démontre en comparant les frais et les intérêts pour un client ayant 10 000 francs sur son compte privé et 40 000 francs sur un compte d’épargne, sans carte de crédit. Après deux ans, il gagnera 89,6 francs chez PostFinance, 11,95 francs chez Credit Suisse (paquet «Bonviva Silver»). En revanche, il perdra 14 francs chez Raiffeisen (compte MemberPlus), 25 francs à la Banque Migros et 123 francs à la Banque Cantonale Vaudoise (formule «Premium»), pour ne citer que quelques exemples. Sa perte atteindra 379,4 francs à la BCGE avec la formule «BCGE Set» et 418,35 francs chez Credit Suisse s’il n’a souscrit à aucun paquet proposé. Yves Hulmann ZURICH En vue Cartier 14 Composyt Light Labs 14 Goldec 13 Google 16 Intel 14 Richemont 14 SpaceX 16 Symbiotics 16 Venture Kick 14 Von Roll infratec 13