les grandes options strategiques du marche interne - e-RH
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LES GRANDES OPTIONS STRATEGIQUES DU MARCHE INTERNE D’après Les stratégies des Ressources Humaines Bernard GAZIER Selon Bernard GAZIER, il n’y a pas un ou deux types mais une multiplicité de marchés internes qui peuvent être le résultat d’une combinaison lue à travers deux grilles. LES 4 OPTIONS STATIQUES Captation Main-d’oeuvre élémentaire Localisation et Délocalisation Main-d’oeuvre diversifiée Avantage salarial différentiel 1 2 3 4 Fixation Paternalisme et attitude fordienne Stabilisation du collectif et carrières aménagées Option 1 - Choix de localisation ou délocalisation Le choix de la délocalisation se résume souvent à la volonté d’aller chercher le travail là où il se trouve, le moins cher possible et donc parfois le moins qualifié. Par exemple, l’usine d’aspirateur de LONGVIC (Dijon) passe de 750 salariés à 150 alors qu’il y a création de 400 emplois en Ecosse, ou la main d’oeuvre est moins chère et bénéficie de moins d’avantages La stratégie de mise en concurrence des syndicats (plus compréhensifs en Ecosse) ainsi que la priorité accordée au faible coût du travail on été dans cette affaire des éléments déterminants.. Option 2 - Avantage salarial différentiel Moduler des suppléments de salaire pour attirer les salariés par exemple, RENAULT Billancourt, ou les plate-forme pétrolière accordaient ce type d’avantages. Option 3 - Paternalisme L’un des cas type, est celui du groupe FORD, avec la stabilité au travail bien payé contre la possibilité à long terme d’acheter une voiture : pari social et organisationnel. Option 4 - Stabilisation du collectif et carrières aménagées exemple : .Logique du CREUSOT avec création d’aménagement des carrières. LES 4 OPTIONS DYNAMIQUES : (GRILLE 2 :OUVERTURE DES TRAJECTOIRES ET MULTIPLICATION DES ACTEURS). Valorisation individuelle de l’investissement Parcours professionnel à dominante externe à la firme Spécialisations Recyclages Parcours professionnel à dominante interne à la firme Modèle de la compétence Valorisation collective de l’investissement Districts et réseaux 5 6 7 8 Rotation Polyvalence Option 5 - Spécialisations - Recyclages Spécialisations identifiées et relativement transférables avec adaptation au cours de la carrière par des recyclages périodiques. Option 6 - Districts et Réseaux Main d’œuvre qui circule de firme en firme, avec valorisation collective de l’investissement de son potentiel. Un travailleur quitte la firme qui l’a formé et laisse la place à un autre travailleur formé ailleurs ; districts à ‘ l’italienne ’ , (entreprises textiles de PRATO), ou technopôles (attachement à un lieu plutôt qu’à une firme). Option 7 - Modèle de la compétence Pratiques sur mesure pour s’attacher des salariés. Evolution individualisée par recrutement, repérage, puis pilotage des capacités d’acquisition et d’évolution des compétences des salariés qui peuvent choisir le ‘ menu ’ de leur traitement. Option 8 - Rotation - Polyvalence Références internes à la firme et accumulation des compétences collectives par rotation des postes, recherche de la polyvalence et apprentissage permanent et progressif (pratiques japonaises). Les grilles représentent une gamme de possibles et de contraintes en matière de traitement de la main d’œuvre, tant au niveau d’une entreprise, qu’à celui d’une région ou d’un pays. Ces grilles n’ont pas de vocation prescritive mais peuvent éclairer les conséquences des différents choix, attirer l’attention sur des incompatibilités ou offrir la possibilité d’autres décisions. APPORTS IMMEDIATS DES OPTIONS STRATEGIQUES : Mise en évidence de la grande variété des options disponibles besoins persistants en main d’œuvre peu qualifiée soumise à des tâches répétitives (ex. caissières supermarché) - options 1 et 2, bien que l’existence du chômage de masse ne rende pas nécessaire la modulation des écarts salariaux, tendance à l’évolution des qualifications et à la complexification des tâches option 2. Le recrutement d’opérateurs qualifiés avec avantage salarial est intéressant pour les entreprises utilisant des techniques qui évoluent. Le personnel obsolète est remplacé par des travailleurs plus jeunes et plus adaptable. Mise en évidence de la diversité des moyens mobilisables. • • • le recours au salaire ne s’opère pas selon les mêmes modalités d’une entreprise à l’autre, l’autonomie des échelles salariales est forte dans les options 7 et 8, la socialisation spontanée ou structurée des entreprises familiale (formation du beau-frère, puis aide à la création de sa propre entreprise) constitue un relais à la mise en oeuvre de l’option 6. Mise en évidence d’un certain nombre de contradictions. • • le ‘ modèle de compétence ’ mise à la fois sur la valorisation individuelle du potentiel humain et sur un développement en interne. Ces orientations sont inconciliables car l’évaluation systématique des salariés et la négociation sur un itinéraire personnalisé engendre une concurrence permanente (conflits entre salariés, évaluateur et autres salariés) sans la sanction du marché externe, la recherche d’avantages à court terme peut être incompatible avec des orientations à long terme (ex. licenciement massif et stabilisation du collectif de travail). COMBINAISON ET ENCHAINEMENT DES OPTIONS La grille des option dynamiques (grille n° 2) ne va-t-elle pas supplanter la grille des options statiques (grille n° 1) ? Traitement unique ou différencié de la main d’œuvre. Dans certaines entreprises, divers statuts se mêlent pour les salariés. Par exemple : Tâches de nettoyage et d’entretien confiées à des salariés en régie dépendant d’un autre employeur. La coexistence de statuts différents peut conduire à opposer des mondes étanches, surtout si les horaires s’excluent. Dans d’autres entreprises, la construction se fait en cercle autour d’un ‘ noyau dur ’ de salariés qualifiés et protégés. Des groupes périphériques peuvent être gérés séparément avec des salariés de moins en moins protégés (CDD, intérimaires, sous-traitants, ...). Opportunités et contraintes de la segmentation des salariés. On note souvent des paradoxes entre les discours, les priorités unitaires sur la cohésion et les compétences du groupe de salariés, et les pratiques visant à segmenter et gérer séparément chaque salarié. Les hommes peuvent être traités comme des capitaux ou des portefeuilles d’activité dans une stratégie synergique. La coexistence de différents statuts au sein d’une même entreprise peut dépendre de 3 éléments : • clivages entre salariés de milieux sociaux et de formations différentes, • avantages de la division des salariés : gains de flexibilité et pressions sur le noyau dur, • inconvénients et limites de la démarche : inconvénients organisationnels (cohésion affaiblie, peu de communication horizontale, activités juxtaposées) et difficultés de motiver les salariés (frustrations, comportement de castes). Tentations conglomérale Les 8 options des 2 grilles, seules ou combinées, sont susceptibles d’être pratiquées dans les pays occidentaux via la segmentation des salariés. Le travail comme flux ne disparaît pas face au travail comme potentiel à développer. Les opportunités de l’option 1 peuvent être portées à l’extrême. Par exemple : La société NIKE, n° 1 de la chaussure de sport, qui délocalise sa production en Extrême-Orient et utilise la concurrence d’un réseau de sous-traitance (les salaires ne représentent que 0,2 % du prix d’une paire de chaussures). Firmes dominantes et dominées. La firme dominante est celle dont le poids et la capacité de payer sont tels qu’ils lui laissent la latitude de choisir la main d’œuvre et de fixer ses barèmes, les autres s’accommodant des restes et des tarifs. Les ententes peuvent être de divers types : • explicites lorsqu’un sous-traitant accueille des salariés de son donneur d’ordre (cas fréquent au Japon) ou lorsqu’un groupe de firmes finance ensemble la formation professionnelle dans leur spécialité, • implicites lorsque deux grosses firmes sur un même marché harmonisent discrètement leurs grilles salariales. ex. guerre des prix avec surenchères pour attirer certaines qualifications rares, firmes ‘barométriques’ qui fixent les tarifs auxquels les autres se conforment. Ruptures et continuités grille. Les évolutions depuis les année 70 font apparaître les options de la seconde Ÿ Ruptures. Elles peuvent être d’origines différentes. ex. RENAULT Billancourt, qui pour des raisons politiques a pratiqué une cogestion avec la CGT après la guerre et est devenue une vitrine sociale passage de l’option 2 à l’option 4. Ÿ Continuité. Les réseaux et districts sont parfois présentés comme du modernisme alors qu’ils s’enracinent dans des traditions anciennes. ex. Coutellerie de Thiers. Contingences sociétales Faut-il importer les pratiques japonaises ou copier le système dual allemand ? selon la position de l’intégration ‘ sociétale ’ les pratiques et les institutions concourant à la production et à la gestion de la main d’œuvre (formation, syndicats, embauches et licenciement, ...) forment un système. Les trajectoires nationales sont ainsi spécifiques et discontinues. Le principe d’évolution correspond aux cohérences et aux incohérences globales. Pour la juxtaposition ‘ culturaliste ’, les traits culturels nationaux exercent une grande influence sur les marchés du travail. Par exemple : le sens japonais de la collectivité s’oppose à l’individualisme français ; la discipline et la culture allemande s’opposent à l’abstraction et au ‘ système D ’ français. Le principe d’évolution correspond à la pression des processus économiques. Mais l’essentiel est la contingence. Selon le point de vue stratégique, les décisions d’aujourd’hui dépendent de celles d’hier et contribuent à façonner celles de demain. : elles sont tributaires de situations, de marges de manœuvre et d’irréversibilités historiquement datées. Dans le cas du Japon, les stratégies des ressources humaines et les relations professionnelles, clés des performances économiques de ce pays, résultent non pas d’un choix organisationnel général, mais d’une combinatoire économicoinstitutionnelle hétérogène. Ce sont les actionnaires, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui instaurent le syndicat comme un contre-poids au pouvoir des managers (‘ micro-corporatisme ’). Des catégories de main d’œuvre (femmes) sont exclues de ces arrangements. Cette argumentation débouche alors sur un diagnostic dynamique qui fait du modèle japonais un modèle évolutif. Les actionnaires affirment leur pouvoir, instaurent des contrôles financiers (‘ gestion verticale ’) et divisent les collectifs de travail par délocalisation. Le vieillissement des travailleurs contraint à embaucher des jeunes salariés qui ne sont pas issus du microcorporatisme. Dans cette gestion à ‘ l’horizontale ’, les possibilités de promotions vont devoir s’ouvrir pour ne pas générer de frustrations. La Suède a été un modèle de référence pendant les années 80 en matière de ressources humaines. L’égalitarisme entre hommes et femmes, les faibles taux de chômage et l’enrichissement des tâches ont été ses principaux succès. A la base, une cogestion particulièrement consensuelle (plus au niveau politique national et local qu’à celui des entreprises) avec : • un syndicalisme exceptionnellement fort et centralisé, • une politique de salaire très égalitaire • une politique active de l’emploi très interventionniste. Depuis les années 90, le dispositif a subi de fortes tensions avec des surenchères salariales et un processus de tertiairisation. Des emplois publics féminins ont été créés massivement pour constituer une soupape de sécurité. L’évolution atteint ses limites car la nécessité de freiner les déficits budgétaires a donné un coup d’arrêt à cette politique. La gamme des 8 stratégies ‘génériques’ en matière de ressources humaines permet de dépasser l’idée de simple marché interne ou celle de démarche ‘horizontale’ ou participative. L’analyse des décisions doit combiner les trajectoires et les possibilités de ruptures.