Les rêves - Editions Dangles

Transcription

Les rêves - Editions Dangles
L’AUTEUR
Marc-Alain Descamps est professeur
de psychologie et de yoga. En tant que
psychanalyste rêve-éveillé, il a pu aider
ceux qui sont venus en psychothérapie
travailler sur leurs rêves. Par le yoga,
il a eu accès à la dimension spirituelle du
rêve qui permet d’explorer le surconscient après l’inconscient.
Ayant voyagé dans tout l’Orient, dont
dix voyages aux Indes, il a séjourné chez
les peuples qui ont encore gardé la maîtrise de leurs rêves, comme les Sénoïs de Malaisie. Il présente une
nouvelle psychologie intégrant les techniques d’inspiration orientale.
Depuis son second livre « La Maîtrise des rêves » en 1983 il
fournit des possibilités d’atteindre des états de conscience amplifiés grâce aux voyages durant le sommeil.
www.europsy.org/marc-alain
ISSN : 1776-3622
ISBN : 2-7033-0649-0
© Éditions Dangles,
Escalquens (France) - 2006.
Tous droits de traduction, de reproduction
et d’adaptation réservés pour tous pays.
LES RÊVES
Les comprendre et les diriger
« Psycho-nova »
Une collection dirigée par Marie-France Muller
Du même auteur :
• Le Nu et le vêtement, Éditions Universitaires, 1972 ; 1975.
• La Maîtrise des rêves, Éditions Universitaires, 1983.
• Psychosociologie de la mode, PUF, 1979 ; 1984.
• L’Invention du corps, PUF, 1986.
• Vivre nu, psychosociologie du naturisme, Trismégiste, 1987.
• Qu’est-ce que le transpersonnel ?,
(avec Alfillé et Nicolescu), Trismégiste, 1987.
• Ce corps haï et adoré, Tchou/Sand, 1988.
• La Révolution transpersonnelle des rêves,
(avec Boucher et Weil), Trismégiste, 1988.
• L’Amour transpersonnel,
(avec MM. Davy et de Vitray-Meyerovitch), Trismégiste, 1989.
• Le Langage du corps et de la communication corporelle, PUF, 1989.
• Les Psychothérapies transpersonnelles,
(avec Cazenave et Filliozat), Trismégiste, 1990.
• Mystique et transpersonnel,
(avec Andrès, Pir Vilayat et Tarchin), Trismégiste, 1991.
• Art et créativité (avec J. Donnars, René Huyghe), Trismégiste, 1991.
• Corps et psyché, les psychothérapies par le corps,
Desclée de Brouwer, 1992.
• Corps et extase, Trédaniel, 1992.
• L’Éducation transpersonnelle,
(avec de Coulon, Dierkens, Fotinas), Trismégiste, 1992.
• La Vision transpersonnelle, (en collaboration), Dervy, 1995.
• La Dimension spirituelle en psychothérapie,
(en collaboration), Somatothérapies, 1997.
• Méditations et psychothérapie (en collaboration), Le Fennec, 1995,
Albin Michel, collection « Question de », 1999.
• Le Rêve éveillé, Bemet-Danilo, collection « Essentialis », 1999.
• Les Thérapies transpersonnelles, Bernet-Danilo, coll. « Essentialis », 1999.
• Marie-Madeleine Davy ou la liberté du dépassement (en collaboration),
Le Miel de la Pierre, 2001.
• Les Témoins de la lumière (en collaboration), Trismégiste, 2002.
• La Psychanalyse spiritualiste, Desclée de Brouwer, 2004.
• Histoire de Montalivet, Publimag, 2005.
• L’Éveil de la Kundalini, Alphée, 2005.
• Rencontres avec douze femmes remarquables, Alphée, 2006.
Marc-Alain DESCAMPS
LES RÊVES
Les comprendre et les diriger
diffusées et distribuées par D.G. DIFFUSION
Z.I. de Bogues
31750 ESCALQUENS
[email protected]
INTRODUCTION
Les rêves sont des énigmes.
Ils nous posent question, et parfois nous mettent à la question.
« En l’année 1525, entre le mercredi et le jeudi faisant suite au dimanche de Pentecôte, je vis pendant la nuit cette image dans mon
sommeil : un grand nombre de colonnes d’eau tombant du ciel. La
première toucha la terre à six kilomètres environ de moi avec une
force terrifiante, un bruit et une clameur formidable, noyant la terre.
Je fus envahi d’un effroi si insupportable que je me réveillai avant que
l’eau ne rencontrât de nouveau la terre. Et les eaux étaient tombées
en quantités très abondantes. Certaines tombaient plus loin, d’autres
plus près, et elles venaient toutes de si haut qu’elles semblaient tomber avec une égale lenteur. Mais quand la première colonne d’eau,
qui frappa la terre, approcha, elle tomba avec une rapidité, un souffle
et un rugissement tels que je me réveillai tellement effrayé que tout
mon corps tremblait, et pendant un long moment je ne pus pas reprendre mon calme. Aussi quand je me levai, je peignis ici ce que j’avais
vu. » Il faut dire que ce rêveur était le grand peintre allemand Albrecht
Dürer. S’agit-il d’un simple cauchemar ou bien d’une vision prophétique d’un cyclone ? Cela correspond-il à un événement extérieur ou
à une simple implosion à l’intérieur de sa psyché ? En tout cas de sa
peur le peintre a fait un tableau saisissant par une sublimation (Dieu
tire toujours le meilleur parti des choses, conclut-il.)
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Les rêves
Les rêves ont toujours intrigué l’humanité et pendant longtemps elle
leur a accordé la plus grande importance. Selon la Bible, toute l’histoire des Juifs est axée sur les rêves et leurs interprétations. Le dieu des
Juifs étant supérieur à tous les autres dieux, les Juifs vont toujours être
les meilleurs interprètes de rêves. Joseph, grand interprète des rêves,
doit sa fortune à ce qu’il donne le sens exact des rêves du panetier,
puis de l’échanson de Pharaon, enfin il avertit Pharaon lui-même des
risques de famine avec les rêves des sept vaches grasses et des sept
vaches maigres. (Genèse 40 et 41). Lors de l’exil à Babylone, Daniel
trouve le sens du rêve de l’arbre de Nabuchodonosor, qu’aucun devin
chaldéen ne parvenait à comprendre, mais il a dù retrouver lui-même
le rêve que le roi ne voulait pas dire ! (Daniel, IV, 16). L’aventure des
Hébreux commence avec le songe de l’échelle de Jacob à Béthel (Génèse, XXVIII, 10) et se continue avec Gédéon (Juges VII, 13), Salomon (Rois III, 5), Job (XXXVIII, 4 et Psaumes 42,9), etc. Yahvé dit :
« Écoutez donc mes paroles, s’il y a parmi vous un prophète, c’est en
vision que je me révèle à lui, c’est dans un songe que je lui parle. »
(Nombres XII, 6).
Les Évangiles voient toujours dans les songes des messages de Dieu.
Joseph veut répudier Marie, qui est enceinte : un ange du Seigneur lui
apparaît en songe et lui dit de la garder (Mathieu I, 18). Les trois Rois
mages « ayant été instruits en songe de ne pas revenir vers Hérode,
rentrèrent par un autre chemin » (Mathieu II, 13). De même « Après
qu’ils se furent retirés, voici qu’un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph disant : fuis en Égypte… Or Hérode étant mort, voici
qu’un ange du Seigneur apparut à Joseph en Égypte disant : lève-toi
et rentre » (Mathieu, II, 12, 13). Par la suite, il fallait commencer par
être circoncis pour devenir chrétien. Contre l’avis de Jacques, c’est
un rêve de Pierre qui va ouvrir le christianisme aux non-juifs non-circoncis (Actes des apôtres X, 10). Ensuite la victoire totale du christianisme pour devenir la religion officielle de l’État romain se fait en
l’an 312 par le rêve de la croix de Constantin le Grand.
Introduction
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À nouveau, Freud rend les rêves intéressants en montrant qu’ils disent la vérité cachée et qu’ils contribuent à guérir malaises et maladies. Les traumatismes engendrent ces cauchemars des enfants et de
certains adultes, car « l’enfant qui n’a pas grandi dort toujours quelque part dans la nuit de l’âme ».
Ainsi une question est posée avec ce rêve de la promenade.
« J’entre dans une vallée, de plus en plus sombre. Je ne vois plus le
ciel étoilé. Il y a une cascade qui tombe dans une sorte de lac… Maintenant il y a des forêts et des collines. Tout est pourri et visqueux. Je
dois grimper sur ces collines. On entend comme une musique, très
lente comme un tambour ou plutôt un tam-tam régulier. Il y a une
grotte mais je ne veux pas y entrer, cela suinte. Une araignée, une
araignée énorme, une mygale, avance vers moi. Dans la forêt il y a
des plantes carnivores et les corbeaux ont envahi le ciel. Le sol n’est
pas stable et il commence à s’effriter et à s’effondrer. C’est plein de
petits vers et de fourmis en colonnes. En haut il y a deux collines,
blanches, non, roses. Elles sont plutôt laiteuses. On dirait bien deux
énormes seins fermes. » En disant ces derniers mots le rêveur se demande s’il n’était pas un nain minuscule se promenant sur le corps
allongé de sa mère. Et par conséquent il va falloir sortir de cette régression, en comprenant pourquoi la mort de son père l’avait projeté
seul face à sa mère, devenue inconsciemment une mère-montagne,
comme pour Gulliver.
Un tout autre type de rêve est donné avec ce récit :
« J’avance vite et légèrement. Je cours de plus en plus vite et de plus
en plus facilement. Finalement je me rends compte que je ne marche
pas, je ne pose pas les pieds au sol. Je flotte à vingt ou trente centimètres au-dessus du sol. Alors je me retourne pour regarder le chemin
que j’ai parcouru. Et j’ai la surprise de voir une pelouse, partout où
je suis passé a fleuri une herbe verte, jeune et tendre. Le ciel est bleu
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Les rêves
et la lumière éclatante. Je suis stupéfait et heureux, mais personne
encore ne semble l’avoir remarqué. Je me suis réveillé plein de joie,
en forme pour toute la journée. » Là tout est simple et clair. Pas de
code, pas besoin d’interprétation, le songe se donne de lui-même. Les
couleurs y sont intenses, belles et transparentes. Tout y est net et inspire la confiance et la joie.
Doit-on distinguer et opposer les cauchemars et les songes ?
Pourquoi nous parle-t-on de rêves éveillés et de rêves lucides ?
Certaines visions viennent-elles de l’inconscient et d’autres du surconscient ?
Les psychanalystes peuvent-ils seuls nous expliquer ces rêves ou
bien pouvons-nous avec ce livre progresser à la rencontre de nousmême ?
Peut-on aussi apprendre à diriger ses rêves ? Plutôt que de les comprendre, il faudrait arriver à transformer ses rêves. Ce serait beaucoup
plus important. Ce projet, autrefois très secret, restait caché dans les
voies initiatiques, l’étude de ces diverses voies montre qu’elles se confirment et se complètent. Après allons-nous pouvoir construire notre
propre méthode synthétique ?
L’étude des états de conscience survigile a inauguré la psychologie
transpersonnelle dont ce livre est un des premiers chapitres. Pourquoi
rêvons-nous ? Pourquoi tous les êtres humains sont-ils organisés pour
rêver quatre ou cinq fois par nuit ? Les conséquences pratiques et théoriques sont encore insoupçonnées. La prise au sérieux du rêve peut-elle
tout changer, nous amener à transformer notre façon de vivre, à rénover
nos sociétés et nous révéler le sens de notre existence ?
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Première partie
PRESENTATION
DES RÊVES
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L’importance vitale du rêve
Le rêve est une autre vie qui accompagne toute notre vie.
Il ne nous quitte pas de la naissance à la mort.
C’est notre seconde vie qui constitue une double vie.
Quantitativement, à 70 ans,
nous aurons passé 5 ans à rêver et 23 ans à dormir.
E
n fait, le rêve occupe plus de la moitié de notre vie. Il constitue le monde mystérieux de la vie nocturne, le royaume de la
fantaisie, du ballet et du dérèglement, le prodigieux bal masqué
de l’obscurité. Le rêve est une source inépuisable de ravissement. Il est le cadeau et la récompense. C’est le suprême refuge
où autrui ne peut nous suivre. Là, nous sommes chez nous, entre
nous. Nous l’utilisons surtout comme processus de compensation. Tous nos échecs de la journée se rattrapent dans les rêves
de la nuit. En compensant, nous nous récompensons. Ce cadeau
inespéré nous fait sentir un avant-goût du bonheur véritable.
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Les rêves
Lorsque les yeux se sont fermés, les muscles relâchés, et que
le sujet pensant s’est assoupi, séparé en quelque sorte de son
corps, alors derrière les paupières closes s’allument les feux
d’une étrange fête. La claire conscience du jour s’est dissipée
pour faire place à l’imagination, la reine de ce bal à la fois interdit et masqué. Un kaléidoscope d’images vient tourner autour
de nous. Désormais tout est possible et les difficultés laissent
la place au succès. Tout ce que nous n’avons pas pu réussir se
déroule harmonieusement, conformément à nos vœux, dans un
tournoiement d’images, qui nous laisse éperdu de bonheur.
Mais il ne suffit pas de la nuit car le rêve, de plus, déborde
sur la vie diurne. Notre humeur du matin vient des rêves. Un
rêve heureux nous met de bonne humeur, sans que nous sachions
exactement pourquoi. Nos vœux les plus secrets et les plus profonds ont été comblés. Un cauchemar, même oublié, nous met à
plat pour la journée. Par-delà notre humeur, c’est notre caractère
et notre personnalité qu’il conditionne. Les rêves sont une part
de nous-mêmes. Nous sommes nos rêves. En toute rigueur, on
peut affirmer : « Dis-moi ce que tu rêves, je te dirai qui tu es. »
La psychanalyse nous le prouve tous les jours.
Pour le rêve, rien n’est trop grand, rien n’est trop petit. Il s’occupe des manifestations les plus insensibles de notre corps, mais
aussi il s’élève aux considérations les plus essentielles. Remettant sans cesse en question le sens de notre vie, il nous met continuellement en face du danger, du plaisir, de la souffrance, de
l’angoisse et de la mort.
Aussi, le langage porte-t-il trace de cette importance du rêve.
Lorsque l’on dit de quelqu’un « il en rêve », c’est qu’il s’agit
Présentation des rêves
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pour lui d’un désir ardent. Je m’exclame « je crois rêver » lorsque ce que l’on me propose est trop beau et comble mes attentes.
« Le rêve, quoi ! » : une vie de rêve est une vie de château. « Un
voyage de rêve, une maison de rêve » caractérisent ce qui nous
paraît parfait. Le rêve réalise la forme de l’idéal. Il symbolise le
bonheur. Rien n’est plus important qu’un rêve.
D’où vient le mot « rêver ? »
Et pourtant en français le verbe rêver est extrêmement
équivoque. Lorsque Rousseau écrit : « J’aime encore mieux rêver éveillé qu’en songe », il veut dire qu’il préfère faire des rêveries pendant la journée, du type des Rêveries d’un promeneur
solitaire, que d’avoir des rêves pendant son sommeil. Rêver peut
signifier avoir un rêve nocturne pendant le sommeil, faire une
rêverie, réaliser un rêve éveillé, imaginer ce qu’il y a de plus
beau, croire à l’impossible, etc. Les substantifs sont plus précis:
la rêverie se fait éveillé alors que le rêve a lieu pendant le sommeil. Freud oppose le rêve diurne (Tagtraum) au rêve nocturne
(Nachtraum); on devrait distinguer clairement le rêve éveillé, le
rêve endormi et la rêverie. La même distinction se fait dans le
verbe rêver, par les particules : rêver à, n’est pas rêver de. Rêver
à (l’avenir) se fait éveillé en principe dans la journée, alors que
rêver de (sa mort) a lieu dans le sommeil, en principe la nuit.
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Les rêves
L’étymologie du mot rêver révèle essentiellement son sens
dépréciatif. Rêver, c’est délirer, sortir du sillon. Celui qui rêve,
divague et extravague. Le mot rêve semble en effet venir du latin
vagus (vagabond, qui erre ça et là, à l’aventure), d’où le verbe
esver et resver au XIIIe siècle, « errer, aller ça et là pour son plaisir ».
La rêverie est l’errance de la pensée, une divagation extravagante. Mais le dictionnaire Littré rapproche l’anglais, to rave,
avoir le délire, le moyen haut-allemand reben, du latin rabies, la
rage, ou plutôt l’anglais to rove et le danois roeve, errer, vagabonder, avoir le délire. L’image de l’errant, du vagabond qui ne
sait où il va, traduirait donc le vécu du rêveur qui, désarmé, ne
sait plus où il va, et aussi le caractère décousu du rêve, qui erre
ça et là.
Il y a donc eu nettement glissement de sens. Et cela s’est fait
au dix-septième siècle et au dix-huitième siècle lorsqu’en français le verbe resver s’est mis à remplacer l’ancien songer qui
s’est affadi. Nous pouvons voir là une victoire du rationalisme
bourgeois qui dévalorise le songe. Car le mot songe est un terme
de la plus haute antiquité qui a toujours eu une résonance positive
ou emphatique. Le songe vient du sommeil, le mot songe vient
de somnium lié à somnus « le sommeil » (en provençal somne,
somje, songe), comme le français « assoupit » par le latin sopor
vient du grec upnos (pour swopnos) proche du sanskrit svapnah,
de la racine indo-européenne swep.
Ce n’est pas pour rien que pour les Grecs les Songes étaient
des divinités, fils du Sommeil, qui la nuit sortaient des Enfers
par la porte de corne (et les rêves par la porte d’ivoire) pour
Présentation des rêves
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pénétrer dans les demeures des hommes. Les songes sont donc
bien « les visions de la nuit ». « Je dors mais mon cœur veille »,
comme la bien-aimée du Cantique des cantiques (V. 2).
Ainsi, toute l’étymologie du rêve nous conduit à distinguer et
à opposer le rêve et le songe.
Les laboratoires de rêve
Jusqu’à maintenant le rêve n’était qu’un récit que quelqu’un
venait vous faire, en vous en demandant le sens. S’y ajoutait le
soudain souvenir de ce que j’avais pu rêver cette nuit. Grâce à
une série de découvertes récentes, il devient une donnée fondamentale de la psychophysiologie et des laboratoires du rêve se
créent partout.
Ces résultats considérables ont été précédés de longues recherches sur le sommeil et les niveaux de vigilance. L’éveil et le
sommeil d’un côté, le sommeil et le rêve de l’autre, fonctionnent
à partir de deux systèmes antagonistes. Il y a donc deux types
d’insomnie, l’une avec compensation ultérieure, l’autre non, et
deux types de trouble de l’éveil, l’un de somnolence sans rêve
avec envahissement du seul stade un du sommeil, et de l’autre
avec envahissement complet des cinq stades du sommeil.
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Les rêves
Il existe cinq stades du sommeil caractérisés chacuns par leur
type d’ondes :
A. Dit bêta, tracé d’éveil, yeux ouverts, ondes courtes rapi-
des de tension basse.
B.
Dit alpha, ou d’assoupissement, ondes de bas voltage,
sans fuseaux, plus hautes.
C. Sommeil léger, avec apparition de fuseaux sur fond d’on-
des de bas voltage et lentes.
D. Sommeil de transition ou moyen, avec ondes lentes delta
à haut voltage.
E. Sommeil profond ; les ondes delta occupent plus de la
moitié de l’enregistrement.
F. Sommeil rapide (I. REM), dit phase paradoxale car il y a
retour aux ondes bêta du tracé d’éveil, mais synchrones et précédées d’ondes en dents de scie.
Puis il a été possible de prouver que la phase paradoxale
correspondait à la période de rêve. Les vocalisations (gémissements, paroles...) se produisent pendant la phase paradoxale, et
vers la fin apparaissent les grands mouvements du corps, par
lesquels le dormeur change de position. Enfin le cycle des érections chez l’homme et chez la femme découvert par Ohlmeyer
en 1944 se situe toutes les 85 minutes et dure 25 minutes en
moyenne. Et surtout, pendant cette phase se situent des bouffées
Présentation des rêves
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de mouvements rapides des globes oculaires. Ils sont visibles
sous les paupières fermées. Un appareil d’enregistrement de ces
mouvements rapides, le R.E.M. (Rapid Eye Movement), fut réalisé en 1952. Les gens qui déclarent ne pas rêver sont donc des
personnes qui rêvent tout autant que les autres, mais oublient
plus rapidement leurs rêves par un processus de refoulement
plus important. En effet, l’expérimentation démontre que l’oubli
des rêves arrive très vite : huit minutes après la fin de la phase
paradoxale, il n’y a plus que 5 % des rêveurs qui se souviennent
d’avoir rêvé lorsqu’on les réveille. Nous avons là l’explication
du préjugé si répendu : « Moi, Monsieur, je ne rêve jamais. »
Tout le monde rêve et ceux qui ne s’en souviennent pas peuvent
retrouver progressivement le souvenir de leurs rêves, s’ils le désirent, avec les méthodes exposées ici.
Pour prouver de plus que la personne raconte bien le rêve
qu’elle était en train de faire pendant la phase paradoxale et les
mouvements oculaires, on produit des stimuli extérieurs (odeurs,
contacts, bruits divers...) et l’on vérifie qu’ils ont bien été intégrés dans le rêve.
Actuellement, la méthode a été perfectionnée, et l’on vient
d’aboutir à un véritable magnétoscope du rêve. Il s’agit d’un
appareil mis au point au Massachussetts Institute of Technology
à Boston (USA) qui permet de traduire visuellement les ondes
électroencéphalographiques, ce qui fournit le paysage mental du
rêve. Et l’on fait encore mieux avec les sortes d’IRM.
Ayant maintenant les instruments permettant de repérer et de
suivre les rêves, on a pu constater qu’ils se répartissaient régulièrement durant la nuit. L’étude du rythme nycthéméral (ou de
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Les rêves
24 heures) du sommeil a été faite avec précision chez le nourrisson et chez l’enfant. Durant les trois premiers jours, l’enfant dort
en moyenne 90 minutes puis s’éveille pendant 30 à 60 minutes,
jour et nuit. Ce rythme de base de 90 minutes par soudure des
périodes de la nuit va donner un sommeil continu de 22 heures à 7 heures du matin. Il va rester définitif sauf chez ceux qui
font la sieste l’après-midi (méditerranéens, hindous...). Ce n’est
que vers 10 ans que l’éducation parvient à séparer nettement en
deux la période de veille de celle du sommeil. La prolongation
du sommeil chez l’enfant de 12 ans et chez l’adulte n’est donc
qu’un multiple de ce rythme de base de 90 minutes.
En enregistrant tous ces rythmes, Kleitmann et Dement découvrirent que pendant huit heures de sommeil moyen, l’être
humain passe par quatre phases. En moyenne, on a la distribution suivante :
1. 90 minutes de sommeil + 10 minutes de R.E.M.
2. 90 minutes de sommeil + 20 minutes de R.E.M.
3. 90 minutes de sommeil + 24 minutes de R.E.M.
4. 90 minutes de sommeil + 36 minutes de R.E.M.
Pendant l’heure et demie de sommeil, nous passons successivement par les quatre stades du sommeil. Cela donne pour une
nuit une courbe d’allure sinusoïdale à quatre sommets correspondants aux quatre rêves. Normalement, tout être humain fait
donc 4 à 5 rêves par nuit soit 100 minutes en moyenne, et il est
impossible de rêver plus. Les Américains ont offert, en vain, aux
étudiants un dollar par quart d’heure de rêve en plus.

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