L`exit tax, source de complexité pour le
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L`exit tax, source de complexité pour le
L’exit tax, source de complexité pour le contribuable transférant sa résidence fiscale hors de France Par Stanislas Bocquet et Clément Rozant, avocats fiscalistes L’instauration du mécanisme de l’exit tax1 a considérablement complexifié les transferts de résidence hors de France de certains contribuables. Désormais, les contribuables visés par ce mécanisme qui ne respecteraient pas les nombreuses obligations imposées par ce mécanisme pourraient être imposés à raison des plus-values latentes constatées sur les titres détenus lors de leur transfert de résidence hors de France, et ce même en l’absence de cession des titres. Un suivi minutieux de la part du contribuable (ou de son conseil) est donc nécessaire. Les développements suivants mettent en lumière les principales difficultés pratiques posées par ce mécanisme. Un mécanisme destiné à éviter les transferts de résidence motivés par des raisons fiscales Le législateur, en instaurant le mécanisme de l’exit tax, a entendu lutter contre le schéma consistant, pour un résident fiscal de France, à transférer son domicile à l’étranger afin d’y céder son entreprise ou des participations dans des sociétés. En effet, ces transferts aboutissaient généralement à une exonération d’impôt tant en France qu’à l’étranger (la plupart des départs étant réalisés vers la Belgique, qui n’impose pas les plus-values privées). Le mécanisme de l’exit tax, permet ainsi à la France de conserver le droit d’imposer les plus-values latentes afférentes à certaines participations détenues par un contribuable qui transfèrerait son domicile fiscal hors de France, à condition que ce dernier ait été 1 Article 167 bis du code général des impôts. fiscalement domicilié en France pendant six des dix années précédant le transfert de son domicile à l’étranger. En pratique, le contribuable qui transfère sa résidence hors de France est considéré, par une « fiction fiscale », comme ayant cédé l’ensemble de ses titres (français ou étrangers) à leur valeur au jour du départ. Il sera donc imposé à raison de l’ensemble des plus-values latentes constatées à cette date. L’exit tax n’est cependant applicable que si le contribuable transférant sa résidence détient (seuls ou avec son foyer) une participation directe ou indirecte d’au moins 50 % dans les bénéfices sociaux d’une société (française ou non française) ou une ou plusieurs participations dont la valeur excède 800.000 euros2. Les autres biens détenus par le contribuable, par exemple des immeubles, ne sont pas dans le champ d’application de ce mécanisme. Ainsi, un contribuable dont la fortune serait exclusivement constituée de biens immobiliers sera hors du champ de l’exit tax. Sursis de paiement L’impôt ne sera cependant pas dû immédiatement, le contribuable bénéficiant d’un sursis de paiement automatique ou sur option. Le paiement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur la plus-value latente au jour du départ est ainsi différé en principe jusqu’à la date de la cession effective des participations concernées, ce différé de paiement étant obtenu d’office en cas d’installation dans un Etat de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010. En revanche, et il s’agit là de la première difficulté pratique, les contribuables transférant leur résidence hors de l’Union Européenne devront expressément demander à bénéficier du sursis de paiement auprès de la Direction des Résidents à l’Etranger et des Services Généraux. Ce sursis ne sera accordé que si le contribuable présente des garanties suffisantes permettant d’assurer le recouvrement de l’impôt (l’administration fiscale indique que ces garanties peuvent être constituées par un versement en espèces effectué à un compte d’attente au Trésor, par des créances sur le Trésor, par la présentation d’une caution, par des valeurs mobilières, des marchandises, par des nantissements de fonds de commerce…). La garantie la plus souvent proposée en pratique est un nantissement des titres sous exit tax, l’administration fiscale pouvant toutefois se montrer réticente à accepter des nantissements sur des titres étrangers (par exemple sur les titres d’un holding belge ou luxembourgeois)3. 2 L’imposition immédiate porte également sur la valeur des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix de cession de titres déterminés en fonction d’une indexation en relation directe avec l’activité de la société dont les titres sont l’objet du contrat. Sont également imposables immédiatement certaines plus-values en report d’imposition, report auquel le transfert du domicile à l’étranger met fin. 3 La constitution de garanties n’est pas exigé des personnes en mesure de démontrer que leur départ est motivé par des raisons professionnelles et que leur pays de destination est lié avec la France par une convention fiscale contenant une clause d’assistance au recouvrement, ce qui est le cas des Etats-Unis mais pas de Hong-Kong ou d’Israël par exemple. Détermination du montant de l’exit tax Il appartient au contribuable visé par le mécanisme de l’exit tax de déterminer le montant de l’impôt constaté lors du transfert de résidence, ce qui n’est pas sans poser de difficultés pratiques importantes. Comme nous l’avons rappelé ci-dessus, le contribuable qui transfère sa résidence hors de France est considéré comme ayant cédé l’ensemble de ses participations à leur valeur réelle au jour du transfert. L’exit tax est calculé en faisant la différence entre (i) l’impôt au barème sur une base incluant tous les revenus y compris les plus-values latentes4 et (ii) l’impôt au barème sur la base des revenus hors plus-values latentes. La détermination de l’exit tax implique donc un calcul complexe et précis (l’ensemble des revenus de l’année devant également être déterminés à la date du départ). Les abattements pour durée de détention sont applicables aux plus-values constatées lors dans le cadre de l’exit tax. L’exercice peut encore se complexifier en présence de produits structurés ou d’opérations de restructurations antérieures (apports, fusions…). Les plus-values imposables déterminées sont également soumises aux prélèvements sociaux au taux de 15,5% (sans application de l’abattement…). Les moins-values latentes existant au moment du transfert ne sont pas imputables sur les plus-values latentes. Cet exercice peut s’avérer délicat lorsque le contribuable détient plusieurs lignes de participation qu’il convient de valoriser. Détermination des titres visés par l’exit tax Selon les commentaires développés par l’administration5, les parts de sociétés à prépondérance immobilières non cotées n’entrent pas dans le champ d’application du dispositif, de même notamment que le gain d’acquisition attaché aux actions gratuites et actions issues de la levée d’options ainsi que les titres détenus dans un PEA. Les SICAV ont par contre été récemment inclues dans le mécanisme à l’inverse des titres détenus sur des contrats d’assurance-vie qui y échappent encore. Une difficulté pratique peut survenir afin de déterminer quelles sociétés peuvent être considérées comme étant à « prépondérance immobilière » (et donc non visés par l’exit tax). L’appréciation de la prépondérance immobilière des sociétés doit être effectuée au titre des trois derniers exercices clos. Il s’agit à cet égard de s’assurer que l’actif de la société est, à la clôture des trois exercices qui précèdent le transfert du domicile fiscal hors de France, constitué principalement, c'est-à-dire pour plus de 50 % de sa valeur de biens immobiliers qu’ils soient situés en France ou à l’étranger ou de droits portant sur des immeubles, non affectés à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole 4 Étant précisé qu’aucune compensation n’est possible entre les moins-values latentes afférentes à une participation et les plusvalues latentes constatées sur une autre participation ou d’autres plus-values quelle que soit leurs modalités d’imposition. 5 BoFip PVBMI-50-10-10-20 ou à l’exercice d’une profession non commerciale. Sont également pris en compte les titres de sociétés elles-mêmes à prépondérance immobilière inscrits à l’actif de la société dont le contribuable détient les parts. Selon nous, cette appréciation doit être effectuée par rapport aux valeurs réelles des biens immobiliers, et non pas selon leur valeur comptable, ce qui implique d’effectuer une valorisation des biens immobiliers et des autres actifs composant l’actif social de la société au cours des trois derniers exercices. Obligations déclaratives engendrées par l’exit tax Le mécanisme de l’exit tax s’accompagne d’obligations déclaratives annuelles dont le non-respect peut entrainer la déchéance du sursis de paiement obtenu par le contribuable. Le respect de ses obligations déclaratives est donc fondamental. En premier lieu, le contribuable, devant constituer des garanties, doit dans les 30 jours précédant son départ, déclarer le du montant des plus-values devenant immédiatement imposables6. Cette déclaration s’accompagne de la désignation d’un représentant établi en France autorisé par le contribuable à recevoir les communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de l’impôt. Il s’agit en pratique du comptable ou de l’avocat du contribuable. Il devra également constituer, avant le départ de France, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. L’année suivant le départ, tous les contribuables ayant transféré leur résidence fiscale devront joindre aux déclarations au titre des revenus perçus l’année du départ (2042, 2042 C) une déclaration 2074 ET7 . Les montants des plus-values et de l’impôt en sursis devront être reportés sur le formulaire 2042 C. L’ensemble des déclarations devra être déposé au service des impôts des particuliers dont le contribuable dépendait avant son départ.8 Par la suite, le contribuable sera tenu de déclarer annuellement les impôts en sursis en déposant au service des impôts des particuliers non-résidents les déclarations 2042, 2042 C et 2074 ET. Cette obligation est sanctionnée par l’exigibilité de l’impôt si le contribuable ne régularise pas sa situation dans les trente jours d’une mise en demeure de le faire9. Une fois encore, cette obligation déclarative n’est pas sans poser de difficultés pratiques. Ainsi, outre la difficulté inhérente à la détermination du montant des plusvalues, les formulaires déclaratifs sont souvent communiqués quelques jours avant l’échéance déclarative, ce qui empêche toute anticipation et nécessite une grande réactivité de la part du contribuable ou de son conseil. 6 La déclaration est réalisée sur un formulaire n°2074-ET. Cette déclaration est identique à celle déposée préalablement au transfert par les contribuables demandant le sursis de paiement 8 BoFip PVBMI 50-10-50 I A 2 9 BoFip PVBMI 50-10-50 II A et B 7 Fin de l’exit tax L’impôt en sursis est dégrevé lorsque le contribuable retransfère son domicile fiscal en France ou, en tout état de cause, au terme d’un délai de 15 ans (le dégrèvement concerne l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux). L’exit tax prend également fin en cas de donation des titres visés par le mécanisme. Le contribuable est toutefois tenu de démontrer que la donation n’avait pas pour objectif principal d’obtenir le dégrèvement de l’exit tax10. Les modalités pratiques afin de démontrer l’absence d’objectif fiscal restent floues, ce qui est source d’insécurité pour le contribuable. En tout état de cause, il conviendra de s’assurer que les titres donnés ne soient pas retransférés ultérieurement dans le patrimoine du contribuable. La survenance de certains évènement peuvent également mettre fin au sursis de paiement comme la transmission à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l’annulation des droits ou valeurs visés par l’exit tax ou si les obligations déclaratives mentionnées ci-dessus n’étaient pas respectées. Les nombreux évènements susceptibles de mettre fin au sursis invitent à la prudence en cas de restructuration du patrimoine du contribuable (fusions, transfert de siège, apport à une société…). De même, la réalisation d’une réduction de capital est susceptible de mettre fin au sursis de paiement ce qui peut être handicapant dans les schémas immobiliers (les liquidités de la société étant généralement appréhendées par cette voie en l’absence de résultat distribuable). Le taux d’imposition applicable lorsque il est mis fin au sursis reste celui en vigueur à la date du transfert du domicile hors de France. En revanche, l’assiette de l’imposition afférente aux plus-values latentes est recalculée lors de la survenance d’un événement mettant fin au sursis de paiement : Si la valeur des droits ou valeurs estimée à la date du départ est supérieure à leur prix ou valeur à la date d’expiration du sursis de paiement et si la plus-value constatée à la date de départ est supérieure à la plus-value effectivement réalisée, l’impôt et les prélèvements sociaux dont le paiement a été différé ne sont exigibles que dans la limite de son montant assis sur cette dernière plus-value. En cas de réalisation d’une perte, les impositions sont dégrevées en totalité. En cas de cession à titre onéreux, la durée de détention à l’étranger est prise en compte pour le calcul des abattements mentionnés ci-avant. Si un impôt est acquitté dans l’Etat de résidence du cédant lors de l’événement mettant fin au sursis de paiement, l’impôt étranger est imputable sur l’impôt définitif dû en France (prélèvements sociaux inclus), à proportion du rapport existant entre l’assiette 10 Cette preuve n’a pas à être apportée lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement définitive de l’impôt en France et l’assiette de l’impôt acquitté hors de France, dans la limite de l’impôt français. Une fois de plus, la détermination de la plus-value effectivement imposable en France est, à l’image de l’ensemble des étapes du mécanisme, source de difficultés pratiques importantes.