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Remise des insignes de Chevalier dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur à titre posthume à Enrique Morente Mardi 31 mai 2011 Résidence de France Madrid Chère Aurora, Chère Estrella, Chère Solea, Cher Enrique, Chers amis, C’est un moment exceptionnel qui nous réunit aujourd’hui, avec la famille et les amis d’Enrique Morente, pour rendre hommage à l’un des plus grands artistes de notre temps. Nous avions rendez-vous le 17 décembre dernier pour lui remettre les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur, l’ordre le plus prestigieux de la République Française. Le destin en a décidé autrement, le lundi 13 décembre. C’est donc autour de sa famille, avec les amis qui l’ont accompagné tout au long de sa vie, que je vais évoquer les raisons pour lesquelles Enrique Morente a été fait, de son vivant, Chevalier de la Légion d’Honneur, dont je vais remettre dans un instant les insignes à titre posthume à son épouse Aurora. Aurora, dont il a écrit, dans son propre « dictionnaire » publié par Miguel Mora dans La voz de los flamencos : ”Alborea, amanecer, la Aurora de Nueva York. Y luego está Aurora, la granaína del Rastro de Madrid, que habla mejor granaíno que los de Graná” ! 1. Les racines, la tradition Grenade, se sont bien sûr les racines d’Enrique Morente, né dans l’Albaicín. C’est là qu’il a commencé tout jeune à chanter et qu’il fut seise en la catedral de su ciudad natal. El canto y el cante. Ecoutons le : "El cante empieza a nacerle a uno de eso, de oír cantar a los demás en su pueblo, de oir cantar a la gente en su tierra. Grupos de gentes que los oyes que se reúnen en una taberna y que empiezan a cantar y que los oyes tú y que empiezas a cantar también: oyes que en las fiestas familiares todo el mundo canta y todo el mundo bebe, todo el mundo baila y...Aparte de eso, resulta que, claro, necesitas una técnica, necesitas una escuela, necesitas aprender. Para eso, lo que te hace falta...la principal ayuda es la afición; y después, el sentido para saber de quien hay que aprender y de que Fuentes, dónde está lo bueno. Entonces te vas." Version écrite Dès ses années d’apprentissage, Enrique Morente entreprend une recherche insatiable des sources les plus traditionnelles du flamenco, issues de la transmission orale. Il développe une connaissance encyclopédique de ces sources, de ces grands maîtres, mais en même temps, très jeune, il affirme sa propre voix, il trace son propre chemin, il explore sans cesse des voies nouvelles, en repoussant toujours plus loin les limites du flamenco. C’est une constante tout au long de sa vie, il n’a cessé d’allier la fidélité la plus forte et la connaissance la plus grande du patrimoine flamenco avec la création musicale et scénique la plus innovante. Le patrimoine, c’est d’abord Grenade, sa famille et des artistes comme Juanillo el Gitano, Cobítos ou les Habichuela, Aurelio de Cadiz, Antonio Chacón, Pepe de la Matrona, « Frasquito Yerbabuena », Rafael Romero « el Gallina »…Ils sont nombreux les maîtres, les cantaores prestigiosos qui ont inspiré « Enrique el Granaíno », comme on l’appelait, lorsque, très jeune, il vint à Madrid, où son talent fut rapidement reconnu dans les peñas flamencas, dans les tablaos comme le café de Chinitas, le mythique Zambra, le Candela. Parmi les autres lieux emblématiques, il faut aussi citer bien sûr l’Ateneo de Madrid en 1970 et le Club de música y Jazz San Juan Evangelista, del cual es nombrado en 1989 socio de honor. Chaque fois, Enrique Morente repousse les limites. Il déclare : “(…)me aburre cantar siempre igual y pienso que la ortodoxia hay que cogerla e inspirarse, desarrollarla para hacer cosas que inviten a hacer arte Nuevo” 2. La création sans frontières La exploración de nuevos escenarios para el flamenco es una constante en su carrera. Dès 1964, il chante en el Pabellón español de la feria mundial de Nueva York y en la Embajada española de Washington. Dès 1971, il fait une tournée au Mexique. En 1972 et en 1973 il revient à New-York. Au début des années 80, il a réalisé plusieurs “mano a mano” complices avec Camarón, il a créé des spectacles comme “La Celestina”, junto al pianista Antonio Robledo y la bailadora Suiza Susana Audeoud, avec eux il a aussi créé le ballet « Obsesion », estrenado por el Ballet Nacional de Canadá. Dès 1986, il entre au Teatro Real avec « La Fantasia del cante Jondo ». En 1988, il crée à Grenade el espectáculo “El loco romántico” basado el Quijote de Cervantes, también en el 1988 estrena su “Misa flamenca” y graba su primer disco con textos de Lorca en la Casa Museo de Federico Garcia Lorca. Il a multiplié les expériences scéniques, il a ravaillé, par exemple, avec José Luis Gomez pour « Edipo Rey ». Il ne cesse d’innover, en mêlant son art à la musique classique et contemporaine, au jazz, au rock, au tango et jusqu’à la musique électronique, en repoussant toujours plus loin les limites de l’expression du flamenco : “El arte no debe tener fronteras y el flamenco es una música viva, muy de hoy y que puede perfectamente entroncar con cualquier otros instrumentos del mundo.” Version écrite Il a travaillé avec des orchestres symphoniques, celui de Madrid en 1981, mais aussi avec l’orchestre marocain-andalou de Tétouan en 1990, avec des artistes africains et cubains, avec des compositeurs contemporains, comme Mauricio Sotelo, ici présent. Son disque et son spectacle "Omega", créés en 1996, et recréés en 2008, qui unit dans un même éclair de génie les poèmes de Federico Garcia Lorca, l’univers de Leonard Cohen et le rock sans concession de Lagartija Nick, marquent une étape sans précédent dans la création musicale espagnole et sans doute, mondiale. 3. La France Avec ce spectacle, présenté notamment au festival « Banlieues bleues », à Bobigny, mais aussi à Arles, aux Rencontres du Sud, il a su conquérir de nouveaux publics, en particulier en France. Car Enrique Morente a tissé des liens particulièrement étroits et profonds avec notre pays au sein de sa brillante carrière internationale, qui en fait un représentant universel du flamenco. Dès 1972, il chante à l’UNESCO à Paris, puis dès 1981 à l’Olympia. Sa « Misa flamenca » a été créée en France à l’Abbaye de Fontfroide. Il a donné de très nombreux récitals dans notre pays, en contribuant considérablement au développement de l’afición francesa, et au succès des grands festivals de flamenco de notre pays : à Mont-de-Marsan, à Nîmes, à Toulouse, à Perpignan, à Paris…brillent avec un éclat particulièrement fort la flamme, le culte d’Enrique Morente. Son disque édité en 2008 « Pablo de Malaga » est un hommage au Picasso poète qui est sans doute l’emblème le plus fort du dialogue artistique entre nos deux pays. Enfin, son film « Morente » réalisé avec Emilio Ruiz Barrachina, qui est encore en ce moment sur les écrans Madrilènes, rend un nouvel hommage à Picasso, à travers la figure de son ami républicain exilé en France, Eugenio Arias. J’espère que ce film sera distribué prochainement et aura du succès en France, car il nous rend palpable et proche la personnalité fraternelle, chaleureuse, inquiète, humaine, d’Enrique Morente. Pour toutes ces raisons, Enrique Morente a été fait Chevalier de la Légion d’Honneur et Aurora Morente Carbonel, Au nom du Président de la République et des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous remettons les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur d’Enrique Morente. Version écrite