Un bilan mitigé pour l`analyse financière

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Un bilan mitigé pour l`analyse financière
Un bilan mitigé pour l’analyse
financière indépendante
La MIF et l’« unbundling » n’ont pas tenu toutes leurs promesses.
Des initiatives ont vu le jour, mais on reste loin du big-bang annoncé.
par
Thierry Zakhia
L
’heure des bilans. Alors que cela fera bientôt cinq ans
que la directive européenne Marchés d’instruments
financiers (MIF) est entrée en vigueur et qu’une nouvelle mouture est en préparation, qu’en est-il aujourd’hui de
l’analyse financière indépendante ? La MIF avait introduit
une innovation, le partage de la commission de courtage qui
devait permettre la dissociation, pour tout ordre de
Bourse, de la rémunération
des services d’exécution de
la rémunération des services
Pierre-Yves Gauthier,
de recherche. Il s’agissait
stratégiste
ainsi de donner les moyens
d'AlphaValue
d’existence à des bureaux
de recherche indépendants.
« La transparence
AlphaValue a été l’un des
est
la meilleure preuve
premiers à se lancer dans la
d’indépendance. »
brèche en 2007 en France.
« Notre décision était motivée principalement par deux
raisons, explique le stratégiste Pierre-Yves Gauthier.
D’une part, la MIF créait une véritable opportunité en
ouvrant la voie à l’'unbundling', la commission partagée.
D’autre part, il devenait évident qu’une plus grande discipline
dans l’analyse financière était un facteur de différenciation
et pouvait créer des leviers. » Mais la société n’est devenue
vraiment opérationnelle qu’en 2009. « La réussite passe par
de lourds développements informatiques pour mettre en place
un système de production permettant d’accroître la productivité des analystes et la transparence dans leur travail, poursuit Pierre-Yves Gauthier. La transparence est la meilleure
preuve d’indépendance. » Aujourd’hui, AlphaValue compte
une équipe de 25 analystes ainsi qu’une dizaine de personnes
dans les fonctions supports. Elle couvre 460 sociétés européennes, parmi les premières capitalisations.
Des acteurs de niche
« Mais en France, tout comme dans un grand nombre de pays
européens, excepté AlphaValue, on n’a pas assisté à l’apparition
de nouvelles offres de recherche globale, mais plutôt à l’émergence
d’acteurs de niche, constate un professionnel. Un certain nombre
d’analystes très reconnus dans leur domaine ont franchi le pas
pour créer, seuls ou avec une petite équipe, une offre de recherche
indépendante sur un secteur en particulier (comme les biotechnologies, le pétrole ou les valeurs technologiques). » Les investisseurs
peuvent apprécier l’aide de ces spécialistes qui leurs apportent un
éclairage tant industriel que financier. « En effet, les gérants ont
déjà accès à une recherche financière pléthorique, mais ils ont
besoin de bien comprendre les rouages des métiers sur lesquels
ils investissent, poursuit ce professionnel. Mais il est difficile de
savoir s’ils arrivent à être rentables et s’ils pourront être pérennes. »
D’autres initiatives ont pu profiter de l’accent mis sur la
recherche indépendante, sans être pour autant concernés directement par la MIF. Il s’agit notamment de Spread Research,
un bureau de recherche crédit indépendant, fondé par Julien
Rerolle en 2004, soit avant
la MIF. Avec trois associés et
une dizaine d’analystes basés
à Lyon, il couvre trois univers distincts : le high yield
européen, les convertibles
européennes et les pays émergents. « L’investisseur paie la
recherche directement, indique
l’un des associés, Cédric
Rimaud. On peut bien entendu bénéficier de la commission
partagée, mais les clients ne
sont pas toujours au fait. En
effet, les transactions sur le
marché obligataire se font souvent de gré à gré, il n’y a donc pas de commissions explicites.
En revanche, c’est plus aisé sur les convertibles car il y a une
composante actions dans ces produits. »
DR
1
Source : World Federation of Exchanges
e
Une diversification nécessaire
Habitués à jongler avec les chiffres, les analystes indépendants
n'en sont pas pour autant prolixes à propos de leurs propres
chiffres. Peu d’entre eux s’adonnent à l’exercice, et souvent avec
parcimonie. Il faut néanmoins concéder que, à peine a-t-elle eu
ses moyens d’existence, l’analyse financière indépendante a souffert - comme l’ensemble des professions financières de la crise.
« Nous avons pris deux ans de retard avec la crise grecque mais
nous sommes bien partis pour atteindre le point mort en 2013 »,
reconnaît Pierre-Yves Gauthier. La crise aura aussi eu le mérite
de poser la question de la diversification. « Nous n’envisageons
pas d’accroître notre couverture avant d’équilibrer les comptes,
tient à préciser le directeur de la recherche d’AlphaValue. En
revanche, nous pouvons nouer des accords avec des partenaires
auxquels nous permettons de déployer notre modèle et nos logiciels sur d’autres régions géographiques. C’est déjà le cas avec
AlphaMena sur le Maghreb, mais cela peut être envisagé aussi sur
d’autres régions. » AlphaValue pourrait prochainement nouer
des partenariats commerciaux pour déployer sa recherche sur
d’autres marchés européens. Ces partenariats pourraient prendre
la forme d’accords cédant à un broker local le monopole de la
vente de la recherche d’AlphaValue. n
du 28 juin au 4 juillet 2012 / L’agefi hebdo
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