Ii ? la responsabilite des differents acteurs de l

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Ii ? la responsabilite des differents acteurs de l
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RESPONSABILITES EN MATiERE SPORTIVE- PRESENTATION GENERALE
Frédérique Roux
Résumé : En matière sportive, il n’existe pas de régime de responsabilité spécifique. Les principes
généraux de droit commun de la responsabilité s’appliquent. Les connaître est la condition pour mieux en
anticiper les conséquences. C’est ici l’occasion de brosser rapidement les grandes lignes des différents régimes
de responsabilités (privée, pénale, administrative)
PLAN
TITRE 1 : PRINCIPES
I. FONCTIONS
A – Responsabilité civile (privée et administrative)
B – Responsabilité pénale
II. CHAMP D’APPLICATION
A - Personnes physiques et personnes morales
B - Personnes privées et personnes publiques
III. DISTINCTIONS ESSENTIELLES
A – Responsabilité délictuelle, responsabilité
contractuelle
B – Compétence juridictionnelle
C – Recours en garantie
TITRE 2 : REGIME
I. RESPONSABILITE CIVILE (PRIVEE ET
ADMINISTRATIVE)
A – Eléments communs
1. Conditions
a) Fait dommageable
b) Dommage
c) Lien de causalité
2. Causes d’exonération
B - Eléments spécifiques
1. Procédure
a) Responsabilité privée
b) Responsabilité administrative
2. Délais d’action
C - Principaux régimes de responsabilité
1. Responsabilité de droit privé
a) Responsabilité contractuelle
b) Responsabilité délictuelle
2. Responsabilité administrative
II. RESPONSABILITE PENALE
A – Principes généraux
B – Principaux régimes
1. Personnes physiques
2. Personnes morales
III. GESTION DU RISQUE DE
RESPONSABILITE
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INTRODUCTION
X. Responsabilité., La diversification des pratiques sportives, la multiplication des
acteurs (sportifs, professionnels, associations, collectivités territoriales, etc.) et l’augmentation
du nombre des pratiquants ont contribué à faire évoluer la perception de l’accident, de la
fatalité à un évènement ayant une cause, donc un responsable susceptible d’en répondre.
X. Responsabilité. Définition. La responsabilité est l’obligation juridique d’assumer
les conséquences (personnelles : peine ; indemnitaires : dommages et intérêts) d’un
manquement à une obligation (civile ou pénale). Elle se traduit par l’existence de différents
régimes de responsabilité. Ces régimes peuvent être généraux (ex. art. 1382, c. civ. en droit
privé, v. infra) ou spéciaux à telle activité (ex. responsabilités professionnelles).
X. Responsabilité spécifique au sport. Non. En matière sportive, il n’existe pas de
texte spécifique général régissant les problèmes de responsabilité. Ce sont les règles générales
de la responsabilité administrative, de la responsabilité civile privée ou de la responsabilité
pénale, selon les cas, qui s’appliquent.
X. Sanction disciplinaire. Parallèlement aux régimes de responsabilité exposés, il
existe un type particulier de sanction d’un manquement à une obligation : la sanction
disciplinaire. Elle est encourue par les membres d’une personne morale (préposés,
représentants, membres d’associations, etc.) pour leur manquement aux règles internes de
fonctionnement de la personne morale (obligations de la fonction publique (CETAPS,
ETAPS), règlement interne des sociétés, associations, fédérations).
Il ne s’agit pas d’une responsabilité, au sens traditionnel. L’action n’est pas portée
devant le juge, elle relève de la commission disciplinaire compétente. La sanction est une
décision liée à la position de la personne poursuivie, au sein de la personne morale (blâme,
avertissement, mise à pied, exclusion, etc.). Il s’agit de réguler les relations au sein de la
personne morale et non de répondre d’un manquement à une obligation générale de conduite,
pas plus que de réparer le dommage de la victime, à la différence des autres régimes de
responsabilité.
TITRE 1 : PRINCIPES
I. FONCTIONS
A – Responsabilité civile (privée et administrative)
X. Responsabilité civile. Définition. La responsabilité civile consiste, pour la victime,
à faire reconnaître par le juge civil (c’est-à-dire, selon les hypothèses, par le juge judiciaire ou
par le juge administratif) qu’un dommage lui a été illégitimement causé et, qu’à ce titre, son
auteur lui en doit réparation, sous forme de l’allocation de dommages et intérêts. Cette somme
représente le montant estimé du dommage causé.
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X. Responsabilité privée. Responsabilité administrative. La responsabilité de droit
privée (généralement appelée responsabilité civile) et la responsabilité administrative ne
visent pas à la mise en cause des mêmes personnes (personnes privées, dans le premier cas,
personnes publiques, dans le second, v. infra). Leurs régimes diffèrent, mais de façon assez
marginale toutefois (v. infra). Néanmoins ces deux régimes de responsabilité ont en commun
leur objet : indemniser les victimes, sous la forme de l’allocation de dommages et intérêts.
Dans ce sens, ce sont deux régimes de responsabilité civile (délit civil), par opposition à la
responsabilité pénale (délit pénal et condamnation à une peine ; v. infra).
X. Fonctions. La responsabilité civile, qu’il s’agisse de la responsabilité privée ou de
la responsabilité administrative, remplit différentes fonctions. Elle permet de désigner un
responsable qu’elle punit (fonction répressive). En condamnant ce dernier à des dommages et
intérêts, elle assure la réparation du dommages causé (fonction indemnitaire). L’ensemble des
décisions rendues en matière de responsabilité civile permet aux différents acteurs de
connaître les limites au-delà desquelles ils sont juridiquement et financièrement redevables
envers les tiers (fonction normative). Elle induit alors des comportements de prévention chez
les responsables potentiels (fonction préventive).
X. Fonction répressive. Dans le droit de la responsabilité civile, la sanction prend la
forme de la reconnaissance d’une faute, c’est-à-dire d’une condamnation juridique et morale
de l’auteur d’un dommage considéré comme inacceptable. Cette stigmatisation du responsable
est la manifestation de la fonction de désignation et de répression des comportements
gravement illicites, qui incombe à la responsabilité. Toutefois, lorsqu’une responsabilité est
assurée, la sanction matériellement constituée par le paiement de dommages et intérêts, n’est
plus supportée par l’assuré, mais par son assureur et perd alors sa portée répressive.
X. Fonction indemnisatirice. La responsabilité civile a pour fonction d’assurer la
réparation intégrale des dommages et intérêts en allouant des dommages et intérêts aux
victimes. Elle touche les personnes dans leur patrimoine. La responsabilité civile, qu’elle soit
administrative ou privée, est aujourd’hui soumise à l'impératif d’une indemnisation toujours
plus généreuse des victimes, dans son montant et dans les préjudices réparés.
X. Principe de réparation intégrale. La mise en jeu de la responsabilité donne lieu à
la réparation intégrale du/des dommage(s) par son/leur(s) auteur(s) (v. art. 1149, c. civ.).
C’est-à-dire que les dommages et intérêts doivent permettre de réparer l’intégralité des
préjudice causés. Sont réparables, non seulement les dommages directement subis par la
victime, mais aussi les dommages qui atteignent son entourage (victimes « par ricochet »).
X. Fonction normative. Imposer une obligation de réparer revient toujours à exiger
un certain niveau de prudence pour l’avenir et à poser les limites des différentes activités
humaines. Les règles de la responsabilité civile provoquent une adaptation du comportement
et édifient ainsi progressivement une “ déontologie ” des activités, en portant à la
connaissance de chacun le contenu et les limites de ses droits et devoirs. Dans le domaine
sportif, la responsabilité permet de déterminer et de poser publiquement les règles de droit et
donc de conduite que doivent suivre pratiquants, aménageurs, professionnels, propriétaires,
collectivités territoriales, etc.
X. Fonction préventive. La connaissance de la règle ainsi posée et la volonté
d’échapper à sa sanction, incitent les acteurs à adopter des comportements qui lui soient
conformes et à tenter de maîtriser les causes de réalisation des accidents par l’adoption de
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mesures préventives (entretenir les sites, informer les pratiquants, aménager la responsabilité
par contrat, souscrire les assurances adéquates, etc., v. infra).
B – Responsabilité pénale
X. Responsabilité pénale. Définition. Cette responsabilité a une fonction de
répression. Elle a pour objet de désigner, juridiquement et socialement, un coupable qu’il
convient de punir, notamment en lui infligeant une amende ou une peine privative de liberté.
Elle touche les personnes dans leur individualité et limite, pour des raisons d’ordre public,
certains droits fondamentaux (liberté d’aller et de venir, en particulier). Elle a pendant
longtemps visé les seules personnes physiques.
X. Amende. La responsabilité pénale est radicalement différente de la responsabilité
civile. En particulier, le coupable est condamné, non au paiement de dommages et intérêts,
mais à celui d’une amende. Les sommes collectées alimentent les caisses de l’Etat et ne sont
pas destinées à la victime.
X. Réparation. Double action. La condamnation pénale n’exclut pas l’indemnisation
des dommages causés par l’accident dont l’infraction pénale a été la cause. La victime peut
donc obtenir du coupable, en plus de sa condamnation pénale, des dommages et intérêts. Pour
ce faire, elle devra se tourner vers le juge civil et engager une procédure civile contre lui
(action en responsabilité civile) (TI ou TGI, pour les personnes privées ; tribunal
administratif, pour les personnes publiques).
Toutefois, dans un souci de bonne administration de la justice, le juge pénal peut,
lorsqu’il s’agit d’une personne privée, se prononcer sur les conséquences civiles (dommages
et intérêts) et sur la responsabilité pénale de la personne poursuivie, dans la même instance (il
agit alors comme un juge civil) (art. 3, c. procéd. pén.).
II. CHAMP D’APPLICATION
A - Personnes privées et personnes publiques
X. La responsabilité civile (privée et administrative), comme la responsabilité pénale
peuvent viser les personnes privées (personnes physiques ou personnes morales) et les
personnes publiques (qui sont toujours des personnes morales). Les personnes physiques,
aussi bien que les personnes morales, possèdent un patrimoine (le patrimoine, au sens
juridique, est la capacité à avoir des dettes et des créances), permettant de répondre au
paiement de dommages et intérêts.
B - Personnes physiques et personnes morales
X. Responsabilité civile. La responsabilité civile (privée et administrative) peut être
prononcées à l’égard de personnes physiques (personnes privées), comme de personnes
morales (personnes privées et publiques). Parmi les personnes physiques qui peuvent être
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l’objet de poursuites, dans le domaine sportif, on peut mentionner : l’équipeur privé, les
propriétaires privés des sites sportifs, les professionnels indépendants ; parmi les personnes
morales de droit privé : les fédérations et les associations sportives, les sociétés et parmi les
personnes morales de droit public : l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements
publics.
X. Action en responsabilité civile. Personne morale. Lorsqu’un accident survient
dans le cadre d’une activité organisée par une personne morale (association, fédération,
société, collectivité territoriale, etc.), la responsabilité est en principe celle de la personne
morale, elle-même. La victime doit donc poursuivre la personne morale, en tant que telle,
devant le juge. La personne morale est alors redevable sur son propre patrimoine (budget).
X. Responsabilité pénale. Personnes morales. La responsabilité pénale a longtemps
été considérée comme inapplicable aux personnes morales. Mais depuis 1994, celles-ci
peuvent voir leur responsabilité pénale engagée (sociétés, collectivités territoriales, etc., art.
121-2, c. pén.). Un aménagement est prévu afin d’adapter certaines peines, comme
l’emprisonnement, aux personnes morales (ex. dissolution d’une société, fermeture d’un
établissement sportif, à la place d’une peine privative de liberté).
X. Responsabilité pénale. Personnes publiques. Le champ d’application de la
responsabilité pénale s’étend aux collectivités territoriales. Toutefois, la responsabilité pénale
personnelle de l'élu et de l’agent public n’est pas engagée dans les mêmes conditions que celle
de la collectivité territoriale, elle-même.
X. Texte. « Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement (...) des
infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants », (art. 121-2, al. 1, c. pén.).
X. Responsabilité personnelle. Préposé/agent/représentant. Personne morale. La
personne poursuivie est, en principe, la personne morale (collectivité territoriale,
établissement public, société, etc.) et non l’agent/le préposé/le représentant qui est, le cas
échéant, à l’origine du dommage. Ce dernier pourra cependant aussi voir sa responsabilité
pénale mise en cause ; la victime devra agir contre lui, personnellement.
La mise en cause de la responsabilité personnelle du représentant ou de l’agent/le
préposé d’une personne morale est exceptionnelle. Elle est limitée aux hypothèses où la faute
de ce dernier n’est plus en relation avec ses fonctions :
- faute personnelle de l’agent public ou du représentant de la personne publique,
- abus de fonction du salarié,
- faute pénale personnelle de l’agent/du représentant de la personne morale.
Dans certaines hypothèses, la personne morale garantit l’indemnisation de la victime
(responsabilité de première ligne). Il lui est alors possible, à certaines conditions, de se
retourner contre la personne ayant matériellement commis la faute (v. infra).
X. Exemple. Un agent communal qui blesserait un pratiquant, en procédant à l’entretien d’un site
sportif, engagerait la responsabilité de la commune, personne morale, et non sa responsabilité personnelle.
III. DISTINCTIONS ESSENTIELLES
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A – Responsabilité délictuelle, responsabilité contractuelle
X. Responsabilité contractuelle. Personnes privées. Cette responsabilité sanctionne
le non-respect d’un engagement contractuel par l’une des parties, c’est-à-dire l’inexécution ou
la mauvaise exécution des clauses du contrat que l’on a signé.
X. Exemple. Une association qui ne respecterait pas ses engagements (interdiction d’aller sur certaines
zones de la parcelle, obligation de laisser les lieux propres, etc.) vis-à-vis du propriétaire, avec qui elle a passé
une convention d’usage, pourrait voir sa responsabilité contractuelle engagée (art. 1134 s., c. civ.).
X. Responsabilité contractuelle. Personnes publiques. Les usagers des services
publics (ex. le sportif, utilisateur d’un équipement sportif mis en place par une personne
publique) ne sont pas dans une relation contractuelle avec la personne publique organisatrice.
Ils sont, à son égard, dans une situation « légale et réglementaire », c’est-à-dire que la
personne publique peut leur imposer des obligations nécessaires au bon fonctionnement du
service public, par voie de décision réglementaire (acte administratif).
X. Illustration. Les relations contractuelles des personne publiques recouvrent, essentiellement, la
passation des marchés publics (travaux, fournitures, services) et la délégation des services publics (concession,
affermage, régie intéressée, etc.). Cette dernière catégorie est utilisée pour la gestion de certains sports, sous
forme de service public local, par les collectivités territoriales.
X. Responsabilité délictuelle. Elle est la sanction du non-respect du devoir général
qui incombe à chacun de ne pas causer de dommage à autrui : la violation de cette règle
engage la responsabilité délictuelle de son auteur, qui commet un délit civil (art. 1382 à 1386,
c. civ.).
X. Application cumulative. Non. La responsabilité délictuelle sanctionne toutes les
hypothèses dans lesquelles la responsabilité n’est pas due à l’inexécution d’une obligation
contractuelle. Autrement dit, lorsqu’il existe un contrat, l’action de la victime devra être une
action en responsabilité contractuelle ; une action en responsabilité délictuelle serait
irrecevable.
B – Compétence juridictionnelle
X. Responsabilité civile. Selon que la personne poursuivie est une personne privée ou
une personne publique, le juge et le régime de la responsabilité civile ne seront pas
les mêmes.
X. Responsabilité privée. La responsabilité civile des personnes privées est
prononcée par le juge judiciaire (juge de proximité, TI ou TGI, selon les montants en jeu, cour
d’appel, cour de cassation). Dans certaines hypothèses, le juge pénal peut se substituer au juge
civil et prononcer une peine civile, c’est-à-dire allouer des dommages et intérêts à la victime
(v. supra).
X. Responsabilité administrative. La responsabilité civile des personnes publiques,
qui s’appelle responsabilité administrative, doit être recherchée devant le juge administratif
(tribunal administratif, cour administrative d’appel et conseil d’Etat).
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Certaines personnes privées qui agissent sur les ordres d’une personne publique
(mandat) peuvent engager leur responsabilité devant le juge administratif (responsabilité
administrative) (ex. dans le cas de mandataires d’une personne publique ou de dommages de
travaux publics).
X. Exemple. Une entreprise, qui équipe un site sportif pour le compte d’une collectivité, participe à une
opération de travaux publics. Sa responsabilité administrative peut être recherchée devant le TA
X. Responsabilité pénale. La responsabilité pénale est prononcée par un juge pénal
ou juge répressif : tribunal de police ou juge de proximité (contraventions), tribunal
correctionnel (délits), cour d’appel, cour de cassation et cour d’assises et cour d’assises
d’appel (crimes). Les personnes physiques, comme les personnes morales (privées ou
publiques) relèvent de la compétence du juge pénal.
C – Recours en garantie
X. Responsables. Pluralité. Responsabilité civile. Lorsqu’un dommage causé à une
victime est dû au fait de plusieurs responsables (les coresponsables), sa charge (les dommages
et intérêts) peut être partagée entre eux. Les modalités du partage de la responsabilité relèvent
du pouvoir souverain du juge. Il répartit la charge finale de la dette en fonction, soit des
stipulations contractuelles, soit de la part respective de chaque coauteur dans la réalisation du
dommage.
X. Coresponsabilité. Mécanismes de partage. Selon les régimes de responsabilité
invoqués, cette répartition n’obéit pas aux mêmes règles. La victime, qui a identifié plusieurs
responsables possibles de son dommage, peut se trouver dans deux situations procédurales
différentes.
X. Canalisation des poursuite. Dans certains régimes de responsabilité, la victime
peut agir contre un seul responsable (et son assureur), qui l’indemnisera pour tout son
dommage (action principale), charge à ce dernier de se retourner contre le co-responsable.
Une personne (un patrimoine) va supporter, dans un premier temps, toute la charge de la
réparation (obligation à la dette). La répartition définitive de la charge de la dette entre les
coauteurs se fera, dans un second temps (contribution à la dette), par le jeu des actions en
paiement (action récursoire et action subrogatoire).
X. Action en paiement. Si le responsable poursuit le coresponsable dans un autre
procès, il fera une action en paiement (action récursoire ou, dans le cas de l’assureur, action
subrogatoire). Ce régime est très protecteur des victimes, puisque c’est leur intérêt
(l’indemnisation complète et rapide de son dommage) qui prime. Ce mécanisme peut être mis
en oeuvre, s’agissant d’une responsabilité privée (condamnation in solidum des coauteurs) et
de certaines responsabilités administratives (rôle de « garant » parfois joué par les personnes
publiques, ex.).
X. Action récursoire. « Le codébiteur d’une dette solidaire, qui l’a payée en entier, ne peut répéter
contre les autres que la part et portion de chacun d’eux » (art. 1214, c. civ.).
X. Action subrogatoire. « La subrogation dans les droits du créancier au profit d’une tierce personne
qui le paye est conventionnelle ou légale » (art. 1249, c. civ.).
« Lorsque le créancier recevant son paiement d’une tierce personne la subroge dans ses droits, actions,
privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le
paiement » (art. 1250, c. civ.).
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X. Action en garantie. Le responsable peut poursuivre le coresponsable dans le même
procès : il l’appelle en garantie (appel en garantie). Le juge pourra répartir la charge de la
dette entre les coresponsables, dans la même instance.
X. Division des poursuites. Les régimes de responsabilité peuvent imposer à la
victime de diviser ses poursuites, c’est-à-dire d’agir, contre chacun des responsables, pour
leur part respective dans le dommage. Lorsque la victime doit poursuivre chacun des
responsables, séparément, pour obtenir la réparation de son dommage, son action est alors
plus aléatoire, puisqu’elle doit établir la responsabilité de chacun et obtenir d’eux le paiement
des dommages et intérêts.
X. Choix. Responsabilité privée. En matière de responsabilité délictuelle de droit
privé, la condamnation des coauteurs in solidum est en principe possible. Elle est la solution
la plus avantageuse pour la victime, à qui elle permet de se tourner vers celui d’entre eux qui
est le plus solvable (ou le mieux assuré), charge à lui de se retourner contre le coresponsable.
En revanche, la solidarité contractuelle ne se présume pas ; elle n’existe que lorsqu’un
texte spécial la prévoit.
X. Choix. Responsabilité administrative. En droit administratif, la victime aura
intérêt à diriger son action contre la personne publique (personne morale), celle-ci constituant
un patrimoine solvable. Le droit administratif organise parfois, dans un but de protection des
victimes, des régimes de responsabilité dans lesquels la personne publique agit comme
« garante » et indemnise le dommage, puis se retourne contre le coresponsable ou contre le
responsable définitif, selon le cas. Ce mécanisme de solidarité joue lorsque la responsabilité
encourue est une responsabilité sans faute de la personne publique. Il est exclu en matière de
responsabilité pour faute
X. Exemple. Option d’action. Oui. En matière de travaux publics, la notion d'auteur du dommage
contre qui la victime doit diriger sa demande de réparation est entendue par la jurisprudence de façon extensive,
l'idée étant de favoriser l'action en justice de la victime et la réparation des dommages subis. La victime a,
souvent, le choix entre plusieurs personnes publiques ou privées, qui toutes peuvent être déclarées responsables
de tout son dommage. Plusieurs hypothèses doivent être distinguées :
Dans le cas de dommages provoqués par l'exécution de travaux ou à un défaut dans l'aménagement ou
l'entretien des équipements posés, par une collectivité publique, que celle-ci soit maître d’œuvre (elle exécute
elle-même les travaux), maître d’ouvrage (elle commande l’exécution des travaux) ou les deux : la victime peut
toujours agir, pour tout son dommage, contre la collectivité publique. La victime peut, sinon, choisir d’agir pour
le tout contre l'entrepreneur. Elle peut également agir concomitamment contre l’entrepreneur et contre la
collectivité (maître de l'ouvrage).
X. Exemple. Option d’action. Non. Ce n’est que dans l’hypothèse où les dommages de travaux publics
sont liés à un ouvrage concédé que la victime ne peut agir que contre le concessionnaire (c’est-à-dire la personne
privée qui exploite le service). Par exemple, si une commune confie à un concessionnaire l’exploitation d’un site
sportif, le sportif blessé devra rechercher la responsabilité du concessionnaire et non celle de la commune. La
responsabilité du concédant (la personne publique) ne peut être engagée qu’à titre subsidiaire, en cas
d’insolvabilité du concessionnaire.
TITRE 2 : REGIME
X. Différences de régime. Les règles essentielles de la responsabilité privée et de la
responsabilité administrative, d’une part, et celles de la responsabilité pénale, d’autre part, ne
sont pas les mêmes, notamment du fait des différences de fonctions de ces régimes
(indemnisation ou répression).
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I. RESPONSABILITE CIVILE (PRIVEE ET ADMINISTRATIVE)
X. Mise en oeuvre. Conditions. Certaines conditions juridiques doivent être remplies
pour qu’une responsabilité civile puisse être engagée : existence d’un fait générateur du
dommage, d’un dommage et d’un lien de causalité entre eux. Ces conditions sont quasiment
identiques, qu’il s’agisse de la responsabilité privée ou de la responsabilité administrative.
A - Eléments communs
1. Conditions
a) Fait dommageable
X. Principe général. Fait générateur du dommage. Une responsabilité ne peut être
engagée que s’il existe un événement qui a provoqué ou qui a participé à la réalisation du
dommage. Ce fait générateur peut être fautif (ex. responsabilité privée du fait personnel, art.
1382, c. civ. ; responsabilité administrative pour mauvais fonctionnement du service public)
ou non fautif (ex. responsabilité privée du fait des choses, art.1384, al. 1, c. civ. ;
responsabilité administrative pour dommages de travaux publics causés aux tiers).
X. Responsabilité contractuelle. Inexécution contractuelle. La responsabilité
contractuelle peut être engagée, par un contractant à l’encontre de son cocontractant, en cas
d’inexécution d’une obligation contractuelle. Dès lors, la question principale est celle de la
détermination du contenu et de la portée de l’obligation, dont l’inexécution est à l’origine de
l’action en justice.
X. Responsabilité contractuelle. Obligation de moyens. Obligation de résultat.
Deux catégories d’obligations contractuelles sont généralement distinguées : les obligations
de moyens et les obligations de résultat. La différence tient à l’intensité de ce qui est attendu
du cocontractant : dans le premier cas il est tenu d’atteindre un résultat déterminé. Dans le
second, il doit tout mettre en oeuvre pour atteindre ce résultat.
X. Exemple. Un exploitant de centre hippique n’est, en principe, tenu que d’une obligation de moyens à
l’égard des cavaliers. En cas de survenance d’un accident, la victime doit rapporter la preuve que tous les
moyens n’ont pas été mis en oeuvre pour éviter la réalisation de l’accident (obligation de moyens, v. cass. civ.
1ere, 12 fév. 1980, JCP, 1980, IV, p. 168).
En revanche, l’exploitant de bobsleigh est tenu d’une obligation de résultat, pour ce qui concerne la
sécurité de ses clients, ces derniers n’ayant aucune maîtrise de l’engin utilisé. Le simple fait que le client ait été
blessé, pendant le parcours, suffit à engager la responsabilité de l’exploitant (obligation de résultat, v. cass. civ.
2eme, 17 mars 1993, JCP, 1993, IV, p. 1317).
X. Autres obligations contractuelles. L’inexécution peut concerner tout type
d’obligation contractuelle. En particulier, la jurisprudence « découvre » parfois des
obligations, qui ne figuraient pas expressément dans le contrat, mais dont le non-respect est
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néanmoins susceptible d’engager la responsabilité contractuelle du contreventant : ainsi, les
obligations de sécurité, d’informations ou de conseil.
X. Exemple. Obligation d’information. Le professionnel qui n’informerait pas correctement son client
de l’étendue des risques que présente l’activité et/ou le parcours qu’ils vont entreprendre, pourrait engager sa
responsabilité contractuelle pour n’avoir pas rempli l’obligation d’information à laquelle il est tenu, vis-à-vis de
son client.
X. Responsabilité délictuelle. Faute civile. La faute n’est pas précisément définie par
notre droit. Sans entrer dans le détail de la définition de la faute selon le type de responsabilité
recherchée, il est possible de caractériser la faute civile comme un manquement à une
obligation préexistante, c’est-à-dire le fait de ne pas se comporter, dans une situation donnée,
en « bon père de famille », comme une personne diligente et soigneuse.
En matière de responsabilité privée, aucune différence n’est opérée entre les catégories
de fautes : même la faute la plus légère est de nature à engager la responsabilité de son auteur.
Par ailleurs, le fait que la faute soit intentionnelle ou qu’elle résulte d’une simple négligence
ne modifie pas l’obligation de réparation qui incombe à son auteur. La gravité de la faute ne
modifie donc pas l’étendue de la réparation.
Elle peut cependant avoir des conséquences annexes : par exemple, une faute
intentionnellement causée est une cause d’exclusion de la garantie de l’assureur (c’est-à-dire
que les dommages et intérêts, dus par le responsable, ne seront pas pris en charge par son
assureur ou que le bien intentionnellement détruit ne sera pas remboursé par lui).
Le droit administratif distingue, lui, la faute simple de la faute lourde, cette dernière
étant exigée, dans certains cas assez exceptionnels, pour engager la responsabilité de la
personne publique. Les hypothèses de faute lourde ne jouent aucun rôle en matière sportive et,
d’une manière générale, elles tendent à disparaître en droit administratif.
X. Faute civile. Faute pénale. Lien. Les fautes civiles sont beaucoup plus
nombreuses que les fautes pénales. Les premières sont d’application générale, dès lors que les
conditions (fait dommageable, dommage, causalité) sont réunies. Les secondes ne peuvent
être retenues que lorsqu’un texte spécial prévoit leur répression (principe de légalité des
peines, v. infra).
Corollairement, toutes les fautes civiles ne constituent pas des fautes pénales. En
revanche, toute faute pénale est également une faute civile. Celle-ci pourra donner lieu à
réparation, si les trois conditions de la responsabilité civile sont réunies. En effet, toutes les
infractions pénales ne causent pas des dommages (ex. tentative manquée, mise en danger de la
vie d’autrui, etc.).
X. Action civile. Option d’action. La victime d’une infraction pénale dont a
également résulté un dommage peut porter son action civile, soit devant le juge civil (TI ou
TGI), soit devant le juge pénal (essentiellement tribunal correctionnel ; v. art. 2, 3 et 4, c.
procéd. pén.). Le choix de porter l’action devant le juge pénal peut être avantageux pour la
victime. Dans ce cas, ce sera en effet le ministère public (ou le juge d’instruction) qui sera
chargé de rassembler les preuves. En outre, la victime n’aura pas à introduire deux actions
séparées (au civil et au pénal), mais pourra se limiter à saisir le juge pénal.
Le prononcé d’une indemnisation par le juge pénal suppose toutefois qu’une infraction
pénale soit constituée et qu’elle entraîne la condamnation du coupable. En cas de relaxe, de
non-lieu ou d’irrecevabilité, la victime devra se tourner vers le juge civil (TI, TGI). Une
exception est cependant admise par la loi, pour les infraction pénales non-intentionnelles, qui
peuvent, même si l’action pénale est rejetée, donner lieu à l’indemnisation des conséquences
civiles (art. 470-1, al. 1, c. procéd. pén.). En effet, l’absence d’infraction pénale ne signifie
pas l’absence de délit civil réparable.
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X. Texte. « Le tribunal saisi, à l'initiative du ministère public ou sur renvoi d'une juridiction
d'instruction, de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle au sens des deuxième, troisième et
quatrième alinéas de l'article 121-3 du code pénal, et qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la
demande de la partie civile ou de son assureur formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en
application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la
poursuite.
Toutefois, lorsqu'il apparaît que des tiers responsables doivent être mis en cause, le tribunal renvoie
l'affaire, par une décision non susceptible de recours, devant la juridiction civile compétente qui l'examine
d'urgence selon une procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil d'Etat », art. 470-1, c. procéd. pén.
X. Autorité de la chose jugée au pénal. La décision du juge pénal a l’autorité absolue
de la chose jugée. Le juge pénal ayant l’initiative des preuves (à la différence du juge civil,
qui se prononce sur la base des preuves rassemblées et portées au débat par les parties), il
serait contraire à l’ordre public que le juge civil puisse remettre cette qualification en cause.
Selon l’expression consacrée, « le criminel tient le civil en l’état ». La cour de cassation en
tire la conclusion que le juge civil « ne doit pas méconnaître ce que le juge pénal a décidé
quant à l’existence du fait, sa qualification légale, la participation matérielle du défendeur à
ce fait ou à sa culpabilité » (cass. civ., 30 déc. 1929, DP, 1930, 1, p. 41).
X. Faute civile. Faute sportive. La faute civile ne doit pas être confondue avec la
faute sportive, même si, dans certains cas, la seconde peut contribuer à prouver la première.
La faute sportive est le manquement à l’une des « règles du jeu » du sport pratiqué, c’est-àdire le non-respect de l’une des règles techniques qu’impose la discipline. En principe, la
faute sportive n’entraîne pas la responsabilité civile de son auteur, mais peut donner lieu, le
cas échéant, à des poursuites disciplinaires du sportif, de la part de l’association ou de la
fédération sportive. De manière exceptionnelle, la faute civile et la faute sportive peuvent
coïncider. Par exemple, si, à l’occasion de la commission d’une faute sportive, le sportif agit
avec une grande brutalité ou une particulière déloyauté et si ces actes ont provoqué un
dommage à un tiers, sa responsabilité civile pourra être recherchée.
X. Exemple. L’erreur commise par un profane de l’escalade, si elle est une faute technique, n’est pas
une faute civile (cass. civ. 2eme, 7 oct. 1999, RCA, 1999, p. 369). Mais « le principe posé par les règlements
organisant la pratique d’un sport, selon lequel la violation des règles du jeu est laissée à l’appréciation de
l’arbitre n’a pas pour effet de priver le juge civil de sa liberté d’apprécier si le comportement de l’un des
pratiquants a constitué une infraction aux règles du jeu de nature à engager sa responsabilité » (cass. civ. 2eme,
10 juin 2004, JCP, 2004, II, n°296).
X. Absence de faute. Responsabilité sans faute. La condition essentielle de mise en
oeuvre de la responsabilité civile, privée et administrative, est en principe l’existence d’une
faute du responsable. Mais certains régimes de responsabilité écartent cette condition, afin de
faciliter l’indemnisation de la victime. Dans les régimes de responsabilité sans faute (ou
responsabilité objective), la responsabilité ne suppose plus la démonstration, par la victime,
d’une faute du responsable ; elle s’appuie sur le constat d’un fait objectif (ex. rôle causal de la
chose, implication du véhicule) dont la réalisation peut être imputée à une personne, le
responsable juridique (le propriétaire de la chose, le conducteur du véhicule),
indépendamment de toute faute de sa part.
Ces régimes reposent, selon les cas, sur une double justification : le risque créé (ex.
responsabilité du fait des choses) ou la garantie due à la victime (ex. dommages causés aux
tiers par un travail public).
En matière de sports de nature, peuvent notamment être appliquées : la responsabilité
privée du fait des choses (art. 1384, al. 1, c. civ.), la responsabilité pour dommages de travaux
publics causés aux tiers et la responsabilité pour collaboration occasionnelle au service public
(ex. en matière de secours).
12
b) Dommage
X. Dommages. Diversité. Il ne saurait y avoir de responsabilité en l’absence de
dommage (ou préjudice) causé à un (des) victime(s). Les dommages réparables, c’est-à-dire
ceux qui peuvent être compensés par l’allocation de dommages et intérêts, sont répartis en
plusieurs catégories :
- les dommages matériels : ce sont les dommages causés aux personnes (dommages corporels)
et les dommages aux biens. Ils comprennent les dommages économiques (atteinte à l’outil de
travail, manque à gagner). Ils sont aisément évaluables en argent.
- les dommages moraux : ce sont des atteintes qui touchent des aspects non-matériels, de
l’ordre du sentiment (atteinte à l’honneur, souffrances morales et physiques dues à des
blessures physiques, troubles dans les conditions d’existence, etc). Ces dommages sont plus
difficiles à évaluer en argent.
X. Réparation. Une même responsabilité peut entraîner la réparation d’un seul de ces
dommages, si seulement l’un d’entre eux est constitué ; mais aussi de plusieurs catégories de
dommages, s’il y en a eu plusieurs.
X. Dommage contractuel. Dommage prévisible. En matière contractuelle, le
dommage indemnisable est le dommage « prévisible » (art. 1150, c. civ.). En particulier,
l’étendue du dommage indemnisable peut être contractuellement limitée, par l’insertion de
clauses limitatives ou de clauses exonératoires de responsabilité, spécialement.
c) Lien de causalité
X. Dommage. Fait générateur. Lien de causalité. Les conditions d’engagement de la
responsabilité civile sont réunies, lorsqu’existe également un lien de cause à effet entre le
dommage et le fait générateur. Une responsabilité ne peut être engagée, que si la personne à
qui la réparation est demandée a eu un comportement qui est effectivement à l’origine du
dommage (lien de causalité). Il appartient au demandeur d’établir ce lien de causalité entre
son dommage et la faute (responsabilité pour faute) ou entre ce dommage et l’activité de la
personne responsable (responsabilité sans faute).
Pour reconnaître ce lien, le juge recherche si la réalisation d’un dommage peut être
attribuée à un fait précis, c’est-à-dire si ce fait a été déterminant dans la réalisation du
dommage. Il ne tient pas compte de l’ensemble des causes possibles (équivalence des
conditions), mais privilégie une cause, celle qui a joué un rôle déterminant dans la production
du dommage (causalité adéquate). Ce fait est rattachable à une personne (physique ou
morale), créant la causalité entre le dommage et son auteur (le responsable). Le juge
n’applique pas vraiment de « recette » et, dans cette recherche, tout est affaire de
circonstances. L’expert, chargé d’apporter un éclairage technique sur les circonstances de
réalisation du dommage, peut jouer un rôle-clef.
2. Causes d’exonération
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X. Catégorie générale. Cause étrangère. Certaines circonstances permettent au
responsable présumé d’échapper au prononcé de sa responsabilité civile (exonération totale)
ou de voir celle-ci atténuée (exonération partielle). En matière de responsabilité civile de droit
privé, les évènements qui constituent une cause étrangère sont exonératoires de la
responsabilité :
- Prévue pour la responsabilité contractuelle (art. 1147, c. civ.), l’exonération de
responsabilité en cas de survenance d’une cause étrangère, est valable pour toutes les
hypothèses de responsabilité civile (dont la responsabilité civile délictuelle : art. 1382 s., c.
civ.).
- L’expression de cause étrangère vise, concrètement, le fait de la victime, le fait d’un tiers, le
cas de force majeure ou cas fortuit. Cette dernière doit être extérieure, imprévisible et
irrésistible pour constituer une cause d’exonération de la responsabilité.
Les mêmes causes d’exonération sont admises en matière de responsabilité
administrative.
X. Fait de la victime. Le fait de la victime est un fait extérieur à la volonté et au
contrôle du responsable. Il peut être, pour lui, une cause d’exonération de la responsabilité. En
effet, dans cette situation, le dommage n’est pas (ou pas entièrement) imputable au
responsable, mais résulte, en partie ou totalement, du comportement de la victime elle-même.
Le responsable peut donc voir sa responsabilité écartée ou atténuée si a réalisation du
dommage (ou une partie du dommage) peut être attribuée à la victime. Cette cause
d’exonération peut être invoquée dans les régimes de responsabilité pour faute et dans les
régimes de responsabilité sans faute.
X. Exemple. Si la responsabilité d’une collectivité territoriale est recherchée du fait de l’entretien
défectueux d’un site, le fait que le sportif, victime, se soit engagé sans casque dans un passage dont il connaissait
le caractère très dangereux et pour lequel il savait que le port du casque était indispensable, pourrait être invoqué
par la collectivité pour atténuer sa responsabilité. Il en serait de même si le sportif s’engageait, par temps très
incertain, sans consulter la météo, ou s’il utilisait un matériel totalement inadéquat.
X. Fait du tiers. Le fait du tiers est parfois une cause d’exonération de la
responsabilité. En effet, lorsque le dommage a été produit, à la fois par le fait du responsable
et par celui d’une personne autre que la victime (le tiers), la question se pose de savoir si une
partie de la responsabilité ne doit pas être reportée sur le tiers (v. supra).
X. Fait du tiers. Responsabilité privée. En droit privé, le fait du tiers peut exonérer
le responsable, mais uniquement s’il présente les caractères d’imprévisibilité et d’extériorité,
pour le responsable. Il a alors un effet d’exonération totale pour le responsable.
X. Fait du tiers. Responsabilité administrative. En droit administratif, le traitement
de cette question diffère, selon que l’on est dans un régime de responsabilité pour faute ou
sans faute :
Lorsque la responsabilité recherchée est une responsabilité pour faute, la personne
publique ne répondra, à l’égard de la victime, que de la part de responsabilité qui lui est
réellement imputable (c’est-à-dire, déduction faite de la part du dommage qui est due au
tiers). Il appartiendra à la victime d’introduire une seconde action contre le tiers, pour obtenir
la réparation complète de son dommage.
Dans les régimes de responsabilité sans faute, dans le but de faire bénéficier la victime
d’une réparation la plus complète possible, la personne publique devra l’indemniser en
totalité. Elle pourra, toutefois, par le jeu des recours en contribution, récupérer la part qui lui
est due sur le tiers. En matière de dommage de travaux publics, le fait du tiers n'est pas une
cause d'exonération.
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X. Exemple. Un sportif est victime d'un accident, dû à la fois à l'existence d'un amarrage défectueux
(défaut d'entretien normal) et à un geste maladroit, une bousculade, d'un autre sportif. La collectivité publique ne
sera pas admise à invoquer le fait de ce tiers pour s'exonérer en tout ou partie de la responsabilité.
X. Force majeure. La force majeure, c’est-à-dire un événement irrésistible,
imprévisible et extérieur à la personne dont la responsabilité est recherchée est toujours, pour
elle, une cause d’exonération de responsabilité, qu’il s’agisse de la responsabilité privée, ou
de la responsabilité administrative.
Cependant, la jurisprudence pose des conditions très strictes pour que la force majeure
soit reconnue et, de fait, elle est très rarement admise. En effet, pour être irrésistible,
l’événement doit s’imposer avec une force insurmontable et être impossible à éviter. Pour être
imprévisible, l’événement doit ne s’être jamais produit auparavant, même dans un passé
lointain. Enfin, pour être extérieur, il doit être totalement étranger à la personne dont la
responsabilité est recherchée.
X. Exemple. La survenance d’une crue centenaire n’est, par définition, pas imprévisible. En revanche,
la violence exceptionnelle et sans précédent d’une crue est imprévisible.
X. Cas fortuit. Cette notion est tellement proche de celle de force majeure, qu’elles
sont généralement confondues. C’est par exemple un événement imprévisible et irrésistible,
mais qui est interne au fonctionnement de la collectivité publique (par exemple, l’explosion
d’une canalisation). Il peut jouer, comme cause d’exonération, dans les régimes de
responsabilité administrative pour faute. Mais, il faut noter que le juge retient rarement cette
cause d’exonération et qu’elle n’a pas beaucoup lieu de s’appliquer en matière sportive.
X. Acceptation des risques. La notion « d’acceptation des risques » est un mécanisme
d’exonération de la responsabilité, dans certaines hypothèses. Elle joue essentiellement en
matière de responsabilité sans faute et, plus précisément, de responsabilité du fait des choses,
qui en est le terrain de prédilection. Elle ne peut trouver à s’appliquer que dans certaines
disciplines sportives qui comportent une part de risque pour le sportif.
Le mécanisme est le suivant : la victime poursuit le responsable présumé, pour le
dommage que lui a causé la chose dont ce dernier est propriétaire. Il lui suffit de rapporter la
preuve du dommage et celle du rôle causal de la chose dans la production du dommage. Le
responsable présumé peut alors tenter d’opposer à la victime son acceptation, par la pratique
d’un sport potentiellement dangereux, d’une part de risque. Ce mécanisme lui permet de
s’exonérer de sa responsabilité, plus facilement que s’il devait rapporter, comme le veulent les
règles de droit commun, la preuve d’une cause étrangère (force majeure, fait d’un tiers). En
pratique, cette théorie est assez peu appliquée par les juges.
B – Eléments spécifiques
1. Procédure
a) Responsabilité privée
X. Responsabilité contractuelle. Le déclenchement de la responsabilité contractuelle
suppose une mise en demeure formelle du contractant défaillant par son cocontractant (art.
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1139, c. civ.). Le créancier de l’obligation met ainsi le débiteur en mesure de procéder à son
exécution. La mise en demeure doit contenir les éléments propres à informer le débiteur ; elle
doit désigner clairement l’obligation dont l’exécution est réclamée et en décrire la consistance
précise.
b) Responsabilité administrative
X. Dommage imputable à la personne publique. Le recours en indemnité est un
procès fait à une personne publique (Etat, département, commune, établissement public) et
non à un acte (contrairement au recours pour excès de pouvoir, qui est un procès fait à un
acte, l’arrêté municipal ou préfectoral, ex.). Il appartient au demandeur d’identifier la
personne publique responsable (Etat, commune, département, etc.).
X. Règle de la demande administrative préalable. Le recours contre une personne
publique est néanmoins subordonné à l’exigence d’une demande administrative préalable. En
droit privé, la victime qui souhaite poursuivre la personne privée responsable de son
dommage l'assigne directement devant le juge judiciaire. Mais en matière administrative,
c’est-à-dire quand elle estime qu’une personne publique est responsable, elle ne peut former
de recours devant le juge administratif, qu’après l’intervention d’une décision de la personne
publique refusant de réparer son dommage ou offrant une indemnisation insuffisante (sauf en
matière de travaux publics, v. infra). Seule la réponse ou le silence de la personne publique
sur la demande d’indemnisation de la victime peuvent être attaqués devant le juge
administratif.
X. Travaux publics. Exception. « Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut
être saisi que par voie de recours formé contre une décision » (art. R. 421-1, CJA).
X. Demande préalable. Forme. La demande doit comporter les moyens de fait et de
droit de nature à l’étayer et à mettre l'administration en mesure d’y répondre. Cette règle
impose à la victime d’indiquer de manière très complète le fondement juridique et le chiffrage
provisoire de ses prétentions indemnitaires, avant toute démarche contentieuse. Un dialogue
peut ainsi s’instaurer entre elle et la personne publique, donnant à celle-ci la possibilité de
prendre connaissance du dommage survenu, voire de faire droit, amiablement, à la demande
de réparation.
2. Délais d’action
X. Responsabilité administrative. En matière d’action en responsabilité
administrative, il faut distinguer deux hypothèses :
- En règle générale, le recours en responsabilité contre l’administration doit être formé à la
suite de l’intervention d’une décision administrative, généralement un refus opposé par
l’administration à la demande d’indemnisation que lui a adressée la victime (rejet
expresse/explicite ou implicite). L’intéressé dispose alors d’un délai de deux mois, après que
l’acte lui ait été notifié, pour saisir le tribunal administratif (rejet explicite ; art. R. 421-1,
CJA). Si l’administration ne répond pas à la demande de la victime, le silence gardé pendant
plus de deux mois vaut décision implicite de rejet. Ce délai est le point de départ du délai de
recours contentieux de deux mois (art. R. 421-1, CJA).
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- En matière de dommages de travaux publics, le recours n’est pas soumis à l’obligation de
demande administrative préalable et il n’est enfermé dans aucun délai (art. R. 421-3, CJA).
Il faut cependant remarquer que, même lorsqu’aucune prescription n’est posée par les
textes, les personnes publiques peuvent être exonérées de l’obligation de réparer le dommage,
si leur dette existe depuis plus de quatre ans. Cette prérogative exceptionnelle (la prescription
quadriennale) doit inciter les victimes à agir dans les quatre ans de la survenance de leur
dommage (loi du 31 décembre 1968).
X. Responsabilité privée délictuelle. La prescription de droit commun des actions en
responsabilité délictuelle (dite aussi responsabilité extra-contractuelle) est de dix ans, « à
compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. » (art. 2270-1, c. civ.).
X. Responsabilité privée contractuelle. La prescription de droit commun applicable,
sauf texte contraire, est la prescription trentenaire. Cependant, de nombreuses prescriptions
plus courtes sont prévues pour les différentes catégories de contrats. La prescription court à
compter du moment où la victime a connaissance du dommage (art. 2262, c. civ.).
C – Principaux régimes de responsabilité
1. Responsabilité de droit privé
X. Responsabilité délictuelle. Très large, elle est répartie en trois catégories
principales :
X. Responsabilité du fait personnel. Cette responsabilité fait peser la réparation du
dommage sur celui qui l’a causé, par sa faute. Elle est visée par les articles 1382 et 1383 du
code civil. Ces articles sont de formulation très générale, ce qui permet de les appliquer à tous
les cas de figure, et notamment aux sports de nature.
X. Responsabilité du fait d’autrui. Dans certains cas, une personne peut être rendue
juridiquement et pécuniairement responsable des dommages causés par d’autres personnes,
sur lesquelles elle exerce une autorité (v. art. 1384, al. 2 s., c. civ.). Ainsi, le préposé d’une
association ou d’une société engage la responsabilité de cette dernière. Sa responsabilité
personnelle ne peut être retenue que dans l’hypothèse où il aurait agi en dehors de ses
fonctions (v. supra).
X. Responsabilité du fait des choses. Le gardien d’une chose (c’est-à-dire celui qui
exerce un pouvoir de contrôle et de direction sur la chose au moment où le dommage s’est
produit) peut être reconnu responsable des dommages que cette chose a occasionné, en
l’absence de faute de sa part (art. 1384, al. 1 et art. 1385 et 1386, c. civ.). Ce régime de
responsabilité est fréquemment invoqué, en matière de sports de nature
X. Exemple. Si un sportif laisse tomber un mousqueton sur une personne qui fait un rappel, plus bas, et
que cette personne perd connaissance et tombe, le sportif pourra être tenu responsable des dommages causés par
la chose (le mousqueton) dont il avait la garde (c’était lui qui le manipulait et il devait en avoir le contrôle). De
même, lorsqu’un skieur perd son ski, qui heurte un autre skieur, le propriétaire du ski est responsable des
dommages.
2. Responsabilité administrative
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X. Principe. Faute. En droit administratif, le principe est que les personnes publiques
engagent leur responsabilité, en cas de faute de leur part (responsabilité pour faute). La
responsabilité sans faute n'en a pas moins connu une extension notable, ces dernières années
et dans certaines hypothèses, elles peuvent voir leur responsabilité engagée en l’absence de
faute (responsabilité sans faute).
X. Sports de nature. Régimes applicables. Diversité. En matière de sports de nature,
les fondements de la mise en cause de la responsabilité des personnes publiques peuvent être
très diversifiés. Elles peuvent voir leur responsabilité recherchée à l’occasion de
l’organisation d’activités de sports de nature (ex. responsabilité du fait de l’exercice des
pouvoirs de police, responsabilité pour collaboration occasionnelle au service public) ou de
l’aménagement et de l’entretien des sites (ex. responsabilité pour dommages de travaux
publics, responsabilité pour défaut d’entretien de l’ouvrage public). Il s’agit, selon les cas, de
régimes de responsabilité pour faute ou de responsabilité sans faute.
X. Responsabilité administrative pour faute. En matière de sports de nature
plusieurs régimes de responsabilité pour faute peuvent trouver à s’appliquer :
- la responsabilité pour défaillance dans l’exercice des pouvoirs de police (illégalité de la
mesure de police, abstention de l’autorité de police). Si le mauvais exercice des pouvoirs de
police (illégalité de la mesure de police) est à l’origine d’un dommage, la commune (arrêté
municipal) ou l’Etat (arrêté préfectoral) peuvent en devoir réparation (dommages et intérêts) à
la victime (responsabilité administrative).
Cependant, tous les actes administratifs illégaux n’entraîne pas la responsabilité
administrative de la personne qui les a pris. Un acte administratif peut être annulé pour une
cause d’illégalité interne (de fond) ou une cause d’illégalité externe (de forme). Seuls les
actes, annulés pour une cause d’illégalité interne, sont, en principe, susceptibles d’engager la
responsabilité de la personne publique qui les a adoptés.
X. Exemple. Un arrêté municipal, réglementant une pratique sportive est adopté, mais il ne porte pas les
mentions légales obligatoires : l’acte est légal sur le fond (dans ses dispositions) et n’est annulé que pour vice de
forme, il ne constitue donc pas une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
- la responsabilité du fait du mauvais fonctionnement du service public. Dans le domaine des
sports de nature, on peut penser à la faute constituée par les activités matérielles de secours ou
du défaut dans l’organisation matérielle d’une manifestation sportive par une collectivité
territoriale, par exemple.
- la responsabilité du fait de l’ouvrage public (équipement sportif) ou du travail public (mise
en place de l’équipement) vis-à-vis des usagers sportifs, en particulier. L’organisation d’une
activité de sports de nature peut engager la responsabilité des personnes publiques du fait des
dommages de travaux publics. En effet lorsque une activité sportive est érigée en activité de
service public, l’équipement ou les travaux sur et autour du site sont des travaux publics. Les
responsabilités liées à ces travaux sont des responsabilités pour dommages de travaux publics.
Leur régime varie, cependant, suivant la qualité des victimes.
Les usagers de l’ouvrage (sportifs), qui sont victimes d’un dommage, bénéficient d’un
régime assez favorable : la faute de la collectivité territoriale est présumée. En revanche, ceux
qui participent aux travaux et subissent un dommage, à cette occasion, doivent prouver la
faute de la collectivité.
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X. Responsabilité administrative sans faute. Dans les sports de nature, les
hypothèses de responsabilité sans faute de la personne publique sont essentiellement les
suivantes :
- la responsabilité du fait des dommages de travaux publics causés aux tiers. Les tiers à un
travail public (c’est-à-dire ceux qui n’utilisent pas l’ouvrage public, ne participent pas à sa
mise en place) peuvent engager, sans faute, la responsabilité de la personne publique.
- la responsabilité du fait des dommages causés à l’occasion de la collaboration occasionnelle
d’un administré au service public, particulièrement au service public des secours.
Le collaborateur occasionnel du service public est une personne extérieure à l’administration
qui participe momentanément à une activité d'intérêt général, soit à la demande de cette
dernière, soit, sous certaines conditions, de sa propre initiative. Les collectivités territoriales,
auxquelles les collaborateurs prêtent leur concours, doivent garantir les dommages qu'ils
subissent ou qu’ils occasionnent aux tiers, lors de leur intervention.
II. RESPONSABILITE PENALE
A – Principes généraux
X. Définition. La responsabilité pénale est l’obligation pour une personne de répondre
des infractions qu’elle commet, en se voyant infliger une sanction pénale, dans les conditions
et selon les formes prescrites par la loi. Le procès pénal permet de sanctionner les
manquements à l'ordre public, en prononçant une peine qui peut être une peine privative de
liberté, une sanction financière (amende) ou une interdiction spécifique (ex. interdiction
d’exercer une activité professionnelle). Les infractions pénales sont réparties en trois
catégories : les crimes, les délits et les contraventions, qui obéissent à des régimes (fond et
compétence juridictionnelle) différents.
X. Personnalité des peines. Les peines pénales sont des peines graves qui traduisent
la répression des atteintes intolérables à l’ordre public : celui qui est désigné comme coupable
doit s’en acquitter personnellement. La responsabilité pénale vise la personne dans son
individualité et non dans son patrimoine. Elle n’a d’efficacité que si l’individu accomplit luimême sa peine (principe de la personnalité des peines).
X. Caractère assurable. Non. C’est en raison du caractère personnel de la peine que,
à la différence de la responsabilité civile, les conséquences pénales de cette responsabilité
sont toujours inassurables (un assureur ne pourra jamais payer une amende à la place de son
assuré).
En revanche, les conséquences civiles de l’infraction pénale sont assurables (si le juge
alloue des dommages et intérêts à la victime, c'est-à-dire qu’il condamne le responsable à une
peine civile, ceux-ci peuvent être pris en charge par l’assureur, si le contrat d’assurance l’a
prévu).
X. Légalité des peines. Du fait de sa vocation exclusivement répressive, de la gravité
et du caractère infamant des sanctions prononcées, la responsabilité pénale ne peut être mise
en œuvre que dans des conditions très précises et limitativement définies. Aucune
responsabilité pénale ne peut être engagée si un texte législatif (infractions criminelles ou
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délictuelles) ou réglementaire (infractions contraventionnelles) ne l’a pas expressément prévu
(principe de légalité des peines, art. 111-2, c. pén.).
X. Interprétation stricte de la loi pénale. Parce que les peines prononcées sont, par
définition, des peines graves, l’interprétation des textes pénaux se fait de manière stricte :
théoriquement, l’interprétation extensive de ces textes est impossible (principe
d’interprétation stricte des textes répressifs, art. 111-4, c. pén.).
X. Non-rétroactivité de la loi pénale. Ce principe fondamental est posé par le code
pénal, qui prévoit que “sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à
laquelle ils ont été commis” (art. 112-1, al. 1). Par conséquent, une loi créant une nouvelle
infraction n’est pas applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur. La loi
nouvelle ne peut être appliquée que pour l'avenir, elle ne saurait rétroagir.
X. Loi pénale plus douce. Application. Le principe précédent (non-rétroactivité de la
loi pénale) est écarté, dans le cas particulier où la loi nouvelle est moins répressive que la loi
ancienne (art. 112-1, c. pén.). Dans ce cas, la loi nouvelle plus douce s’applique aux
infractions commises avant son entrée en vigueur, qui n’ont pas donné lieu à une
condamnation passée en force de chose jugée.
X. Mise en oeuvre. Grâce à la possibilité dont elle dispose de mettre en œuvre l’action
publique, la victime peut se constituer partie civile. La constitution de partie civile permet à la
victime de se décharger des difficultés et des aléas de la procédure sur le Ministère public qui,
alerté de l’atteinte à l’ordre public, se chargera de diligenter l’action contre le présumé
responsable.
X. Causes d’exonération. Le code pénal prévoit plusieurs causes d’exonération de la
responsabilité pénale : le « trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli (le) discernement
ou le contrôle de ses actes (de la personne poursuivie) » (art. 122-1, c. pén.) ; l’action sous
l’emprise de la contrainte (art. 122-2, c. pén.) ; l’erreur de droit (art. 122-3, c. pén.) ; l’acte
prévu par la loi ou prescrit par l’autorité (art. 122-4, c. pén.) ; la légitime défense (art. 122-5 à
122-7, c. pén.).
X. Prescription de l’action publique. Les délais de prescription de l'action publique
ne sont pas les mêmes, selon les catégories d'infraction : dix ans pour les crimes, trois ans
pour les délits et un an pour les contraventions.
B – Principaux régimes
1. Personnes physiques
X. Régime de droit commun. Régimes spécifiques. Il existe quelques régimes de
responsabilité spéciale spécifiques à l’activité sportive qui sanctionnent le non-respect
d’obligations propres au sport (ex. défaut de qualification ou de diplôme, défaut de
déclaration de l’encadrant, défaut d’assurance, organisation illégale d’une manifestation
sportive, dopage). Cependant, l’essentiel des hypothèses de mise en oeuvre de la
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responsabilité pénale en matière sportive résulte de l’application des régimes légaux à
vocation générale.
X. Champ d’application. Il convient d’écarter les hypothèses d’accidents
volontairement provoqués par des participants, des organisateurs, ou d’autres protagonistes de
l’activité, qui sont rares, voire hypothétiques (atteintes volontaires à la personne : homicide
volontaire, art. 221, c. pén. ; atteintes volontaires constituant un crime, art. 222-7, c. pén. ;
atteintes volontaires constituant des délits, art 222-9 et 222-11, c. pén.).
En revanche, parce que les sports de nature sont des activités dont la pratique peut
mettre en jeu l’intégrité physique des participants, il est essentiel de se demander si, en dehors
de toute intention délictuelle, les protagonistes peuvent, par leur négligence, engager leur
responsabilité pénale. Deux délits sont plus spécialement concernés : la mise en danger
d’autrui (art. 223-1, c. pén.) et l’atteinte involontaire à la personne (art. 221-6 et 222-19, c.
pén.).
X. Exemple. Ont été pénalement sanctionnés les organisateurs d'activités sportives pour :
- maintenir une épreuve de régates malgré le mauvais état de la mer ;
- ne pas avoir séparé, dans une piscine, les bassins d'inégale profondeur par des chaînes ou des filets protecteurs ;
- ne pas avoir surveillé, dans une piscine, un enfant que le responsable savait mauvais nageur ;
- ne pas avoir prévu un service de secours suffisant ;
- organiser de façon défectueuse une compétition cycliste. Le conseiller municipal, président du comité des fêtes
de la commune, ayant été déclaré coupable pour les blessures involontaires subies par deux coureurs cyclistes.
X. Mise en danger de la personne. La « mise en danger de la personne » recouvre
deux types d'infractions, susceptibles d’être retenues en matière de sports de nature : les
risques causés à autrui et l'omission de porter secours.
X. Risques causés à autrui. Définie par le code pénal, la mise en danger d'autrui fait
l'objet de deux applications distinctes :
- Elle est une circonstance aggravante, des infractions d'atteinte involontaire à la vie ou à
l'intégrité physique d'autrui (art. 221-6, 222-19 et 222-20, c. pén.).
- Elle est une infraction autonome, pour les cas où les risques pris par l'intéressé ne sont pas
réalisés (art. 223-1, c. pén.). Le législateur a ainsi voulu sanctionner l'imprudence par ellemême, indépendamment du résultat qu'elle est de nature à engendrer, en créant une infraction
obstacle.
Instituée initialement pour les infractions au droit du travail et au code de la route,
cette infraction peut avoir des prolongements en matière sportive, même s'il est vrai que sa
mise en œuvre a été jusqu'ici limitée.
X. Exemple. Le fait de faire exécuter des travaux d'équipement d'un site de sports de nature, sans
respecter les règles applicables en matière de sécurité ou encore celui de laisser le libre accès à un site sportif
dont le mauvais état des équipements est connu, peuvent constituer une mise en danger d'autrui.
X. Omission de porter secours. Cette infraction vise à obliger toute personne qui
rencontre un tiers en danger à lui porter directement secours ou à prévenir les services de
secours.
X. Exemple. L'abstention volontaire d'un maire de mettre en œuvre des moyens de secours, lors d'un
accident survenu sur le territoire de sa commune, alors même qu’aucun risque n’existe pour les personnels des
services de secours, permettrait à la victime de rechercher sa responsabilité pénale. De même, l’infraction
pourrait être constituée par le défaut d'organisation des secours. Si les mesures de sécurité ne relèvent pas de sa
compétence, l'élu devra alerter l'autorité compétente, sous peine de voir sa responsabilité recherchée.
21
2. Personnes morales
X. Responsabilité pénale. Personne morale. La responsabilité pénale des personnes
morales ne fait pas encore l'objet d'une jurisprudence abondante, mais il ne faut pas en sousestimer l'importance en matière sportive. Il existe, dans certaines hypothèses, un cumul de
responsabilité entre personnes physiques et personnes morales de droit public.
X. Personnes publiques. Conditions. Activités. La responsabilité pénale des
personnes morales de droit public (les collectivités territoriales et leurs groupements) obéit à
des conditions d'engagement précises, relatives à leurs activités. Elles ne peuvent être
pénalement poursuivies, que dans certaines hypothèses limitatives. En particulier, l’infraction
ne peut être constituée que par « les infractions commises dans l'exercice d'activités
susceptibles de faire l'objet de conventions ou de délégations de service public » (art. 121-2
al. 2, c. pénal).
Les activités sportives, qui se situent à la fois dans le champ des interventions
publiques et dans celui des activités commerciales, font couramment l'objet de conventions
de délégation de service public. De telles délégations sont couramment utilisées pour
l’exploitation des plages et des sites de baignade, pour les remontées mécaniques dans les
stations de sport d’hiver, les centres de vacances, etc.
X. Cumul de responsabilités. Le principe est que, « la responsabilité des personnes
morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits »
(art. 121-2 al. 3, c. pénal). Dans la répartition des responsabilités, le juge devra distinguer les
faits qui relèvent de la gestion défectueuse de la personne morale, de ceux qui traduisent une
véritable faute personnelle de la personne à l’origine de la faute.
X. Cumul. Exemple. Une commune organise une activité sportive, soit à titre permanent (activité de
service public), soit à titre occasionnel (compétition dans le cadre d'une fête sportive, comme le triathlon des
montagnes, ex.). La personne morale de droit public a alors la qualité d'organisatrice d'activités sportives et sa
responsabilité pénale peut alors être recherchée, en cas d’accident, parallèlement à l’action en responsabilité
civile devant le juge administratif.
X. En revanche, s'il est démontré que le maire a manqué gravement à sa fonction, en n'accomplissant
pas toutes les diligences normales de sécurité pour éviter les accidents sur un site sportif, compte tenu
notamment des avertissements et mises en demeure qui lui ont été adressés par les usagers sportifs (amarrages
descellés de la paroi rocheuse, spit rouillé et fragilisé, équipement arraché suite aux intempéries, passage
particulièrement difficile nécessitant une signalétique spécifique et un suréquipement, etc.), il pourra voir sa
responsabilité pénale personnelle mise en jeu.
III. GESTION DU RISQUE DE RESPONSABILITE
X. Risque de responsabilité. Gestion du risque. La responsabilité est encore trop
souvent mal connue et donc mal comprise par les acteurs sportifs. Malgré la technicité de la
matière et la gravité des sanctions qu’elle peut entraîner, il est essentiel de retenir que la mise
en cause de la responsabilité n’est pas une fatalité. Elle doit être appréhendée comme une
donnée incontournable de la pratique et de l’organisation des sports de nature, dont il convient
de connaître l’existence et les mécanismes généraux de fonctionnement. L’éventualité de
l’engagement de leur responsabilité doit inciter les différents acteurs à mettre en œuvre des
solutions de prévoyance de sorte à éviter les situations « à risque » … juridiques, afin de
réserver les émotions fortes du « risque » … au seul domaine sportif.
22
Lorsque les causes de la responsabilité sont identifiées à l’avance et avec
suffisamment de précision, ses conséquences peuvent être évitées, atténuées (par la
prévention), aménagées (par l’organisation d’une répartition des responsabilités entre les
différents acteurs, par le jeu du transfert de la garde, dans les conventions passées avec les
propriétaires, notamment) ou assurées (attention : chacun des protagonistes doit être assuré
pour la part de responsabilité qui pourrait lui être imputée).
X. Respect des règles sportives. Le respect par chacun de ses droits et devoirs dans la
pratique sportive est un facteur de limitation de la responsabilité.
X. Exemple. Ne pas retirer la corde avant que le dernier pratiquant ne soit sorti, veiller à ne pas sauter
sur un autre pratiquant dans un canyon, entretenir son matériel pour un professionnel, vérifier le bon état des
équipements pour une collectivité qui organise l’activité, vendre des produits fiables et normalisés pour un
fournisseur d’équipements, etc.
X. Prévention. La sévérité des régimes de responsabilité doit inciter les différents
acteurs à entretenir les sites, à signaler les dangers, à prévoir des secours adéquats, etc., afin
de garantir la sécurité des sportifs. Parallèlement, lorsqu’existe un contrat, celui-ci peut servir
de support à un partage des responsabilité entre les cocontractants (v. Contrat).
X. Exemple. Dans certains cas, cette responsabilité peut être évitée : par exemple, le propriétaire,
gardien de son site, est responsable si des rochers s’effondrent de sa falaise et blessent un sportif. Mais, s’il passe
une convention d’usage avec une fédération ou une collectivité territoriale, il peut reporter sur ces derniers sa
responsabilité du fait des choses (clauses de transfert de la garde).
X. Assurance. La responsabilité civile peut être assurée (à l’exception des fautes
intentionnelles commises par l’assuré). Des garanties spécifiques peuvent couvrir aussi bien la
responsabilité éventuelle des pratiquants, des aménageurs et équipeurs (particuliers,
fédérations ou entreprises) et des collectivités publiques.
QUELQUES REGLES FONDAMENTALES DE DROIT COMMUN DE LA
RESPONSABILITE – TABLEAU
RESPONSABILITE
CIVILE PRIVEE
RESPONSABILITE
ADMINISTRATIVE
RESPONSABILITE PENALE
FONCTION
Indemnisation : allocation
de dommages et intérêts.
Réparation intégrale du
préjudice.
Indemnisation : allocation de
dommages et intérêts.
Réparation intégrale du préjudice.
CONDITIONS
Fait générateur (faute ou
fait non-fautif), dommage,
lien de causalité.
Fait générateur (faute ou fait
non-fautif), dommage, lien de
causalité.
Répression : désignation d’un
coupable.
Prononcé d’une peine pénale :
amende, peine privative de liberté,
peines complémentaires (ex.
interdiction d’exercice).
Sommes prélevées, versées au
trésor public.
Manquement à une obligation
légale, pénalement sanctionnée,
(contravention, délit, crimes),
imputabilité du manquement.
a) contrat : cause étrangère
(art. 1147, c. civ.) ; cas
fortuit, force majeure (art.
1148, c. civ.).
d) délit civil : cas fortuit,
cause étrangère nonimputable, force majeure,
fait de la victime
a) contrat : cause étrangère, cas
fortuit, force majeure.
d) délit civil : cas fortuit, cause
étrangère non-imputable, force
majeure, fait de la victime (selon
les régimes) et, dans certaines
hypothèses, acceptation des
risques.
CAUSES
D’EXONERATION
23
PERSONNES
VISEES
DELAIS
D’ACTION
COMPETENCE
JURIDICTIONNELLE
ASSURABILIT
E
(exonération totale ou
partielle) et, dans certaines
hypothèses, acceptation des
risques.
Personnes privées
(personnes physiques et
personnes morales).
Personnes publiques (personnes
morales).
Personnes privées (personnes
physiques et personnes morales)
et personnes publiques
(personnes morales).
a) crimes : dix ans
b) délits : trois ans
c) contraventions : un an.
a) contrat : prescription de
principe : prescription
trentenaire (art. 2262, c.
civ.). Mais, nombreuses
prescriptions plus courtes,
prévues par des textes
spéciaux, par catégorie de
contrat
b) délit civil : prescription
décennale (art. 2270-1, c.
civ.).
Juge de proximité, TI ou
TGI, selon les sommes en
jeu, cour d’appel, cour de
cassation.
a) Contestation de la demande
administrative préalable, dans
les deux mois de sa notification
ou après deux mois de silence
gardé par la personne publique
(sauf en matière de travaux
publics).
b) Prescription quadriennale
des dettes des personnes
publiques.
Tribunal administratif, cour
administrative d’appel, conseil
d’Etat.
Juge de proximité (contraventions
de la 1ere à la 4eme classe),
tribunal de police, tribunal
correctionnel ou cour d’assises,
selon les infractions, cour d’appel
(voire cour d’assises d’appel),
cour de cassation.
oui
sauf faute intentionnelle.
oui
sauf faute intentionnelle.
non
sauf défense pénale et dommages
et intérêts, au civil.