Réquisitoire : les actionnaires de Vivendi ne

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Réquisitoire : les actionnaires de Vivendi ne
Réquisitoire : les actionnaires de Vivendi ne pouvaient être que
trompés
L’audience du 20 novembre 2013 est consacrée au réquisitoire contre les exdirigeants de Vivendi rejugés devant la 5ème chambre de la Cour d’appel de Paris.
Après les incidents et suspension d’audience du début d’après-midi, l’avocate
générale présente son réquisitoire pour le ministère public. (Tout le feuilleton ici)
L’avocate générale, la présidente Mireille Filippini, et un conseiller de la Cour
d’appel de Paris qui rejuge les ex-dirigeants de Vivendi. Dessin ©Yanhoc
Première partie (1 sur 2). L’avocate générale peut enfin démarrer sa plaidoirie, c’est-à-dire
son réquisitoire pour le ministère public.
Ma mission est de dire le droit, précise-t-elle en préambule, pas d’entériner
les réquisitions de première instance. Je peux donc requérir différemment du
procès en première instance.
Il est reproché à Mr Jean-Marie Messier un abus de biens sociaux, à
Messieurs Jean-Marie Messier et Guillaume Hannezo différentes
informations trompeuses, et à Messieurs Jean-Marie Messier, Guillaume
Hannezo et Edgar Bronfman un délit d’initié.
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Réquisitoire : les actionnaires de Vivendi ne pouvaient être que
trompés
L’avocate générale restitue l’historique de l’affaire, depuis l’arrivée de Jean-Marie Messier à
la Compagnie Générale des Eaux, devenue Vivendi en 1998, puis Vivendi Universal en 1999.
Elle rappelle les dissensions au sein du conseil d’administration jusqu’à ce que les
administrateurs français et américains souhaitent le départ de Jean-Marie Messier.
Monsieur Fourtou, qui avait été contacté, est en vacances quand Jean-Marie
Messier signe son terminationn agreement. Il y a une réunion à la BNP
entre les administrateurs français qui décident qu’il ne sera pas soumis
au conseil d’administration et qui évoquent le risque d’abus de biens
sociaux pour le conseil d’administration et ceux qui ont signé. Ils en avisent
Maître Prat qui est présent le 2 juillet et se rend compte du souci lié à la
signature de cet accord le 1er juillet sans approbation préalable du conseil
d’administration, alors qu’il devait lui être soumis. Il tente de convaincre Edgar
Bronfma de post-dater le document, ce qu’il refuse. Le 3 juillet, il n’est pas
soumis au conseil et personne n’en parle. Le 16 septembre 2003 le tribunal
de New York décide que les 25 millions de dollars obtenus par Jean-Marie
Messier doivent être mis sous séquestre à la banque Morgan Chase le 24
septembre 2003. Puis une transaction intervenait entre Vivendi Universal, JeanMarie Messier et la SEC, au terme de laquelle Vivendi acceptait de payer 50
millions de dollars d’amende et Jean-Marie Messier acceptait de renoncer
à ses créances. La mainlevée du séquestre est intervenue en janvier 2004. Pour
rappel, il est incontestable que le termination agreement était une
convention réglementée au sens de l’article L225-42 du Code de
commerce, qui doit avoir l’autorisation du conseil d’administration, JeanMarie Messier étant PDG et administrateur de Vivendi le 1er juillet 2002. Malgré
l’absence de cette approbation, la convention engageait Vivendi Universal
qui pouvait en demander l’annulation. Il appartient dès lors au tribunal de
dire si l’indemnité de 18,6 millions d’euros était excessive après que le tribunal
arbitral de New York ait dit que ce montant est hors de proportion avec les
montants payés à d’autres et en France, mais pas au regard des pratiques
américaines. Sur la rémunération, elle n’a pas fait l’objet d’une validation
par le conseil d’administration et elle doit s’apprécier au regard de la
situation de la société. Or, le 10 avril 2002, Mr Blondet alertait Mr Hannezo
sur la difficulté à renouveler des billets de trésorerie de 2 milliards
d’euros. Le profit réalisé n’étant pas constitutif de
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Réquisitoire : les actionnaires de Vivendi ne pouvaient être que
trompés
L’avocate générale
demande à la Cour d’appel
de Paris qui rejuge l’affaire
Vivendi de confirmer les
amendes en allégeant les
peines. Dessin ©Yanhoc
l’abus de biens sociaux, l’infraction est caractérisée et je demande à la Cour
de confirmer la culpabilité de Mr Jean-Marie Messier pour abus de biens
sociaux.
Sur les centaines de communiqués de presse de Vivendi Universal et de son PDG,
on leur reproche trois informations fausses ou trompeuses : le
communiqué du 19 décembre 2000 reprenant l’interview du 11 décembre 2000,
le communiqué du 25 septembre 2001 relatif à l’annulation d’actions, et
l’assemblée générale du 24 avril 2002. Pour rappel l’article L465-1 du Code
monétaire et financier définit une information fausse ou trompeuse
comme «faussant le jugement des investisseurs ».
Le communiqué du 19 décembre 2000 annonce « au 1er janvier 2001, Vivendi
sera net de dette pour ses activités communication et média » alors que la dette
du groupe est de 27 milliards d’euros. La Commission
L’ex-PDG de Vivendi,
Jean-Marie Messier,
rejugé par la Cour
d’appel de Paris, en
novembre 2013.
Dessin ©Yanhoc
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Réquisitoire : les actionnaires de Vivendi ne pouvaient être que
trompés
des sanctions de l’AMF considère ce communiqué de presse comme
particulièrement mensonger en raison de la différence entre la dette
annoncée nulle alors qu’elle est de 3 milliards pour l’activité média.
L’information selon laquelle le groupe sera net de dette apparaît effectivement
comme inexacte. Le 19 décembre 2000 Vivendi Universal annonce la cession
pour 8,15 milliards de dollars de la branche spiritueux de Seagram, soit 1,3
milliard de plus que prévu, mais le prix n’est pas encore payé et Jean-Marie
Messier anticipe cette rentrée d’argent alors que la dette réelle va peser
jusque fin 2001. L’information est donc fausse et les actionnaires
individuels ne pouvaient être que trompés.
Guillaume Hannezo était directeur général adjoint et directeur administratif et
financier avec un statut de salarié. Il n’était pas mandataire ni
administrateur et n’avait aucune délégation de pouvoir pour la
communication. Certes, il participait à la rédaction des communiqués de presse
mais ces derniers étaient
Jean-Marie Messier
et Guillaum Hannezo
lors du procès en
appel de l’affaire
Vivendi. Dessin
©Yanhoc
arrêtés par Jean-Marie Messier seul. La responsabilité pénale de Guillaume
Hannezo ne peut donc pas être engagée pour l’information trompeuse et
il est regrettable que ni l’instruction ni le procureur ne l’ait écarté alors que la
Commission des sanctions de l’AMF l’avait fait. (NDLR, cette analyse est
intéressante par contraste avec le procès de Jérôme Kerviel, dont les
avocats contestaient que les fautes professionnelles soient jugées
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pénalement, comme l’avocate générale le plaide pour Guillaume Hannezo).
Sur l’annulation d’actions, le communiqué de presse du 25 septembre
2000 devient mensonger le 17 décembre, quand Vivendi Universal annonce
le rachat de USA Network. Mais le fait de répandre dans le public une
information inexacte ou trompeuse doit avoir un caractère instantané. Au
25 septembre il est exact qu’il y a un projet d’annulation d’actions. Il est exact
que la société change d’avis et n’en fait pas référence. Si la prévention avait
visé le communiqué du 19 décembre 2001, l’information trompeuse
aurait pu être retenue. Le règlement général de l’AMF impose de rectifier
une information si elle n’est plus
L’AMF oblige à
rectifier une
information inexacte,
mais pas le Code
monétaire et
financier !
vraie mais le Code monétaire et financier ne réprime pas le fait de ne pas
réactualiser une information devenue inexacte. L’information donnée dans
le communiqué de presse du 25 septembre n’étant pas fausse, le délit n’est pas
caractérisé. (NDLR, comme disait un expert en criminalité financière « On
aurait oublié de faire des lois pour rendre illégal ce qui n’est pas
moral ? »). Jean-Marie Messier avait été condamné à trois ans
d’emprisonnement avec sursis et 150 000 euros d’amende en premier ressort. Il
m’apparaît que vingt mois seraient plus appropriés mais que les 150 000
euros d’amende doivent être confirmés au regard de l’abus de biens
sociaux particulièrement important.
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