Navigation et tourisme d`eau douce

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Navigation et tourisme d`eau douce
Navigation et tourisme d’eau douce
Anne Griffond-Boitier, UPRESA 6049 du CNRS, équipe IRADES
L
es voies navigables comtoises
sont un bon exemple de la vétusté
des équipements fluviaux. Elles totalisent 300 kilomètres de “voies d’eau
Freycinet”, caractérisées par une capacité maximale de 250 tonnes, limitant
le volume de fret convoyé. Naguère
actif, le trafic fluvial de marchandises
est réduit aujourd’hui à une activité de
transit dont l’impact économique sur la
région est pratiquement nul. Gray, qui
fut longtemps le premier port fluvial
de la France de l’Est, reste le seul port
comtois où l’on effectue encore l’embarquement de quelques produits agricoles (blé, fourrage et balles de paille).
L’industrie lourde de la région, quant
à elle, a délaissé la batellerie devenue
obsolète.
Récemment encore, on pouvait déceler
deux logiques de développement du
réseau navigable régional.
Trafic de plaisance sur quelques canaux français
saison 1996-1997
c. du Rhône au Rhin
1 000
0
2 000
é
tis
ma
ra
uto
Jussey
sec
teu
n°4 Conflandey
n°5 Port-sur-Saône
n°6 Chemilly
n°7 Scey-sur-Saône
n°8 Rupt-sur-Saône
n°9 Chantes-Rupt
n°10 Soing
n°11 Charentenay
1984
c. de l'Yonne
c. de l'Est
1988
c. du midi
Le trafic de plaisance correspond à une moyenne établie à partir des comptages aux
écluses. Les statistiques dépendent donc du nombre d'écluses prises en compte susceptible
d'évoluer au cours du temps. Hors de la Franche-Comté, on se contentera d'indiquer les
moyennes calculées pour l'année 1997 à partir des informations fournies par VNF. La
comparaison avec des moyennes de trafic calculées pour d'autres années suppose de
reconsidérer les mêmes écluses.
Source : Voies navigables de France, Béthune
D’un côté, le canal du Rhône au Rhin
devait faire l’objet d’une mise aux normes européennes permettant d’achever
la liaison à grand gabarit entre la mer
du Nord et la mer méditerranée. Source
Épinal 64 km
n°1 Ormoy
n°2 Cendrecourt
n°3 montureux-les-Baulay
Port-sur-Saône
mulhouse 42 km
n°8 Les Fontenelles
n°9 Allenjoie
c de la
Haute-Saône n°10 Les marivées
n°11 Etupes
n°12 Exincourt
n°14 montbéliard
n°15 Côteau-Jouvent
l
é
nu
e
nis
ma
éca
ur
cte
d’incessantes polémiques depuis les
années soixante, réactivées par la décision de construction, cette liaison aurait
engagée plus définitivement la vallée
vers le développement d’un trafic marchand. Le tournant politique de ces derniers mois vient d’y mettre un terme.
À l’opposé, la Saône, prolongée au
Nord par le canal de l’Est, s’est orientée très tôt vers le tourisme fluvial, dans
la continuité d’une dynamique née à
Saint-Jean-de-Losne et diffusée sur le
canal de Bourgogne. Par ce biais, le
département de Haute-Saône souhaitait
rééquilibrer un développement touristique régional jusque-là dévolu au seul
massif du Jura.
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écluse manuelle
écluse mécanisée
écluse automatique
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6 000
nombre de bateaux
c. duNivernais
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Ca à l
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5 000
fréquentation
moyenne en
France en 1997 : 2 111
c. de Bourgogne
n°25 Côteau-Lunans
n°16 Courcelles-les-m.
n°26 L'Îsle-sur-le-Doubs
montbéliard
n°17 Voujeaucourt
n°27 Papeteries de L'Îsle-sur-le-Doubs
n°18 Dampierre
n°28 Appenans
n°19
Plaine
de Dampierre
n°29 La Goulisse
n°20 La Raydans
n°34 Passe-cheval de Branne
n°21 Colombier-Fontaine
n°35
L'Ermite
n°22 Saint-maurice
n°13 Savoyeux
n°36 Hièvre-magny
n°14 Vereux
n°23 Colombier-Châtelot
n°37 Grand-Crucifix
n°15 Rigny
n°24 Blussans
n°38 La Raie aux Chèvres
n°16 Gray
n°30
La
Plaine
de Pompierre
n°39 Lonot
n°31 Pompierre
n°17 Apremont
Baume-les-Dames
n°32 Clerval
n°33 Chaud-les-Clerval
n°40 Baumerousse
n°46-47 Double écluse de Deluz
n°41 Fourbanne
n°50 Saint-Paul
n°42 Ougney
n°43 Douvot
n°50N souterrain
n°18 Heuilley
n°44 Laissey
n°60 Dampierre
n°48
Pontallier
n°45 Aigremont
n°61 Ranchot
Chalèze
n°62 moulin-des-malades
n°49 La malate
n°63 moulin-Rouge
n°51 Tarragnoz
n°19 Poncey-les-Athées
Saint-Vit
n°64 Audelange
n°52 Velotte
C
Bo ana
n°53
Gouille
ur l d n°20
Auxonne
n°54-55 Double écluse de Rancenay
go e Auxonne
gn
n°56 Thoraise
e
n°57 Osselle
n°58N Routelle
n°75 St-Symphorien
Dole
n°58A Roset Fluans
St-Jean-de-Losne
n°65 Baverans
n°59 Saint-Vit
n°74 Laperrière
n°66 Charles-Quint
n°73 La Tuilerie
n°67 Jardin-Philippe
n°72 Abergement-la-Ronce
n°68 La Prise d'eau
0
20 40 60 80 100 km
Chalon- n°71 La Ronce
n°69 Bon-Repos
sur-Saône n°70 Belevoye
secteur manuel
s. mécanisé
72 km
Source : Service navigation, 1993
sec
4000
1984 1988
Saône canalisée
Les voies navigables comtoises
Corre
3 000
Un bilan touristique d’ores et déjà
encourageant
C’est en moyenne 5 400 bateaux de
plaisance qui transitent chaque année
sur la Saône, devançant largement la
fréquentation du Doubs qui s’élève à
environ 2 300 bateaux par an. En HauteSaône, le tourisme fluvial semble avoir
Les canaux de la France
du Nord-Est
Dunkerque
Douai
Tancarville
Ecl.
d'Amfreville
Paris
Compiègne
Vitry-le-F.
Nancy
Strasbourg
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St-mammès
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Dijon
Rh
ô
n
Rhi
au
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n
Rhin
Le Havre
Lille
Valenciennes
Besançon
Source : Office de la navigation
Rhône
Chalon-surSaône
Lyon
atteint une certaine maturité, son trafic approchant celui du
canal de Bourgogne ou même celui du canal du Midi qui
apparaît comme le plus fréquenté au plan national.
Il faut noter que la Saône, grâce à une multitude de liaisons,
offre une grande diversité de destinations : le canal de l’Est
permet de rejoindre la Moselle, le canal de la Marne à la Saône
offre un accès vers la Champagne et le canal de Bourgogne
relie la Saône à l’Yonne. Enfin, le canal du Rhône au Rhin
offre un débouché supplémentaire en direction de l’Alsace.
Les multiples aménagements réalisés sur la Saône depuis les
années quatre-vingts ont contribué à valoriser une situation
déjà très favorable à la plaisance fluviale. Entre Gray et Corre,
l’implantation de cinq bases de location de bateaux a permis
d’accroître la fréquentation en direction du Nord : c’est sur
ce tronçon que l’augmentation de trafic a été la plus forte
durant la dernière décennie.
L’inégal développement du transit de plaisance en FrancheComté peut aussi se lire transversalement : l’importance du
trafic s’amenuise considérablement à l’amont des rivières.
Ceci met bien en évidence le rôle majeur du port de SaintJean-de-Losne qui, en position de confluence de tout le
Centre-Est, s’affiche aujourd’hui comme le premier port de
plaisance fluviale en France et vient d’être choisi par VNF
comme l’un des 8 sites pilotes de développement fluvial.
La Saône comme le Doubs bénéficient directement de sa
renommée et de son trafic, notamment dans leur partie aval.
L’évolution du trafic sur le Doubs n’est significative qu’à
l’aval de Besançon, elle demeure encore faible en amont
mais la présence d’une nouvelle base de location de bateaux
à Montbéliard pourrait peut-être modifier ce schéma dans
les années à venir.
Diversité et limites du développement de la plaisance
En voilier, en bateau à moteur souvent nommé « houseboat » ou en péniche réhabilitée, la navigation prend des
formes variées : elle peut être le fait de plaisanciers en transit,
généralement pressés d’atteindre le but de leur voyage, mais
utilisant cependant les infrastructures d’accueil nécessaires
à leurs haltes. D’autres, propriétaires de leur bateau, en profitent pour découvrir « du pays », à condition que celui-ci
offre un équipement d’accueil et des activités depuis la voie
d’eau. La Franche-Comté est susceptible d’intéresser ces
deux types de navigateurs, puisqu’elle est un passage quasi
obligatoire pour les bateaux suisses et allemands ralliant le
littoral méditerranéen et, plus occasionnel, pour les bateaux
belges, néerlandais et anglais (pour ces derniers, le trajet le
plus direct emprunte le canal de Bourgogne). La proximité de
cette clientèle étrangère est aussi un atout à valoriser, comme
l’a fait avant nous la Bourgogne.
La flotte étrangère à la région assure l’essentiel du trafic de
bateaux privés, mais il faut insister sur le rôle des bases de
location. À Saint-Symphorien, 60 % du trafic est le fait de
bateaux loués ; à l’écluse de Deluz, trop éloignée de toute
compagnie de location, il ne représente plus que 30 %,
abaissant d’autant le trafic global. Il semble qu’en FrancheComté, le développement du tourisme fluvial passe par l’implantation de telles sociétés. Forte de 140 unités, la flotte en
exploitation sur la Saône ne devrait pas dépasser 200 unités
si l’on souhaite éviter les problèmes d’encombrement aux
écluses, comme c’est le cas sur le canal du Midi ! La charge
sur la rivière s’élèverait alors à 1,6 bateau au kilomètre, le
seuil théorique de saturation étant atteint autour de 2,5. Sur
le Doubs, la densité d’écluses tend à réduire encore la charge
maximale tolérable, mais la flotte peut encore s’accroître, elle
ne comprend actuellement qu’une cinquantaine d’unités dans
les deux bases de location de Montbéliard et Dole.
Enfin, les bateaux à passagers, qui peuvent embarquer un
nombre bien supérieur de touristes, viennent grossir la
flotte en circulation. Leur nombre est toutefois très limité
dans la région : celui de Gray a été cédé récemment faute
d’une clientèle suffisante et les tentatives d’implantation à
Montbéliard et à Baume-les-Dames ont également échoué.
Seule la capitale régionale semble disposer d’un potentiel de
clientèle locale et touristique satisfaisant : elle accueille en
effet sept vedettes qui offrent une variante dans la découverte
de la cité. Pour compléter cette offre, il faut noter le passage
de péniches-hôtels et voiliers de croisière affrétés dans les
régions voisines (à Bâle ou en Bourgogne) qui font escale
dans les villes les mieux achalandées en matière de services
aux plaisanciers.
Le trafic de plaisance
Corre
Évolution du trafic entre 1984 et 1996
(indice calculé sur une base 100 en 1984)
nombre de bateaux
inférieur à 200
2 873
de 201 à 250
Rupt-sur-Saône
677
de 251 à 300
de 351 à 400
3 416
Exincourt
de 401 à 500
4 653
Évolution du trafic fluvial de 1984 à 1996
Canal de Gray
la marne
à la Saône
2 165
6000
Besançon
ne
aô
r-S
-su
Besa
Il est sans doute regrettable que ce type de produit soit peu
commercialisé en Franche-Comté, exception faite dans les
zones touristiques de Villers-le-Lac et de Vouglans. En effet,
en termes économiques, ce produit est fort appréciable, car il
génère des retombées financières sur un territoire plus vaste
que la simple voie d’eau et ses rives, notamment lorsqu’il
intègre des prestations telles que la restauration et la visite
de villes ou de sites. Il touche, par ailleurs, une clientèle
différente de celle de la plaisance, encore essentiellement
composée d’étrangers, malgré des prix de location de
bateaux en baisse relative (à partir de 2 300F le week-end
et de 4 500F la semaine pour un bateau de 6 couchages).
Souhaitons alors que le projet du Comité départemental
de tourisme haut-saônois remporte un vif succès : il s’agit
d’une péniche culturelle et pédagogique itinérante, conçue
comme un outil d’animation de la voie d’eau pour ses hôtes,
mais aussi pour les touristes de proximité et les résidents
locaux. L’objectif est de tenter une meilleure intégration des
plaisanciers à la vie de la vallée et, inversement, d’intéresser
une plus large partie de la région aux bénéfices retirés du
tourisme fluvial.
0
1996
1995
1000
1994
1993
1992
1990
1989
Source : Service navigation Rhône-Saône
100 km
1988
80
1987
60
1986
40
Dole 3000
Saône
Exincourt
Doubs
1984
20
4000
nçon 2000
pt
G
2 873
0
Sai
1991
Auxonne
canal de
Bourgogne
6 144
Saint-Jean-de-Losne
ray
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horie
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ne
Auxon
Heuilley
5 800
Dole
Saint3 543
Symphorien
7000
5000
5095
1985
Heuilley
moyenne du trafic commerçant
Consentir un effort pour l’aménagement du Doubs
L’inégal développement du tourisme fluvial sur la Saône
et le Doubs est à l’image des différences d’investissements
réalisés pour l’entretien des cours d’eau, durant ces dernières
années : 12 millions de francs pour la Saône, 2 millions pour
le Doubs (chiffre faible notamment en raison de l’incertitude
de la liaison à grand gabarit). En outre, l’axe de la Saône offre
une gamme de services harmonieusement répartis le long de
la voie d’eau : l’implantation des bases de location s’est faite
parallèlement à l’aménagement de cinq ports de plaisance et
d’une dizaine de haltes nautiques, elle est accompagnée d’une
signalisation fluviale à des fins touristiques. Ceci favorise
une redistribution de la clientèle sur l’ensemble du cours
d’eau, à l’opposé de ce qu’on peut observer sur la liaison
Rhin-Rhône.
Sur le Doubs, seul le secteur aval est véritablement équipé
pour le tourisme fluvial. Il est réputé pour être le plus typique.
Mais c’est ignorer les atouts paysagers de la vallée “encaissée” des portes de Besançon à l’Isle-sur-le-Doubs. Ici toutefois, même les grandes agglomérations n’offrent qu’un service minimum aux plaisanciers. La mise en valeur du poten-
L'aménagement des voies d'eau pour le tourisme fluvial
Structures d'accueil proposées
Services proposés dans les agglomérations
port de plaisance et base de location
port de plaisance
halte nautique
services pour plaisanciers
10
commerces et autres services
services touristiques
0
Fontenoy -le-Château
Selles
Nombre
de types
de services
Corre
Baulay
Jussey
Conflandey
Port-sur-Saône
Scey-surSaône
Ray-sur-Saône
Seveux
montreux-Château
montbéliard
Bourogne
Trévenans
Botans
Chemilly
L'Îsle-surle-Doubs
Traves
Savoyeux
Canal de la
Haute-Saône
Soing-Charentenay
Baume-lesDames
Gray
mantoche
Pontalliersur-Saône
Broye
Aubigney
Saint-Vit
Novillars
Étupes
Exincourt
Roche-lezBeaupré
ColombierFontaine
Chalezeule
Ougney
Douvot
Orchamps
Clerval
Rochefort
Besançon
St-Jeande-Losne
Osselle
Beure
Ranchot
Dole
tiel de services et du cadre paysager,
beaucoup plus urbanisé que le long de
la Saône, reste encore à organiser. Or la
vallée du Doubs jouit d’aménagements
touristiques nombreux, en rapport avec
une densité de population élevée, elle
dispose donc d’équipements préexistants, qu’il serait nécessaire de valoriser
auprès des plaisanciers. Proposant une
alternance de paysages urbains et de
milieux ruraux, elle pourrait « inventer »
une nouvelle forme de tourisme fluvial,
complémentaire de celui développé sur
la Saône. On peut voir là, par ailleurs,
une chance de revitaliser une vallée
Source : Dépliants touristiques et INSEE, RGP 90
qui manque singulièrement d’unité,
ainsi que d’une image de référence autre
que celle d’un éventuel canal à grand
gabarit.
D’autant que les retombées économiques évaluées sur la Saône offrent
des perspectives intéressantes : pour
la seule année 1994, c’est 20 millions
de francs qui ont été réinjectés dans le
département haut-saônois par la seule
activité du tourisme fluvial, soit deux
fois plus que l’investissement réalisé
à la même date ! Il s’agit aujourd’hui
de re-déployer dans l’espace les béné-
Population des agglomérations en 1990
de 20 000 à 120 000 hab.
de 1 500 à 6 999 habitants
de 500 à 1 499 habitants
de 80 à 499 habitants
fices tirés du tourisme fluvial, qui se
déclinent en termes de création d’emplois, dans les ports notamment, et en
termes d’image. Sans doute la vallée
du Doubs manque-t-elle d’une véritable tradition fluviale pour entreprendre une telle conversion partiellement
engagée puisque le trafic de plaisance
occupe déjà une place de choix sur le
canal du Rhône au Rhin. Un même ave0
20 40 60 80 100 km
nir devrait donc unir les deux rivières
comtoises bien qu’elles ne s’inscrivent
pas exactement dans des contextes
similaires.