DÉFENDRE LES DÉFENSEURS: La sécurité pour les
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DÉFENDRE LES DÉFENSEURS: La sécurité pour les
DÉFENDRE LES DÉFENSEURS: La sécurité pour les défenseurs des droits humains cambodgiens 2013 #798, St.99, Boeng Trabek, Chamkarmon, P.O.Box: 2515, Phnom Penh, Cambodge T +855 23 726 901 F +855 23 726 902 E [email protected] Free Word Centre, 60 Farringdon Road, Londres, EC1R 3GA T +44 20 7324 2500 F +44 20 7490 0566 E [email protected] 2 Remerciements Cette analyse des risques concernant les défenseurs des droits humains (ci-après appelée le « rapport ») est le fruit de la coopération entre le Centre cambodgien pour les droits de l’homme (CCHR) et ARTICLE 19. Le rapport s’inscrit dans le cadre plus large du Projet des défenseurs des droits humains du CCHR (Projet des DDH) qui vise à compléter et renforcer le réseau de la société civile existant qui soutient les défenseurs des droits humains (DDH) menacés et, lorsque ce soutien est inexistant ou est jugé insuffisant, à garantir que le soutien nécessaire puisse être assuré par d’autres partenaires, par exemples des organisations internationales. Le Projet des DDH a été lancé en mars 2011 et était au départ financé par le programme d’aide extérieure du gouvernement australien, AusAid, par le Plan de subventions relatives aux droits humains. Le Projet des DDH du programme d’aide extérieure du gouvernement australien est mis en œuvre par le CCHR et soutenu par ARTICLE 19. Les opinions présentées dans ce rapport relèvent entièrement de la responsabilité du CCHR et d’ARTICLE 19, et par conséquent, ils ne reflètent pas les positions officielles du gouvernement australien. Le CCHR est une organisation non-gouvernementale (ONG) de premier plan, non-alignée et indépendante qui s’emploie à promouvoir et protéger la démocratie et le respect des droits humains dans le Royaume du Cambodge. Sa vision est celle d’un Cambodge non violent dans lequel les personnes jouissent de leurs droits humains fondamentaux, sont traités sur un pied d’égalité, ont les moyens de participer à la démocratie et partagent les avantages du développement du Cambodge. Le CCHR souhaite l’État de droit plutôt que l’impunité ; des institutions fortes plutôt que des hommes forts ; et une société pluraliste dans laquelle la variété est mise à profit et célébrée plutôt que d’être ignorée ou punie. Son logo – une colombe volant dans un cercle de ciel bleu – symbolise la revendication de la liberté du Cambodge. ARTICLE 19 a été fondée en 1987 en tant qu’organisation visant à défendre le droit à la liberté d’expression. ARTICLE 19 envisage un monde où les gens sont libres d’exprimer leurs opinions, de participer à la prise de décision et de faire des choix éclairés concernant leur vie. Elle tire son nom de l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), qui prévoit le droit universel à la liberté d’expression et d’opinion. Avec des bureaux au Bangladesh, au Brésil, au Kenya, au Mexique, en Tunisie, au Sénégal et au Royaume Uni, et en collaboration avec 90 partenaires dans le monde entier, ARTICLE 19 effectue des campagnes et un travail de plaidoyer en faveur de la liberté d’expression et d’information. Si vous avez des questions ou souhaitez obtenir plus d’information au sujet de ce rapport, ou si vous souhaitez nous faire part de vos impressions, veuillez envoyer un email au CCHR à l’adresse : [email protected] ou à ARTICLE 19 à l’adresse : [email protected]. Ce rapport, de même que toutes les autres publications du CCHR, est disponible sur le site web du CCHR à l’adresse : www.cchrcambodia.org ainsi que sur le portail en ligne primé relatif aux droits humains, www.sithi.org, qui est hébergé par le CCHR. 3 Table des matières Résumé analytique........................................................................................................ 5 Introduction ................................................................................................................... 6 Contexte ......................................................................................................................... 7 Normes internationales et régionales ....................................................................... 10 Normes internationales ....................................................................................................... 10 Normes régionales............................................................................................................... 13 Législation nationale et restrictions .......................................................................... 14 Code pénal 2009 .................................................................................................................. 15 Loi sur les réunions pacifiques .......................................................................................... 16 Loi anti-corruption 2010 ...................................................................................................... 16 Loi sur la presse 1995 ......................................................................................................... 17 Projet de loi sur les associations et les organisations non-gouvernementales.............. 17 Projet de loi syndicale ......................................................................................................... 18 Évaluation des risques concernant les DDH cambodgiens ................................... 18 Champ d’application et méthodologie ............................................................................... 18 Types de DDH ...................................................................................................................... 19 Parlementaires de l’opposition ............................................................................................ 19 Avocats défenseurs des droits humains ............................................................................. 22 Journalistes et professionnels des médias.......................................................................... 23 Militants de base................................................................................................................. 25 Militants syndicalistes ......................................................................................................... 29 Femmes militantes en faveur des droits fonciers ................................................................ 31 Travailleurs des ONG ......................................................................................................... 34 Évaluation des risques ........................................................................................................ 39 Menaces principales ........................................................................................................... 40 Vulnérabilité ........................................................................................................................ 43 Conclusion et recommandations ............................................................................... 47 Annexe: acronymes .................................................................................................... 53 4 Résumé analytique Le travail des défenseurs des droits humains (DDH) est inestimable pour la réalisation globale de la protection et la promotion des droits humains, et comprend le recueil et la diffusion d’informations, le plaidoyer, la mobilisation de l’opinion publique, la démarginalisation et le soutien aux victimes de violations des droits humains. 1 Les DDH jouent un rôle extrêmement important dans une démocratie, en encourageant la participation politique et en faisant pression en faveur de la bonne gouvernance et la transparence. La situation sécuritaire et le niveau de risque auxquels les DDH cambodgien sont confrontés se sont nettement détériorés en 2012, une détérioration qui s’est poursuivie en 2013. Le Gouvernement royal du Cambodge (GRC) a pris des mesures radicales contre le travail des DDH lors de la course aux élections nationales en 2013. Le présent rapport a pour objectif d’exposer les principales menaces pesant actuellement sur la sécurité des DDH au Cambodge, afin d’analyser le niveau de risque global lié à ces diverses menaces, et de formuler des recommandations pour réduire ce risque et promouvoir la sécurité des DDH. Le rapport est structuré de la manière suivante : Introduction et contexte: Ces parties présentent les objectifs clés du rapport et les évolutions majeures au Cambodge, ainsi qu’un aperçu de la situation générale des droits humains au Cambodge, tout en soulignant le contexte politique et économique qui constituent la toile de fond de ce rapport. Normes juridiques internationales, régionales et nationales: Cette partie énumère toutes les lois nationales, régionales et internationales et les déclarations applicables aux DDH au Cambodge. Certaines de ces lois et déclarations protègent et promeuvent les droits des DDH, tandis que plusieurs autres restreignent le travail des DDH et mettent leur protection en péril. Évaluation des risques concernant les DDH cambodgiens: Cette partie est divisée en deux sous-parties. Le concept de sécurité en ce qui concerne les DDH est présenté brièvement, puis la première sous-partie (« Types de DDH ») expose les menaces qui pèsent sur les différents groupes de DDH – parlementaires de l’opposition, avocats, journalistes/professionnels des médias, militants de base, militants syndicaux, travailleurs des ONG et ONG. La deuxième sous-partie (« Évaluation des risques ») détermine les risques auxquels les différents groupes de DDH sont confrontés au Cambodge, en examinant les différentes menaces pesant sur eux, déduites de la première sous-partie, et leur vulnérabilité face à ces menaces. Conclusion et recommandations: La partie finale de ce rapport résume brièvement les conclusions, et donne des recommandations de fond aux DDH au Cambodge, aux organisations des droits humains, à la Communauté des droits humains cambodgienne et au GRC, afin d’améliorer la situation sécuritaire actuelle à laquelle font face les DDH dans le pays. HCDH, ‘Les défenseurs des droits de l’homme : protéger le droit de défendre les droits de l’homme’ (fiche d’information nº 29) <http://www.ohchr.org/EN/PUBLICATIONSRESOURCES/Pages/FactSheets.aspx> 1 5 Introduction D’après le Haut-commissariat des Nations unies (NU) aux droits de l’homme (HCDH), les DDH sont les individus, groupes et organes de la société qui promeuvent et protègent les libertés fondamentales et les droits humains universellement reconnus. Les DDH cherchent à promouvoir et protéger les droits civils et politiques ainsi qu’à promouvoir, protéger et mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels. Les DDH promeuvent et protègent également les droits des membres de groupes tels que les communautés autochtones. La définition n’inclut pas les individus ou les groupes qui commettent ou propagent la violence.2 La situation des droits humains et des libertés fondamentales au Cambodge, notamment les libertés de pensée, d’expression et d’association, est alarmante. La situation pour les DDH est également préoccupante. En 2012, les autorités ont continué de réagir sévèrement aux activités des DDH, notamment les défenseurs des droits fonciers et au logement, les syndicalistes, les journalistes et les travailleurs des ONG, en utilisant le harcèlement, l’intimidation, la violence et des actions en justice pour réduire les dissidents au silence. Malgré les exigences fixées par les normes internationales relatives aux droits humains, comme il sera expliqué ci-dessous, aucun mécanisme national indépendant n’existe au Cambodge pour protéger et promouvoir les droits des DDH.3 Les ONG offrent un certain soutien aux DDH – notamment par une assistance juridique et un soutien humanitaire – toutefois les ONG ont des capacités et des ressources limitées, ce qui implique que dans de nombreux cas de violations, en particuliers celles qui ont lieu dans zones reculées éloignées de la capitale de Phnom Penh, le soutien aux DDH est souvent inexistant. La situation sécuritaire et le niveau de risque qui pèsent sur les DDH cambodgiens s’est notablement détérioré en 2012. Le GRC a pris des mesures radicales contre le travail des DDH lors de la course aux élections nationales en juillet 2013. Ce rapport est né d’une visite d’ARTICLE 19 sur le terrain, au Cambodge, et se base sur les premières conclusions des entretiens avec des DDH réalisées par ARTICLE 19 et le CCHR au cours de cette visite, ainsi que des recherches poussées réalisées sur le terrain par le CCHR. Il ne prétend pas constituer un rapport quantitatif sur la situation sécuritaire des DDH au Cambodge, et par conséquent les cas qui y sont décrits ne sont pas un état exhaustif de toutes les formes de menaces et de risques auxquelles les DDH font face. Les cas utilisés sont plutôt un échantillon d’un régime plus large de risques et de menaces, le rapport fournissant une analyse qualitative de la situation sécuritaire générale. Le présent rapport a pour objectif d’exposer les principales menaces pesant actuellement sur la sécurité des DDH au Cambodge, afin d’analyser le niveau de risque global lié à ces diverses menaces, et de formuler des recommandations aux DDH, à la communauté des droits humains nationale et internationale, et au GRC pour réduire ce risque et promouvoir la sécurité des DDH dans le pays. HCDH, ‘Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme’ (commentaire) <http://www.ohchr.org/EN/Issues/SRHRDefenders/Pages/Declaration.aspx> 3 CCHR, ‘Institutions Series: National Human Rights Bodies in Cambodia’ (fiche d’information) (mars 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=factsheet_detail.php&fsid=38&id=5> 2 6 Contexte Malgré un passé violent, le Cambodge a connu une immense croissance économique au cours des dix dernières années et une baisse considérable du taux de pauvreté.4 Toutefois, sous cette apparence de progrès, il existe un mécontentement de plus en plus vif à l’égard des politiques économiques du GRC, qui profitent à quelques membres de l’élite et se font souvent au détriment des cambodgiens de la classe ouvrière. L’écart de richesse entre les riches et les pauvres n’a cessé d’augmenter. 5 Les personnes au pouvoir continuent de vendre, souvent illégalement, les terres et les ressources naturelles du pays à des sociétés privées ayant de bonnes relations, pour des gains économiques à court terme qui impliquent des conséquences à long terme pour le peuple cambodgien. Une des questions principales concernant les droits humains au Cambodge qui affecte lourdement le travail des DDH est la restriction appliquée à tous les types de liberté d’expression. Le parti politique au pouvoir, le Parti du peuple cambodgien (PPC), tolère très peu la critique, une caractéristique déterminante qui a de graves répercussions sur la liberté d’expression et la liberté d’information dans le pays. L’appareil d’État du Cambodge, qui inclut la police, l’armée, le système judiciaire et même l’Assemblée Nationale, est utilisé par les hauts fonctionnaires du GRC et leurs entreprises affiliées pour faire taire les critiques. Le leader du principal parti d’opposition, Sam Rainsy, est en exil volontaire à cause d’une peine de 11 ans de prison qu’il aurait dû purger s’il était retourné au Cambodge.6 En 2010, il a été jugé coupable des chefs d’accusation fondés sur des motifs politiques suivants: désinformation, falsification, dommages matériels et incitation à la discrimination.7 En 2012, le nom de Sam Rainsy a été retiré de la liste électorale en raison des accusations criminelles portées contre lui, ce qui veut dire qu’il n’est pas officiellement autorisé à participer aux prochaines élections en juillet 2013.8 Les médias au Cambodge sont fortement censurés en faveur du PPC. Toutes les stations de télévision et la plupart des stations de radio, de même que les principaux journaux cambodgiens sont soit possédés soit contrôlés par le parti au pouvoir ou par des individus alignés sur le parti au pouvoir, 9 assurant ainsi le contrôle du GRC sur la diffusion de l’information, ainsi que sur toute forme d’opposition.10 Banque mondiale, ‘Country Overview: Cambodia’ (2011) <http://www.worldbank.org/en/country/cambodia/overview> 5 Institut cambodgien des ressources de développement (CDRI), ‘Annual Development Review 2011-2012’, (2012) 2 <http://www.cdri.org.kh/webdata/download/adr/adr07e1112.pdf> 6 « Sam Rainsy risque maintenant une peine de 11 ans de prison au total, résultant de trois condamnation différentes. Sa peine la plus longue, de 10 ans, a été prononcée l’année dernière après qu’il soit condamné dans deux affaires liées à une manifestation qu’il avait organisé en 2009 contre une présumée intrusion vietnamienne. Cette peine a été réduite à 7 ans en septembre 2011. » LICADHO, « The Delusion of Progress: Cambodia’s legislative assault on freedom of expression » (rapport) (octobre 2011) <http://www.licadhocambodia.org/reports/files/162LICADHOReport-LegislativeAssaultFreedomExpression2011-English.pdf> (octobre 2011) 7 Voir CCHR, “Analysis of the Legal Grounds for Conviction and the Fairness of the Judicial Proceedings in the Criminal Cases Against Sam Rainsy” (février 2011) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=analysis_detail.php&anid=24&id=5> 8 ‘Sam Rainsy Deleted from Voter List for Election’ The Cambodia Daily (5 novembre 2012) <http://www.cambodiadaily.com/news/sam-rainsy-deleted-from-voter-list-for-election-5229/> 9 Comité pour des élections libres et justes au Cambodge (COMFREL), ‘Cambodian Democracy, Elections and Reform: 2009 Report’ (février 2010) <http://www.comfrel.org/eng/components/com_mypublications/files/8978541265785063Comfrel_Cambodia_Dem ocratic_Reform_2009_En_Final.pdf> 10 CCHR, ‘New Media and the Promotion of Human Rights in Cambodia’ (rapport) (juillet 2012) 6 <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=report_detail.php&reid=79&id=5> 4 7 On estime que depuis 2000, environ 700 000 personnes ont été dépossédées de leurs terres ou ont été affectées de façon défavorable par des concessions de terres à fins économiques (CTE) accordées par le GRC,11 qui sont un bail à long terme permettant au bénéficiaire de défricher les terres pour y développer des exploitations agricoles industrielles. L’Association pour les droits de l'homme et le développement au Cambodge (ADHOC), qui compte des bureaux dans 23 des 24 provinces/municipalités du Cambodge, signale que plus de 100 CTE ont été accordés rien qu’en 2012, alors que 68 avaient été accordés en 2011. ADHOC a également signalé en novembre 2012 que 32 CTE avaient été accordées depuis que le Premier ministre Hun Sen avait imposé un moratoire sur les CTE au mois de mai de la même année.12 Les CTE occupent maintenant au moins 2 millions d’hectares de terres cambodgiennes, ce qui représente au moins 10% de la masse terrestre totale du pays.13 Cette politique économique s’est révélée problématique au cours des dernières années et constitue la source de beaucoup des questions les plus urgentes concernant les droits humains au Cambodge. Le travail de la majorité des DDH est lié d’une manière ou d’une autre à la protection des droits fonciers – par exemple, les journalistes, les activistes, et les travailleurs des ONG sont ciblés lorsqu’ils dénoncent l’accaparement des terres et les expulsions forcées. Rien qu’en 2012, au moins 201 activistes en faveur des droits fonciers ont été arrêtés – plus du double du nombre d’arrestations en 2011.14 Parallèlement aux violations des droits fonciers entraînant des manifestations massives, les mauvais traitements aux travailleurs de l’industrie du vêtement est une des autres sources principales de troubles sociaux au Cambodge. L’industrie du vêtement est l’un des secteurs les plus dynamiques du Cambodge. Elle représente plus de 90% des exportations du pays et emploie plus de 300 000 personnes. 15 Le vêtement est un secteur clé pour les investissements étrangers et également une source importante d’emploi, en particulier pour les femmes. Toutefois, au cours des dernières années, les travailleurs du vêtement sont de plus en plus souvent descendus dans la rue pour protester contre les bas salaires, les mauvaises conditions de travail et le non-paiement par le management des prestations qui leur sont dues. Ceci a mené à des mesures sévères contre la liberté de réunion et d’association des travailleurs. Les travailleurs sont souvent punis pour avoir adhéré à des syndicats ou pour avoir manifesté, et les dirigeants des syndicats sont régulièrement menacés et harcelés.16 Les mesures contre la liberté de réunion sont étroitement liées à l’étouffement de la libre expression. La propension croissante parmi les activistes communautaires et les militants syndicaux à organiser des manifestations publiques a mené à des réactions nettement plus agressives de la part des autorités. Les manifestations pacifiques se transforment de plus ‘Carving Up Cambodia’ The Cambodia Daily (10-11 mars 2012) (supplément weekend 4) ‘Arrests of Land Rights Activists Doubled in 2012’ The Cambodia Daily (24 janvier 2013) 1 <http://www.cambodiadaily.com/archive/arrests-of-land-rights-activists-doubled-in-2012-8276/> 13 ‘Arrests of Land Rights Activists Doubled in 2012’ The Cambodia Daily (24 janvier 2013) 1 <http://www.cambodiadaily.com/archive/arrests-of-land-rights-activists-doubled-in-2012-8276/> 14 Ibid 15 Better Factories Cambodia, ‘Industry Data Sheet 2011’ (mars 2011) <http://www.betterfactories.org/content/documents/Industry%20Data%20Sheet%202011_March2011%20(EN).pd f> 16 Clean Clothes Campaign et Community Legal Education Center, ’10 Years of the Better Factories Cambodia Project’ (rapport conjoint) (août 2012) 16 <http://www.cleanclothes.org/resources/publications/ccc-clec-betterfactories-29-8.pdf/view> 11 12 8 en plus en affrontements violents avec la police et la police militaire et, depuis le début de 2012, il y a eu de nombreux incidents dans lesquels les autorités ont ouvert le feu sur les activistes. Dans un cas en 2012, cette approche a causé la mort par balle de Heng Chantha âgée de 14 ans dans la province de Kratie, qui se trouvait sur les lieux lorsque l’armée a ouvert le feu sur des expulsés qui refusaient de quitter leurs terres.17 Malgré une société civile active et engagée, les groupes en faveur des droits humains au Cambodge s’accordent généralement à reconnaître que la situation des droits humains s’est dégradée en 2012, et avec elle la sécurité pour les DDH.18 En comptant l’adolescente de 14 ans en Kratie, trois meurtres ont résulté de la réponse du GRC à l’activisme et à la liberté d’expression rien qu’en 2012. Le 26 avril 2012, Chut Wutty, un écologiste éminent et le directeur du Groupe de protection des ressources naturelles, a été abattu par la police militaire alors qu’il enquêtait sur l’exploitation forestière illégale dans la province de Koh Kong. Le 11 septembre 2012, Hang Serei Odom, un reporter du journal local Vorakchun Khmer de la province de Ratanakkiri, qui a fréquemment fait état de l’exploitation forestière illégale et ses liens avec les fonctionnaires cambodgiens,19 a été retrouvé battu à mort dans sa voiture. Personne n’a été tenu responsable de la mort de Chut Wutty ou de Heng Chantha. Deux personnes ont été arrêtées et accusées du meurtre de Hang Serei Odom, mais on croit que d’autres personnes étaient impliquées dans le meurtre.20 L’enquête a été rouverte en avril 2013 par le juge présidant la Cour provinciale de Ratanakkiri, qui a affirmé que des informations importantes avaient été négligées.21 Au Cambodge, les violations des droits des DDH sont en général éclipsées par un nuage d’impunité. Le Cambodge compte trois organes nationaux relatifs aux droits humains – la Commission des droits de l’homme de l’Assemblée nationale, la Commission des droits de l’homme du Sénat, et le Comité cambodgien des droits de l’homme. Malheureusement, tous ces organes sont loin de répondre aux critères exposés dans les Principes de Paris, qui seront expliqués plus en détail ci-après, et son considérés comme n’étant pas suffisamment autonomes pour demander au GRC de rendre des comptes sur les violations des droits humains.22 ‘Teenage girl gunned down by security forces in eviction’ The Phnom Penh Post (17 mai 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012051756224/National/girl-killed-in-eviction.html> 18 Human Rights Watch, ‘Rapport mondial 2013’ (janvier 2013) (chapitre pays – Cambodge) (version intégrale en anglais) <http://www.hrw.org/world-report/2013/country-chapters/cambodia> 19 ‘Stringer who reported on logging found dead The Phnom Penh Post (12 septembre 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012091258652/National/stringer-who-reported-on-logging-found-dead.html> 20 ‘Probe into murder of journalist Hang Serei Oudom closes’ The Phnom Penh Post (22 novembre 2012) <http://www.phnompenhpost.com/index.php/2012112259882/National-news/probe-into-murder-of-journalisthang-serei-oudom-closes.html> 21 Radio Free Asia, “Cambodian Court Orders New Probe in Reporter’s Death” (30 avril 2013) <http://www.rfa.org/english/news/cambodia/probe-04302013192504.html> 22 CCHR, ‘Institutions Series: National Human Rights Bodies in Cambodia’, (fiche d’information) (mars 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=factsheet_detail.php&fsid=38&id=5> 17 9 Normes internationales et régionales Les DDH cambodgiens disposent de protections juridiques à la fois au niveau national et international, en particulier en ce qui concerne la liberté d’opinion et d’expression, et le droit à la liberté de réunion pacifique et d’association, qui servent de garanties essentielles de leur travail. Les déclarations régionales prévoient des protections limitées de ces droits, alors qu’une législation nationale vague est appliquée pour restreindre le travail des DDH et conduire à leur harcèlement. Normes internationales À ce jour, le Cambodge a ratifié sept des neuf principales conventions internationales relatives aux droits humains : Le I Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et son Protocole facultatif La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est son Protocole facultatif La Convention relative aux droits de l'enfant et ses Protocoles facultatifs La Convention relative aux droits des personnes handicapées. La Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et la Convention contre les disparitions forcées ont été signées, mais n’ont pas encore été ratifiées par le Cambodge. L’Article 19 de la DUDH stipule que : Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.23 En 1992, le Cambodge a accédé au PIDCP, qui contient des obligations juridiques imposées aux États parties de promouvoir le respect universel et effectif des libertés et des droits humains. L’Article 19 du PIDCP garantit le droit à la liberté d’expression:24 (1) Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. (2) Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. Les libertés de réunion pacifique et d’association sont également garanties respectivement par les articles 21 et 22 du PIDCP.25 23 DUDH, A.G. res. 217A (III), U.N. Doc A/810 à 71 (1948). PIDCP NU, A. G. res. 2200A (XXI), 21 N.U. GAOR Supp. (No. 16) at 52, N.U. Doc. A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur (Mar. 23, 1976). 25 Ibid 24 10 Le Cambodge a signé mais n’a pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant au PIDCP. Une ratification du Protocole facultatif donnerait au Comité des droits de l’homme des Nations unies la compétence de recevoir les plaintes individuelles concernant la conformité du Cambodge avec ses obligations en vertu du PIDCP. Preuve de l’importance du travail des DDH, en 1998, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, également connue sous le nom de Déclaration des défenseurs des droits humains (Déclaration sur les DDH). En 2000, la Commission des droits de l’homme des Nations unies a prié le Secrétaire général de nommer un représentant spécial concernant la situation des DDH pour superviser et appuyer la mise en œuvre de cette Déclaration.26 La Déclaration sur les DDH souligne l’importance perçue au niveau international du travail des DDH et travaille à leur protection. Elle n’est pas juridiquement contraignante, toutefois elle contient des principes issus d’autres documents qui sont juridiquement contraignants, tels que le PIDCP, et elle les inscrit dans le contexte du travail des DDH. De plus, la Déclaration sur les DDH a été adoptée par consensus à l’Assemblée générale et représente pas conséquent un engagement très ferme de la part des États de la mettre en œuvre.27 Elle met l’accent sur la responsabilité des États de protéger les droits humains et les DDH, mais elle appelle également toutes les personnes à assumer leur rôle en tant que DDH. Les articles 1, 5-9, et 11-13 de la Déclaration sur les DDH prévoient des protections particulières pour les défenseurs des droits humains, notamment, en autres, les droits : de chercher la protection et la réalisation des droits humains au niveau national et international ; de travailler en faveur des droits humains individuellement et en association avec d’autres ; de former des associations et des ONG ; de se réunir ou se rassembler pacifiquement ; de rechercher, obtenir, recevoir et détenir des informations concernant les droits humains ; de déposer des plaintes au sujet des politiques officielles et soumettre des propositions aux organes du gouvernement afin d’améliorer leur fonctionnement ; d’offrir et prêter une assistance juridique professionnelle qualifiée pour la défense des droits humains ; de jouir d’un libre accès de communication avec les organisations nongouvernementales et intergouvernementales ; et de recevoir une protection effective en vertu de la loi nationale lorsque, par des moyens pacifiques, ils s’opposent ou réagissent contre des actions ou des omissions attribuables à l’État qui ont pour résultat des violations des droits humains.28 La Déclaration des DDH réaffirme le devoir de l’État de garantir la création et le développement d’institutions nationales indépendantes pour la protection et la promotion des droits humains et des libertés fondamentales. Les Institutions nationales des droits humains (INDH) sont considérées comme les « défenseurs publics des défenseurs des droits humains ».29 Les INDH sont des organes de l’État dotés d’un mandat constitutionnel HCDH, ‘Les défenseurs des droits de l’homme : protéger le droit de défendre les droits de l’homme’ (fiche d’information nº 29) <http://www.ohchr.org/EN/PUBLICATIONSRESOURCES/Pages/FactSheets.aspx> 27 Résolution de l'Assemblée générale A/RES/53/144 adoptant la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme <http://www.ohchr.org/EN/Issues/SRHRDefenders/Pages/Declaration.aspx> 28 HCDH, ‘Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme’ (commentaire) <http://www.ohchr.org/EN/Issues/SRHRDefenders/Pages/Declaration.aspx> 29 Réseau des ONG asiatiques sur les institutions nationales des droits humains (ANNI) ‘ANNI Report on the Performance and Establishment of National Human Rights Institutions in Asia 2012’ (Thaïlande 2012) 15 <http://www.forum-asia.org/?p=15570> 26 11 et/ou juridique pour protéger et promouvoir les droits humains. Ils font partie de l’appareil d’État et sont financés par l’État.30 En décembre 1993, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté les Principes de Paris par une résolution, qui détermine les normes que ces INDH devraient respecter. 31 Les INDH sont « accréditées » dans le monde entier avec différents niveaux de statut conformément à leur adhérence aux Principes de Paris.32 En Asie, où bon nombre de pays font face à la détérioration de la situation des droits humains, le rôle des INDH est de plus en plus important.33 Le 21 mars 2013, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies (CDH) a adopté par consensus une résolution concernant « la protection des défenseurs des droits humains » (A/HRC/22/L.13). Cette résolution historique appelle les États à garantir que « les opinions divergentes puissent être exprimées pacifiquement, » et que les lois « n’empêchent pas les fonctionnaires de rendre des comptes. » La sensibilisation internationale sur le rôle crucial joué par les DDH a augmenté ces dernières années. La Commission interaméricaine des droits de l'homme affirme que « [l]es défenseurs des droits humains accomplissent un travail essentiel consistant à protéger les droits de chacun de nous. La protection de ces défenseurs est par conséquent d’une importance toute particulière. »34 L’Union européenne (UE) a adopté des directives relatives aux DDH en juin 2004, pour guider les actions de l’UE concernant les DDH dans les pays hors-UE.35 La résolution du Parlement européen sur les politiques de l’UE en faveur des DDH reconnaît « la contribution inestimable que les défenseurs des droits humains apportent à la protection et la promotion des droits humains, l’État de droit, la démocratie et la prévention des conflits au risque de leur propre sécurité personnelle […]. »36 En 2012, le rapporteur spécial ou représentant des Nations unies sur la liberté d’expression, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’Organisation des États américains, et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples ont adopté la Déclaration conjointe relative aux crimes contre la liberté d’expression,37 en mettant l’accent sur le fait que « les crimes contre la liberté d’expression […] constituent une violation particulièrement grave de la liberté d’expression et du droit à l’information. » La Déclaration conjointe a aussi noté que « la violence et les autres crimes envers ceux qui exercent leur droit à la liberté d’expression, notamment les journalistes, les autres acteurs médiatiques et HCDH NU, ‘Institutions nationales pour les Droits De l'Homme: Historique, principes, fonctions et attributions’, (New York et Genève 2010) 13 <http://www.ohchr.org/Documents/Publications/PTS-4Rev1-NHRI_fr.pdf > 31 AGNU (Assemblée générale des Nations unies) Res 48/134 (20 décembre 1993) NU Doc A/RES/48/134 <http://www.un.org/documents/ga/res/48/a48r134.htm> 32 Le Sous-comité d’accréditation (SCA) du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits humains est chargé de passer en revue et d'examiner les demandes d'accréditation des INDH et de faire des recommandations aux membres du bureau sur la conformité de l'institution requérante aux Principe de Paris. Le SCA est composé d’une INDH dotée d'une accréditation de « statut A » pour chacun des quatre groupes régionaux ; à savoir l’Afrique, les Amériques, l’Asie-Pacifique et l’Europe. 33 ANNI ‘ANNI Report on the Performance and Establishment of National Human Rights Institutions in Asia 2012’ 8 <http://www.forum-asia.org/?p=15570> 34 Commission interaméricaine des droits de l'homme, ‘IACHR Deplores the assassination of María del Carmen Florez in Colombia’ (communiqué de presse 6/02) (Washington, D.C.15 février 2002) <http://www.cidh.org/Comunicados/English/2002/Press6.02.htm> 35 Voir les Orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme: <http://europa.eu/legislation_summaries/human_rights/human_rights_in_third_countries/l33601_fr.htm> 36 Résolution du Parlement européen 2009/2199(INI) sur la politique de l'UE en faveur des défenseurs des droits de l'homme (2009) <http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-20100226+0+DOC+XML+V0//FR> 37 Déclaration conjointe sur les crimes contre la liberté d’expression (2012) http://www.oas.org/en/iachr/expression/showarticle.asp?artID=905&lID=1 30 12 les défenseurs des droits de l’homme, exercent un effet paralysant sur la libre circulation de l’information et des idées à l’intérieur de la société (« censure par mise à mort »), et constituent ainsi des attaques non seulement contre les victimes mais aussi contre la liberté d’expression en soi… » Normes régionales En Asie du Sud-Est, l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) a récemment adopté la Déclaration des droits de l’homme de l’ANASE (DDHA) en novembre 2012.38 La DDHA contient de précieuses dispositions concernant le travail des DDH, telles que la protection du droit à la liberté d’expression et d’opinion en vertu de l’article 23, le droit à la liberté de réunion pacifique en vertu de l’article 24, et le droit de participer à la vie politique de son propre pays en vertu de l’article 25.39 Toutefois, la DDHA présente plusieurs lacunes. L’une des principales préoccupations est l’utilisation d’un langage flou et imprécis en ce qui concerne les restrictions de droits, qui permet que la réalisation des droits individuels dépende d’intérêts collectifs ou nationaux. Deuxièmement, la DDHA est formulée en termes respectueux de la « loi nationale » et du « contexte régional et national », diluant ainsi la nature universelle et inaliénable des droits humains, et tombant au-dessous des normes minimales que le PIDCP et les autres pactes internationaux exigent de tous les États membres de l’ANASE.40 Directement lié à cette déférence nationale est le principe de souveraineté absolue pour les États membres de l’ANASE. L’absence de mécanisme d’application supranational, tel qu’une cour régionale des droits humains, rend la DDHA et la Commission des droits humains de l’ANASE inefficaces.41 En fait la DDHA pourrait être nuisible à la sécurité des DDH si des États tels que le Cambodge commençaient à s’appuyer sur la DDHA pour y trouver des conseils et des justifications, plutôt que d’adhérer à des obligations en vertu du droit international relatif aux droits humains juridiquement contraignant. En l’absence d’un organe régional de défense des droits humains qui soit entièrement opérationnel, les INDH et les cours nationales d’Asie du Sud-Est sont indispensables dans la promotion et la protection des droits humains et des DDH au niveau national. ANASE, ‘Phnom Penh Statement on the Adoption of the ASEAN Human Rights Declaration’ (communiqué de presse) (19 novembre 2012) <http://www.asean.org/news/asean-statement-communiques/item/phnom-penhstatement-on-the-adoption-of-the-asean-human-rights-declaration-ahrd> 39 ANASE, “Déclaration des droits de l’homme de l’ANASE” (novembre 2012) <http://www.asean.org/news/asean-statement-communiques/item/asean-human-rights-declaration> 40 CCHR, ‘CCHR Highlights Rashness of Adopting a Below Par ASEAN Human Rights Declaration’ (communiqué de presse) (19 novembre 2012) <http://www.sithi.org/temp.php?url=media_view2.php&mid=6093> 41 Ibid 38 13 Législation nationale et restrictions Les DDH sont protégés en vertu de la législation nationale cambodgienne. L’article 31 de la Constitution du Royaume du Cambodge garantit le « respect et la reconnaissance » de tous les droits énoncés dans la DUDH et dans les autres pactes relatifs aux droits humains, et que tous les cambodgiens jouissent de ces droits sur un pied d’égalité. L’article 31 de la Constitution indique que : « Le Royaume du Cambodge reconnaît et respecte les droits de l’homme tels qu’ils sont inscrits dans la Charte des Nations Unies, dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et dans tous les traités et conventions relatifs aux droits de l’homme, de la femme et de l’enfant. » Ces traités et conventions ont été incorporés directement dans le droit national cambodgien en vertu de leur ratification et cette incorporation est confirmée par l’arrêt du Conseil constitutionnel du 10 juillet 2007, qui indique que « les conventions internationales que le Cambodge a reconnues » font partie du droit cambodgien. 42 La Constitution protège également les droits des DDH par l’article 41, qui stipule que « [t]out citoyen khmer a la liberté d’exprimer ses opinions personnelles, la liberté de presse, de publication et de réunion. » En outre, l’article 35 de la Constitution prévoit le droit des citoyens Khmer de « participer activement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de la nation, » et l’article 39 prévoit pour eux le droit de « dénoncer, porter plainte, ou réclamer des réparations pour des préjudices causés par des activités illégales des organismes de l’Etat, des organismes sociaux et du personnel de ces organismes. » Il est à noter que le fait de conditionner la jouissance des droits humains fondamentaux en fonction de la citoyenneté n’est pas conforme aux normes internationales ; ces droits devraient être compris comme s’appliquant à toute personne se trouvant sur le territoire du Cambodge ou relevant de sa juridiction. En outre, l’article 41 de la Constitution stipule que « Nul ne peut profiter de la jouissance de ces droits pour en abuser et porter atteinte à l’honneur d’autrui, aux bonnes mœurs et coutumes de la société, à l’ordre public et à la sécurité nationale. » Il n’est pas légitime de restreindre le droit à la liberté d’expression ou de réunion pour protéger les « bonnes mœurs et coutumes de la société » ; ce terme est étranger aux droits humains internationaux et peut être utilisé pour restreindre arbitrairement l’exercice des droits fondamentaux. Les DDH au sein de l’Assemblée nationale sont en outre protégés par l’article 80 de la Constitution, qui garantit qu’ « [a]ucun député ne peut en aucun cas être poursuivi, arrêté, gardé à vue ou détenu à cause de ses opinions ou des votes exprimés à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. » Malgré des garanties clairement indiquées des droits des DDH en vertu du droit national et international, il reste encore un certain nombre de lois nationales qui contredisent ces garanties, et imposent une règlementation excessive et des obstacles au travail des DDH.43 42 Conseil constitutionnel du Cambodge, décision nº 092/003/2007 (2007) <http://www.ccc.gov.kh/french/dec/2007/dec_003.html> 43 LICADHO, ‘The Delusion of Progress: Cambodia’s Legislative Assault on Freedom of Expression’ (octobre 2011) <http://www.licadho-cambodia.org/reports/files/162LICADHOReportLegislativeAssaultFreedomExpression2011-English.pdf> 14 Code pénal 2009 Le Code pénal cambodgien (Code pénal) est entré en vigueur en décembre 2010 et contient plusieurs dispositions vagues qui restreignent la liberté d’expression et entravent par conséquent sérieusement le travail des DDH au Cambodge. En vertu de l’article 305 du Code pénal, le fait de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne ou d’institutions constitue un acte diffamatoire. Le motif présenté par l’accusé, ou les défenses traditionnelles trouvées dans d’autres juridictions telles que le commentaire loyal44 n’ont aucune incidence sur l’infraction. En outre, l’article 207 érige toute expression insultante, tout terme méprisant ou toute autre violence verbal à l’égard d’une personne ou d’une institution, en infraction pénale. Cette infraction peut être commise par différents moyens d’expression, notamment par des discours, des textes écrits, des dessins ou des communications audiovisuelles. La définition du terme « insultant » est extrêmement vague ; par conséquent elle pourrait être appliquée à n’importe quelle critique ou satire politique. L’article 311 érige en crime la dénonciation diffamatoire et la définit comme le fait de faire des allégations de faits qui sont notoirement faux et qui peuvent donner lieu à des actions pénales ou disciplinaires contre un individu. Les individus peuvent même être inculpés pour discrédit d’une décision judiciaire.45 Une tendance internationale vers la dépénalisation de la diffamation a été observée, démontrant que de nombreux États sont capables de protéger adéquatement le droit des individus à la protection de leur réputation sans avoir recours au droit pénal. 46 Le Comité des droits de l’homme des Nations unies,47 les quatre Mandataires spéciaux chargés de la liberté d’expression, 48 et la Commission africaine 49 ont appelé les États à dépénaliser la diffamation. Qui plus est, les normes internationales, telles que les Principes de Syracuse concernant les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui autorisent des restrictions où des dérogations, indiquent clairement que le droit à la liberté d’expression ne peut pas être restreint afin de protéger l’État ou les fonctionnaires de la critique.50 Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, dans son Observation générale nº 34, souligne Le terme de commentaire loyal est utilisé dans la défense en cas de poursuites en diffamation, s’appliquant aux déclarations faites en rapport à des actes officiels par un auteur (par ex., dans les médias), étant honnêtement convaincu de leur véracité, même si ces déclarations sont en réalité fausses. Le commentaire loyal doit se baser sur des faits véritablement déclarés, ne pas contenir d’imputations de motifs de corruption ou déshonorant sauf si les faits le justifient, et doit être une expression honnête de l’opinion réelle de l’auteur. 45 Article 523, Code pénal cambodgien 2009 46 Le Ghana, le Togo, le Mexique, le Royaume-Uni, Irlande, le Sri Lanka, la Géorgie, et les Maldives ont dépénalisé la diffamation et la République centrafricaine ont supprimé la peine d’emprisonnement pour diffamation criminelle. 47Observations finales sur l’Italie (CCPR/C/ITA/CO/5); observations finales sur l’Ex-République yougoslave de Macédoine (CCPR/C/MKD/CO/2). 48 Déclaration conjointe par le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression, le Représentant de l’OSCE concernant la liberté des médias et le Rapporteur spécial de l’OEA sur la liberté d’expression, 10 décembre 2002. Pour plus d’informations, voir: http://www.osce.org/documents/rfm/2004/10/14893_en.pdf 49Ibid, note 35. 50 Commission des droits de l'homme des Nations unies, ‘The Siracusa Principles on the Limitation and Derogation Provisions in the International Covenant on Civil and Political Rights’ (28 septembre 1984) Doc NU E/CN.4/1984/4 <http://www.unhcr.org/refworld/docid/4672bc122.html> 44 15 l’importance que le PIDCP accorde à l’expression sans restriction lorsqu’il s’agit du débat politique, et précise que les personnages publics doivent s’attendre à des critiques et à l’opposition, au lieu de recevoir une protection accrue.51 Loi sur les réunions pacifiques La Loi sur les réunions pacifiques (Loi sur les manifestations), a été réformée en 2009. Bien que ces réformes aient été positives, certaines questions se posent encore concernant l’application de la loi et la spécificité de certaines dispositions.52 L’article 2 de la Loi sur les manifestations prévoit que le but de la loi est de garantir la liberté d’expression des citoyens cambodgiens par des manifestations pacifiques. Une fois de plus, il est quelque peu problématique que le droit soit garanti uniquement aux citoyens et pas à tous. Le droit est en outre précisé par la provision, qui spécifie que le droit ne doit pas être utilisé pour « affecter les bonnes mœurs et coutumes de la société, l’ordre public ou la sécurité nationale. » Comme mentionné ci-dessus, ces restrictions peuvent être utilisées de façon abusive pour restreindre arbitrairement l’exercice des droits fondamentaux. On craint également que la Loi sur les manifestations crée des « parcs de la liberté », qui sont des espaces dans les villes du Cambodge conçues pour tenir des rassemblements publics et des manifestations. 53 Bien que la Loi sur les manifestations indique que l’existence de ces parcs n’empêchera pas les personnes de tenir des manifestations en dehors de ces espaces, cette disposition peut être – et est – utilisée abusivement pour restreindre ou empêcher les manifestants de choisir le lieu de leurs réunions. Forcer les manifestants à se réunir dans un espace duquel la cible visée ne peut ni les voir ni les écouter viole les normes internationales relatives à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique. Loi anti-corruption 2010 En vertu de la loi anti-corruption 2010, si « des plaintes pour diffamation ou désinformation […] mène à une enquête inutile », les individus pourraient être condamnés à une peine de jusqu’à six mois de prison, ou à une amende située entre 1 million et 10 millions de riels. Comme souligné ci-dessus, de nombreux mécanismes internationaux ont recommandé l’abrogation des dispositions érigeant la diffamation en infraction pénale. Dans le contexte de la lutte anti-corruption, des sanctions pénales pour l’ouverture d’enquêtes mal fondées ou « inutiles » restent quelque chose de vague et susceptible de dissuader les dénonciateurs de dénoncer légitimement la corruption. Les dispositions annulent donc en grande partie les garanties et les encouragements offerts aux employés ailleurs dans le droit. Tout au plus, des sanctions pour avoir divulgué des informations ne devraient être imposées par le droit civil que dans le cas où l’accusé savait que les informations étaient fausses et a agi avec malveillance pour nuire à la réputation d’une personne physique ou morale. CDHNU, ‘Observation générale nº 34 sur l’article 19: Libertés d’opinion et d’expression’ (12 septembre 2011) Doc NU CCPR/C/GC/34 Paragraphe 38 <http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrc/docs/GC34.pdf> 52 CCHR, ‘Law Series: Law on Peaceful Assembly’ (fiche d’information) (août 2011) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=factsheet_detail.php&fsid=7&id=5> 53 Article 14 de la Loi cambodgienne sur la réunion pacifique 51 16 Loi sur la presse 1995 La Loi sur la presse 1995 a été adoptée à la suite de pressions par des donateurs internationaux pour remplacer la Loi sur la presse 1972 beaucoup plus draconienne. La Loi sur la presse actuelle, elle, contient des dispositions positives pour la promotion de la liberté d’expression conformes aux droits constitutionnels, notamment : la garantie de la « liberté de la presse » et de la « liberté de publication » (article 1), une garantie que les sources seront protégées (article 2), une garantie contre la « censure préalable à la publication » (article 3) et une garantie que la publication d’informations officielles ne soit pas sanctionnée si cette publication est entièrement vraie ou est un résumé fidèle de la vérité (article 4). Toutefois, malgré ces dispositions, aussi bien les ONG que la presse ont critiqué la Loi sur la presse du fait qu’elle ajoute des contraintes supplémentaires à l’expression lorsque celleci est exprimée ou publiée par des journalistes.54 Par exemple, en vertu de la Loi sur la presse, les journalistes peuvent être emprisonnés s’ils sont reconnus coupables de diffamation et de calomnie, ainsi que d’avoir écrit des articles qui pourraient affecter la « sécurité nationale » ou la « stabilité politique » 55 (article 12). Les termes de « sécurité nationale » et de « stabilité politique » ne sont pas clairement définis dans la Loi sur la presse, ce qui laisse la porte ouverte à une grande marge d’appréciation judiciaire et à d’éventuelles intimidations à l’égard de toute personne que les autorités considèrent comme dérogeant à ces dispositions. La Loi sur la presse contient d’autres dispositions vagues interdisant notamment la publication d’informations qui humilient les « institutions nationales » 56 ou quoi que ce soit qui « affecte les bonnes mœurs et coutumes de la société. »57 Ces restrictions larges et formulées en termes vagues ont un effet paralysant sur les journalistes, et nuisent à leur capacité à informer ouvertement et efficacement sur des sujets d’intérêt public. Projet de loi sur les associations et les organisations non-gouvernementales Le Projet de loi sur les associations et les organisations non-gouvernementales (LAONG) contient des dispositions larges et vagues qui pourraient être utilisées pour refuser arbitrairement l’enregistrement d’ONG ou d’associations voire les fermer, et il exige que toutes les associations et ONG s’enregistrent avant qu’elles ne soient autorisées à exercer des activités au Cambodge. De plus, le processus d’enregistrement manque de garanties et de transparence.58 Le Premier ministre Hun Sen a suspendu le LAONG en décembre 2011 suite à un tollé national et international, toutefois il n’a pas été définitivement abandonné et pourrait bien revenir à l’ordre du jour du programme législatif dans un avenir proche. Son existence ARTICLE 19, ‘Memorandum on The Cambodian Law on the Press’ (octobre 2004) <http://www.article19.org/data/files/pdfs/analysis/cambodia-press-law-oct-2004.pdf> 55 Ibid 56 Article 13 de la Loi sur la presse 1995 57 Article 14 de la Loi sur la presse 1995 58 CCHR, ‘Draft Law on Associations and Non-Governmental Organizations’ (fiche d’information) (mai 2011) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=factsheet_detail.php&fsid=1&id=5> 54 17 même continue de constituer une grave menace pour la liberté d’association et la liberté d’expression de la société civile. Projet de loi syndicale De façon similaire au LAONG, le Projet de loi syndicale actuellement en instance impose des restrictions et de lourdes peines aux syndicalistes et aux militants pour le droit du travail. Par exemple, le Projet de loi syndicale contient plusieurs infractions pénales, s’appliquant à la fois aux syndicats et aux travailleurs, qui sont définies en termes vagues et sont passibles de lourdes peines. L’article 69 de la loi interdit aux travailleurs et aux syndicalistes d’enfreindre une convention collective, de faire des grèves illégales, et de troubler la paix à des fins purement politiques. En outre, le Projet de loi syndicale impose des conditions d’enregistrement contraignantes pour la création de syndicats en vertu de l’article 12, et des exigences d’information financière excessives en vertu de l’article 17. Évaluation des risques concernant les DDH cambodgiens Champ d’application et méthodologie Au total 22 DDH ont été interviewés par ARTICLE 19 et le CCHR pour obtenir une indication appropriée des risques affrontés par différents échantillons de DDH. 59 Les principaux groupes cibles étaient : les fonctionnaires, les professionnels du domaine juridique, les professionnels des médias, les militants de base, les militants syndicaux, les ONG de défense des droits humains et les travailleurs des ONG. Les noms de certains individus et organisations interviewés ne sont pas divulgués afin de garantir la sécurité des personnes impliquées. Le but de ces interviews était de distinguer les menaces réelles de celles perçues par les DDH, et de déterminer la gravité des menaces et la probabilité que les menaces réelles puissent être mises à exécution – en d’autres termes, le niveau de risque. ARTICLE 19 et le CCHR se sont efforcés de comprendre la source des menaces, la gravité des menaces, les facteurs menant à ce que certains DDH en particulier reçoivent des menaces, et la disposition des DDH à réagir à de telles menaces. Toutes ces informations ont été collectées afin de formuler des recommandations pour d’éventuels mécanismes de protection. Les interviews ont servi de rampe de lancement pour ce rapport. Après avoir collecté des informations sur les principales menaces auxquelles les DDH font face au Cambodge, le CCHR s’est ensuite tiré parti de ces informations par un suivi approfondi de la situation des 59 ARTICLE 19 a mené des missions de terrain au Cambodge du 14 au 19 janvier 2012 compris, et a utilisé des recherches basées sur des interviews pour recueillir des informations. Les interviewés ont été choisis et organisés par le CCHR. Étant donné les délais limités, toutes les interviews ont physiquement eu lieu à Phnom Penh. ARTICLE 19 et le CCHR ont interviewé des DDH basés à Phnom Penh, ainsi que les DDH travaillant dans d’autres provinces qui ont pu faire le voyage jusqu’à la capitale. Il y a eu également une téléconférence avec la province de Ratanakkiri, qui se trouve dans une zone isolée du nord-est du pays. 18 DDH durant l’année 2012 et le début de l’année 2013. Ce suivi a été réalisé par un contact étroit avec les DDH, aidés par le Projet des DDH 60 du CCHR et par une surveillance attentive des médias en langue khmer et anglaise. Ce chapitre est divisé en deux sous-parties : « Types de DDH » et « Évaluation des risques ». La première sous-partie s’intéressera à différents types de DDH - parlementaires de l’opposition, avocats défenseurs des droits humains, journalistes/professionnels des médias, militants de base en faveur des droits fonciers, militants syndicaux, femmes militantes en faveur des droits fonciers, travailleurs des ONG et ONG. En utilisant des études de cas, il peindra un tableau large - et plus impressionniste – des menaces fréquentes auxquelles les différents types de DDH font face dans le cadre de leur travail et leurs divers niveaux de vulnérabilité. La deuxième sous-partie, d’autre part, utilisera une approche plus comparative, en utilisant un « indicateur d’évaluation du risque » pour déterminer le risque global qui pèse sur les différents types de DDH en fonction des différentes menaces identifiées, en tenant compte des divers degrés de vulnérabilité des différents types de DDH. Le contexte législatif est un des facteurs qui influence la situation des DDH en matière de sécurité au Cambodge, bien qu’il y en ait beaucoup d’autres. Le mot sécurité signifie en général être à l’abri des menaces. Cela pourrait vouloir dire la sécurité contre les attaques physiques (sécurité physique), la protection des possessions (sécurité des biens), et la protection contre l’accès d’autres personnes à ses informations à caractère privé (sécurité de l’information). La sécurité signifie également se sentir en sécurité.61 Les DDH dans tout le Cambodge font face régulièrement à des problèmes de sécurité en raison de leur travail de défense des droits humains. Les auteurs de violations des droits humains sont souvent des gens puissants qui réagissent aux défis lancés les DDH par des menaces à la sécurité des DDH.62 Bien que les personnes interviewées aient indiqué que les violences physiques graves, comme les meurtres, se soient calmées ces dernières années, en 2012 a été une année sanglante pour les DDH avec de nombreuses manifestations pacifiques relatives aux droits fonciers et du travail qui ont tourné à la violence. Les autorités ont ouvert le feu sur des manifestants dans au moins huit cas depuis novembre 2011.63 Types de DDH Parlementaires de l’opposition Plusieurs politiciens et parlementaires de l’opposition cambodgiens travaillent courageusement pour promouvoir et protéger les droits humains de leurs compatriotes cambodgiens. En conséquence, ils font souvent face à des menaces et des intimidations 60 Le Projet des DDH du CCHR a pour objectif de prêter assistance aux DDH en danger par une aide juridique, humanitaire et d’autres formes d’assistance, ainsi que par un plaidoyer national et international. Vous trouverez de plus amples informations sur le Projet des DDH du CCHR à l’adresse suivante : <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=project_page/project_page.php&p=project_profile.php&id=3&p ro=HRDP&show=show> 61 Bridges Across Borders Cambodge, ‘A Guide to Personal Security for Human Rights Defenders’ (août 2010) <http://www.babcambodia.org/securityguide/> 62 Ibid 63 Rapport de la LICADHO, ‘Attacks and Threats Against Human Rights Defenders in Cambodia 2010-2012’, (Phnom Penh décembre 2012) 15 <http://www.licadho-cambodia.org/collection/15/attack_hrd_2010_2012> 19 ainsi qu’à des obstructions à leur travail. Les parlementaires des partis minoritaires font régulièrement confrontés à des règlementations internes qui entravent grandement leur capacité à s’exprimer librement. Par exemple, une des règles de l’Assemblée nationale exige des parlementaires qu’ils soient assis en groupe de dix pour avoir le droit de parler devant l’Assemblée. Les partis minoritaires ont des difficultés à atteindre ce nombre, et sont par conséquent exclus du débat. La liberté d’expression pour les partis d’opposition est aussi extrêmement restreinte pendant les campagnes électorales. Lors de la course aux élections municipales de juin 2012 au niveau national, les partis d’opposition ont eu des difficultés à faire passer leur message en raison du contrôle des médias par le gouvernement. Les observateurs nationaux et internationaux ont détecté de nombreuses irrégularités dans la course aux élections, notamment l’utilisation abusive de ressources de l’État pour aider le PPC à faire campagne, tels que des bâtiments et des véhicules publics, et l’utilisation des forces militaires et de police.64 Les politiciens d’opposition ne font pas seulement face à des obstructions à leur travail, plusieurs politiciens travaillant aussi en tant que DDH ont également été menacés à plusieurs reprises et harcelés par les autorités. Une des menaces les plus graves qui pèse sur les membres des partis minoritaires à l’Assemblée nationale est l’abrogation de l’immunité parlementaire, qui peut les rendre vulnérables à des poursuites judiciaires pénales pour des chefs d’accusation tels que la désinformation, la diffamation, l’incitation, et l’obstruction à la justice, simplement pour avoir fait leur travail. Ces chefs d’accusation sont tirés du Code pénal et de la Loi anti-corruption. Les parlementaires sont protégés par l’article 80 de la Constitution, qui garantit qu’ils peuvent exprimer leurs opinions dans l’exercice de leurs fonctions. Toutefois, l’Assemblée nationale, qui est représentée aux deux tiers par le PPC, peut révoquer cette protection en faveur des membres des partis minoritaires par un vote. DDH en lumière – Mu Sochua Mu Sochua, une parlementaire du Parti Sam Rainsy (PSR) a été interviewée pour les besoins de ce rapport et a donné la permission à ARTICLE 19 et au CCHR de publier son nom. Le PSR, le plus grand parti d’opposition, a fusionné récemment avec le Parti des droits humains pour former le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP). Mu Sochua parle sans détour des questions relatives aux droits humains dans tout le Cambodge et en conséquence de cela, son immunité parlementaire lui a été retirée en 2009 après qu’elle ait intenté un procès au Premier ministre Hun Sen pour avoir fait des commentaires désobligeants à son encontre. Elle a perdu le procès, mais Hun Sen a engagé une contre-poursuite et a gagné et a remporté sa cause. Mu Sochua a été déclarée coupable de diffamation et condamnée à une amende. Lorsqu’elle a refusé de payer, le montant prescrit a été déduit de son traitement parlementaire. Elle s’est battue pendant trois ans pour que son immunité soit rétablie, et pendant ces trois années, elle courait le risque d’être arrêtée à tout Comité pour des elections libres et justes au Cambodge (COMFREL), ‘Report on misuse of state resource for political party purposes’ (mai 2012) <http://www.comfrel.org/eng/index.php?option=com_content&view=article&id=537:report-on-misuse-of-stateresource-for-political-party-purposes&catid=188:other> 64 20 moment en raison de son franc-parler. Mu Sochua a noté qu’il aurait été extrêmement facile pour le parti au pouvoir d’intenter de nouvelles poursuites contre elle, étant donné que le pouvoir judiciaire est compromis par le GRC et que, dans la pratique, la police n’a pas besoin d’un mandat pour procéder à une arrestation. Mu Sochua a finalement obtenu le rétablissement de son immunité parlementaire, suite à un intense travail de campagne, le 3 août 2012. Toutefois, une nouvelle plainte plane maintenant sur elle en rapport à son implication présumée dans l’évasion d’activistes en faveur des droits fonciers d’un centre de détention à Phnom Penh, où ils étaient détenus sans inculpation, le 12 janvier 2012. 65 Les détenus, tous des femmes et des enfants, avaient été pris dans une rafle après avoir manifesté contre les expulsions forcées dans le quartier de Borei Keila de Phnom Penh. Pendant que Mu Sochua était en visite dans le centre de détention pour demander la libération des manifestants, ces derniers se sont échappés en passant par-dessus les murs. Pendant l’interview avec ARTICLE 19, Mu Sochua a également révélé que des incidents suspects se sont produits, lui donnant lieu de croire qu’elle fait l’objet d’une surveillance régulière. Elle a par exemple indiqué que l’accès à son blog lui avait été refusé en janvier 2012 pour avoir « violé les termes et conditions. » Dans la pratique, l’immunité parlementaire est une simple formalité et les politiciens de l’opposition peuvent se retrouver dans des difficultés juridiques pour avoir critiqué les politiques du parti dominant. Au même moment que Mu Sochua, le parlementaire du PSR Ho Vann s’est également vu privé de son immunité parlementaire en 2009. Au sujet de Mu Sochua, le Premier minister Hun Sen a déclaré : « lever l’immunité parlementaire de Mu Sochua sera aussi facile que de peler une banane, car [le PPC] a suffisamment de voix pour le faire. »66 CCHR ‘Outspoken Opposition Lawmaker Facing Charges of Defamation and Incitement’ (avis aux médias) (17/02/2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=alert_detail.php&alid=14&id=5> 66 CCHR ‘Cambodia Gagged: Democracy at Risk’ (rapport) (2010) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=report_detail.php&reid=13&id=5> 65 21 Avocats défenseurs des droits humains Il existe un nombre restreint d’avocats cambodgiens qui sont disposés à se charger d’affaires mettant en cause des DDH en raison des risques élevés que cela comporte et de la peur des représailles. Les avocats qui défendent les droits humains sont eux-mêmes vulnérables face aux menaces de poursuites judiciaires, ou d’être radiés du barreau. Non seulement ils reçoivent des menaces de poursuites judiciaires par le GRC, ou les personnes qui y sont liées, mais les avocats reçoivent également des pressions de la part de l’Association du barreau du Royaume du Cambodge (BAKC) qui les poussent à se conformer aux exigences du GRC. Le 8 février 2013, la BAKC a annoncé qu’elle serait plus rigoureuse dans la mise en œuvre d’une règle interne visant à règlementer la façon dont les avocats communiquent avec les médias. La règle empêchera les avocats de défendre leurs dossiers ou de critiquer les verdicts par l’intermédiaire des médias, et des poursuites pénales pourraient être intentées si cette règle était enfreinte.67 Choung Chou Ngy, un éminent avocat de l’opposition et défenseur des droits humains, a été accusé en vertu de l’article 565 du Code pénal, le 29 décembre 2011, pour avoir prétendument aidé son client à s’échapper de la prison provinciale de Kandal. Cette accusation a été portée en réponse à la libération de prison du client de Choung Chou Ngy, M. Meas Peng, chef adjoint de la commune de Banteay Dek dans le district de Kien Svay de la province de Kandal, le 23 septembre 2011. Selon la Cour provinciale de Kandal, les actions de Choung Chou Ngy visant à aider son client à être libéré de prison n’étaient pas conformes aux lois régissant sa profession, et constituaient en réalité un délit consistant à aider son client à s’échapper de prison – une infraction pénale. Pour sa part, Choung Chou Ngy a soutenu qu’il ne faisait que respecter la loi en défendant son client, et que s’il avait commis une erreur, seule la BAKC avait pour attributions de punir un avocat pour ses fautes professionnelles. Compte tenu du fait que Choung Chou Ngy avait par le passé représenté plusieurs clients prestigieux (notamment Sam Rainsy) et que dans cette affaire son client était impliqué dans un litige foncier – une question délicate à l’heure actuelle au Cambodge – les accusations portées contre lui sont largement considérées comme constituant un exemple d’intimidation judiciaire des professionnels du domaine juridique.68 Choung Chou Ngy a été convoqué devant la Cour provincial de Kandal, où il a été interrogé le 5 mars 2012, et remis en liberté sous contrôle judiciaire. En conséquence, sa liberté a fait l’objet de restrictions, notamment : l’interdiction de sortir de certaines limites territoriales, l’interdiction de changer de résidence sans autorisation judiciaire, et l’obligation de se présenter à des dates fixées dans un bureau de police ou militaire déterminé. De nombreux interviewés de ce rapport ont indiqué que le GRC abandonnait souvent les menaces de poursuites judiciaires si les personnes accusées étaient disposées à rejoindre le parti au pouvoir, comme dans le cas de Kong Sam Onn décrit ci-dessous. Abby Seif et Chhay Channyda, ‘Silence is golden: Bar’ The Phnom Penh Post (11 février 2012) 1 CCHR ‘Judicial intimidation of a lawyer representing an opposition party activist’ (avis aux médias) (1er mars 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=alert_detail.php&alid=11&id=5> 67 68 22 DDH en lumière - Kong Sam Onn L’affaire concernant M. Kong Sam Onn – l’ancien avocat de l’éminente membre de l’opposition à l’Assemblée nationale, Mu Sochua – montre à quel point le GRC est capable d’avoir recours à un système judiciaire politisé pour persécuter les DDH et réduire au silence la dissidence légitime. En conséquence directe de sa représentation de Mu Sochua, le 27 avril 2009, Kong Sam Onn a été accusé de diffamation criminelle lorsque le Premier ministre Hun Sen a engagé une contre-poursuite. 69 En plus du procès pour diffamation contre Mu Sochua et Kong Sam Onn, l’avocat représentant le Premier ministre a également déposé une plainte contre Kong Sam Onn auprès de la BAKC. La BAKC, qui entretient des liens étroits avec les membres du PPC au pouvoir, a décidé d’engager une procédure disciplinaire pour des violations présumées de l’éthique professionnelle, qui peuvent être punies par une suspension et la radiation du barreau.70 Les accusations portées contre Kong Sam Onn ont été ensuite retirées le 7 juillet 200971 après qu’il ait démissionné en tant que l’avocat de Mu Sochua, se soit excusé auprès du Premier ministre, et soit passé au PPC. Mu Sochua, qui a refusé de s’excuser auprès du Premier ministre, s’est battue pendant trois ans avant que son immunité parlementaire soit restaurée. Journalistes et professionnels des médias Les médias au Cambodge sont lourdement restreints et en grande partie contrôlés par le PPC. Les journalistes e les professionnels des médias qui couvrent des sujets controversés sont souvent harcelés par les autorités. Ils font confrontés à des menaces physiques et juridiques, et dans certains cas à la mort.72 Le Club des journalistes cambodgiens a rapporté sept arrestations de journalistes en 2012.73 ARTICLE 19 et le CCHR ont interviewé de nombreux journalistes qui sont confrontés à des menaces réelles, telles des intimidations physiques et des appels téléphoniques anonymes suspects qui ont affecté leur capacité à travailler et ont eu un impact négatif sur leur santé Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, ‘Cambodia: Judicial harassment faced by Mr. Kong Sam Onn’ (18 juin 2009) <http://www.omct.org/human-rights-defenders/urgentinterventions/cambodia/2008/06/d20068/> 70 CCHR, ‘Legal Analysis of the Case of the Kingdom of Cambodia v. Mu Sochua’ (mai 2010) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=analysis_detail.php&anid=11&id=5> 71 Lawyers’ Rights Watch Canada, ‘Kong Sam Onn – Concerns about independence of lawyers’ (appel à l’action) (12 juin 2009, actualisé le 7 juillet 2009) <http://www.lrwc.org/kong-sam-onn-concerns-about-independence-of-lawyers/> 72 Voir la Carte du harcèlement des medias et la Carte des journalistes tués sur le portail de Sithi sur les droits humains: <http://www.sithi.org/temp.php?url=jour_case.php&> et <http://www.sithi.org/temp.php?url=journalists.html&> 73 ‘Censorship Rising as Cambodia Slips Down Press Freedom Index’, The Cambodia Daily (1 février 2013) <http://www.cambodiadaily.com/news/censorship-rising-as-cambodia-slips-down-press-freedom-index-8973/> 69 23 mentale et physique. Les poursuites judiciaires sont la menace principale qui pèse sur les journalistes et les professionnels des médias, toutefois une autre tactique employée par le GRC consiste à menacer les sources d’information indépendantes de fermeture, ou à les stigmatiser à tel point qu’elles sont forcées de fermer en raison du manque de lecteurs et de partenaires financiers. 74 Du fait de ces harcèlements, tout semble indiquer une culture d’autocensure parmi les professionnels des médias, qui évitent de publier des informations que le GRC puisse considérer comme offensantes ou politiquement sensibles.75 HRD en lumière - Mam Sonando Mam Sonando, directeur de Beehive Radio et président de l’Association démocrate, a été arrêté le 15 juillet 2012. Il a été accusé de diriger un mouvement sécessionniste dans la province de Kratie. Du 11 au 14 septembre, il a comparu devant la Cour municipale de Phnom Penh et le 1er octobre il a été jugé coupable de tous les chefs d’accusation contre lui et a été condamné à 20 ans de prison.76 L’arrestation de Mam Sonando serait liée à un rapport qui a été diffusé sur Beehive Radio, qui parlait de la réception par le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d’une communication publiée par le chef du Mouvement du pouvoir du peuple khmer alléguant que le GRC aurait été impliqué dans des crimes contre l’humanité. Le Premier ministre Hun Sen a demandé l’arrestation de Mam Sonando le jour suivant la diffusion du rapport. Mam Sonando était alors à l’étranger, communiquant en direct de la CPI, lorsque le mandat d’arrêt a été émis. Il est rentré au Cambodge le 12 juillet et a été arrêté à Phnom Penh le jour suivant.77 C’est l’incident le plus récent d’une longue campagne d’intimidation contre Mam Sonando et Beehive Radio. En 2003, le reporter a été emprisonné pour incitation présumée à des émeutes anti-thaïlandaises. En 2005, Mam Sonando a été à nouveau emprisonné suite à la diffusion d’une interview sur Beehive Radio critiquant l’implication du Premier ministre Hun Sen dans des concessions territoriales accordées au Vietnam.78 Les accusations contre Mam Sonando étaient en rapport avec un litige foncier de longue date et le processus d’expulsion dans la province de Kratie impliquant la société russe Casotim. Les villageois ont refusé de quitter leurs terres lors d’une expulsion forcée et ont été accusés par le GRC d’être des sécessionnistes et de Un exemple notoire en est le Moneaksekar Khmer (Conscience Khmer), aligné sur l’opposition, un des journaux d’opposition les plus anciens et les plus influents du Cambodge. Son rédacteur en chef, Dam Sith, a été contraint de fermer le journal en juillet 2009 pour éviter des poursuites pénales pour avoir critiquer des fonctionnaires du gouvernement. Le journal a été fermé le 10 juillet 2009. Les accusations contre Dam Sith auraient été en rapport avec le contenu de différents articles publiés entre février et mai. Son offre de fermer le journal a fait suite à une série de menaces de poursuites pénales par des fonctionnaires du gouvernement au fil des années. Voir : Human Rights Watch, ‘Cambodia: End Assault on Opposition Critics’ (14 juillet 2009) <http://www.hrw.org/news/2009/07/14/cambodia-end-assault-opposition-critics> 75 CCHR et autres, ‘Cambodia gagged: Democracy at Risk?’ (rapport) (septembre 2010) <http://www.article19.org/data/files/pdfs/publications/cambodia-gagged-democracy-at-risk-.pdf> 76 CCHR, ‘CCHR Slams Guilty Verdict for Mam Sonando as a Travesty of Justice and an Embarrassment to Cambodia’s Reputation’ (communiqué de presse) (1 octobre 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=press_detail.php&prid=293&id=5> 77 CCHR, ‘The Case of Human Rights Defender Mam Sonando’ (note d’information) (août 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=analysis_detail.php&anid=20&id=5> 78 Ibid 74 24 comploter l’Association démocrate pour créer un État dans l’État. Le dirigeant des soi-disant sécessionnistes en Kratie, Bun Ratha, a depuis clarifié qu’il n’y avait aucun lien entre l’Association démocrate et les activités en Kratie. En outre, aucune preuve n’a été fournie pour appuyer les allégations de complot sécessionniste.79 Les chefs d’accusations portés contre Mam Sonando étaient : participation à un mouvement insurrectionnel en vertu des articles 456 et 457 du Code pénal, incitation de personnes à prendre les armes contre l’autorité de l’État en vertu de l’article 464 ; obstruction à des fonctionnaires en vertu de l’article 504 ; et ingérence illégale dans l’exercice de fonctions publiques en vertu de l’article 609. Mam Sonando a été accusé et reconnu coupable d’incitation aux infractions ci-dessus en vertu de l’article 28 du Code pénal, qui définit ce qu’est l’incitation à un crime ou un délit en vertu du droit cambodgien.80 Le 12 octobre 2012, Mam Sonando a fait appel mais la Cour municipale n’a pas envoyé le dossier à la Cour d’appel dans le délai de dix jours exigé par la loi, et l’affaire a été retardée inutilement. Son avocat a ensuite soumis à la Cour d’appel une requête de libération sous caution au nom de son client, le 5 décembre 2012, en vertu des articles 306 et 307 du Code de procédure pénale 2007. La Cour d’appel a rendu un verdict le 14 décembre 2012, refusant de libérer Mam Sonando sous caution.81 Toutefois, le 14 mars 2013, la Cour d’appel a retiré les accusations les plus graves contre lui et a réduit sa peine de 20 ans à 5 ans, sa peine d’emprisonnement tenant compte du temps qu’il avait déjà passé en prison, à savoir huit mois, et le reste de la peine avec sursis.82 Mam Sonando a été libéré le jour suivant mais demeure sous contrôle judiciaire. Militants de base Au Cambodge, la majorité des militants de base sont des militants en faveur des droits fonciers. Les menaces régulières contre les activistes en faveur des droits fonciers au niveau de la base peuvent être attribuées en grande partie à l’intérêt personnel du GRC pour les concessions foncières, de même qu’au niveau de mobilisation né des expulsions forcées. Une autre raison expliquant la propension à recourir à des menaces contre les militants de la communauté de base est le fait que beaucoup de ces communautés sont isolées, ce qui veut dire qu’ils sont hors de portée de la plupart des ONG et des médias. Des DDH issus de communautés affectées par l’accaparement des terres ont informé ARTICLE 19 et le CCHR que leurs manifestations ont été accueillies par l’emploi de pistolets à impulsion électrique, pistolets, gaz lacrymogènes, canons à eau, matraques, et tabassage par les autorités. En outre, les militants en faveur des droits fonciers ont signalé des menaces téléphoniques et une surveillance régulière par la police, ou des hommes non 79 Ibid Ibid 81 CCHR, ‘CCHR expresses grave disappointment at today’s Appeal Court decision to refuse bail to journalist and human rights defender, Mam Sonando’ (communiqué de presse) (14 décembre 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=press_detail.php&prid=326&id=5> 82 CCHR, ‘CCHR welcomes the Court of Appeal’s decision to release Mam Sonando but observes that the verdict was a classic example of “rule by law” rather than “rule of law”’ (communiqué de presse) (20 mars 2013) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=press_detail.php&prid=371&id=5> 80 25 identifiables sur des motos qui sont parfois armés. Des menaces ont également été lancées à l’encontre des enfants des DDH de base, une tactique souvent utilisée par les autorités contre les femmes DDH. Comme mentionné précédemment, 201 militants en faveur des droits fonciers ont été arrêtés rien qu’en 2012. L’intolérance du GRC à l’égard du militantisme de base a été clairement démontrée par la réaction des autorités à l’Assemblée des peuples de base de l’ANASE (APGA). L’APGA s’est heurtée à l’opposition du GRC alors qu’elle organisait des ateliers et autres activités liées au Sommet de l’ANASE tenu à Phnom Penh du 18 au 20 novembre 2012.83 Le 13 novembre 2012, la cérémonie d’ouverture de l’APGA, qui se tenait dans un restaurant et à laquelle participaient plus de 1 500 personnes, a été interrompue lorsque l’alimentation électrique de l’établissement a été coupée. D’après le porte-parole de l’APGA, le propriétaire du restaurant avait subi des pressions par les autorités locales pour qu’il interrompe et annule l’évènement.84 De plus, les ateliers de l’APGA qui étaient censés commencer le 14 novembre 2012 se sont vus privés de leurs lieux d’accueil, ceux-ci ayant été annulés à la dernière minute, et plus de 250 participants à l’APGA auraient été refusés par les pensions de famille de Phnom Penh, apparemment dues aux menaces adressées par les autorités, qui avaient harcelé les propriétaires de ces pensions. 85 Les organisateurs d’un rassemblement prévu le 16 novembre 2012 ont soumis des demandes au GRC, en tant que président de l’ANASE, et ont vu leur notification refusée par la Municipalité de Phnom Penh et le Ministère de l’intérieur (MdI). D’après l’APGA, le GRC les a averti que quiconque participerait à des manifestations publiques pendant le Sommet de l’ANASE serait arrêté.86 L’autre évènement organisé par la société civile, la Conférence de la société civile de l’ANASE/le Forum des peuples de l’ANASE (CSCA/FPA), qui a eu lieu du 14 au 16 novembre, se serait heurté à des obstructions similaires et aurait été obligé de changer deux fois de lieu en raison des actes d’intimidation. Le Bureau des droits de l’homme des Nations unies au Cambodge a signalé que de nombreux organisateurs avaient reçu des avertissements, que leurs noms avaient été relevés et ils avaient été pris en photo, ou que leurs lieux d’accueil avaient été annulés.87 Pendant ce temps, à Thmor Kol, un village près de l’Aéroport international de Phnom Penh, les autorités ont arrêté huit villageois – six femmes et deux hommes – pour avoir pris l’initiative de peindre « SOS » sur leur toit, dans l’espoir que le président des États-Unis Barack Obama, qui voyageait à Phnom Penh pendant le Sommet de l’ANASE, appelle le GRC à cesser les expulsions forcées.88 Frontline, ‘Cambodge: Un événement organisé par la société civile interrompu à la veille du sommet de l'ASEAN’ (20 novembre 2012) <http://www.frontlinedefenders.org/fr/node/20865> 84 Ibid 85 Ibid 86 Ibid 87 Diverses organisations de la société civile, ‘Cambodia: Stop disrupting civil society events and restricting freedom of expression and assembly ahead of ASEAN Summit’, (déclaration) (15 novembre 2012) <http://www.forum-asia.org/?p=15599> Voir aussi: Simon Lewis et Khuon Narim, ‘Intimidation of NGOs Continues Before Summits’ The Cambodia Daily (Phnom Penh 15 novembre 2012) <http://www.cambodiadaily.com/news/intimidation-of-civil-society-groups-continues-before-summits-5627/> 88 APGA, ‘Statement for Immediate Release & AGPA’s Joint Statement – 15 November’ (Phnom Penh, 15 novembre 2012) <http://aseanagpa.wordpress.com/2012/11/15/statement-for-immediate-release-agpas-jointstatement-november-15/> 83 26 DDH en lumière – Chut Wutty Le 26 avril 2012, Chut Wutty, un militant écologiste de base éminent, a été tué par balle dans la province de Koh Kong par la police militaire, alors qu’il photographiait une exploitation forestière illégale.89 Chut Wutty escortait deux journalistes à un site d’exploitation forestière illégale quand son véhicule a été arrêté par la police, qui lui a ordonné de lui remettre la carte mémoire de son appareil photo. Il a refusé de le faire, et à suite à cela été tué par balle. Un policier militaire, In Rattana, a également été tué par un coup de feu dans l’incident. Les deux journalistes ont été détenus, et pendant leur détention, ils ont surpris une conversation des policiers militaires qui discutaient de leur éventuelle exécution pour étouffer l’incident. 90 Heureusement, tous deux ont été libérés. Les explications officielles de l’incident étaient confuses et parfois contradictoires. Le porte-parole du MdI Khieu Sopheak a affirmé que la police militaire lui avait dit que Chut Wutty avait tiré en premier, ce qui avait été à l’origine de l’incident.91 Le porteparole de la police militaire Kheng Tito a affirmé que Chut Wutty était armé, mais qu’il était impossible de dire si Chut Wutty avait tiré, et le cas échéant, qui avait tiré en premier.92 Kheng Tito a toutefois affirmé qu’In Rattana “faisait son devoir” lorsqu’il a tiré sur Chut Wutty.93 Le chef adjoint de la police provinciale Sin Sen a affirmé qu’In Rattana avait abattu Chut Wutty et s’était ensuite suicidé.94 Un enquêteur de la Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits humains (LICADHO) a conclu qu’In Rattana avait ouvert le feu quand Chut Wutty avait essayé de prendre la fuite, tuant l’écologiste, et qu’In Rattana avait été frappé et tué par des balles tirées par sa propre arme, qui avaient ricoché.95 L’enquête sur les évènements du 26 avril comportait de graves lacunes. Le 4 octobre 2012, dans un procès qui n’aura duré que 90 minutes, la cour provinciale de Koh Kong n’a pris tenu compte d’aucune preuve concrète, s’appuyant à la place sur des déclarations contradictoires et ambigües de témoins, la plupart desquels May Titthara et David Boyle, ‘Environmental activist Chut Wutty shot dead’ The Phnom Penh Post (27 avril 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012042655803/National/environmental-activist-chut-wutty-shot-dead.html> 90 Olesia Plokhii, ‘Murders in the Forest’ Reuters (20 septembre 2012) <http://blogs.reuters.com/great-debate/2012/09/20/murders-in-the-forest/> 91 Saing Soenthrith et Abby Seiff, ‘Chut Wutty, Prominent Environmental Activist, Shot Dead in Koh Kong’ The Cambodia Daily (26 avril 2012) <http://www.cambodiadaily.com/news/chut-wutty-prominent-environmental-activist-shot-dead-in-koh-kong-1816/> 92 May Titthara et David Boyle, ‘Environmental activist Chut Wutty shot dead’ The Phnom Penh Post (27 avril 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012042655803/National/environmental-activist-chut-wutty-shotdead.html> 93 ‘Cambodian police shoot dead leading anti-logging campaigner’ The Guardian (Londres 26 avril 2012) <http://www.guardian.co.uk/world/2012/apr/26/cambodia-police-shoot-dead-antilogging-activist> 94 Olesia Plokhii, ‘Murders in the Forest’ Reuters (20 septembre 2012) <http://blogs.reuters.com/great-debate/2012/09/20/murders-in-the-forest/> 95 May Titthara et David Boyle, ‘Environmental activist Chut Wutty shot dead’ The Phnom Penh Post (27 avril 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012042655803/National/environmental-activist-chut-wutty-shot-dead.html> 89 27 n’étaient inexplicablement pas présents pour être contre-interrogés. 96 La cour n’a pas non plus tenu compte du rôle de la société Timber Green Logging Co. dans l’incident, malgré l’aveu précédent de Kheng Tito que la police avait interpellé Chut Wutty à leur demande.97 Le 22 octobre 2012, le juge de la cour provinciale a jugé qu’In Rattana avait été tué par un coup de feu accidentel provenant de sa propre arme, alors qu’il était aux prises avec Rann Boroath, un gardien de sécurité privé employé par Timber Green Logging Co. qui essayait de désarmer In Rattana.98 La décision de la cour supposait, malgré le manque de preuves et l’absence de motif clair, qu’In Rattana avait tué Chut Wutty avant que Rann Boroath ne soit intervenu. Rann Boroath a été jugé comme ayant agi en légitime défense, et condamné à deux ans de prison. Les trois quarts de sa peine étaient avec sursis. Le présumé meurtrier étant mort, l’enquête parallèle consacrée spécifiquement au meurtre de Chut Wutty a été abandonnée. Les dirigeants bouddhistes du Cambodge seraient associés au PPC, ce qui veut dire que dans la pratique, il est interdit aux moines de prendre part au militantisme politique. 99 Toutefois, le vénérable Loun Sovath, un éminent militant de base et un moine bouddhiste, a été à plusieurs reprises la cible d’intimidations en raison de ses activités militantes en faveur des droits fonciers et de son travail en faveur des droits humains. Loun Sovath a été interdit d’entrée dans les pagodes de Phnom Penh. Il a fait l’objet d’une tentative d’arrestation en avril 2011, alors qu’il participait à une réunion pacifique rassemblant les ONG, les médias et les militants en faveur des droits fonciers de Boeung Kak, devant le bureau municipal de Phnom Penh. Il s’est échappé de justesse quand les autres manifestants se sont rassemblés autour de lui et l’ont escorté en lui sûr.100 L’affaire Boeung Kak sera abordée plus en profondeur plus loin. Le vénérable Loun Sovath a été détenu brièvement le 24 mai 2012, après avoir été arrêté lors d’une manifestation des militants en faveur des droits fonciers de Boeung Kak qui avait lieu à l’extérieur de la cour municipale de Phnom Penh pour demander la libération de 13 femmes du Boeng Kak (les « 13 de Boeung Kak »).101 Les autorités auraient tenté de le persuader de signer un document déclarant qu’il ne continuerait pas ses efforts de plaidoyer. Loun Sovath a refusé de signer, malgré la menace d’être destitué.102 LICADHO, ‘Conclusion of Two Cases Related to Chut Wutty Slaying Leaves More Questions Than Answers’ (communiqué de presse) (22 octobre 2012)<http://www.licadho-cambodia.org/pressrelease.php?perm=293> 97 May Titthara et David Boyle, ‘Environmental activist Chut Wutty shot dead’ The Phnom Penh Post (27 avril 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012042655803/National/environmental-activist-chut-wutty-shot-dead.html> 98 Vichey Anandh, “Abrupt End to Murder Trial” (Radio Free Asia, 4 octobre 2012). http://www.rfa.org/english/news/cambodia/chut-wutty-10042012160930.html 99 ‘Defrocked Monk Decries ‘Biased’ Decision’, Radio Free Asia (22 mai 2012) <http://www.rfa.org/english/news/cambodia/defrocked-05222012162403.html/> 100 Frontline Defenders, ‘Cambodge: Harcèlement du défenseur des droits humains Loun Sovath’ (29 mai 2012) <http://www.frontlinedefenders.org/fr/node/18482> 101 ‘Activist monk detained at Wat Botum’, The Phnom Penh Post (29 mai 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012052556389/National/activist-monk-detained-at-wat-botum.html> février 2013. Voir aussi: CCHR ‘Day of Crackdown – 13 Lake Activists Imprisoned as “Multi-Media Monk” is Detained and Defrocked’ (avis) (24 mai 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=alert_detail.php&alid=22&id=5> 102 Frontline Defenders, ‘Cambodge: Harcèlement du défenseur des droits humains Loun Sovath’ (29 mai 2012) <http://www.frontlinedefenders.org/fr/node/18482> 96 28 Militants syndicalistes Sur le plan international, les travailleurs des usines du Cambodge comptent parmi les moins rémunérés de leur industrie. En septembre 2010, 261 militants syndicalistes de 20 usines différentes ont été illégalement licenciés ou suspendus sans appel après avoir fait grève.103 Bien qu’ils aient donné un préavis au GRC, et se soient assurés que leur grève remplisse tous les critères d’une manifestation légale, plusieurs organisateurs ont reçu des menaces de poursuites et de violence pour avoir permis que les grèves aient lieu. Dix usines ont engagé des poursuites judiciaires contre les dirigeants syndicaux, les empêchant de retourner au travail. D’autres grèves ont eu lieu en conséquence. Finalement, le Premier ministre Hun Sen est intervenu, ordonnant les usines d’abandonner les poursuites et aux travailleurs de reprendre le travail. Du 13 au 16 septembre 2011, 200 000 travailleurs d’usines de vêtements ont fait grève pour exiger une augmentation de salaire qui leur permettrait d’atteindre un salaire de subsistance. La situation ne s’est pas améliorée en 2012. Les autorités ont continué d’intimider, de harceler physiquement et d’intenter des actions en justice contre les syndicalistes et autres militants. En 2012, sur les 87 manifestations suivies par le CCHR, 17 ont été la scène de mauvais traitements des manifestants par la police, la police militaire, les soldats ou les propriétaires d’usines.104 Par exemple en juillet 2012, la police a sauvagement battu le militant syndical Rong Panha avant de l’arrêter et de le détenir pour avoir participé à une manifestation en faveur des droits du travail. Plus tard le même jour, il a été libéré sans accusation.105 Les policiers qui l’avaient battu sont restés impunis. Le 20 février 2012, trois femmes se sont faites tirer dessus et ont été blessées lors d’une manifestation à l’usine de la société Kaoway Sports Ltd dans Zone économique spéciale de Manhattan de la ville de Bavet, dans la province de Svay Rieng. Chhouk Bandith, ancien gouverneur de la capitale provinciale, avait à l’origine avoué avoir ouvert le feu sur la foule de manifestants, mais s’était rétracté plus tard.106 Bien que la Cour ait abandonné l’affaire en décembre, celle-ci a finalement été acceptée par la Cour d’appel à Phnom Penh trois mois plus tard. Cependant la date du procès a été retardée à plusieurs reprises et ce dernier doit encore avoir lieu. Étant donné le temps que la justice a pris pour traiter cette affaire malgré les témoignages très crus contre les accusés, les victimes comme les organisations de défense des droits humains locales restent sceptiques quant à une issue équitable du procès.107 Il est à noter, comme mentionné plus haut, que le pays attend l’adoption du Projet de loi syndicale qui permettrait aux travailleurs informels – tels que les conducteurs de tuk-tuks et de motos – de former des syndicats. Le Projet de loi syndicale original a été proposé en 2011 et est actuellement en instance au Conseil des ministres du Ministère du travail. Le Clean Clothes Campaign, ‘Over 200 Cambodian trade union leaders suspended or illegally dismissed after mass strike end’ (24 septembre 2010) <http://www.cleanclothes.org/news/2010/09/24/over-200-cambodiantrade-union-leaders-suspended-or-illegally-dismissed-after-mass-strike-ends> 104 Données non publiées recueillies par le CCHR. 105 CCHR, ‘Violent Response to Workers Protest’ (fiche d’information) (juillet 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=factsheet_detail.php&fsid=52&id=5> 106 Men Kimseng, ‘Gender inequality seen in Bavet shooting case’ Voice of America | Khmer (28 décembre 2012) <http://www.voacambodia.com/content/cambodia-gender-inequality-seen-in-bavet-shooting-case/1573588.html> 107 May Titharra, “Round 2 in Bandith case locked for May” Phom Penh Post (25 avril 2013) <http://www.phnompenhpost.com/2013042565227/National/round-2-in-bandith-case-locked-for-may.html> 103 29 gouvernement a manifesté une réticence apparente à l’approbation du Projet de loi syndicale, qui permettrait aux travailleurs informels de se syndiquer et de négocier collectivement de meilleures conditions. 108 Certains militants syndicaux ont également exprimé leur préoccupation par rapport au fait que le projet de loi affaiblit les droits syndicaux et ne satisfait pas aux normes internationales relatives aux droits du travail.109 DDH en lumière – Rong Chhun Rong Chhun est le président de la Confédération cambodgienne des syndicats, qui représente plus de 90 000 travailleurs cambodgiens et s’efforce de faire valoir leurs droits. Par exemple, il a récemment été aux avant-postes des campagnes pour traduire en justice l’ancien gouverneur de la ville de Bavet, accusé d’avoir abattu trois travailleurs du vêtement lors d’une manifestation (mentionnée plus haut), et pour libérer deux hommes qui auraient été accusés à tort du meurtre du syndicaliste Chea Vichea. 110 Rong Chhun a aussi conduit les récentes négociations visant à augmenter le salaire minimum des travailleurs des industries du vêtement et de la chaussure, et a été impliqué dans une grève de deux mois chez Tai Yang Enterprises qui a commencé le 25 juin 2012. Cette grève était liée à une usine de vêtements qui aurait refusé de payer les primes prévues par la législation nationale.111 Suite à cela, Rong Chhun a été interrogé par la Cour provinciale de Kandal le 11 et le 27 septembre 2012.112 M. Jack Liu, le directeur général de Tai Yang Enterprises, a accusé Rong Chhun d’avoir incité la main d’œuvre à manifester. Rong Chhun a soutenu qu’il n’avait été impliqué qu’après avoir reçu une lettre de la part des travailleurs de l’usine de vêtement lui demander d’assister. M. Jack Liu a également accuse Rong Chhun d’avoir tenu des propos diffamatoires pendant la grève et a invoqué l’article 305 (diffamation criminelle) du Code pénal. L’interrogatoire en cours de Rong Chhun mené par les tribunaux revient à du harcèlement judiciaire. Il y a de sérieuses raisons de penser que ce harcèlement a pour origine son rôle éminent dans la défense des droits humains au nom des travailleurs cambodgiens. Bien que Rong Chhun n’ait jamais été officiellement accusé, 53 employés ont perdu leur travail suite à la grève, et ils ont perdu un appel visant à obtenir une indemnité de licenciement le 13 décembre 2012.113 Ce verdict, et le harcèlement subit par Rong Chhun, est un excellent exemple de la culture d’impunité concernant les crimes contre les DDH qui persiste au Cambodge. Shane Worrell et Mom Kunthear, “Still no motion on union law” The Phnom Penh Post (4 septembre 2012), <http://www.phnompenhpost.com/2012090458479/National/still-no-motion-on-union-law.html> 109 Civil Rights Defenders, “Civil Rights Defenders: Cambodia” (rapport) (mai 2012) <http://www.civilrightsdefenders.org/files/Cambodia-report.pdf> 110 May Titthara “re-charge Bandith: Unionists” (Phnom Penh Post) (15 janvier 2013) <http://www.phnompenhpost.com/2013011560784/National/re-charge-bandith-unionists.html> 111 Frontline Defenders, ‘Cambodge: Le syndicaliste défenseur des droits humains M. Rong Chhun cité à comparaître’ (5 septembre 2012) <http://www.frontlinedefenders.org/fr/node/19755> 112 Frontline Defenders, ‘Cambodge: Mise à jour - Le syndicaliste et défenseur des droits humains M. Rong Chhun interrogé au tribunal au sujet d'accusations d'incitation et de diffamation’ (5 octobre 2012) <http://www.frontlinedefenders.org/fr/node/19978> 113 Mom Kunthear et Shane Worrell, ‘Tai Yang strikers lose arbitration’ The Phnom Penh Post (17 décembre 2012) <http://phnompenhpost.com/2012121760318/National/tai-yang-strikers-lose-arbitration.html> 108 30 Chea Vichea, ancien président du Syndicat libre du Cambodge, a été tué par balle en plein jour le 22 janvier 2004 à Phnom Penh. 114 Il avait lutté avec acharnement pour obtenir l’augmentation du salaire minimum des travailleurs du vêtement du pays. En réponse aux exigences de justice du public, deux hommes ont été rapidement arrêtés pour le meurtre de Chea Vichea. Born Samnang et Sok Sam Oeun ont été tous deux accusés et condamnés à 20 ans de priosn, cependant en 2008, ils ont été mis en liberté provisoire après que la Cour suprême ait trouvé des preuves de plus en plus nombreuses indiquant leur innocence. Malgré tout, le 27 décembre 2012, la Cour d’appel de Phnom Penh a maintenu la peine initiale de 20 ans et les deux hommes ont été renvoyés en prison.115 Dans la communauté des droits humains, il est largement reconnu que Samnang et Sok Sam Oeun sont des bouc-émissaires de ce qui fut un meurtre politique.116 Femmes militantes en faveur des droits fonciers À partir de 2012, les femmes militantes en faveur des droits fonciers se sont mises en première ligne dans la bataille contre les expulsions forcées partout dans le Cambodge. Les femmes cambodgiennes prennent maintenant une position ferme contre les expulsions forcées soutenues par le GRC et les accaparements, et elles mènent la lutte pour la justice au nom de leurs communautés, tout en prenant elles-mêmes d’énormes risques. Pendant les interviews, les femmes militantes en faveur des droits fonciers ont informé ARTICLE 19 et le CCHR que les femmes des communautés expulsées de Phnom Pen avaient stratégiquement décidé de créer un collectif et de manifester contre les expulsions forcées, pensant que les autorités seraient moins agressives envers des femmes militantes qu’envers des hommes militants. Les femmes de Boeung Kak en particulier ont suscité une grande attention dans les médias nationaux et internationaux car, en tant que femmes, elles représentaient le nouveau visage du militantisme au Cambodge. C’est particulièrement visible dans les affaires Boeung Kak et Borei Keila, deux zones de Phnom Penh affectées par les accaparements et les expulsions forcées avec des indemnisations insuffisantes. Les familles de la communauté de Boeung Kak ont lutté contre les expulsions forcées depuis 2007, quand le GRC a loué leurs terres à la société privée Shukaku Inc. pour des développements. Quant à la communauté de Borei Keila, la société Phanimex a violé son contrat prévoyant la construction de dix bâtiments sur place pour loger les expulsés. La société n’a construit que huit des structures promises, laissant de nombreux expulsés sans logement et sans le moindre dédommagement. Le 11 janvier 2012, la police a arrêté 22 femmes manifestantes et six enfants qui manifestaient contre les expulsions forcées de la communauté de Borei Keila. 117 Les manifestants ont été détenus dans le centre de détention de Prey Speu pendant plusieurs jours, avant que trois femmes ne soient libérées le 16 janvier, et une autre le 17 janvier, lorsqu’elles ont accepté d’être relogées dans un autre site. Le reste s’est évadé du centre de James Welsh et Prak Chan Thul, ‘A Lost Legacy’ The Cambodia Daily (24 janvier 2009) <http://www.cambodiadaily.com/features/a-lost-legacy-1389/> 115 Kim Sarom, Buth Reaksmey et Abby Seiff, ‘Guilty Verdicts Upheld in Chea Vichea Slaying’ The Phnom Penh Post (28 décembre 2012) 116 James Welsh et Prak Chan Thul, ‘A Lost Legacy’ The Cambodia Daily (24 janvier 2009) <http://www.cambodiadaily.com/features/a-lost-legacy-1389/> 117 Phok Dorn, ‘Borei Keila Protesters Detained at Prey Speu’ The Cambodia Daily (11 janvier 2012) <http://www.cambodiadaily.com/news/borei-keila-protesters-detained-at-prey-speu-565/> 114 31 détention le 18 janvier en escaladant les murs – le même jour que Mu Sochua était venue leur rendre visite, comme mentionné précédemment.118 Le 22 mai 2012, les « 13 de Boeung Kak » ont été arrêtées alors qu’elles tenaient une manifestation pacifique et une conférence de presse dans le Village 1 du lac Boeung Kak. Durant la manifestation, à laquelle participaient plus de 200 personnes, certains des participants ont décidé de reconstruire les maisons qui avaient été démolies plus de deux ans auparavant par la société Shukaku Inc Company. Après avoir été apostrophées, menacées et frappées par les gardiens de sécurité, ce qui a donné lieu à la perte de connaissance de trois militantes et à des blessures chez beaucoup d’autres, 13 militantes ont été arrêtées et emmenées au poste de police de Phnom Penh.119 Elles ont ensuite été accusées et condamnées pour « obstruction à un agent public avec circonstances aggravantes » en vertu de l’article 504 du Code pénal, et occupation illégale de terres en vertu de l’article 34 du Droit foncier.120 Sept femmes ont été condamnées à deux ans et six mois d’emprisonnement ; cinq ont été condamnées à deux ans (dont six mois avec sursis) ; et une femme a été condamnée à un an d’emprisonnement (dont six mois avec sursis).121 En raison de la forte visibilité internationale et de l’attention suscitée par l’affaire des 13 de Boeung Kak, elles ont été libérées de prison le 27 juin 2012 après que la Cour d’appel ait réduit leurs peines à un mois et trois jours – le temps qu’elles avaient déjà passé en prison. Toutefois, les accusations contre elles n’ont pas été retirées.122 Le GRC n’a pas hésité à prendre des mesures sévères contre cette nouvelle forme de militantisme. Les femmes militantes en faveur des droits fonciers subissent de plus en plus de violences physiques aux mains de la police et de la police militaire, qui utilisent de plus en plus des matraques et d’autres armes pour attaquer les femmes DDH. Par exemple, le 27 juin 2012, Bov Srey Sras, qui était alors enceinte, manifestait pendant l’audience d’appel de sa sœur, celle-ci étant l’une des 13 de Boeung Kak, quand elle a reçu des coups de pied dans le ventre par un officier de police, entraînant une fausse couche. 123 Quand elle a annoncé qu’elle poursuivait en justice les trois hommes présumés responsables, parmi eux Phuong Malay, le chef de police adjoint de la Municipalité de Phnom Penh, elle a été accueillie par des remarques désobligeantes de Phuong Malay dans les médias. 124 Pendant la rédaction de ce rapport, aucune action en justice n’avait encore été entamée contre le chef de police adjoint, malgré une plainte porté contre lui auprès de la cour de Phnom Penh en juillet 2012. Forum Asia, ‘Cambodia: Borei Keila forced eviction and arbitrary detention of 22 women and six children’ (lettre) (23 janvier 2012) <http://www.forum-asia.org/?p=11990> 119 CCHR, “Boeung Kak lake residents arrested by Police while on peaceful protest” (avis aux médias) (5 mai 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=alert_detail.php&alid=20&id=5> 120 CCHR, ‘CCHR Releases Legal Analysis of the Charging and Sentencing of 13 Boeng Kak Activists on 24 May 2012’ (communiqué de presse) (11 juin 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=press_detail.php&prid=257&id=5> 121 Ibid 122 Shane Worrell et Khouth Sophak Chakrya, ‘Freedom rings for Boeung Kak 13’ The Phnom Penh Post (28 juin 2012): http://www.phnompenhpost.com/index.php/2012062857085/National-news/freedom-boeung-kak-13.html 123 ‘Land Activists Released’ Radio Free Asia (27 juin 2012) <http://www.rfa.org/english/news/cambodia/boeungkak-06272012162146.html>> 124 CCHR “Open Letter to Cambodian Officials regarding discriminatory comments made by Phnom Penh Municipality Deputy Police Chief” (letter ouverte) (8 août 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=press_detail.php&prid=277&id=5> 118 32 DDH en lumière – Yorm Bopha Lorsque les 13 de Boeung Kak ont été condamnées, une autre militante de Boeung Kak, Mme Yom Bopha, est passée aux avant-postes pour faire campagne pour leur libération. Elle constituait une présence visible et charismatique à chaque manifestation, et elle critiquait ouvertement le GRC. En conséquence, Yorm Bopha a été menacée verbalement, harcelée et intimidée par les autorités. La police lui a dit à maintes reprises qu’elle était « sur la liste noire » et qu’elle « aurait bientôt des ennuis ».125 Le 4 septembre 2012, Yorm Bopha et son mari, Lous Sakhorm, ont été accusés d’avoir prétendument orchestré une attaque contre deux conducteurs de taxi-moto. Le couple a été accusé de « violence intentionnelle avec circonstances aggravantes » en vertu de l’article 218 du Code pénal. D’après la version du procureur, « Yorm Bopha et son mari ont orchestré une attaque contre deux hommes assis dans un Drink Shop et se sont ensuite rendus sur les lieux pour voir leur plan en action. »126 Le 27 décembre, Yorm Bopha et son mari ont tous deux été déclarés coupables et condamnés à trois ans de prison. Toutefois, bien que Yorm Bopha ait été conduite directement à la prison Prey Sar de Phnom Penh, la peine de son mari était entièrement avec sursis et il est resté en liberté.127 Sans parler des multiples vices de procédure durant le procès – notamment le fait que deux des frères de Yorm Bopha ait été jugé par contumace – aucune preuve n’a été produit devant le tribunal suggérant que Yorm Bopha et Lous Sakhorm avaient été violents à l’égard des conducteurs de taxi-moto. En fait, aucun des récits présentés par les témoins ne laissait entendre que Yorm Bopha et son mari aient participé à l’attaque. La partie plaignante a soutenu que bien que Yorm Bopha et son mari n’avaient pas été directement violents, ils avaient planifié l’attaque. Plusieurs témoins ont dit qu’ils avaient vu Yorm Bopha et son mari sur la scène et que Yorm Bopha avait aidé à libérer un de ses frères lorsque le conducteur de taxi-moto avait pris le dessus sur lui, mais aucun des témoins ne pouvait affirmer explicitement que Yorm Bopha avait planifié l’attaque. Il convient également de noter qu’il y avait des incohérences évidentes entre les déclarations écrites et les témoignages en salle d’audience des témoins, notamment l’heure à laquelle ils sont arrivés au Drink Shop, l’heure à laquelle Yorm Bopha et son mari sont arrivés, et le moment où la bagarre a commencé. Yorm Bopha et son mari ont tous deux déclaré qu’ils ne connaissaient pas les deux conducteurs de taxi-moto – ils ont simplement entendu des cris quand la bagarre a éclaté, et sont allés voir ce qu’il se passait.128 Néanmoins, Yorm Bopha Clean Clothes Campaign, ‘Over 200 Cambodian trade union leaders suspended or illegally dismissed after mass strike end’ 126 LICADHO “Briefing update: the Yorm Bopha case” (mise à jour d’information) (avril 2013) <http://www.licadho-cambodia.org/reports/files/177LICADHOBriefBopha2013-English.pdf> 127 Clean Clothes Campaign, ‘Over 200 Cambodian trade union leaders suspended or illegally dismissed after mass strike end’ 128 LICADHO “Briefing update: the Yorm Bopha case” (mise à jour d’information) (avril 2013) <http://www.licadho-cambodia.org/reports/files/177LICADHOBriefBopha2013-English.pdf> 125 33 et son mari ont été jugés coupables, malgré le manque de preuves concrètes. C’est ce qui amène ARTICLE 19 et le CCHR à croire que les accusations et condamnations étaient motivées par des raisons politiques. Yorm Bopha a fait appel en janvier 2013 et son affaire sera entendue par la Cour d’appel à Phnom Penh le 14 juin 2013. Tim Sakmony, une militante éminente de la communauté de Borei Keila, a été arrêtée et détenue un jour après Yorm Bopha. Elle a été accusée d’avoir fait une « fausse déclaration » pour essayer d’obtenir un appartement pour son fils.129 Au moment de son arrestation, Tim Sakmony vivait dans des conditions désespérées après qu’on lui ait refusé d’être relogée dans des installations sur place. 130 Après plus de trois mois et demi de détention provisoire, Tim Sakmony a été jugée le 26 décembre 2012 et déclarée coupable de fraude. Elle a été condamnée à 6 mois de prison avec sursis.131 Comme Yorm Bopha, Tim Sakmony a été arrêtée pour intimider d’autres femmes militantes en faveur des droits fonciers de continuer leur travail de défense des droits humains.132 Selon les informations disponibles et les témoignages recueillis, les menaces et les vulnérabilités auxquelles les femmes militantes et les hommes militants font face semblent être similaires. Il n’y a pas d’élément solide indiquant une différentiation basée sur le sexe dans les menaces exercées par les autorités. On observe toutefois une participation croissante des femmes dans les manifestations et les actions de protestation, en particulier à l’encontre des expulsions forcées. Étant donné que les femmes assument traditionnellement le gros des responsabilités familiales au Cambodge, il y a un transfert de risque aux enfants et aux autres membres de la famille, du fait que les femmes DDH participent au travail en faveur des droits humains et laissent leurs enfants sans surveillance. Certaines des femmes interviewées ont indiqué qu’elles avaient reçu des coups de fil anonymes menaçant de faire du mal à leurs enfants si elles n’arrêtaient pas leurs activités militantes. De plus, les femmes militantes peuvent être plus vulnérables à la violence physique si – par exemple – elles sont enceintes. Travailleurs des ONG Dans le passé, les dirigeants des ONG n’étaient pas mieux protégés des menaces et des intimidations que les travailleurs des ONG. En décembre 2005, deux dirigeants d’ONG de haut rang ont été arrêtés et placés en détention pour diffamation pendant une campagne de répression du gouvernement contre les dissidents éminents. Cela a immédiatement suscité la condamnation de la communauté internationale, des militants en faveur des droits humains et des organismes de surveillance. Lors de cet incident, M. Kem Sokha, président Divers groupes de la société civile, “ Two days, two unjustified Pre-trial detention orders for prominent land right activisits in Phnom Penh” (déclaration conjointe) (6 septembre 2012) <http://sithi.org/temp.php?url=publication_detail.php&lg=&mid=5809> 130 Khouth Sophak Chakrya et Shane Worrell “Cambodian government imprisons second land activist in two days” Phnom Penh Post (6 septembre 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012090658543/National/cambodian-government-imprisons-second-landactivist-in-two-days.html> 131 Free the 15, ‘Sakmony Found Guilty But to be Released’ (Phnom Penh, 26 décembre 2012) <http://freethe15.wordpress.com/2012/12/26/505/> 132 LICADHO, ‘Human Rights Defender Tim Sakmony Imprisoned for Demanding Housing Rights’ (note d’information)(septembre 2012) <http://www.licadho-cambodia.org/reports/files/174Free15+AI-SakmonyProfileEnglish.pdf> 129 34 du CCHR, et M. Yeng Virak, directeur du Centre d’éducation juridique communautaire, ont été les premières victimes d’une campagne menée par le GRC cherchant à cibler de plus en plus les militants en faveur des droits humains éminents et haut placés. Le catalyseur a été une banderole brandie pendant la célébration de la Journée internationale des droits de l'homme, le 10 décembre 2005. Cette banderole était issue de la période précédant l’élection de 2003, et contenait, et contenait de petits commentaires écrits à la main par des villageois cambodgiens exprimant des opinions politiques au sujet du PPC et du Premier ministre, ainsi que des slogans tels que « je ne vote pas pour un parti qui sème la peur parmi la population. »133 Yeng Virak et Kem Sokha ont tous deux été arrêtés et libérés sous caution, étant accusés de diffamation en rapport aux critiques affichées sur la banderole. Après avoir passé dixsept jours dans la prison de Prey Sar, le GRC a été contraint de céder à la critique internationale qui se faisait de plus en plus entendre, et a libéré les deux hommes sous caution, probablement en raison de leur prestige international.134 Dans les dernières années, jusqu’en 2012, les directeurs d’ONG de premier plan ont été relativement plus à l’abri des menaces et des intimidations que leurs employés. Cette quasiimmunité est en grande partie attribuée au prestige des directeurs dans les médias nationaux et internationaux. Le 29 mai 2010, Leang Sokchoeun, un employé de l’organisation LICADHO a été arrêté pour avoir prétendument distribué des dépliants « incendiaires » dans la province de Takeo. Malgré le fait que Leang Sokchoeun ait affirmé n’avoir aucun lien avec les dépliants ou leur création, et malgré les nombreux vices de procédure dans son arrestation et son procès, il a été reconnu coupable d’incitation et condamné à deux ans de prison.135 Le 30 mai 2012, il a été libéré après avoir purgé entièrement sa peine de deux ans.136 La principale différence entre cette affaire et les affaires de Yeng Virak et Kem Sokha est le niveau de condamnation internationale que chacune d’entre elles a suscité. La notoriété internationale de Yeng Virak et de Kem Sokha a largement excédé celle de Leang Sokchoeun – une fois, par exemple, kem Sokha a même reçu la visite du ministre de la justice suédois en prison. L’affaire Leang Sokchoeun, en revanche, a suscité moins d’attention et cela a très probablement affecté le résultat de son procès.137 Il convient également de noter que pendant la visite sur le terrain d’ARTICLE 19 au Cambodge, de nombreuses ONG ont exprimé leur conviction que les plus grandes craintes du GRC étaient liées à l’autonomisation au niveau communautaire, c’est pourquoi tout travailleur d’ONG tentant de mener des séances de formation ou des actions collectives sont vulnérables aux menaces, à savoir les poursuites judiciaires et les arrestations. À plusieurs reprises, les formations et les forums publics du CCHR ont été interrompues ou Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, ‘Cambodia: Arbitrary Detention of Mr. Kem Sokha and Mr. Yeng Virak’ (aperçu) (4 janvier 2006) <http://www.omct.org/human-rights-defenders/urgentinterventions/cambodia/2006/01/d17795/> 134 Human Rights Watch, ‘Cambodia: Hun Sen Systematically Silences Critics’ (4 janvier 2006) (mis à jour) <http://www.hrw.org/news/2006/01/03/cambodia-hun-sen-systematically-silences-critics> 135 IFEX, ‘International groups condemn sentencing of local rights staffer’ (avis) (2 septembre 2012) <http://www.ifex.org/cambodia/2010/09/01/leang_sentenced/> 136 ‘Licadho staffer walks after two year lock-up’ The Phnom Penh Post (5 juin 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012053156507/National/licadho-staffer-walks-after-two-year-lockup.html> 137 Human Rights Watch, ‘Cambodia: Free Human Rights Worker’ (14 juillet 2011) <http://www.hrw.org/news/2011/07/14/cambodia-free-human-rights-worker> 133 35 fermées, le plus souvent par des policiers avec des armes à feu.138 Tout récemment, le 27 juillet 2012 dans la province de Ratanakkiri, une réunion en faveur des droits fonciers organisée par le CCHR et ASHOC a été interrompue et fermée par les autorités locales, dont un des membres portait un fusil d’assaut M-16. La police a dit aux membres du CCHR présents que s’ils ne quittaient pas les lieux, leur sécurité ne pourrait pas être garantie.139 DDH en lumière – Chan Soveth, ADHOC Le 9 août 2012, le Cour municipale de Phnom Penh a publié une citation de Chan Soveth, enquêteur principal à l’ADHOC, à comparaître devant le juge d’instruction Chhe Virak le 24 août 2012, en rapport à l’accusation d’avoir « prêté assistance à l’auteur d’un crime » en vertu de l’article 544 du Code pénal.140 L’accusation contre Chan Soveth est survenue après un discours fait par le Premier ministre Hun Sen le 1er août, accusant un « défenseur des droits humains » non identifié d’avoir prêté assistance à des criminels. Tout porte à croire que le défenseur des droits humains auquel le Premier ministre faisait référence était Chan Soveth et que l’accusation contre lui étaient basé sur l’aide humanitaire qu’il avait fourni aux militants en faveur des droits fonciers de la province de Kratie, qui étaient arrivés aux bureaux de l’ADHOC affamés après avoir marché pendant des jours. Les militants en faveur des droits fonciers en question auraient été impliqués dans un mouvement sécessionniste, tentant d’établir un État dans l’État, dans le village de Pro Ma, le théâtre de 15 000 hectares de concessions foncières. Le 16 mai 2012, des centaines de policiers et de policiers militaires armés ont pris d’assaut le village de Pro Ma, dans un effort pour expulser environ 1 000 familles vivant dans la zone de concession. Quand les villageois, parmi eux les soi-disant sécessionnistes, ont refusé de quitter leurs terres, les autorités ont ouvert le feu, causant la mort de Hen Chantha âgée de 14 ans, comme mentionné précédemment dans le présent rapport. Aucune preuve d’un mouvement sécessionniste en Kratie n’a été produite jusqu’à l’heure.141 Il convient également de noter que les accusations contre le militant que Chan Soveth a aidé ont été retirées, tandis que les accusations contre Chan Soveth ont été maintenues. Chan Soveth a été aidé par plusieurs partenaires internationaux à quitter le pays pour motif de formations sur les droits humains avant la date de son procès. L’ADHOC a demandé que sa date de comparution soit repoussée et la cour a eu l’obligeance d’accepter. Chan Soveth est finalement comparu devant la Cour municipale de Phnom Penh pour interrogatoire le 24 décembre 2012. Il n’a pas été mis en détention 142 mais les accusations ont été retenues contre lui jusqu’à ce qu’elles soient finalement abandonnées le 8 février 2013. CCHR, ‘Fundamental Freedoms Factsheet: Meetings and Trainings’ (fiche d’information) (septembre 2011) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=factsheet_detail.php&fsid=12&id=5> 139 ADHOC-CCHR, ‘Continued Disruption of Community Empowerment Activities Organized by Human Rights Groups’ (communiqué de presse conjoint) (27 juillet 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=press_detail.php&prid=274&id=5> 140 CCHR, ‘NGO worker summonsed by Phnom Penh Municipal Court’ (avis) (15 août 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=alert_detail.php&alid=24&id=5> 141 Ibid 142 Déclaration de l’ADHOC, ‘Chan Soveth, Défenseur des droits de l’Homme, n’est pas placé en détention’ (Phnom Penh, 24 décember 2012) <http://www.adhoc-cambodia.org/?p=2732> 138 36 Chan Soveth a été ciblé simplement pour avoir fait son travail en tant que travailleur d’ONG. Beaucoup pensent que le but de l’intimidation judiciaire de Chan Soveth était d’envoyer un message d’intimidation aux autres défenseurs des droits humains au Cambodge. En plus du procès de Chan Soveth, il y a eu plusieurs procès à l’encontre de membres du personnel de l’ADHOC basés dans les provinces rurales cambodgiennes. Par exemple, Sam Chankea a été reconnu coupable de diffamation en janvier 2011, et condamné à payer une amende considérable, lorsqu’il s’est prononcé au sujet d’un conflit foncier à Kampong Thom dans une interview à la radio.143 En 2009, Pen Bonnar et Chhay Thy, deux employés basés dans la province de Ratanakkiri ont été également accusés en rapport à leurs activités visant à habiliter les villageois à protéger pacifiquement leurs droits fonciers. Ils sont comparus devant la cour pour y être interrogés en rapport à ces accusations en 2011. Les hommes n’ont pas été mis en détention, toutefois les accusations n’ont pas été retirées.144 Il semble que le GRC réprime le militantisme à tous les niveaux en raison de l’élection de juillet 2013. En 2012, plusieurs dirigeants d’ONG ont été la cible de graves menaces. Ou Virak du CCHR a été cité à comparaître pour interrogatoire devant la cour provinciale de Ratanakkiri en rapport à une plaine qui remontait à 2009.145 Un groupe d’étudiants affiliés au GRC a menacé de violence Sia Phearum, directeur du Groupe de travail pour le droit au logement, après que celui-ci ait critiqué leur initiative consistant à mesurer des terrains lors d’une interview à la radio.146 De plus, comme mentionné précédemment, le dirigeant d’ONG Chut Wutty a été abattu, et le dirigeant d’ONG et éminent journaliste Mam Sonando, a été d’abord déclaré coupable de sécession, sans aucune preuve pour appuyer le verdict, et a été condamné à 20 ans de prison, avant que sa peine ne soit finalement réduite par la Cour d’appel. Des organisations entières ont aussi été la cible de menaces en raison de leur travail de protection et de promotion des droits humains. Le GRC a invectivé les ONG par le passé lorsque leurs employés se sont prononcé contre les politiques du GRC, quand ils ont tenté de venir en aide aux victimes d’atteintes aux droits humains ayant porté plainte contre les autorités, quand ils ont organisé des formations communautaires ou aidé les communautés à organiser des manifestations, et quand les ONG ont publié des rapports critiquant les politiques du GRC. Dans certains cas, les autorités ont porté plainte contre des membres du personnel. Les affaires Pen Bonnar, Chhay Thy et Sam Chankea de l’ADHOC en sont des Article 19/CCHR, ‘Cambodia: Conviction of Sam Chankea is an Attack on Freedom of Expression’ (communiqué de presse conjoint) (25 janvier 2011) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=press_detail.php&prid=4&id=5> 144 CCHR/ADHOC, ‘Three rights workers and one journalist summonsed to appear at Ratanakkiri court on charges of incitement’ (avis conjoint) (2 octobre 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=press_detail.php&prid=295&id=5> 145 La plainte déposée par le chef de commune Kith Chem, accusait Ou Virak ainsi que Pen Bonnar et Chhay Thy, coordinateur provincial et enquêteur de l’organisation de défense des droits humains ADHOC, et le journaliste de Radio Free Asia Ratha Visal, d’avoir incité les membres d’un groupe ethnique minoritaire à manifester violemment contre la compagnie agroalimentaire D.M. Group, dans le cadre d’une querelle de longue date et toujours en cours concernant les terres dans le district de Lumphat, dans la province de Ratanakkiri. Voir CCHR, ‘CCHR President Ou Virak will Face Questions at Ratanakkiri Court on Monday 8 October 2012’ (communiqué de presse) (4 octobre 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=press_detail.php&prid=296&id=5> 146 CCHR, ‘NGO worker threatened after giving an interview with RFA’ (avis) (10 août 2012) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=alert_detail.php&alid=23&id=5> 143 37 exemples, de même que les affaires Ou Virak et Chan Soveth, décrits ci-dessus. Toutefois, en plus de cibler des membres du personnel des ONG, le GRC a également menacé de suspendre plusieurs ONG en raison de leurs activités de défense des droits humains. DDH en lumière - STT et BABC Le 11 août 2011, le MdI a suspendu la célèbre organisation de défense des droits fonciers Sahmakum Teang Tnaut (STT). 147 Dans les années précédant sa suspension, la SSTT avait de plus en plus critiqué le projet du GRC de 142 millions de dollars pour réaménager le réseau ferroviaire du Cambodge, indiquant que l’expulsion des communautés proches des lignes ferroviaires rendrait les pauvres du Cambodge encore plus pauvres. Le GRC a répondu à ces critiques par la suspension complète des activités de la STT. Dans une lettre du MdI datant du 2 août 2011, la STT a été ordonnée de « suspendre ses activités » pendant cinq mois. La lettre accusait injustement la STT de ne pas avoir modifié la structure de direction et d’avoir fait des modifications inacceptables de ses statuts. Même s’il y avait du vrai dans les affirmations du MdI, aucune base juridique n’a été fournie pour justifier la suspension.148 Le MdI a donné une autre explication à la suspension de la STT le 13 août dans des déclarations publiées sur le site web du MdI qui accusaient la STT d’inciter les gens à s’opposer au développement de la nation par leur travail de plaidoyer.149 La suspension de la STT a pris fin en janvier 2012. La STT n’était qu’une des nombreuses ONG à avoir été critiques envers le projet ferroviaire financé par la Banque de développement asiatique. Dans une lettre à Hun Sen juste avant la suspension de la STT, le Ministre de l’économie et des finances Keat Chhon a demandé de prendre « des mesures immédiates » contre la STT et l’organisation Bridges Across Borders Cambodge (BABC) en raison de leur militantisme. Il a aussi été enregistré lorsqu’il a dit : « ne permettez pas aux ONG étrangères d’exercer des activités de plaidoyer […] ou de s’ingérer. »150 Le 18 août, la BABC et une autre organisation, NGO Forum, ont reçu l’ordre du GRC de « réajuster leur travail » et ont été accusés d’inciter les familles à s’opposer au réaménagement du réseau ferroviaire cambodgien.151 CCHR, ‘Suspension of prominent land rights NGO confirms civil society fears regarding forthcoming NGO law’ (avis) (12 août 2011) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=alert_detail.php&alid=5&id=5> 148 Organisation mondiale contre la torture et autres, ‘Arbitrary Suspension of the Human Rights NGO Sahmakum Teang Tnaut’ (communiqué de presse) (août 2011) <http://www.omct.org/human-rights-defenders/urgent-interventions/cambodia/2011/08/d21402/> 149 CCHR, ‘Case Study Series: Sahmakum Teang Tnaut (“STT”)’ (fiche d’information) (septembre 2011) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=factsheet_detail.php&fsid=13&id=5> 150 Sebastian Strangio, ‘Cambodian NGOs under the gun’, Asia Times (20 septembre 2011) <http://www.atimes.com/atimes/Southeast_Asia/MI20Ae02.html> 151 CCHR, ‘NGOs advised by Ministry to ‘readjust’ their work’ (avis) (19 août 2011) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=alert_detail.php&alid=6&id=5> 147 38 Évaluation des risques Il y a des tendances nettes dans les types de menaces auxquelles les DDH font face au Cambodge. Les principales et plus graves menaces auxquelles les DDH sont confrontés sont les attaques physiques, l’arrestation sans chef accusation, et le harcèlement législatif et judiciaire. Il existe plusieurs autres menaces plus spécifiques auxquelles ne sont confrontés que certains types de DDH – pour les parlementaires de l’opposition, c’est la menace de perdre leur immunité parlementaire, pour les avocats défenseurs des droits humains, la menace d’être raillés du barreau, pour les moines militants, la menace d’être destitués, et pour les ONG la menace d’être suspendues. Pour évaluer la situation sécuritaire des DDH au Cambodge, il faut examiner les risques que comportent la promotion et la protection des droits humains. Le niveau de risque, auquel les DDH sont exposés, augmente en fonction des menaces auxquelles ils sont confrontés et de leur vulnérabilité face à ces menaces. Toutefois, ce niveau de risque peut ensuite être réduit par la capacité accrue des DDH à faire face aux menaces qui pèsent sur eux.152 Aux fins du présent rapport, une menace est une offense contre un DDH résultant de l’exercice de son travail, et qui risque de se reproduire si le DDH poursuit son travail. Le niveau de menace dépend de la gravité de l’impact potentiel de cette menace et de la probabilité que cette menace particulière soit concrétisée, sur la base du niveau de fréquence auquel ce type de menace a été concrétisé par le passé. La gravité et la probabilité des menaces sont déterminées par les informations recueillies dans les interviews, ainsi que par un suivi minutieux et une recherche approfondie sur la situation des DDH au Cambodge. Le mot vulnérabilité fait référence aux facteurs qui augmentent les chances qu’un DDH, ou un groupe de DDH, subisse une attaque ou un préjudice plus grave à la suite d’une attaque.153 Tous les DDH sont vulnérables au Cambodge du fait de facteurs tels que le contexte législatif, le manque d’INDH indépendantes, un système judiciaire corrompu et politisé, l’utilisation de l’appareil d’État pour faire taire les dissidences et l’impunité généralisée des auteurs de violations des droits des DDH. Toutefois la vulnérabilité varie selon le type de DDH. Les différents types de DDH ont des capacités différentes à faire face aux menaces – certains types de DDH sont mieux préparés pour faire face aux menaces que d’autres, ce qui réduit leur vulnérabilité. Par exemple, un travailleur d’une ONG basé à Phnom Penh sera probablement moins vulnérable et mieux protégé qu’un militant de base travaillant dans une province reculée, en raison de l’emplacement central dans lequel se trouve l’employé d’ONG ; son affiliation avec une ONG qui a probablement des protocoles de sécurité mis en place ; des communications régulières avec d’autres ONG, des donateurs internationaux et les médias ; un accès plus facile à une représentation juridique ; une connaissance et une conscience accrues des risques. De plus, certains DDH sont plus fréquemment ciblés et font face à des menaces Frontline Defenders, ‘Manuel de protection pour les défenseurs des droits’ (Dublin, novembre 2007) <http://www.frontlinedefenders.org/files/en/Front%20Line%20Protection%20Handbook.pdf> 153 Ibid 152 39 plus graves en raison du but premier de leur travail – comme par exemple c’est le cas pour les militants de base en faveur des droits fonciers ou les militants syndicaux. Le niveau de vulnérabilité des différents types de menaces est par conséquent lourdement tributaire du type de DDH faisant face à la menace. Dans cette sous-partie, le CCHR et ARTICLE 19 vont analyser les risques auxquels font face les DDH cambodgiens. Chacune des principales menaces identifiées sera verra attribuer un indicateur, basé sur la gravité de la menace et sa fréquence, comme le montre le tableau ci-dessous. La vulnérabilité des DDH à cette menace particulière se verra également attribuer un indicateur, en fonction du degré de vulnérabilité des DDH face à la menace, se basant sur toutes les mesures de protection existantes (ou le manque de mesures), la situation socio-économique des DDH, le lieu où ils se trouvent et le type de travail qu’ils font. MENACES ÉLEVÉE MOYENNE FAIBLE Il est très probable que la menace soit mise à exécution et/ou qu’elle ait un effet nuisible sur la sécurité des DDH si elle se produisait Il est probable que la menace soit mise à exécution et/ou qu’elle ait un effet nuisible sur la sécurité des DDH si elle se produisait Il est peu probable que la menace soit mise à exécution et/ou qu’elle ait un effet nuisible sur la sécurité des DDH si elle se produisait VULNÉRABILITÉ Faible capacité à faire face aux menaces Moyenne capacité à faire face aux menaces Forte capacité à faire face aux menaces Cette méthode, appliquée depuis plusieurs années par ARTICLE 19 au Mexique, est une échelle de base employée par le CCHR et ARTICLE 19 pour comparer et contraster les différents risques auxquels font face les DDH cambodgiens, et dresser un tableau général de la situation sécuritaire pour les DDH au Cambodge. Menaces principales Dans toutes les interviews avec des DDH, tous étaient unanimes pour dire – et cela a été confirmé par les recherches menées – que le principal « agent persécuteur » contre les DDH était le GRC. La deuxième source de menaces principale était constituée par des individus ou des groupes en lien avec le PPC. Les DDH ont également reçu des menaces de gardiens de sécurité privés qui travaillent pour des sociétés appartenant généralement à des fonctionnaires du GRC, ou à la famille et aux amis de fonctionnaires du GRC. 40 Violence physique et harcèlement: menace élevée Avant 2012, les attaques physiques contre les DDH semblaient être en baisse et les autorités privilégiaient l’utilisation des tribunaux et de la législature pour intimider et réduire au silence les DDH, plutôt que la violence ouverte. Toutefois, vers la fin de 2011 et pendant toute l’année 2012, il y a eu une augmentation sensible du nombre d’attaques physiques contre les DDH. Comme mentionné plus haut, deux DDH – le journaliste Heng Seri Odom et le militant écologiste Chut Wutty – ont été tués en 2012. Pour beaucoup de DDH, la menace de violence physique et de harcèlement constitue une menace grave et fréquente qui a de toute évidence des effets nuisibles sur leur sécurité et leur travail. Arrestation sans chef d’accusation: menace élevée L’arrestation de DDH, en particulier les militants participant à des manifestations, est courante. Comme noté précédemment, l’ADHOC a signalé qu’au moins 201 militants en faveur des droits fonciers ont été arrêtés en 2012. La tendance est que les autorités arrêtent et mettent en détention provisoire les DDH, souvent sans chef d’accusation. La fréquence à laquelle cette menace est concrétisée et la gravité de la menace sont considérées élevées. Harcèlement législatif et judiciaire: menace élevée Comme indiqué ci-dessus, le cadre juridique représente au Cambodge l’une des menaces principales pour les DDH et leur travail. Une série d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains, ont recensé de nombreuses affaires de harcèlement judiciaire des DDH, qui ont souvent été rendus possibles par une législation vague et restrictive 154 ou par la fabrication d’actes criminels.155 Le harcèlement législatif et judiciaire est une réalité pour tous les DDH au Cambodge. Dans certains affaires, les DDH sont simplement cités à comparaître devant la cour pour interrogatoire, sans même être accusés. Il est difficile de prédire la façon dont les autorités vont traiter une affaire, cependant la menace initiale de harcèlement législatif et judiciaire est réelle, grave et courante et elle a un impact important sur la sécurité des DDH. Obstruction à la carrière et aux moyens d’existence: menace moyenne Plusieurs des menaces identifiées dans la partie précédente sont spécifiques à certains groupes de DDH, et ont trait à leur capacité à poursuivre leur travail, comme la perte potentielle de l’immunité parlementaire à laquelle font face les parlementaires au franc-parler, la radiation du barreau à laquelle font face les avocats défenseurs des droits humains, la menace d’être destitués pour les moines militants, et la menace de suspension pour les ONG. Bien que la de perte de l’immunité parlementaire ou la radiation du barreau n’aient peut-être pas d’effet nuisible immédiat sur la sécurité des DDH qui en sont menacés, elles peuvent avoir 154 Voir la partie sur les protections juridiques ci-dessus. Voir la partie précédente pour obtenir plus de détail sur les affaires Mam Sonando, Yorm Bopha et Tim Sakmony. 155 41 pour conséquence la perte de protection professionnelle et elles peuvent empêcher les DDH de gagner leurs vie. Sécurité de l’information sur Internet: faible menace La sensibilisation à la sécurité de l’information est faible parmi les DDH cambodgiens, en particulier en ce qui concerne la communication par Internet. L’augmentation de l’utilisation d’Internet pour diffuser des informations indépendantes, des opinions et des débats a mené à des tentatives par les autorités de restreindre les libertés sur Internet. Plusieurs travailleurs d’ONG ont par exemple signalé que leur courrier électronique était surveillé et bloqué. En 2012, le GRC a annoncé l’adoption prévue d’une loi sur Internet au Cambodge visant à empêcher « les gens de mauvaise volonté […] de répandre de fausses informations. »156 La loi est encore dans sa phase de rédaction et il n’a pas été indiqué quand une version serait rendue publique. Toutefois, la menace concernant la sécurité de l’information sur Internet est relativement faible, du fait du faible taux de pénétration d’Internet au Cambodge. En décembre 2012, le Ministre des postes et des télécommunications a estimé qu’il y avait 2,7 millions d’utilisateurs d’Internet au Cambodge, représentant 18 pourcents de la population. C’est une amélioration considérable par rapport aux estimations de la Banque mondiale, qui avait fait état d’un taux de pénétration de seulement 3,1 pourcents. 157 Le CCHR et ARTICLE 19 notent que cette menace particulière augmentera probablement avec le temps, du fait que plus de cambodgiens utilisent internet pour des activités de DDH, et que les autorités développent des mécanismes plus sophistiqués pour affronter le militantisme en ligne. Violence physique ou ÉLEVÉE harcèlement ÉCHELLE DE MENACE ÉLEVÉE Arrestation sans chef d’accusation ÉLEVÉE Harcèlement législatifs ou judiciaire MOYENNE Perte de l’immunité parlementaire MOYENNE Radiation du barreau MOYENNE Destitution MOYENNE Suspension des activités Bridget Di Certo et Kim Yuthana, ‘The “ill-willed spark cyber law”: officials’ The Phnom Penh Post (24 mai 2012) <http://www.phnompenhpost.com/2012052456372/National/the-ill-willed-spark-cyber-law-officials.html> 157 CCHR, “Freedom of Expression and Internet Censorship in Cambodia” (note d’information) (avril 2013) <http://www.cchrcambodia.org/admin/media/analysis/analysis/english/2013-04-29-Internet-Censorship-BriefingNote-eng.pdf> 156 42 FAIBLE Violation de la sécurité de l’information sur Internet Vulnérabilité Si les DDH ne peuvent pas empêcher les menaces, ils peuvent réduire leur vulnérabilité aux menaces en augmentant leur capacité à gérer les menaces par plusieurs mesures concrètes, qui seront traitées dans la partie « Conclusion et recommandations » ci-dessous. Militants de base en faveur des droits fonciers : forte vulnérabilité Les militants de base en faveur des droits fonciers font face à la majorité des menaces. Ils travaillent souvent dans des zones reculées, ont un accès limité aux médias ou à la communauté internationale, manquent de ressources pour se protéger juridiquement, et ne sont pas officiellement organisés en collectifs avec protocoles de sécurité adéquats. En outre, leur travaille touche à une question sur laquelle le GRC et les sociétés privées sont particulièrement sensibles et défensifs. Ils sont fortement exposés à des risques de violence physique et de harcèlement, et sont souvent harcelés et battus par les autorités, en particulier du fait qu’ils participent fréquemment à des manifestations. Les militants de base en faveur des droits fonciers sont aussi fortement vulnérables aux arrestations sans chef d’accusation et au harcèlement législatif/judiciaire. Militants syndicaux: forte vulnérabilité Les militants syndicaux sont sujets à un niveau de vulnérabilité similaire à celui des militants de base en faveur des droits fonciers, en raison de leur participation fréquente à des manifestations, et du manque de protocoles de sécurité. Ce qui les rend fortement vulnérables aux menaces d’attaques physiques. Le harcèlement législatif et judiciaire des militants syndicaux est également courant. Leur vulnérabilité à ces menaces est forte du fait du manque d’accès à la protection juridique, le manque de connaissance concernant les menaces, le manque de liens avec des ONG ou des partenaires internationaux. Le risque d’arrestation sans chef d’accusation est également relativement élevé du fait de leur participation fréquente à des manifestations. Femmes militantes en faveur des droits fonciers: forte vulnérabilité Comme mentionné précédemment, la manière dont les autorités traitent les femmes militantes semble être similaire à celle dont elles traitent les hommes militants. Toutefois, étant donné que les femmes assument traditionnellement le gros des responsabilités familiales, il y a un élément de vulnérabilité supplémentaire. De plus, la vulnérabilité des femmes DDH enceintes est extrêmement forte en raison de la probabilité d’attaques et de harcèlement qui pourraient avoir une incidence négative sur la grossesse. 43 Du fait de la participation fréquente des femmes militantes à des manifestations, les risques d’arrestation sans chef d’accusation et de harcèlement judiciaire sont élevés. Comme en témoigne l’affaire Borei Keila mentionnée précédemment, dans laquelle les femmes militantes en faveur des droits fonciers ont été arrêtées et détenues arbitrairement avec leurs enfants. Journalistes et professionnels des medias: moyenne à forte vulnérabilité Les journalistes et les professionnels des médias sont souvent confrontés au harcèlement législatif et judiciaire en raison de leur travail, qui consiste à répandre des informations et des opinions libres et indépendantes. Il n’y a aucun mécanisme de protection réel en place pour les journalistes et ils effectuent souvent leur travail dans des zones reculées, sans être accompagnés. Le niveau socio-économique modeste des journalistes et professionnels des médias cambodgiens peut également leur interdire l’accès à une protection juridique adéquate.158 Les journalistes et les professionnels des médias sont aussi fréquemment harcelés physiquement lorsqu’ils tentent de faire des reportages qui sont critiques envers le gouvernement, ou ils subissent parfois des violences du fait de la nature de leur travail, par exemple lorsqu’ils couvrent des manifestations ou des litiges fonciers. Les autorités emploient des tactiques basées sur une forte intimidation des journalistes te des professionnels des médias, afin de museler toute forme de dissidence, créant ainsi un effet paralysant et une culture d’autocensure. Avocats défenseurs des droits humains: moyenne vulnérabilité Les avocats défenseurs des droits humains sont confrontés à des menaces de harcèlement législatif et judiciaire et de radiation du barreau. Les avocats défenseurs des droits humains sont vulnérables au harcèlement législatif et judiciaire, surtout s’ils ne sont pas affiliés à une ONG, et en particulier dans le cas où la BAKC applique des règles plus strictes aux avocats qui communiquent avec les médias. Il existe aussi une menace réelle d’être radié du barreau. Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, la BAKC est politisée159 et par conséquent, il peut être risqué pour les avocats de se charger d’affaires sensibles s’ils veulent protéger leurs propres moyens d’existence. Le nombre d’avocats ayant été radiés récemment est peut-être relativement réduit, mais la nature politisée de la BAKC implique que les avocats restent fortement vulnérables. Depuis le début de ce projet, le CCHR et ARTICLE 19 n’ont recensé aucun cas récent de violence physique contre les avocats défenseurs des droits humains. ONG: moyenne vulnérabilité Anne Lemaistre, Représentante de l’UNESCO et James Heenan, Représentant adjoint et Responsable du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Cambodge, “World Press Freedom Day 2012: Promoting Responsible Journalism in Cambodia” (Op-Ed) The Phnom Penh Post (3 mai 2012) <http://www.un.org.kh/index.php?option=com_content&view=article&id=559:world-press-freedom-day-2012promoting-responsible-journalism-in-cambodia&catid=47:features&Itemid=88> 159 LICADHO, ‘Restrictions on the Legal Profession by the Bar Association: A Threat to Free and Independent Legal Aid in Cambodia’ (note d’information) (décembre 2007) <https://www.licadhocambodia.org/~licadhoc/reports.php?perm=114&pagenb=4&filter=-1> 158 44 Les travailleurs des ONG sont relativement bien protégés des attaques physiques et du harcèlement en raison de leurs réseaux, ainsi que de leur connaissance et leur préparation concernant la situation sécuritaire. Toutefois, bien que les travailleurs des ONG soient quelque peu protégés par leur ONG et leurs liens avec les donateurs internationaux et les ambassades, la nature du rôle des travailleurs des ONG et la nature politisée du système judiciaire les rend fortement vulnérables au harcèlement législatif et judiciaire. L’autre menace principale à laquelle les travailleurs des ONG font face est celle de la sécurité de leurs informations sur Internet. Les travailleurs d’ONG ont souvent des protections pour la sécurité de leurs informations à travers leur ONG respective, mais pas toujours chez eux. Leur vulnérabilité face à l’insécurité numérique est moyenne. Mis à part que les travailleurs d’ONG sont menacés en tant qu’individus, les ONG elles-mêmes sont parfois ciblées, comme dans les affaires STT, BABC et NGO Forum décrites dans la partie précédente. Les ONG de défense des droits humains adoptent une position ferme contre les violations des droits humains perpétrées par GRC ou qui y sont directement liées. Cela signifie que les ONG de défense des droits humains peuvent être confrontées à des risques réels de suspension. Cette menace a un sérieux impact sur le travail des ONG et leur survie. Toutefois, la stratégie de cibler des travailleurs d’ONG individuels est de loin la plus courante. Dans les cas où une ONG cambodgienne entière est ciblée, il y a des chances que les donateurs et les partenaires internationaux de l’ONG en question interviennent pour faire pression sur le GRC, afin qu’il cesse toutes ses manœuvres d’intimidation. Si on tient compte de l’appui international, et de la suspension du LAONG, la vulnérabilité des ONG en tant qu’organisations est actuellement faible. Parlementaires de l’opposition: faible à moyenne vulnérabilité Les parlementaires de l’opposition sont habituellement en haut de l’échelle socioéconomique, ils sont connus et ont des protocoles de sécurité en place, par conséquent leur vulnérabilité aux violences physiques et aux arrestations est faible. De plus, il est probable que les parlementaires de l’opposition aient mis en place des systèmes de protection de leurs informations, réduisant leur vulnérabilité dans ce domaine. Toutefois, en raison de la nature de leur travail consistant à mettre en question le parti au pouvoir, une des menaces principales qui pèse sur les parlementaires de l’opposition est la levée de leur immunité parlementaire, qui peut être obtenue facilement par le PPC. Cela signifie que les parlementaires de l’opposition sont totalement vulnérables à cette menace, ce qui par conséquent les rend fortement vulnérables au harcèlement législatif et judiciaire. Moines bouddhistes: faible vulnérabilité La plus grande menace pour les moines bouddhiste est celle d’être destitués. En conséquence de ses activités militantes, Loun Sovath a été interdit d’entrer dans sa maison, la pagode Ounalom, ainsi que dans les autres pagodes dans les environs de Phnom Penh. Les dirigeants de la Confrérie bouddhiste cambodgienne auraient des 45 liens étroits avec le PPC au pouvoir, ce qui augmente la vulnérabilité de moines militants. 160 Par conséquent, les moines bouddhistes qui soutiennent les militants communautaires courent le danger réel d’être destitués. La vulnérabilité des moines militants face à cette menace est forte. Toutefois, jusqu’à présent il n’a été recensé aucun autre incident notable d’attaques physiques, de harcèlement, ou de harcèlement législatif et judiciaire, dont des moines aient fait état, pour ce qui est de la tendance générale. ÉCHELLE DE VULNÉRABILITÉ FORTE Militants de base en faveur des droits fonciers FORTE Militants syndicaux FORTE Femmes militantes en faveur des droits fonciers MOYENNE À FORTE Journalistes et médias MOYENNE Avocats défenseurs des droits humains MOYENNE ONG FAIBLE À MOYENNE Parlementaires FAIBLE Moines CCHR, ‘Case Study Series: Loun Sovath’ (fiche d’information) (juillet 2011) <http://www.cchrcambodia.org/index_old.php?url=media/media.php&p=factsheet_detail.php&fsid=5&id=5> 160 46 Conclusion et recommandations Il est clair que les DDH cambodgiens font face à un niveau dangereusement élevé de risque dans le cadre de leur travail. Les menaces contre les DDH sont multiples et souvent imprévisibles. Le manque de moyens appropriés pour évaluer et faire face aux menaces contre les DDH amplifie ces menaces. En outre, le manque de préparation, de prise de conscience et e connaissance chez les DDH en ce qui concerne la réduction du risque augmente leur vulnérabilité. Il convient également de noter que la situation sécuritaire semble s’être détériorée en 2012, par rapport aux années précédentes. Ce recul peut être attribué à l’imminence des élections de l’Assemblée nationale en juillet 2013, ainsi qu’à une agitation grandissante provoquée par les violations des droits fonciers et du travail. Les recommandations suivantes, adressées aux DDH, aux organisations de défense des droits humains, à la communauté des droits humains du Cambodge en général, et au GRC, ont pour but la réduction des risques encourus par les DDH – tels qu’identifiés dans l’évaluation des risques ci-dessus – et l’amélioration de la situation sécuritaire globale des DDH au Cambodge. Les DDH font partie intégrante d’une société démocratique. Quand les DDH pourront faire leur travail sans le moindre risque, la situation globale des droits humains au Cambodge aura été grandement améliorée. 47 Recommandations Défenseurs des droits humains: - Auto-identifiez-vous publiquement en tant que DDH, utilisez la terminologie et attirez l’attention du public sur le fait que votre travail est protégé par le droit international. De cette façon les autorités et la société comprendront mieux votre rôle et le niveau de protection qui lui est accordé. o Identifiez-vous en tant que DDH sur tous les supports d’identification, tels que vos cartes de visite, les lettres officielles et vos biographies dans les réseaux sociaux. o Lorsque vous exercez votre travail, munissez-vous toujours d’une pièce d’identité et/ou d’une lettre vous identifiant en tant que DDH, détaillant vos fonctions et le mandat qui vous est attribué, et/ou vous liant à une organisation. - Construisez un réseau de solidarité et de sécurité. o Identifiez les collègues, les organisations et même les fonctionnaires qui pourraient vous venir en aide en cas d’urgence, en ayant à l’esprit qu’une activation précoce de la solidarité peut prévenir des violations et sévices futures. o Obtenez régulièrement des conseils juridiques auprès d’un avocat ou d’une ONG de confiance. o Assurez-vous d’avoir accès à une représentation juridique si vous faites face à du harcèlement judiciaire, si vous devez déposer une plainte devant le tribunal, ou si vous êtes arrêté(e) et détenu(e). - Créez des plans d’urgence et des protocoles de sécurité adaptés. o Comprenez et analysez les implications juridiques et politiques de votre travail, et identifiez les menaces potentielles liées au sexe, à l’origine ethnique, à l’appartenance religieuse etc. Adoptez ensuite un protocole de sécurité et des mesures concrètes pour les contrer, en renforçant par exemple la sécurité de vos informations, la sécurité de vos biens, et votre sécurité personnelle. o Observez constamment les changements qui se produisent dans le contexte de sécurité (par ex. l’adoption de nouvelles lois, les prochaines élections, ou l’augmentation des arrestations) pour éviter que les menaces ne se concrétisent et afin d’être prêt(e) pour le jour où elles se matérialiseront. o Si une menace est mise à exécution, soyez prêt(e) à déposer une plainte officielle devant les autorités (s’il est possible et sûr de le faire). - Élaborez des plans d’urgence lorsque vous participez à des manifestations des actions de protestation, et en cas d’arrestation arbitraire. (Cette mesure est particulièrement importante pour les femmes militantes en faveur des droits fonciers et les militants syndicaux.) o Déterminez avec des collègues et des partenaires les informations qui ne devraient pas être révélées lors d’interrogatoires, afin de ne pas compromettre davantage votre sécurité et celle de vos collègues. 48 o Au cours d’une détention, assurez-vous que quelqu’un appartenant à votre réseau de solidarité/sécurité sache où vous êtes et soit informé de votre état et des accusations contre vous. Vous devriez aussi être clairement conscient(e) de vos droits afin de détecter et prévenir d’éventuelles violations. o Lors d’une manifestation, établissez clairement votre rôle en tant que participant ou en tant qu’observateur, et préparez des plans en conséquence. o Lorsque vous suivez une manifestation, informez des collègues en dehors de la manifestation en donnant des détails sur les violations observées et des informations sur les détenus. o Lorsque vous documentez des violations in situ, assurez-vous d’avoir le soutien d’un collègue lorsque vous filmez ou prenez des photos, et assurez-vous de vous munir de cartes mémoires vides, au cas où la police tente de saisir le matériel enregistré. o Lorsque vous chargez des preuves de violations sur Internet, assurez-vous d’effacer les métadonnées et de protéger l’identité des victimes. - Restez en communication constant avec des réseaux de confiance. o Assurez-vous de communiquer fréquemment votre location à d’autres collègues, en particulier lorsque vous travaillez dans des zones reculées. Assurez-vous d’avoir à tout moment un téléphone mobile ou tout autre moyen de communication avec des collègues et des proches. Cette mesure est particulièrement importante pour les militants de base en faveur des droits fonciers et les travailleurs des médias couvrant ce sujet. Organisations de défense des droits humains : - Adopter des protocoles de sécurité collectifs et des plans de sécurité conjointement avec tous les membres du personnel et les partenaires, avec comme objectif premier de minimiser l’impact des menaces et de garantir une réponse rapide et efficace en cas d’urgence. Ci-dessous certains des éléments qui devraient être inclus : o Évaluation des risques et mesures de prévention o Réaction rapide pour la représentation juridique o Plans de gestion de crise et d’urgence pour garantir la poursuite des activités quoi qu’il arrive o Documentation et analyse de tous les incidents de sécurité et, chaque fois que possible, déposer des plaintes officielles devant les autorités, quels que soient les résultats attendus des enquêtes. o Affectation des ressources nécessaires pour habiliter les membres du personnel à adopter des mesures pour leur propre protection, y compris formation, évaluation de la sécurité personnalisée et équipement permettant de généraliser la sécurité et les principes de sûreté dans l’ensemble de leurs activités. - Établir des protocoles en cas de détentions illégales et/ou arbitraires et de disparitions forcées de membres du personnel ou de collaborateurs, dans le but de garantir une réponse rapide. Certains des éléments à inclure sont : o Une liste des centres de détention, des autorités et avocats compétents ou des organisations qui pourraient garantir une réponse rapide et efficace. 49 o Dans le cas d’une réaction à de tels scénarios, l’organisation devrait pouvoir fournir en quelques heures aux partenaires, donateurs et au reste du réseau de solidarité, des détails sur les accusations ainsi que sur les conditions matérielles et de détention des détenus. - Fournir aux membres du personnel ou collaborateurs des justificatifs et des pièces d’identité attestant de leur affiliation à l’organisation. - Mener des séances d’information régulières et périodiques avec les donateurs, les Nations unies et les représentants étrangers sur la situation sécuritaire à laquelle fait face chaque organisation, afin de renforcer le réseau de solidarité et de sécurité de l’organisation. Les donateurs devraient être encouragés à financer des projets visant à prévenir et combattre les crimes contre la liberté d’expression. Communauté des droits humains: - Augmenter la communication avec les autorités et le grand public et les sensibiliser sur l’importance des DDH, de leur travail et de leur sécurité. o Créer un mécanisme de dialogue avec les autorités au niveau national et local pour répondre aux préoccupations concernant la sécurité des DDH et discuter des réformes juridiques et des actions politiques nécessaires pour éviter que les violations se reproduisent. - Établir un système d’alerte rapide pour publier des informations sur les violations contre les DDH. - Coordonner les efforts des différents acteurs pour augmenter l’efficacité des formations de sécurité, de la collecte et la diffusion d’informations, et de la protection des DDH. o Établir un mécanisme conjoint sur lequel les DDH, les ONG et les autres militants puissent compter pour la défense des droits humains, comprenant une assistance juridique et des mesures de protection d’urgence pour eux et leurs familles. Des actions spécifiques devraient être mises en œuvre pour contacter ceux qui pourraient ne pas être conscient de leur statut de défenseurs des droits humains, ou qui ne sont affiliés à aucune organisation. o Établir un mécanisme pour échanger des informations sur les questions de sécurité entre les DDH et les organisations de défense des droits humains de façon plus systématique et stratégique, en prêtant une attention particulière aux DDH et organisations basés dans des zones reculées. o Conjuguer les efforts et les ressources pour offrir des formations sur les questions de sécurité, de sûreté juridique et l’élaboration de protocoles de sécurité et de plans d’urgence. - Préconiser l’établissement d’une INDH indépendante pour surveiller la situation des DDH et fournir des conseils de sécurité, assistance et protection aux DDH. 50 Le Gouvernement Royal du Cambodge: - Reconnaître l’importance des DDH et des organisations de défense des droits humains, et la nécessité de les protéger. o Bien que plusieurs parlementaires de l’opposition au Cambodge soient également des DDH, les DDH sont en général neutres. Ils ne sont pas alignés sur l’opposition – ils demandent que les droits humains soient respectés par tout parti qui soit au pouvoir, pas par un parti en particulier. Il est important de reconnaître le caractère apolitique de ces appels à la protection des droits humains par les parlementaires. o Condamner les attaques perpétrées en représailles à l’exercice de la liberté d’expression et s’abstenir de faire des déclarations susceptibles d’augmenter la vulnérabilité des personnes qui sont ciblées pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. Mettre en place des mesures spécifiques pour protéger les DDH susceptibles d’être ciblés en raison de leur travail, et s’assurer que les DDH qui ont été victimes de crimes et de violations de leurs droits humains aient accès à des recours effectifs. - Travailler étroitement et coopérer avec le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits humains au Cambodge afin de recevoir les conseils et l’assistance nécessaires pour renforcer les conditions de sécurité des DDH. - Établir une INDH indépendante pour surveiller la situation globale des DDH et les protéger, et dont la présence s’étende jusqu’aux régions reculées du pays. o Publier des rapports périodiques sur les conditions de sécurité des DDH et les évolutions des procédures juridiques concernant les violations qui ont été perpétrées. - Entamer une vaste consultation au sein de la société civile afin de recevoir les apports nécessaires pour amender la législation qui restreint les droits humains et qui est par conséquent incompatible avec la Constitution cambodgienne et les obligations internationales relatives aux droits humains. - Lutter contre la corruption dans le gouvernement et le système judiciaire afin de faire respecter l’État de droit, notamment par une enquête efficace des mauvais traitement à l’encontre des DDH, en particulier ceux impliquant de graves violations des droits humains. o Créer une commission contre l’impunité pour superviser les enquêtes avec la présence et l’assistance d’organisations nationales et internationales. o Autoriser l’accès des médias aux tribunaux. - Garantir que la police, l’armée et les gardiens de sécurité – tous les représentants de l’autorité traitant avec les DDH – soient dûment formés en matière de droits humains et garantir l’illégalité de l’usage disproportionné de la force. La police et l’armée devraient être utilisées pour protéger le peuple cambodgien, pas pour protéger les intérêts de quelques membres de l’élite. o 51 o Formation adéquate des forces de polices pour garantir les droits humains des manifestants et pour faciliter le travail des DDH lorsqu’ils suivent une manifestation. o Établir une procédure spécifique pour garantir que les organisations et les avocats puissent rendre visite aux DDH en détention pour garantir leur bien-être et la sûreté de leurs conditions de détention. 52 Annexe: acronymes CSCA ADHOC APGA DDHA FPA ANASE BABC BAKC CCHR CNRP PPC UE CTE CDH DDH CPI PIDCP LAONG LICADHO MdI INDH ONG HCDH GRC PSR STT NU DUDH Conférence de la société civile de l’ANASE Association pour les droits de l'homme et le développement au Cambodge Assemblée des peuples de base de l’ANASE Déclaration des droits de l’homme de l’ANASE Forum des peuples de l’ANASE Association des nations de l'Asie du Sud-Est Bridges Across Borders Cambodge Association du barreau du Royaume du Cambodge Centre cambodgien pour les droits de l’homme Parti du sauvetage national du Cambodge Parti du peuple cambodgien Union européenne Concessions de terres à fins économiques Conseil des droits de l'homme Défenseur(s) des droits humains Cour pénale internationale Pacte international relatif aux droits civils et politiques Projet de loi sur les associations et les organisations non-gouvernementales Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits humains Ministère de l’intérieur Institution nationale des droits humains Organisation non-gouvernementale Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme Gouvernement royal du Cambodge Parti Sam Rainsy Sahmakum Teang Tnaut Nations unies Déclaration universelle des droits de l'homme 53