la république des lettres 56
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LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES 56 NARRATIONS GENRÉES ÉCRIVAINES DANS L’HISTOIRE EUROPÉENNE JUSQU’AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE Études éditées par Lieselotte STEINBRÜGGE ET Suzan VAN DIJK ÉDITIONS PEETERS LOUVAIN - PARIS - WALPOLE, MA 2014 TABLE DES MATIÈRES Suzan VAN DIJK, Lieselotte STEINBRÜGGE Perspectives de femmes? Narrations genrées vues par-delà les époques et les frontières linguistiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Vera NÜNNING Gender, authority and female experience in novels from the eighteenth to the nineteenth century: a narratological perspective 19 Carin FRANZÉN Christine de Pizan’s appropriation of the courtly tradition . . . . . . 43 PARATEXTES MASCULINS ET FÉMININS Madeleine JEAY Le double discours de la dédicace aux dames dans les recueils de nouvelles des XVe-XVIe siècles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Henriette PARTZSCH Manipulating genre and gender: the novella in early modern Spain 77 Isabel MORUJÃO Présentation et représentations de la femme-auteur dans les paratextes des œuvres narratives féminines portugaises à l’âge moderne 95 Geneviève PATARD La «défense des dames» dans les Mémoires de Madame de Murat (1668?-1716) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 NARRATION FÉMININE ET FICTION Esther Suzanne PABST Une liaison dangereuse au Siècle des Lumières: le roman épistolaire du point de vue des études de genre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Marianne CHARRIER-VOZEL Du larmoyant à la comédie: à propos du roman sentimental et de la femme auteur au XVIIIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 344 TABLE DES MATIÈRES Marianna D’EZIO Eighteenth-century British women writers and the Arabian Nights’ Entertainments: Transmigration of a genre, creation of new literary paths . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 Valérie COSSY Ces héroïnes qui ne lisent plus de romans: le topos de la lectrice romanesque et la légitimité de la romancière au tournant du XIXe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 Hendrik SCHLIEPER Une cellule à soi. Dulce dueño (1911) d’Emilia Pardo Bazán et le «lieu» de la femme auteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 NARRER OU INFLUENCER LE RÉEL Carme FONT PAZ The cry of a virgin: gender and self-representation in Lady Eleanor Davies’ prophetic texts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215 Véronique CHURCH-DUPLESSIS Entre fiction et non-fiction: le roman anthropologique pour une autre condition féminine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 Elisa MÜLLER-ADAMS Gender and the city: urban narratives by German women travelling to London (19th century) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245 Ursula JUNG On the relationship between non-fiction and short stories in Emilia Pardo Bazán’s œuvre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263 RÉCEPTION ET ÉVALUATIONS Kerstin WIEDEMANN Le roman à l’épreuve des femmes: quelques réflexions sur la différence des sexes et la poétique du roman en Allemagne 1830-1848 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285 Katja MIHURKO PONIZ Gender and narration in the writings of three 19th-century Slovene women: Pavlina Pajk, Luiza Pesjak and Zofka Kveder . . . . . . . . . 301 TABLE DES MATIÈRES Hanneke BOODE Considerations of gender and genre: the reception of Margit Kaffka . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 321 INDEX Auteur-e-s étudié-e-s et mentionné-e-s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337 CES HÉROÏNES QUI NE LISENT PLUS DE ROMANS: LE TOPOS DE LA LECTRICE ROMANESQUE ET LA LÉGITIMITÉ DE LA ROMANCIÈRE AU TOURNANT DU XIXe SIÈCLE Valérie COSSY Université de Lausanne Cet article se propose d’étudier le lien entre genre littéraire et genre féminin-masculin au tournant du XIXe siècle à partir d’une mystérieuse disparition: celle du personnage de la lectrice romanesque des romans de Jane Austen (1775-1817) et Isabelle de Charrière (1740-1805). Cette approche doit nous permettre de lire côte à côte deux œuvres de femmes qui, tout en ayant beaucoup de points communs, ne sauraient être étudiées sous l’angle d’une influence réciproque directe1. Nous comptons donc tester l’hypothèse – à travers cette lecture commune – d’une ressemblance déterminée par le genre (gender), c’est-à-dire par leur positionnement de femme et leur choix de romancière dans le champ littéraire en tant que celui-ci est marqué par les définitions et les hiérarchies du féminin et du masculin de leur époque. Et, d’autre part, leurs œuvres nous permettront également d’inscrire ce questionnement sur les effets du genre (gender) dans une perspective comparative et de nous interroger sur le sort contrasté de la «femme auteur» dans les champs de la littérature française et anglaise. On relève en effet une évolution commune de la figure de la lectrice romanesque dans les œuvres des deux romancières, de sa présence rayonnante et impertinente – mais aussi complexe – dans leurs premières œuvres à sa marginalisation, voire à sa trivialisation ou à sa disparition dans les œuvres de leur maturité. Dans Emma, par exemple, les seules allusions à la lecture de romans sont placées dans la bouche de Harriet Smith qui, à la manière des héroïnes ineptes de Love and Freindship [sic], juge pertinent de relever que Robert Martin a lu le Vicar of Wakefield, alors qu’il ne connaît pas encore ses deux romans favoris: The 1 Isabelle de Charrière est morte six ans avant la publication de Sense and Sensibility (1811), premier roman d’Austen à être publié, et il n’existe aucun indice à ce jour permettant de penser que Jane Austen a lu des œuvres d’Isabelle de Charrière. 186 VALÉRIE COSSY Romance of the Forest (1791) d’Ann Radcliffe et The Children of the Abbey (1798) de Regina Maria Roche, deux romans noirs que Catherine Morland n’aurait pas désavoués2. Or, non seulement la qualité de lecteur de Goldsmith laisse Emma de marbre, mais le goût des romans gothiques ne sert ici qu’à souligner la naïveté et l’inculture de Harriet Smith, produit typique de la boarding-school de Mrs Goddard, où «girls might be sent to be out of the way and scramble themselves into a little education, without any danger of coming back prodigies»3. Chez Charrière on peut invoquer Sainte Anne, ce personnage masculin amoureux de sa cousine illettrée, pour qui la lecture de romans, synonyme d’ «amusement», est soit néfaste soit inutile: les romans, les drames en prose et en vers, qui sont la lecture la plus ordinaire des jeunes personnes honnêtes des deux sexes, ne peuvent servir de rien […]. Ce que dit Rousseau relativement aux spectacles dans son admirable lettre à d’Alembert me paraît devoir s’étendre à la lecture de toute pièce de théâtre, et en général à presque toutes les lectures des femmes et des jeunes gens.4 De même dans la Suite des Trois femmes, Charrière fait dire à son narrateur, l’Abbé de la Tour, que les romans «gâtent» l’esprit des femmes, raison pour laquelle Constance et Emilie ne sont pas des lectrices de romans auxquels elles préfèrent les livres d’Histoire5. Cette attitude pour le moins critique contraste avec la manière dont le rapport des héroïnes au genre romanesque est abordé dans les premiers textes de fiction. Charrière et Austen affichent alors à l’égard de la question une absence de complexe tout à fait roborative. Sans forcément cautionner les lectures de Julie d’Arnonville, le narrateur du Noble considère comme une évidence plutôt rassurante le fait que celle-ci préfère les romans aux «Traités de Blazon» que lui fait avaler son père. Cette préférence fonctionne même, dans le contexte du conte, comme le signe de la «normalité» de Julie, de son bon cœur et de son bon sens6. De même, 2 Austen, Jane: Emma, Richard Cronin et Dorothy McMillan (éds.), The Cambridge Edition of the Works of Jane Austen, Cambridge: Cambridge University Press 2005, p. 28. 3 Austen: Emma, p. 21. Dans leur introduction Richard Cronin et Dorothy McMillan relèvent que ces deux romans mettent en scène des héroïnes qui, comme Harriet, ignorent leurs origines et que, à ce titre, «they offer Harriet […] precisely the kind of wish-fulfilling fantasy that she might be expected to crave». (Austen: Emma, p. liii). 4 Charrière, Isabelle de: Sainte Anne [1799], in: id.: Œuvres complètes, 10 vol., Amsterdam: Oorschot 1979-1984, ici t. IX (1981), p. 271 et 276-77. 5 Charrière, Isabelle de: Suite des Trois femmes, in: id.: Œuvres complètes, t. IX, p. 134. 6 Charrière, Isabelle de: Le Noble [1762], in: id.: Œuvres complètes, t. VIII, p. 21. LE TOPOS DE LA LECTRICE ROMANESQUE 187 dans les Lettres de Mistriss Henley, ainsi que l’a montré Jean Mainil, Mistriss Henley s’avère une lectrice attentive et critique du Mari sentimental de Samuel de Constant, le roman qui déclenche l’écriture des lettres «à son amie». Loin de perdre la tête à cause d’un roman, Mistriss Henley en devient plus lucide sur sa condition conjugale et découvre, à l’occasion de cette lecture, la nécessité de trouver ses propres mots pour la décrire. Et, comble de l’ironie, c’est son mari qui se trouve, lui, aveuglé sur les «différences» entre la réalité et la fiction7. Quant à Catherine Morland, l’héroïne qui, dans Northanger Abbey, dévore des romans noirs, elle est au service d’une réhabilitation et d’une défense des «gothic novels» bien plus que de leur condamnation. Austen détourne l’objet de la satire comme les attentes de l’establishment intellectuel – les «Reviewers» et les «thousand pens» qui encensent the nine-hundredth abridger of the History of England, or […] the man who collects and publishes in a volume some dozen lines of Milton, Pope, and Prior, with a paper from the Spectator, and a chapter from Sterne.8 Contrairement à eux, la narratrice de Northanger Abbey conserve une foi absolue dans les qualités de cœur et d’esprit de son héroïne. Catherine a en effet le bon goût de tomber spontanément amoureuse du seul type bien du roman, Henry Tilney, sans jamais se laisser épater par les mondanités ou les faux-semblants de Bath et sans se départir de son bon sens. Elle est parfaitement capable de se faire une opinion, et d’aller, par exemple, à l’encontre des avis de son frère James et de son amie Isabella sur les qualités universellement séduisantes du frère de celle-ci: après moins d’une heure passée en compagnie de John Thorpe, il lui paraît tout simplement indispensable «to resist such high authority»9. Sa seule erreur, bien sûr, consiste à confondre le père de Henry, General Tilney, avec le vilain d’un roman noir et à le soupçonner d’avoir assassiné sa femme. Mais si elle se fait sérieusement sermonner par Henry à ce sujet10, cette remontrance est loin de constituer le mot de la fin du roman, et l’ironie 7 Charrière, Isabelle de: Lettres de Mistriss Henley publiées par son amie [1784], in: id.: Œuvres complètes, t. VIII, p. 101; cf. Mainil, Jean: Don Quichotte en jupons, ou des effets surprenants de la lecture, Essai d’interprétation de la lectrice romanesque au XVIIIe siècle, Paris: Kimé 2008, p. 125. 8 Austen, Jane: Northanger Abbey, Barbara M. Benedict et Deirdre Le Faye (éds.), The Cambridge Edition of the Works of Jane Austen, Cambridge: Cambridge University Press 2006, p. 31 9 Id., p. 63. 10 Id., p. 203. 188 VALÉRIE COSSY dramatique qui structure l’intrigue finit par donner partiellement raison à Catherine. Au final elle est coupable, tout au plus, d’une erreur d’échelle: en la renvoyant sans escorte et sans le moindre égard de chez lui sous prétexte qu’elle n’est pas la riche héritière qu’il convoitait pour son fils, le général Tilney apporte la preuve qu’il est, toute proportion gardée, et relativement au cadre de l’Angleterre civilisée, un affreux personnage, un vilain moderne. Catherine, pour sa part, «was guilty only of being less rich than he had supposed her to be»11. Non seulement elle n’est pas coupable, mais, comme le dit sa mère avec fierté: «she is not a poor helpless creature, but can shift very well for herself»12. Ainsi que Jocelyn Harris l’a montré à travers son analyse de l’intertexte, le personnage de Catherine Morland est défini par l’optimisme lockéen qui voit dans le bonheur la récompense du bon usage de l’entendement humain13. Dans Northanger Abbey comme dans Le Noble, les imprudences dans lesquelles les lectures romanesques entraînent les héroïnes sont sans conséquence grave. En outre, le bonheur que Julie et Catherine trouvent dans le sentiment amoureux, conformément aux modèles romanesques dont elles se nourrissent, se décline chaque fois explicitement en terme de «désobéissance» et d’une attaque directe de la loi du père14. Dans les deux textes cette loi, qui s’oppose à celle du cœur, est joyeusement piétinée et le patriarcat ridiculisé, chaque héroïne obtenant même des patriarches déchus de leur piédestal la bénédiction de son mariage en exploitant leurs vices: Julie profite d’un moment d’ivresse du baron d’Arnonville pour rentrer en grâce15, et Catherine et Henry, grâce à un «fit of good humour» dû à l’avarice du général, parviennent à lui extorquer son consentement16. Dans ces deux textes de jeunesse, la récupération de la lectrice romanesque est mise au service d’un féminisme impertinent et décomplexé de la part des romancières. 11 Id., p. 253. Id., p. 246. 13 Harris, Jocelyn: Jane Austen’s Art of Memory, Cambridge: Cambridge University Press 1989, p. 13. 14 Cf. la dernière phrase de Northanger Abbey: «I leave it to be settled by whomsoever it may concern, whether the tendency of this work be altogether to recommend parental tyranny, or reward filial disobedience», Austen: Northanger Abbey, p. 261; et, dans Le Noble, l’épisode de la fuite avec les portraits des ancêtres jetés dans le fossé: «L’Amour lui présente des motifs moins faibles [que ceux de son père], il la détermine, et Julie saute lestement sur le visage d’un de ses ancêtres qui se rompt sous ses pieds», Charrière: Le Noble, p. 33. 15 Charrière: Le Noble, p. 34. 16 Austen: Northanger Abbey, p. 260. 12 LE TOPOS DE LA LECTRICE ROMANESQUE 189 Comment donc Isabelle de Charrière et Jane Austen sont-elles passées de ce traitement optimiste et provocateur du topos de la lectrice de roman, qui participe même de leur défense et illustration du genre romanesque et d’une attaque en règle du patriarcat, à l’abandon des figures de lectrices et à une attitude critique et pessimiste vis-à-vis des effets du roman sur les femmes? On pourrait sans doute invoquer l’âge des romancières qui, chacune, se serait assagie en vieillissant, certes. Mais cette explication ne suffit pas car, on peut le constater à de nombreuses occurrences, le topos de la lectrice et le sort du genre romanesque continuent de les intéresser profondément même si elles les abordent de manière détournée. Chacune envisage, par exemple, un renversement genré du topos: Charrière avec Sir Walter Finch, qui est incapable de comprendre que les femmes en chair et en os ne ressemblent pas à Julie d’Etange et Clarissa Harlowe; Austen avec, dans le roman qu’elle était en train de rédiger au moment de sa mort (Sanditon), un personnage masculin à qui les poètes romantiques font tourner la tête, Sir Edward Denham qui se prend pour un Lovelace romantique. L’abandon du topos de la lectrice est à comprendre plutôt comme l’indice d’un changement de stratégie de la part des romancières à un moment particulier de la longue histoire de «women and fiction», pour reprendre la formule de Virginia Woolf17, changement de stratégie qui est à inscrire dans le contexte général de l’évolution des concepts de genre (gender) et de genre littéraire entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle18. Ce que nous aimerions suggérer, mais qui exigerait des développements plus longs que ne l’autorise le cadre de cet article, c’est que, chez les deux autrices, l’abandon de la figure de la lectrice participe d’un refus des assignations de genre (gender) en littérature et témoigne de leur 17 Voir la toute première page de Woolf, Virginia: A Room of One’s Own, Londres: Hogarth Press 1929. 18 Plusieurs travaux et recueils ont déjà été consacrés à la question, citons notamment Ross, Marlon: The Contours of Masculine Desire: Romanticism and the Rise of Women’s Poetry, New York/ Oxford: Oxford University Press 1989; De Bolla, Peter: The Discourse of the Sublime: Readings in History, Aesthetics, and the Subject, Oxford: Basil Blackwell 1989, p. 230-78; Mellor, Anne K.: Romanticism and Gender, New York: Routledge 1993; Mellor, Anne K. (éd.): Romanticism and Feminism, Bloomington/ Indianapolis: Indiana University Press 1988; Hofkosh, Sonia: Sexual Politics and the Romantic Author, Cambridge: Cambridge University Press 1998; Simpson, David: Romanticism, Nationalism, and the Revolt Against Theory, Chicago: University of Chicago Press 1993, chapitre 5. Cette évolution a lieu selon des chronologies distinctes d’une culture à l’autre; Charrière elle-même se trouvant décalée par rapport à la chronologie du genre romanesque français, où la transition abrupte entre genre sentimental et genre réaliste s’opère longtemps après sa mort. 190 VALÉRIE COSSY lucidité sur les effets de genre (gender) qui affectent le champ littéraire (ou artistique en général) à leur époque. En dépit de la différence d’âge entre Charrière et Austen et d’un point de vue biographique, leurs œuvres correspondent à un cheminement comparable: chacune évolue d’une ambition revendiquée de s’insérer dans le champ littéraire en tant qu’auteur à part entière tout en marquant sa différence – notamment en se moquant du défaut de légitimité qu’on impute aux femmes – à une renégociation «en coulisse» ou clandestine de sa légitimité dans un champ littéraire qui n’admet plus, désormais, l’équation entre femme et (grand) auteur. Revendiquer son statut de femme dans le champ littéraire les expose – elles finissent par le comprendre – au risque de se faire définitivement cataloguer parmi les auteurs de deuxième catégorie. Charrière et Austen réalisent que leur marge de manœuvre pour négocier leur légitimité dans le champ s’est considérablement réduite, c’est ce que signifie la disparition de la figure de la lectrice. Avec Stendhal – et avec le même aplomb qui fait dire à Virginia Woolf que les rapports sociaux de sexe et la littérature changent «about the year 1910»19 – nous affirmons que tout change en 1800: Tout est changé du tout au tout en France. […] On trouvait [dans une ville de province] trois ou quatre maisons ouvertes tous les soirs. Rien de semblable aujourd’hui: tout est triste et guindé dans les villes de six à huit mille âmes. L’étranger y est aussi embarrassé de sa soirée qu’en Angleterre. Les hommes ont pris le goût de la chasse et de l’agriculture, et leurs pauvres moitiés, ne pouvant faire des romans, se consolent en les lisant. De là l’immense consommation de romans qui a lieu en France. Il n’est guère de femme de province qui ne lise cinq ou six volumes par mois, beaucoup en lisent quinze ou vingt; aussi l’on ne trouve pas de petite ville qui n’ait deux ou trois cabinets de lecture. […] Les petites bourgeoises de province ne demandent à l’auteur que des scènes extraordinaires qui les mettent toutes en larmes; peu importent les moyens qui les amènent.20 Ainsi à partir de 1800, selon Stendhal, on ne rigole plus, surtout lorsqu’on est une femme, et la province française se mettrait même à ressembler à l’Angleterre. C’est à cette situation nouvelle que font face Charrière et Austen. Ni l’une ni l’autre ne croit à la fatalité d’une médiocrité intellectuelle pour les femmes. Mais leur défense du genre romanesque, de la 19 Woolf, Virginia: Character in Fiction, in: Bradshaw, David (éd.): Virginia Woolf: Selected Essays, Oxford: Oxford World’s Classics 2008, p. 38. 20 Projet d’article de Stendhal sur Le Rouge et le Noir, repr. in: id.: Le Rouge et le Noir, Paris: Folio 2005, p. 728-729. LE TOPOS DE LA LECTRICE ROMANESQUE 191 romancière et de ses lectrices devra emprunter désormais d’autres voies que l’allègre subversion du topos de la lectrice. MASCULINISATION DU CHAMP DE LA CRÉATION (GENDER) Charrière et Austen s’avèrent sensibles à la masculinisation de la création artistique «légitime» qui se profile à partir de la dernière décennie du XVIIIe siècle. Dans une lettre adressée à Ludwig Ferdinand Huber le 26 janvier 1802, Charrière évoque, par exemple, la sœur de Therese Forster (qui vit à ses côtés), Claire, jeune femme de talent chez laquelle se manifeste une vocation d’artiste: [Thérèse et moi] désirons ardemment qu’elle devienne peintre, là tout de bon peintre, Mahler plutôt que Mahlerin. De petits portraits en miniature ne nous satisferaient pas […]. Dans le genre du paysage, une femme ne rencontre pas plus d’obstacle qu’un homme, de petites figures habillées suffisent, et l’on n’a nul besoin de salle de peinture, de modèle nu, pour apprendre à très bien dessiner les animaux. Il me semble que l’originalité du caractère et de la tournure d’esprit s’excuse parfaitement quand elle est due à un talent extraordinaire, mais ne s’excuse qu’alors. Il faut pouvoir considérer la personne originale moins comme une amie, une mère, une maîtresse de maison étrange et bizarre que comme un peintre, un sculpteur, un poète, avec qui il ne sera point question de vivre, mais que l’on admire beaucoup et dont les ouvrages célèbres et extrêmement loués ne manqueront pas d’être payés fort chèrement. Voilà, en nous exaltant un peu, le sort que nous faisons à Claire. Sa sœur est déjà toute disposée à l’admiration et nous voyons dans un coin des plus jolis tableaux: Cl. Forster invenit.21 Le choix de substantifs masculins – Mahler, un peintre, un sculpteur, un poète – témoigne de la conscience qu’a Charrière du caractère désormais stigmatisant du féminin appliqué à l’activité artistique. Alors que ses romans épistolaires d’avant la Révolution s’inscrivaient dans une production littéraire «féminine» et légitime en tant que telle, le féminin relève désormais d’une position inférieure ou mineure dans la hiérarchie des genres artistiques. Cette hiérarchie des genres est certes moins explicite en littérature qu’en peinture, dont il est question ici, mais les productions typiquement féminines y sont connotées de la même manière, c’est ce qu’elle a bien compris. D’où la nécessité de faire passer au premier plan du discours «un» artiste au genre masculin ou indéterminé et de faire 21 Charrière: Œuvres complètes, t. VI, p. 481. 192 VALÉRIE COSSY oublier, si faire se peut, les identités féminines (amie, mère, maîtresse de maison). Comme Austen le fait au chapitre 5 de Northanger Abbey dans un passage souvent cité22, Charrière tient à rattacher les femmes aux concepts romantiques de génie et d’originalité, hors des sentiers battus des arts mineurs, arts d’agrément déterminés par les conventions et les assignations de genre (gender), mais ce rattachement se joue désormais sur le mode d’une neutralisation ou d’une minimisation du féminin dans le discours. Pour illustrer la réaction d’Austen à ce qu’elle perçoit comme une monopolisation par les hommes de l’Art légitime, on peut citer sa réaction lorsque, en 1814, lui parvient la rumeur que Scott se serait mis à écrire des romans et serait même l’auteur de Waverley: Walter Scott has no business to write novels, especially good ones. – It is not fair. – He has Fame & Profit enough as a Poet, and should not be taking the bread out of other people’s mouths. – I do not like him, & do not mean to like Waverley if I can help it – but I fear I must.23 Opéré sur le mode de la plaisanterie, le commentaire n’en décèle pas moins une lucidité sur les enjeux de pouvoir à l’œuvre au sein du champ littéraire. Walter Scott est traité en prédateur masculin pillant des ressources qu’Austen juge implicitement revenir de droit aux femmes, qu’elle désigne ironiquement sur un mode universel («other people»). L’objet du délit, ce n’est pas n’importe quel roman, mais le «bon» roman («especially good ones»), auquel Austen a consacré sa vie de créatrice et qu’elle est parvenue à hisser, dans la hiérarchie des genres littéraires, au niveau de la poésie en faisant publier les siens chez John Murray, l’éditeur des œuvres poétiques de Scott et Byron24. Comme Charrière, Austen relève aussi l’importance de la double reconnaissance symbolique et matérielle. Toutes deux considèrent l’argent comme une nécessaire confirmation de la reconnaissance symbolique: «fame and profit», ou, 22 Austen: Northanger Abbey, p. 30-31; voir notamment l’analyse qu’en fait Christine Planté. Planté, Christine: La petite sœur de Balzac, Paris: Seuil 1989, p. 232. 23 Lettre à Anna Austen du 28 septembre 1814, in: Le Faye, Deirdre (éd.): Jane Austen’s Letters, Oxford: Oxford University Press 1995, p. 277. Pour une analyse de l’intervention de Scott dans le champ du roman en fonction du genre (gender), voir Ferris, Ina: The Achievement of Literary Authority, Gender, History, and the Waverley Novels, Ithaca: Cornell UP 1991, chapitre 3: «A Manly Intervention: Waverley, the Female Field, and Male Romance», p. 79-104. 24 Voir Fergus, Jan: Jane Austen, A Literary Life, Londres: Macmillan 1992, chapitre 5; id.: The professional woman writer, in: Copeland, Edward et McMaster, Juliet (éds.): The Cambridge Companion to Jane Austen, Cambridge: Cambridge University Press 1997, p. 12-31. LE TOPOS DE LA LECTRICE ROMANESQUE 193 dans l’ordre, la gloire et le profit. L’intrusion de Scott, le poète célèbre, dans le champ de la production romanesque est traitée par Austen comme un cas de concurrence déloyale: Scott représentant un risque non négligeable d’annexion du champ en vertu des avantages concurrentiels que lui confèrent ses statuts d’homme et de poète. CRITIQUE D’UNE FÉMINISATION CARICATURALE DES ROMANCIÈRES (GENDER) Leur conscience de la masculinisation de l’Art avec un grand «A» s’accompagne d’une critique du roman dit féminin et des nouvelles modalités de féminisation de l’écriture romanesque. Cette féminisation ne s’opère plus, comme elles pouvaient le croire à leur début, dans une relation de liberté vis-à-vis du patriarcat. Charrière et Austen doutent désormais que des femmes comme elles puissent directement et librement définir le contenu d’un art qui serait d’emblée présenté comme «féminin». La féminité et la littérature dite féminine sont devenus des enjeux idéologiques sur lesquels les créatrices individuelles ont une prise désormais limitée25. Les romancières qui se réclament d’une créativité «féminine» font dorénavant le jeu du conformisme et d’une adhésion au patriarcat. L’ère de la désobéissance est révolue. C’est dans ce sens, par exemple, que l’on peut lire les remarques condescendantes et désabusées de Sir Walter Finch sur les activités littéraires de Lady C: Milady fait actuellement des romans dont milord se moque. Voilà de quoi subsiste la conversation à Thorn Hill. Le roman qui a paru n’est pourtant pas absolument mauvais. Le langage en est assez pur, les sentiments à l’abri du blâme, ainsi que les aventures. Si celles-ci n’étaient un peu bizarres et accompagnées d’une foule d’événements très imprévus, le livre tomberait des mains, on s’endormirait, bercé par la trivialité de la morale et la monotone noblesse du style.26 Insipidité, manque de profondeur et intrigue peu plausible, voilà comment Charrière, par la bouche de son personnage, résume les représentations 25 Voir, par exemple, le premier chapitre «The novel of crisis» dans le livre de Johnson, Claudia L.: Jane Austen, Women, Politics and the Novel, Chicago: University of Chicago Press 1988, p. 1-27; voir aussi le chapitre 1 «Critical Tropes: The Republic of Letters, Female Reading, and Feminine Writing» de l’ouvrage d’Ina Ferris: Achievement, p. 19-59. 26 Charrière, Isabelle de: Sir Walter Finch et son fils William, in: id.: Œuvres complètes, t. IX, p. 550. 194 VALÉRIE COSSY sociales de la romancière. Quant au succès de ce sous-genre romanesque, il dépend, selon Sir Walter, non pas des qualités (inexistantes) de l’œuvre mais de l’adhésion de la romancière aux représentations sociales de la femme idéale: Et cela se lit. Les auteurs des journaux, des annonces de livres admirent qu’une femme remarquable par l’élégance de ses mœurs, de sa personne et de sa maison réunisse tant de talent avec tant de grâces et de vertus.27 Ce qui intéresse les chroniqueurs, si l’on en croit Sir Walter, ce n’est pas l’œuvre en soi, mais la conformité de la romancière avec une définition conventionnelle de la féminité, dans une mise à plat des valeurs (mœurs, personne, romans, maison seraient traités sur un même plan). On trouve là une première critique du «double standard» qui caractérisera la critique littéraire au XIXe siècle, «double standard» dénoncé par George Eliot en 1856 et analysé par Elaine Showalter dans A Literature of Their Own (1977)28. L’ «élégance» serait le maître mot d’un discours critique spécifique à cette production féminine. En outre, il s’agirait bien d’une production et non d’une œuvre au sens artistique du terme: Quand j’ai dit à son mari que ses ouvrages du moins étaient d’elle, et d’elle seule… «Pardonnez-moi, m’a-t-il répondu, un ami fournit le plan, les incidents sont imités de tous les romans du jour, et l’homme qui corrige les épreuves revoit le style; mais je voudrais qu’elle n’y mît du sien absolument que son nom, alors ils auraient quelque chance d’être passables».29 Selon cette représentation sociale, la romancière se trouve donc aux antipodes du créateur. Loin d’être définie par l’originalité et le génie, son œuvre relève du «savoir faire». Se faire prendre pour une Lady C, c’est donc le risque auquel s’expose la romancière qui compterait marquer de manière trop insistante sa différence en tant que femme créatrice. Pour Isabelle de Charrière, l’insulte suprême consiste à recevoir des conseils «d’écrivain à écrivain» de la part d’Isabelle de Montolieu qui, ainsi que l’a suggéré Maud Dubois, a probablement servi de modèle à Lady C.: 27 Ibid. Eliot, George: Silly Novels by Lady Novelists, in: Westminster Review, lxvi, October 1856, p. 442-461; Elaine, Showalter: A Literature of Their Own, British Women Novelists from Brontë to Lessing, Princeton: Princeton University Press 1977, chapitre 3. 29 Charrière: Sir Walter Finch, p. 550-551. 28 LE TOPOS DE LA LECTRICE ROMANESQUE 195 L’autre jour Mme de Montolieu ne voulait pas m’en croire quand je lui disais comment j’étais traitée par les libraires et les imprimeurs. Elle ne connaît point ces difficultés-là, elle dont on imprime et vend et lit avec empressement les Tableaux de famille. Enfin, chacun a son savoir faire. —Non, du savoir faire je n’en ai aucun.30 Ne pas avoir de savoir faire, c’est, selon la rhétorique de genre (gender) désormais en vigueur, une façon de se situer dans le champ (plutôt masculin) de l’Art. Rompant avec sa défense inconditionnelle du roman en tant que genre féminin et avec celle tout aussi inconditionnelle des romancières et des lectrices telles qu’on peut les lire dans Northanger Abbey, Austen devient elle aussi de plus en plus critique vis-à-vis de la production «typiquement féminine» de son époque et y relève les mêmes travers que ceux notés par Sir Walter Finch. A propos du roman de Mary Brunton, par exemple, elle observe: I am looking over Self-Control again, and my opinion is confirmed of its being an excellently meant, elegantly written work, without anything of nature or probability in it. I declare I do not know whether Laura’s passage down the American river is not the most natural, possible, every-day thing she ever does.31 Les qualités féminines du roman qu’elle louait sans équivoque dans Northanger Abbey sont connotées très différemment dans ce passage: les bonnes intentions et l’élégance censées définir le roman de Brunton s’avèrent des qualités problématiques lorsqu’elles s’associent à ce que Sir Walter appellerait la «bizarrerie» des aventures. Considérées ensemble ces caractéristiques deviennent des qualités négatives typiques du roman «féminin». Austen est tout aussi sévère à l’égard du roman de Sarah Burney, Clarentine (1789): We are reading Clarentine and are surprised to find how foolish it is. I remember liking it much less on a second reading than at the first and it does not bear a third at all. It is full of unnatural conduct and forced difficulty without striking merit of any kind.32 Il faut relever que les remarques critiques d’Austen sur le roman féminin contemporain interviennent dans le cadre d’une communauté de lectrices 30 A Benjamin Constant, 27 juin 1801, Charrière: Œuvres complètes, t. VI, p. 354. Cf. Dubois, Maud: Le roman sentimental en Suisse romande (1780-1830), in: Annales Benjamin Constant, 25, 2001, p. 164. 31 Lettre à Cassandra Austen du 11-12 octobre 1813, in: Le Faye: Letters, p. 234. 32 Lettre à Cassandra Austen du 8-9 février 1807, in: Le Faye: Letters, p. 120. 196 VALÉRIE COSSY de romans: dans des lettres adressées à sa sœur Cassandra et à ses nièces qui elles-mêmes s’essaient à l’écriture romanesque, Anna Austen et Fanny Knight. Cette communauté se distingue donc des contempteurs du genre romanesque qui le rejettent au nom de la morale. Elle veut encore croire, au contraire, à la possibilité pour les femmes de créer des romans qui soient aussi des «œuvres» au sens artistique du terme. Les critiques d’Austen sont emblématiques de la nécessité qu’elle perçoit de négocier son statut de romancière dans le champ littéraire sans s’y faire assimiler à ces romancières qu’elle critique et qui sont en train de devenir, dans les représentations sociales, synonymes d’une médiocrité «naturelle» des créatrices. ENJEU DU TOPOS EN 1800 (LE GENRE DES GENRES) C’est donc dans le cadre de cette renégociation de ce que devrait idéalement signifier être une créatrice qu’il faut comprendre les enjeux du topos de la lectrice pour Charrière et Austen, renégociation qui passe pour elles par son abandon ou sa mise à distance critique. Ce qui reste à faire, c’est de considérer ces renégociations dans le cadre de l’histoire du roman et des rapports sociaux de sexe (genre and gender), en particulier par rapport à cette rupture – 1800 – qu’identifie Stendhal rétrospectivement. Harriet Smith prenant la place de Catherine Morland dans le rôle de lectrice de romans noirs, les étagères de Fanny Price – dans Mansfield Park – ostensiblement dénuées de romans, la baronne de Berghen passant commande à l’Abbé de la Tour d’un «récit» qui se distingue des romans du jour ou le compte rendu comique par Mlle de Kerber de la lecture en commun du «roman sublime» et pathétique dans Sainte Anne sont quelques-uns des moyens mis en œuvre par Austen et Charrière pour résister au présent – en 1800 «or thereabout» – aux assignations des lectrices et des romancières, c’est-à-dire au triste sort qui, dans une perspective téléologique, attendait les femmes au XIXe siècle mais qu’ellesmêmes, en tant que créatrices, avaient encore l’espoir d’infléchir dans leur présent33. A l’esprit des femmes laissé en friche ou «dressé» par des plans 33 Austen, Jane: Mansfield Park, John Wiltshire (éd.), The Cambridge Edition of the Works of Jane Austen, Cambridge: Cambridge University Press 2005, vol. I, chapitre 16; Charrière, Isabelle de: Trois femmes, in: id. Œuvres complètes, t. IX, p. 41; id.: Sainte Anne, in: id. Œuvres complètes, t. IX, p. 275. LE TOPOS DE LA LECTRICE ROMANESQUE 197 d’éducation ineptes, à l’ennui, à la non-mixité que déplore Stendhal, leurs romans proposaient encore des alternatives dans l’esprit des Lumières. Reste surtout à comprendre – la question n’est pas neuve – pourquoi la porte, restée entrouverte en Angleterre, s’est refermée en France sur les aspirations artistiques des romancières, notamment sur leur participation à l’aventure du roman réaliste. Lue aux côtés de celle d’Austen, l’œuvre de Charrière – notamment le recueil de l’Abbé de la Tour et Sir Walter Finch – suggère que les réponses sont à chercher non pas dans un impensé ou une prédilection spontanée de la part des romancières pour le genre sentimental mais du côté du «champ» littéraire: de ces «règles de l’art» que Bourdieu a déclinées au masculin universel et qu’il nous reste, immense travail, à décliner au féminin/ masculin.