Lidia Jorge - Bibliothèque de Maisons

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Lidia Jorge - Bibliothèque de Maisons
Décembre 2015
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Tous les titres en gras peuvent être
empruntés à la bibliothèque municipale
Bibliothèque Municipale
de Maisons-Laffitte
01.34.93.12.91
Lídia Jorge
Née en 1946, dans un petit village de l’Algarve, au sud du
Portugal, Lídia Jorge place son pays au cœur de ses romans.
Elle grandit auprès de sa mère, de sa tante et de sa grandmère, les hommes étant partis travailler hors du village.
Sans télévision ni radio, ses aïeules lui demandent de lire à
haute voix durant les veillées. La petite Lídia lit donc des
livres mélodramatiques sans tout comprendre. Si bien
qu’ensuite, elle écrit des petites histoires pour se représenter un monde plus juste, sans orphelins ni femmes abandonnées. Puis elle reçoit d’un arrière-grand-père une malle
de livres dont la lecture constitue la nourriture essentielle
de son adolescence.
Plus tard, elle fréquente le lycée de Faro avant de poursuivre des études à la faculté des lettres de Lisbonne.
Diplômée de philologie romane, elle se consacre à l’enseignement. En 1970, elle quitte le Portugal pour suivre son
premier mari dans les colonies portugaises en Afrique
(Angola et Mozambique), au moment des guerres d’indépendance.
À son retour, elle décide de vivre de sa plume et publie son
premier roman en 1980, La Journée des prodiges, qui
évoque la vie paysanne au temps de la dictature salazariste.
Il est remarqué par la critique et le public. On la considère
déjà comme l’écrivain de la mémoire du peuple portugais.
Suivront huit romans traduits en français par les éditions
Métailié.
Ecrivaine généreuse, elle sait redonner la parole à ceux
qui ne l’ont pas souvent, qu’il s’agissent de femmes,
de soldats, de paysans ou d’enfants. Elle réfléchit sur
la liberté, la violence, la vulnérabilité, le secret et la
corruption.
C’est un Portugal en mutation, qui oscille entre tradition et modernité, qu’elle explore en puisant dans l’histoire, la société et la culture les matériaux de son
monde romanesque. Son regard sans complaisance se
porte sur les plaies ouvertes des colonies africaines, la
mutation des villes... Lídia Jorge joue avec le temps
qu’elle étire ou resserre : en installant ses personnages
dans une longue attente (Le Vent qui souffle dans les
grues) ou bien en usant de répétitions, ou encore en
construisant son roman en cercles concentriques (La
Nuit des Femmes qui chantent, Les Mémorables).
Une grande sensibilité, un regard critique ainsi qu’une
langue sensuelle et originale, qui fait la part belle au
secret et au silence, font de Lídia Jorge une voix majeure de la littérature européenne d’aujourd’hui.
Le Jardin sans limites
Dans les vieux quartiers de Lisbonne, les personnages
de ce roman occupent une grande bâtisse, dont une façade donne sur le Tage et l’autre sur une ruelle étroite,
animée par de nombreux cafés.
Ils sont jeunes et rêvent d’un ailleurs improbable, de
recomposer l’Histoire et de sortir de l’anonymat.
En attendant, chacun se débrouille pour survivre, que
ce soit le jeune cinéaste en quête de scoop, la narratrice
qui tape sur une vieille machine et couvre les murs de
sa chambre de son récit, l’athlète esthète posant pour
quelques pièces. Dans la loge de l’immeuble vivent la
concierge pas très futée mais jolie et son mari, un opposant au régime, muré dans ses souvenirs…
La romancière dresse un portrait sans fard de la capitale
portugaise et de la jeunesse, où l’absurde est exprimé
par la profusion des détails et l’agitation des personnages.
La Couverture du soldat
Au domaine de Valmares, dans le sud du Portugal,
Francisco Dias tient de main de fer son exploitation, aidé par tous ses fils, comme le veut la tradition. Mais le
cadet, Walter, ne semble pas si coopératif. Il rêve et
dessine. D’une aventure avec une voisine, Maria Emma,
va naître un enfant.. Walter s’engage dans l’armée pour
fuir son père. Les autres frères finiront aussi par quitter
le domaine pour s’installer à l’étranger. Seul l’aîné,
handicapé par un pied bot, reste et est sommé d’épouser
Maria Emma pour réparer la faute de son frère. Il reconnaît le bébé. La petite fille grandit en portant l’image de
son vrai père au fond d’elle, cet homme qui lui envoie
des dessins d’oiseaux exotiques, lui laisse lors d’une visite son revolver et sa couverture de soldat.
Elle se cherche douloureusement, à travers la figure
d’un père absent devenu la brebis galeuse de la famille.
Le roman se tisse autour de ce dialogue de la fille et du
père, dans un temps qui se déploie ou se compresse en
fonction des retrouvailles ou des absences.
Lidia Jorge réussit magnifiquement ce portrait d’un
monde traditionnel qui vole en éclats.
Le Vent qui siffle dans les grues
Regina Leandro, aïeule d’une grande famille bourgeoise locale s’échappe de l’ambulance et vient mourir
devant l’ancienne conserverie familiale, qui a pour
nom le Diamant. Seule sa petite-fille, Milena, jeune
femme à l’esprit simple, est là pour accompagner le
corps, tout le reste de la famille étant en vacances.
C’est dans ces circonstances que Milena fait la connaissance des Mata, famille capverdienne que la grand
-mère avait accepté de loger dans les entrepôts désaffectés du Diamant. L’amour qui grandit dans le cœur
de Milena Leandro pour Antonino Mata, grutier, vient
compliquer la tâche des oncles et tantes Leandro rentrés précipitamment. La romancière offre de belles
pages poétiques sur l’attente, quand la jeune Milena
guette son bel amour au sommet de sa grue, sous
l’intensité du soleil. Mais ceci n’est pas dans l’ordre
des choses pour les Leandro et le tragique n’est jamais
bien loin...
C’est un des romans les plus visuels de la romancière.
Elle va au plus près des êtres : ses personnages sont
sublimes de vérité et certains ne cachent pas le cynisme et l’hypocrisie qui les nourrissent.
Nous combattrons l’ombre
Lídia Jorge a reçu le grand prix de la Société des auteurs portugais pour cet ouvrage.
C’est un récit inquiétant qui se déroule dans la nuit du
passage à l’an 2000, mettant en scène un psychanalyste
qui se laisse déborder par l’inconscient labyrinthique
d’une de ses patientes.
La romancière mène le lecteur dans une descente vertigineuse vers l’angoisse, les souffrances, les obsessions
de son personnage.
La Nuit des femmes qui chantent
Ce roman retrace le parcours de cinq jeunes femmes
ayant quitté l’Afrique à la suite de la décolonisation.
Elles décident de créer un groupe vocal sous la houlette de l’ambitieuse Gisela, s’entraînent avec ferveur
jusqu’à enregistrer un disque, qui rencontre un certain
succès.
Vingt ans plus tard, elles sont à nouveau réunies à l’occasion d’une émission de télévision évoquant leur succès éphémère, ce qui ravive les souvenirs de la narratrice et parolière du groupe. Son long monologue permet de reconstituer la densité psychologique de cette
aventure collective et met en exergue les relations de
pouvoir et les sacrifices pour atteindre l’objectif fixé.
Dans ce récit très bien construit, Lídia Jorge déploie
son art d’orchestrer les mots.
Les Mémorables
La romancière fait le récit véridique et romancé d’une
révolution qui n’a fait aucun mort et qui a gardé l’œillet pour emblème. Une jeune femme, qui travaille
pour CBS, accepte sans enthousiasme d’écrire un film
documentaire sur cet événement. Elle se rend vite
compte qu’elle est loin de maîtriser cette histoire portugaise, vivant depuis longtemps aux États-Unis. Pourtant, Ana se trouve être la fille d’un des protagonistes
qu’elle a perdu de vue depuis de longues années. Elle
décide de recueillir le témoignage de personnalités et
commence sa recherche à partir d’une photographie
retrouvée chez son père, où figurent les acteurs du
coup d’État, rassemblés dans un restaurant lisboète en
1975, du nom de « Memories ».
Que s’est-il vraiment passé le 25 avril 1974 ?
Cette enquête lui dévoilera ce qu’elle ignorait de la vie
et de l’engagement de ses parents.
C’est aussi l’histoire collective qui se dessine sous la
plume de la romancière, une histoire aussi démythifiée,
qui fait revivre ces jours de fierté et d’honneur.
« J’ai écrit Les Mémorables à destination des jeunes
d’aujourd’hui, pour aller contre l’oubli. » car, selon
elle, la littérature n’a pas pour objet de divertir, mais
de faire réfléchir...
À lire en version originale :
A Costa dos murmurios
869.7-JOR-VO
O Belo adormecido
869.7-JOR-VO