Club des cinq » joue et gagne

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Club des cinq » joue et gagne
Le Soir, 02/04/2011, page/bladzijde 33
Le Soir Samedi 2 et dimanche 3 avril 2011
LE PS LIÉGEOIS APRÈS DAERDEN 33
Les cinq hommes qui détiennent le pouvoir
L’allié supracommunal de Willy Demeyer Le tout frais bourgmestre d’Ans est aussi secrétaire de « Liège Métropole » association qui regroupe les bourgmestres de l’arrondissement et les députés provinciaux et dont le président n’est autre que Willy Demeyer. À eux deux, avec le soutien de Daniel Bacquelaine (MR) et Josly Piette (CDH), ils pilotent le développement supracommunal de Liège : la venue du tram,
l’exposition internationale Liège 2017, la mise en place d’une communauté urbaine… Stéphane Moreau
est aussi administrateur délégué de l’IGIL, intercommunale liégeoise qui gère le Palais des Congrès et la
Foire internationale. Un poste stratégique pour le développement de Liège. Il siège également à au holding financier Meusinvest. Enfin, il est surtout le directeur général du groupe Tecteo. PH. BX
© MICHEL TONNEAU.
Stéphane Moreau
Willy Demeyer
© ELODIE LEDURE.
Le chef d’orchestre Président de la fédération liégeoise du PS, le bourgmestre de Liège a lentement et
sûrement conquis les places de pouvoir susceptibles d’asseoir le développement de Liège : la présidence du GRE (Groupe de redéploiement économique) autrefois attribuée à Michel Daerden, la présidence
de Liège Métropole (organe précurseur d’une Communauté urbaine), la présidence de la SDLG (transformation du quartier des Guillemins) ou encore celle de l’Opéra. Il siège également au Holding communal (Dexia) à l’ULg, au Grand Liège ou encore au sein de l’association Liège 2017. Enfin, il est vice-président du Sénat pour, dit-il, assurer une représentation de Liège à l’extérieur. Son avenir ? « Je suis candidat bourgmestre pour 2012 et je me bats pour les projets liégeois. » PH. BX
L’âme de Guy Mathot Les deux hommes étaient très proches, il en reste quelque chose… Ministre wallon de l’Économie et vice-président du gouvernement wallon, Jean-Claude Marcourt ne cherche pas la
confrontation mais n’a pas son pareil pour remettre les camarades à leur place. Comme lorsqu’il s’oppose, en tant que conseiller communal liégeois, à une nouvelle taxe sur les commerces. Quitte à mettre Willy Demeyer en difficultés. À plusieurs reprises, il a dû subir les manœuvres de barrage d’un Michel Daerden à la Région. Depuis 2009, il a les coudées plus franches et peut logiquement envisager un costume
de ministre-président avec sa fédération derrière lui. D’aucuns prêtent au ministre liégeois des ambitions
de bourgmestre. Réponse d’ici 2012. PH. BX
© SYLVAIN PIRAUX.
Jean-Claude Marcourt
André Gilles
© RUDOLF MARTON.
L’Énergie et la Province Originaire de Jemeppe (Seraing) André Gilles est l’artisan, avec Stéphane Moreau, des ambitions économiques du Groupe Tecteo qu’il préside. Patron de la députation provinciale –
il en est le président – il met un zèle certain à soigner l’image de la Province qu’il reprofile à une échelle
supracommunale, aidant les municipalités ou les intercommunales à faire face à de gros investissements. C’est ainsi qu’il a lancé la coordination des pouvoirs locaux et intégré l’association « Liège Métropole ». Ses mandats ? Ils sont liés à la Province et Tecteo. Son avenir ? Le Jemeppien ne devrait pas quitter l’échelon provincial. Une ambition mesurée qui ne présente guère de menaces pour ses camarades
et fait plutôt de lui un « sage » à l’échelle de la Fédération. PH. BX
Des ambitions fédérales Au lendemain de la mort de son père, le fils de Guy Mathot a noué une alliance
avec Liège contre la mainmise de Michel Daerden sur la fédération, alliance qui perdure toujours et qui
assure au tandem une majorité au sein de la fédération liégeoise du PS. Devenu bourgmestre de Seraing,
il a pu obtenir la tête de liste aux dernières élections fédérales en vertu d’un accord passé avec le clan
Daerden en 2007. Député fédéral, il siège à Tecteo et dans des sociétés dérivées, il pilote un groupe de
réflexion sur l’avenir des hôpitaux publics liégeois dont celui de Seraing. Il siège également à Ériges, société communale chargée de la requalification du bassin serésien. Son avenir ? Un éventuel poste au fédéral
lors des prochaines échéances électorales. PH. BX
© MICHEL KRAKOWSKI.
Alain Mathot
Le «Club des cinq» joue et gagne
Frédéric Daerden prêt à faire allégeance
La victoire du « Club des cinq » enfin débarrassé de Michel
Daerden aura-t-elle des conséquences néfastes pour son fils
Frédéric, député européen, vice-président de la Fédération liégeoise du PS et bourgmestre de Herstal ? L’homme, en tout
cas, observe actuellement une prudence de Sioux et se tait
dans toutes les langues. « Frédéric est un ami personnel, rassure
Willy Demeyer. Et avec lui, il y a toujours eu moyen de travailler. » Il n’y aura sans doute pas de cadeaux mais une exécution
en règle semble clairement improbable. D’abord, on ne peut
pas actuellement lui enlever grand-chose, à l’exception éventuelle de la coquille un peu vide de sa vice-présidence d’une
Fédé où tout se décidait déjà sans lui. Ensuite, si la longévité de
Michel Daerden lui a clairement valu un bon paquet d’ennemis,
meurtris ou frustrés, ce n’est pas le cas de Frédéric, qui n’a pas
d’arriérés avec quiconque et ne dérange pas grand monde. On
peut même pousser l’analyse plus loin. En dézinguant « Papa »,
d’autres ont « tué le père » à la place de Frédéric. L’homme pouvait difficilement faire autrement que d’être aux côtés de son
père ces derniers mois. Et il a pris des coups destinés à Michel
par ricochet. Sans le père, sa situation pourrait être un peu plus
simple. L’orage ansois a fait éclater le climat très lourd qui pesait sur les Daerden à la Fédé, le temps va se dégager. On ne
lui prête guère de désir de constituer un groupe alternatif ou
de monter une fronde. Déjà bien servi en mandats, il devrait
avoir l’intelligence de laisser le temps faire son affaire pour, au
final, peut-être reprendre une place plus en vue au sein du PS
liégeois. Quitte à faire allégeance. P. MO.
© THIENPONT.
aintenant qu’on est débarrassés de Michel DaerM
den » – petite phrase en vogue en
bord de Meuse –, qui est l’amiral
du PS liégeois ? Ne cherchez pas
de Lider Maximo. Révisez plutôt
vos classiques de la littérature
adolescente : la fédération liégeoise du PS est aujourd’hui dirigée par le « Club des cinq ».
Par paliers, Willy Demeyer, André Gilles, Alain Mathot, JeanClaude Marcourt et Stéphane
Moreau ont grignoté le pouvoir
de Daerden. Présidence de la Fédération liégeoise du PS, coupole
provinciale, présidence du GRE
Liège (Groupe de redéploiement
économique) : le quintet a de longue date avancé ses pions avant
le coup de grâce porté au Roi
d’Ans par Moreau. La dernière
part du gâteau à partager, c’est le
ministère. Pour qui ? Demeyer et
Mathot en auraient envie. Ce dernier pourrait se satisfaire de la
présidence de la Fédération, vacante à l’automne.
En attendant, le « Club des
cinq » est parvenu à paralyser le
pouvoir de « Papa » – fût-il de
nuisance – pour s’imposer en
tant que groupe majoritaire.
« Nous représentons 85 % de la
Fédération, estime Alain Mathot. Mais ce n’est pas neuf : dès
l’élection de Willy en mai 2005
suite à la mort de mon père et la
création d’un axe Liège-Seraing
inédit, une majorité s’est clairement dessinée. » En 2007, le
bourgmestre de Liège a été réélu
à la tête du PS liégeois non sans
la signature de « grands accords » avec Michel Daerden, restreignant son poids politique.
La diminution progressive d’influence aurait pu continuer mais,
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en juin dernier, Daerden a
bafoué ces « grands accords » en
démettant Moreau du poste de
bourgmestre ff. « L’affirmation
d’une autorité perdue », analysent certains. On sait ce qu’il en
est advenu : l’éviction de « Papa » du mayorat d’Ans grâce au
dépôt d’une motion de méfiance
ratifiée à l’unanimité y compris
« Nous formons une machine
de pouvoir mais au service
de Liège. » Willy Demeyer, président de la
Fédération liégeoise du PS
par Michel Daerden.
Avec Willy Demeyer dans le rôle de chef d’orchestre, le « Club
des cinq » fait la pluie et le beau
temps au sein de la Fédé liégeoise du PS. « On travaille en concertation », nuance Mathot. « Il y a
un noyau mais qui n’agit pas
seul », ajoute Demeyer. Une chose est sûre : la mise à l’écart du
« Roi d’Ans » clarifie la situation
ne fût-ce que par rapport au boulevard de l’Empereur qui a, face à
lui, une Fédération unie.
« Longtemps, nous avons souffert de divisions internes qui ont
empêché d’autres que Michel
Daerden d’avoir des postes à responsabilités. Il faisait office de repoussoir », déclare un cacique liégeois. Ministre-président de la
Région, chef de file socialiste au
gouvernement fédéral ou président du parti : il y a belle lurette
que les Liégeois sont absents de
ces postes symboliques.
Comment fonctionne le Club ?
« Nous avons chacun notre rôle
et sommes en contacts quasi tous
les jours. C’est une machine de
pouvoir mais au service du développement de Liège et en concerta-
tion avec les autres partis. Comme lorsque l’on défend le centre
sportif de haut niveau », explique Demeyer. « C’est quasi un
collège, avec Willy comme président, ajoute André Gilles, président de la députation provinciale. Nous confrontons nos idées,
les décisions se prennent quand il
y a accord. Cela contraste avec
une époque où l’on perdait notre
temps en querelles. »
« Plus qu’une répartition des
rôles, c’est un instantané du chemin parcouru par les uns et les
autres, itinéraire qui pourrait
bien changer, affirme Jean-Claude Marcourt. Ce qui compte, c’est
que l’on est sorti d’une logique clanique pour un pouvoir multipolaire. » La confrontation au clan
Daerden, Marcourt s’en souvient : avant les régionales de
2009, le « Roi d’Ans » a mis tout
son poids dans la balance pour
lui barrer la route. Désormais,
l’actuel ministre de l’Economie a
un boulevard devant lui. D’aucuns, à Liège, le voient déjà comme le « Numero Uno » wallon.
Le Club serait-il dans un fau-
« Le vrai gagnant, c’est Marcourt.
Il est débarrassé d’un ennemi
intime sans avoir été en première
Une éminence PS liégeoise
ligne. »
teuil ? Jusqu’à présent, c’était
« tous contre Michel » mais
quand l’ennemi disparaît, les ambitions personnelles renaissent.
« Le vrai gagnant de cette histoire, c’est sans doute Marcourt, estime une éminence PS liégeoise. Il
est débarrassé d’un ennemi intime sans avoir jamais été en première ligne. Il a tout pour devenir le chef naturel de la Fédé.
Sauf peut-être l’assise populaire.
Pour le moment. »
Et d’aucuns de souligner que,
dans une édition récente du Vif,
il a invité Stéphane Moreau à faire un choix entre la politique et la
direction du groupe Tecteo. « Ça
revient à dire “Le vrai chef, c’est
moi”, souligne un observateur. Et
là-dessus, ça pourrait friter entre
Willy et lui. Beaucoup va se jouer
sans doute aux communales à
Liège. Là, des frustrations et rancœurs pourraient naître. »
Des méfiances jaillissent par
ailleurs. Vis-à-vis de Moreau, par
exemple :
disposer
d’un
« tueur » pour tirer le coup fatal
arrangeait tout le monde mais on
sait désormais, au sein du Club,
qu’il… dégaine facilement ! « Il a
prouvé que la méfiance de Daerden à son endroit était justifiée »,
s’amuse un membre du parti.
Le Club pourrait aussi être pris
au piège. « Attention à l’effet boomerang », prévient un proche de
Daerden. Pour l’instant, le ministre fédéral des Pensions se garde
bien de la moindre attaque. En
politique, le pire scénario – sa
chute – peut être retourné à son
avantage pourvu d’attendre le
bon moment. L’instruction judiciaire à son encontre pourrait déboucher sur un non-lieu. Il redeviendrait alors un atout de choix
pour un PS en mal de voix.
« Je n’y crois pas, déclare Stéphane Moreau. Michel Daerden
a des défauts, mais pas celui
d’être revanchard. Ce serait risquer de retomber dans le chaos. »
Et d’envisager un Michel Daerden sur la voie de la sagesse. Une
voie royale pour le « Club des
cinq ». ■
PHILIPPE BODEUX
PIERRE MOREL
1NL

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