Voter : la concurrence des autres modes d`expression
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Voter : la concurrence des autres modes d`expression
« La parité en peau de chagrin ou la résistible entrée des femmes à l'Assemblée nationale " » Revue Politique et Parlementaire, n° 10209-1021, septembre-décembre 2002, pp. 211-218. Par Mariette Sineau, Directrice de recherche CNRS au CEVIPOF Les Françaises font leur entrée avec retard dans la cité : l’Ordonnance du 21 avril 1944 leur accorde en une seule fois l’intégralité de leurs droits politiques, droits de vote et d’éligibilité. C’est donc tardivement qu’elles s’initient au « métier » de député. Leur début dans la carrière parlementaire ne commence pas si mal sous la Quatrième République. Dans cet après seconde guerre mondiale, les femmes sont d’autant plus attendues en politique qu’elles incarnent un double changement par rapport au personnel disqualifié de la Troisième République : choisies pour beaucoup parmi les résistantes, elles symbolisent à la fois le renouveau des élites et la lutte victorieuse contre l’occupant. C’est pourquoi, lors des premières élections constituantes et législatives de 1945 et 1946, tous les grands partis (RPF excepté) présentent des femmes en bonnes places sur les listes. L’avènement de la Cinquième République, en 1958, va marquer pour les femmes la fin des grandes espérances politiques et le début d’une longue traversée du désert. Le droit d’éligibilité va leur être ravi dans les faits par le fonctionnement des nouvelles institutions et les pratiques oligarchiques des partis 1 . En particulier, les femmes vont être sévèrement pénalisées par le scrutin uninominal (qui succède à la proportionnelle de liste) : un système qui personnalise l’élection et favorise les notables en place. Durant les vingt premières années de la Cinquième République, les femmes sont une minorité de quelque 2 % à siéger à l’Assemblée nationale (tableau 1). Curieusement, la victoire de la gauche socialiste en 1981, qui clôt vingt-trois ans de règne de la droite, maintient inchangée l’écrasante domination masculine à l’Assemblée. Du premier au second septennat de François Mitterrand, la 1 Cf. ce point, Mariette Sineau Profession : femme politique. Sexe et pouvoir sous la Cinquième République, Paris, Presses de Sciences Po, 2001. CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -1- féminisation du Palais Bourbon progresse de 0,4 points, passant de 5,3 % en 1981 à 5,7 % en 1988. Le blocage politico-institutionnel à l’entrée des femmes au Palais Bourbon était tel qu’il a bien fallu, sous la pression des mouvements de femmes, réformer le système par le haut. La loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 2 , qui autorise le législateur à prendre des mesures d’action positive sans risquer (comme en 1982) l’invalidation du conseil constitutionnel 3 , débouche sur la loi du 6 juin 2000, appelée communément « loi sur parité » (bien que le mot n’y figure pas). Les législatives de juin 2002, qui ont vu la première application de la loi à ce type d’élections, étaient vivement attendues en tant que scrutins tests. Pourtant, ceux et celles qui en espéraient une dynamique de féminisation de l’Assemblée nationale en ont été pour leurs frais : à la multiplication du nombre de candidates n’a pas correspondu la multiplication du nombre d’élues. Des candidates à profusion … La loi du 6 juin 2000 a eu pour effet tangible de faire exploser la proportion totale de candidates, qui est montée de 23,2 % en 1997 à 39,3 % en 2002, soit une augmentation de près de 70 % (tableau 2). Pour autant, la parité hommes/femmes est loin d’avoir été atteinte. Respectée ou approchée par plusieurs petites formations, la règle des 50/50 a été bafouée par tous les partis parlementaires, les Verts exceptés. Les partis de droite s’en sont davantage écartés que ceux de gauche, de sorte que la vague bleue a accentué le médiocre succès des femmes aux législatives. Sans doute auraient-elles été plus nombreuses à siéger au Palais Bourbon si les électeurs avaient reconduit la majorité plurielle à l’Assemblée nationale. À droite, l’Union pour la Majorité Présidentielle n’a présenté que 20,6 % de femmes et l’UDF 2 Elle révise les articles 3 et 4 de la Constitution. Elle précise d’une part que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » et d’autre part que « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi ». 3 Le 18 novembre 1982, le Conseil constitutionnel avait invalidé l’article de la loi municipale de juillet 1982 qui instituait un maximum de 75 % de représentation de chaque sexe sur les listes de candidats aux municipales, dans les villes de 3 500 habitants et plus. CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -2- moins encore (18,9 %). À gauche, le PS a investi 36,3 % de candidates, sans tenir pour autant sa promesse de début de campagne d’accorder 40 % des circonscriptions à des femmes. Il a fait ainsi nettement moins bien que le PC, qui affichait 44 % de candidates. Les Verts ont été le seul parti de la gauche plurielle à investir 50 % de femmes. Dès lors, le prix à payer par les grandes formations pour non respect de la parité des candidatures est élevé. Selon les calculs de l’Observatoire de la parité : l’UMP aura une pénalité annuelle de 4 millions d’euros (une somme qui représente 15,8 % de son financement), le PS de 1,3 million d’euros (9,1 % de son financement), l’UDF de 582 000 euros (22 % de son financement) et enfin le PC de 119 000 d’euros (4,2 % de son financement). Les petits partis, quant à eux, avaient au moins deux bonnes raisons de ne pas trop s’éloigner de la barre des 50 % de candidatures de chaque sexe. D’une part, ils n’avaient pas de sortants à ménager, d’autre part, ne disposant que de modestes moyens financiers, ils ne voulaient pas les voir amputer par des pénalités financières importantes. Ainsi, à l’extrême gauche, Lutte Ouvrière et La Ligue Communiste Révolutionnaire ont été « irréprochables » au regard de la loi, proposant 50 % de femmes aux suffrages des électeurs. Bien d’autres partis, pourtant peu féministes dans leur programme comme dans leur doctrine, ont pratiqué une large mixité des investitures. Ainsi le mouvement, Chasse, Pêche, Nature et Traditions (CPNT) se targuait de 45,8 % de candidates. Ainsi, à l’extrême droite, le Front National présentait 48,7 % de femmes et le Mouvement National Républicain 40,0 %. … pour une poignée d’élues A l’issue des législatives, les femmes n’occupent à l’Assemblée nationale que 71 sièges sur 577 (contre 62 en 1997). Représentant 39,3 % de l’ensemble des candidats et 35,7 % des candidats investis par les partis parlementaires, elles ne se retrouvent plus à l’arrivée que 12,3 % parmi les élus (contre 10,9 % en 1997). C’est une progression à pas de fourmis (+ 12,8 %), qui apparaît d’autant plus dérisoire qu’on la compare à celle intervenue aux élections de 1997. A cette date, la proportion de femmes élues à l’Assemblée était passée de 5,9 % (en 1993) à 10,9 % (+ 84,7 %), sous le seul effet du quota de 30 % de candidates que s’était fixé le Parti CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -3- socialiste. Il est vrai que le PS, ayant alors peu de sortants, avait pu sans trop de peine imposer une plus grande mixité des investitures. Le décalage observé entre la part des femmes parmi les candidats et leur part parmi les élus informe sur la « mauvaise » qualité des investitures qui leur ont été attribuées en 2002. En fait, nombre de candidates n’étaient présentes dans la compétition que pour « témoigner », suivant l’expression d’Yvette Roudy, sans avoir de chance réelle de l’emporter. L’UMP, ultra-majoritaire, partage avec l’UDF le privilège d’avoir la plus faible proportion d’élues (tableau 3) : respectivement 10,4 % (soit 38 femmes sur 365 élus) et 6,8 % (2 élues sur 29). Le PS, quant à lui, ne compte plus que 23 femmes sur un groupe de 141 députés (16,3 %), le PC en a 4 sur 21 (19 %) et enfin les Verts 1 sur 3 (soit 33, 3 %). Les trois autres élues, qui appartiennent à de petites formations, siègent (ainsi d’ailleurs que la députée Verte) dans le groupe des non inscrits. Le FN, n’a obtenu aucun siège. Après avoir déclaré que les femmes candidates étaient utiles pour « dé-diaboliser » le FN, Jean-Marie Le Pen a imputé à la loi sur la parité le médiocre score du FN aux législatives. À l’entendre, la loi a obligé son parti à accorder des candidatures à des femmes au détriment « d’hommes mieux implantés ». La répartition géographique (tableau 4) laisse voir que six régions ont une proportion d’élues sensiblement supérieure à la moyenne : la Bretagne, La Franche-Comté, et la BasseNormandie affichent plus de 20 % de femmes parmi leurs représentants, l’Aquitaine, l’Ile de France et Midi-Pyrénées en ayant plus de 15 %. A l’opposé, six régions ont moins de 5 % de femmes parmi leurs députés : le Centre, le Languedoc-Roussillon, le Nord-Pas-de-Calais, la Corse, la Haute-Normandie la Picardie, les trois dernières n’en ayant aucune. La répartition par départements révèle que 55 d’entre eux, soit plus de la moitié, n’ont aucune femme parmi leurs députés. Le département phare est le Finistère, qui, sur ses huit représentants, compte cinq femmes, soit 62,5 %. À défaut d’avoir féminisé leurs députés (titulaires), les partis ont « compensé » en féminisant les suppléants. La proportion de suppléantes a presque doublé par rapport à la législature précédente, passant de 16,6 % à près de 30 % (tableau 5). On peut y voir là un effet diffus de la loi du 6 juin 2000, et au-delà, une façon pour les hommes de parti de soulager (à CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -4- bon compte) leur conscience. Les communistes laissent voir la plus forte proportion de suppléantes (57 %), suivis, de loin, par l’UDF (près de 38 %), puis par le PS (31 %) et l’UMP (28 %). On notera que la plupart des suppléantes ont été élues en tandem avec des députés titulaires de sexe masculin, à l’exception de cinq d’entre elles, suppléantes de députées femmes. Les modifications à la composition de l’Assemblée nationale qu’a entraînées la nomination de 22 députés (comme ministres ou secrétaires d’Etat) dans le gouvernement Raffarin n’a pas changé l’équilibre entre les sexes au Palais Bourbon. Quatre femmes ont été remplacées à l’Assemblée par quatre suppléants, tandis que quatre hommes ont été remplacés par des suppléantes. Les député(e)s 2002 : portrait La nouvelle Assemblée réfléchit plus que jamais une image déformée de la société 4 . Déficitaire en femmes, elle l’est aussi en jeunes, et en catégories populaires. S’il en est ainsi c’est parce que les partis, qui opèrent la sélection des investitures, choisissent leurs candidats parmi un éventail social et culturel restreint. Pour avoir des chances raisonnables de devenir « élu du peuple », mieux vaut être quinquagénaire, diplômé du supérieur, exercer une profession libérale ou de cadre. Mieux vaut aussi posséder un mandat local. Les femmes députées n’ont pas un profil socio-politique très différent des hommes : encore doit-on noter quelques spécificités. La féminisation de l’Assemblée nationale, pourtant de faible ampleur, a entraîné un certain rajeunissement. L’âge moyen des femmes est un peu moins élevé que celui des hommes : 52,8 ans contre 53,9. Elles n’entrent pas plus jeunes dans la carrière (seules trois d’entre elles ont moins de quarante ans et le benjamin, 29 ans, est un homme) mais sont quasiment absentes de la classe des plus de 65 ans. Si elles viennent atténuer le vieillissement des parlementaires, c’est aussi parce qu’elles bénéficient moins souvent que les hommes du statut privilégié de sortants réélus (40,8 % d’entre elles le sont contre 59,7 %). Parmi les 4 Cf. sur ce point Nicolas Catzaras, Mariette Sineau « Douzième législature : quel renouvellement du personnel parlementaire ? » Bulletin Quotidien, 18 juillet 2002, n° 7371, pp. 26-34. CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -5- sortantes 5 battues, on trouve de nombreuses socialistes qui avaient été élues en 1997 avec une faible majorité. Il y a ainsi plus de sang neuf chez les parlementaires féminins : près de la moitié des femmes élues en 2002 sont des néophytes n’ayant jamais siégé, contre moins d’un tiers des hommes. Comme souvent féminisation vaut renouvellement de la classe politique : on peut dès lors regretter que l’objectif de parité ait été si négligé par les états-majors. Le mouvement de féminisation des élites lié à la réforme paritaire entraînera-t-il à terme une démocratisation du personnel politique ? Nul ne le sait. En tout cas, le profil social des femmes députées montre qu’elles appartiennent ultra majoritairement, comme les hommes, à une élite sociale et culturelle restreinte. Toutefois, la structure globale des emplois étant dissemblable chez les hommes et chez les femmes, on retrouve chez les députés des deux sexes certaines différences dans la profession d’origine. Ainsi, la profession d’enseignant, quoique en perte de vitesse dans cette assemblée de droite, reste plus souvent exercée par les parlementaires femmes. Réciproquement, le recrutement des parlementaires masculins puise davantage dans le vivier des professions libérales et des patrons de l’industrie et du commerce. Enfin, le recrutement en milieu employé et ouvrier, extrêmement étroit, est quand même de plus grande amplitude chez les femmes. Autre différence notable de statut professionnel : les hommes sont plus nombreux à être retraités, les femmes étant un peu plus souvent sans profession. Dernier trait distinctif : les femmes députées restent, aujourd’hui encore, beaucoup moins titrées politiquement que leurs camarades masculins. En cinq ans, toutefois, elles ont beaucoup gagné en notabilité locale (tableau 6). D’une part, elles ont conquis des sièges de conseillers régionaux, en particulier à l’issue des élections de 1998. Elles sont désormais près du tiers à posséder ce mandat contre 14 % en 1997. D’autre part et surtout, la proportion de députés-maires, cette figure centrale de la vie politique, a plus que doublé chez elles, passant de 14 % en 1997 à 31 % en 2002. Parmi les nouvelles élues de l’UMP et de l’UDF, plusieurs d’entre elles ont conquis une ville moyenne ou importante aux municipales de 2001. Citons 5 Sur les 55 femmes députées sortantes, 3 socialistes ne se représentaient pas (Yvette Roudy, Véronique Neiertz et Laurence Dumont), 29 furent réélues, et 23 furent battues (dont 17 socialistes et une Verte). CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -6- les noms de Brigitte Le Brethon (UMP-RPR) à Caen, de Brigitte Barèges à Montauban, de Maryse Joissains (UMP-divers droite) à Aix-en-Provence, ou encore de Marguerite Lamour (UMP-UDF) à Ploudalmezeau. On notera que si la détention du mandat de maire a diminué chez les hommes, c’est au profit de celui de président de communauté urbaine (10,3 % détiennent ce titre contre 2,8 % des femmes). Le déplacement des lieux de pouvoir a donc d’abord bénéficié aux hommes… Quel pouvoir au sein de l’Assemblée nationale ? Déjà peu nombreuses à siéger comme simples députés, les femmes sont plus minoritaires encore à occuper des positions de pouvoir au sein du Palais Bourbon. La composition du bureau de l’Assemblée nationale - siège des principaux pouvoirs parlementaires - est révélatrice de l’inégalité des sexes. Les femmes n’y détiennent que des fonctions modestes, n’occupant que l’un des six postes de vice-présidents et deux des douze postes de secrétaires. Les trois questeurs sont des hommes. Le président de l’Assemblée est, de tradition, un homme. La France est un des rares pays de l’Union européenne (avec la Belgique, la Grèce, le Portugal) à n’avoir jamais vu de femme présider l’une des chambres du Parlement. Les quatre groupes politiques (UMP, UDF, PS et PC) de la nouvelle Assemblée sont présidés par des hommes. Les femmes sont encore moins nombreuses que dans la précédente législature à détenir des postes de pouvoir au sein des six commissions permanentes de l’Assemblée nationale. Aucune n’est présidente, une seule est vice-présidente (commission des Affaires culturelles, familiales et sociales), une seule est secrétaire (commission de la production et des échanges). Enfin, la puissante conférence des présidents (qui réunit les viceprésidents de l’Assemblée nationale, les présidents des commissions permanentes, le rapporteur général de la commission des finances, le président de la délégation de l’Assemblée pour l’Union européenne et les présidents des groupes) ne comprend qu’une seule femme sur 19 membres (Paulette Guinchard-Kunstler, socialiste, Vice présidente de l’Assemblée nationale). CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -7- Barrées à l’entrée du Parlement, les femmes en France font davantage entendre leur voix au sein de l’exécutif. Cela est même de tradition depuis le septennat de Valéry Giscard d’Estaing. Si elles sont aujourd’hui moins nombreuses que dans le gouvernement Jospin (environ 30 % en juin 1997), elles forment quand même plus du quart des effectifs du deuxième gouvernment Raffarin (10 sur 38) : trois sont ministres de plein exercice (dont Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, troisième dans l’ordre protocolaire), quatre sont ministres déléguées et trois secrétaires d’Etat. C’est la première fois qu’un gouvernement de droite accorde autant de place aux femmes, tant en qualité qu’en quantité. Une loi à refaire ? En dépit d’une législation qu’on croyait « avant-gardiste », la France reste à l’arrièregarde s’agissant de la représentation des femmes à la chambre basse : avec ses 12,3 % de députées à l’Assemblée nationale, elle arrive au 60e rang mondial et au 13e rang de l’Europe des Quinze, loin derrière les pays nordiques (environ 40 % de femmes à la Chambre basse en Suède et au Danemark), mais aussi des Pays-bas, de l’Allemagne (qui en comptent environ un tiers) ou encore de pays comme l’Espagne, l’Autriche, la Belgique (qui en ont environ un quart). Autant la loi du 6 juin 2000 est exemplaire dans son application aux scrutins de liste (et a fonctionné lors des municipales de 2001 comme outil efficace pour produire de l’égalité politique entre hommes et femmes 6 ), autant elle est à refaire dans ses dispositions concernant les législatives, puisqu’elle s’est avérée impropre à rééquilibrer le pouvoir entre les sexes à l’Assemblée nationale. Dans le premier cas, l’efficacité de la loi se déduit de son caractère doublement contraignant : obligeant absolument les partis à présenter 50 % de candidats de chaque sexe, elle leur impose aussi une certaine parité des élus par alternance obligatoire des 6 Cf. sur ce point Mariette Sineau « Parité an 1 : un essai à transformer », Revue Politique et Parlementaire, n° 1011, mars-avril 2001, pp. 55-63. CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -8- candidats hommes/femmes sur les listes 7 . Dans le cas des législatives, la loi n’est qu’incitative. Or, dans un mode de scrutin qui privilégie les notables, les grands partis ont préféré payer des amendes, même lourdes, plutôt que féminiser leurs investitures, surtout les « bonnes ». Au terme d’un calcul non dénué de cynisme, ils ont parié que le nombre d’élus obtenus (à partir desquels est calculée la seconde fraction de l’aide publique) rapporterait davantage que ce que coûteraient les pénalités financières pour non-respect de la parité des candidatures. C’est pourquoi, les états-majors ont souvent choisi de reconduire les sortants des hommes en majorité - connus des électeurs, plus sûrs à leurs yeux de remporter l’élection. Les scrutins de juin 2002 laissent donc voir l’échec du principe de « parité incitative » prévu par la loi aux législatives, échec qui apporte un démenti cinglant à tous ceux qui voyaient dans la sanction financière (via le financement public des partis) une sorte de panacée, permettant de faire l’économie d’une loi contraignante. Si les partis n’ont pas tourné la loi, ils ont su habilement l’utiliser. Ce faisant, ils ont failli à la mission que leur attribuait l’article 4 modifié de la Constitution : contribuer à la mise en œuvre du principe d’ « égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ». 7 Pour les scrutins à un tour, elle oblige à l’alternance un homme, une femme (ou une femme, un homme) du début à la fin de la liste. Pour les scrutins à deux tours, elle exige la parité par tranche de six candidats, quel que soit l’ordre homme/femme. CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -9- ANNEXE Tableau 1. Les femmes députées à l’Assemblée nationale, sous la Cinquième République, 1958-2002. Elections Femmes élues 23-30 nov. 1958 9 18-25 nov. 1962 8 5-12 mars 1967 10 23-30 juin 1968 8 4-11 mars 1973 8 12-19 mars 1978 18 14-21 juin 1981 26 19-23 mars 1986* 34 5-12 juin 1988 33 21-28 mars 1993 34 25 mai- 2 juin 1997 63 9 et 16 juin 2002 71 Total Sièges 552 482 487 487 490 491 491 577 577 577 577 577 % femmes 1,6 1,6 2,0 1,6 1,6 3,7 5,3 5,9 5,7 5,9 10,9 12,3 Source : ministère de l’Intérieur (France entière) * scrutin proportionnel Tableau 2. Les femmes candidates aux législatives par partis, 1997-2002 (en %) Partis 1997 2002 PC 26,8 44,0 PS 27,8 36,3 Verts 27,7 50,4 RPR 7,7 UMP 20,6 UDF 8,9 18,9 Total général* 23,2 39,3 Source : ministère de l’Intérieur (France métropolitaine) * y compris les petits partis CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -10- Tableau 3. Les femmes députées par groupe politique, 1997-2002 2002 UMP et apparentés 38 Effectifs totaux 365 UDF et apparentés 2 29 6,8 Socialistes et apparentés Communistes et Républicains Non inscrits 23 141 16,3 Rappel 1997 % femmes 3,6 (RPR) 6,4 (UDF) 17,6 4 21 19,0 11,1 4 - 21 - 19,0 - Total 71 577 12,3 0 9,0 (RCV 10,9 Groupes Femmes % femmes 10,4 Source : Assemblée nationale (France entière) Tableau 4. Les femmes députées par régions, 1997-2002 (en %) Régions 1997 2002 Alsace 6,2 6,2 Aquitaine 18,5 18,5 Auvergne 7,1 7,1 Basse-Normandie 28,6 21,4 Bourgogne 0 11,8 Bretagne 15,4 30,8 Centre 8,7 4,3 Champagne-Ardenne 7,1 14,3 Corse 0 0 Franche-Comté 15,4 23,0 Haute-Normandie 12,0 0 Ile-de-France 15,2 16,2 Languedoc-Roussillon 4,8 4,8 Limousin 11,1 11,1 Lorraine 4,3 8,7 Midi-Pyrénées 15,0 15,3 Nord-Pas-de-Calais 10,5 2,6 CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -11- Régions Pays-de-Loire Picardie Poitou-Charentes Provence-Côte-d’Azur Rhône-Alpes 1997 7,0 11,0 17,6 7,5 6,1 2002 10,0 0 11,8 20,0 6,1 Source : ministère de l’Intérieur (France métropolitaine) Tableau 5. Les femmes députées suppléantes, par groupe politique, 1997-2002 (en %) Partis 1997 2002 PC 34,2 57,1 PS 16,1 31,2 Radical, Citoyen et Vert 12,9 - RPR UMP 14,0 28,2 UDF 22,4 37,9 Démocratie libérale 9,3 - 0 9,5 16,6 29,8 Non inscrit Total Source : Société générale de presse (France entière) CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -12- Tableau 6. Type de cumul des mandats et fonctions chez les députés, selon le sexe, 1997-2002 (en %) 1997* Mandats et fonctions 2002** Ensembl e H F % % N 61 14 ? Conseillers généraux et prés de CG Ensem ble H F % % % N % 323 56,0 55,3 31 302 52,3 ? ? ? 6,7 21,1 49 8,5 43 16 233 40,4 38,6 19,7 209 36,2 Dont présidents de Conseil général 3 0 18 3,1 4,2 0 21 3,6 Conseillers régionaux et prés de CR 16 14 93 16,1 18,2 32,4 115 19,9 Dont présidents de conseil régional 1 0 6 1,0 0,6 1,4 4 0,7 Présidant de communauté urbaine ? ? ? ? 10,3 2,8 54 9,4 Maires Adjoints au Maire Source : * Assemblée nationale, 12 juin 1997 ** Société générale de Presse, 17 juin 2002 CEVIPOF 98, rue de l’Université — 75007 Paris, France [email protected] — Tél. : 33 (0)1 45 49 51 05 — Fax : 33(0)1 42 22 07 64 -13-