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Productions statutaires et productions instrumentales :
L’idéologie dans six petites histoires d’entreprise
par
Thomas Durand
Chapitre de l’ouvrage « La stratégie et son double », édité par E Mounoud - Drisse, L’Harmattan,
Paris, 2004
« Il y a un art indispensable à l’homme d’affaires, et qu’on apprend plus nulle part : c’est la
rhétorique. On dit : persuader est le rôle essentiel de l’homme d’affaires. Mais on croit qu’on
persuade avec de la volonté et certaines qualités innées. Il est vrai qu’il se trouve des
prodiges dans l’art de persuader comme dans les autres ; mais tous les arts ont leur
technique, qu’il est bon d’apprendre. Il y a des moyens rhétoriques qui sont universels : les
américains constatent que l’avocat, lorsqu’il a du bon sens et ne s’est pas laissé envahir par
l’esprit de procédure, est un excellent homme d’affaires.
La rhétorique est démodée, parce qu’on l’a fait porter sur des idées creuses, ou hors de
l’action.
Il faut créer une rhétorique moderne, adaptée aux affaires, et l’apprendre aux futurs
administrateurs ».
A. Detoeuf « Propos de O.L. Barenton confiseur ».
I- Introduction
Productions statutaires et productions instrumentales
Toute organisation s’efforce de produire ce pour quoi elle existe, ce qui justifie les ressources
qu’elle reçoit et qui permettent son activité, ce qui relève directement ou indirectement de son
objet social. Selon le statut de l’organisation, public ou privé, à but lucratif ou non, ses
productions peuvent être constituées de produits et services commerciaux, de prestations
associatives ou caritatives, de services à des administrés ou des usagers, etc. Ces productions
peuvent être qualifiées de productions statutaires en ce sens qu’elles correspondent à ce pour
quoi, dans ses statuts mêmes, l’organisation a été constituée comme ‘personne morale’.
Naturellement ces productions statutaires peuvent être générées avec plus ou moins d’ardeur,
avec plus ou moins de bonheur, avec plus ou moins d’efficacité et de pertinence face à des
organisations concurrentes,… mais ce sont là des questions usuelles du management, maintes
fois explorées et qui relèvent d’autres dimensions que celles qui vont nous intéresser ici.
Il est une autre forme de productions que toute organisation génère pour survivre, croître et se
développer. Au delà de leurs activités principales, d’où découlent les productions statutaires,
les organisations génèrent en effet pour elles-mêmes une palette variée de productions
associées ou dérivées qui leur permettent de s’auto-consolider, d’évoluer, de s’adapter à des
besoins mouvants, en un mot de « se pérenniser ». Il peut s’agir de discours, de
représentations, de productions symboliques qui signalent les spécificités d’une culture
(valeurs, tabous, rites,…), mais aussi de processus et de routines organisationnels qui
cristallisent les savoir faire collectifs. Nous qualifions ces diverses productions secondaires de
productions instrumentales en ce sens qu’elles ne répondent pas directement à l’objet social,
elles ne fondent pas le ‘business model’ qui assure les flux de ressources et fait vivre
l’organisation. Elles sont essentiellement l’instrument, le moyen nécessaire pour que
l’organisation reste en état de mener à bien son objet social et donc de générer ses productions
statutaires dans la durée.
Nous plaidons ici pour souligner que ces productions instrumentales, apparemment
secondaires, sont en fait déterminantes pour élaborer des stratégies face à l’environnement,
susciter l’adhésion des acteurs en donnant du sens pour l’action, cimenter le collectif et
garantir la cohésion et la pérennité du construit organisationnel.
D’une certaine façon, ces productions instrumentales (qui pourtant ne se monnaient pas
directement) constituent la « valeur » de l’organisation. C’est là que réside sa capacité à
assurer demain ses productions statutaires, c’est là qu’il faut débusquer la compétence
organisationnelle.
Les productions de l’organisation
Nature
Pour qui ?
A quelle fin ?
Productions statutaires
Productions instrumentales
Les produits, services et Les
discours,
les
prestations correspondant à représentations, la culture, les
l’objet social, aux statuts de routines de l’organisation, etc.
l’organisation
C’est l’instrument (qui rend
C’est le but affiché
possible)
Pour les clients, les usagers, Pour l’organisation elle-même
les administrés, et autres
bénéficiaires
Les productions statutaires Les
productions
justifient des ressources que instrumentales permettent à
perçoit l’organisation pour l’organisation d’élaborer des
assurer son activité et garantir stratégies pour s’adapter aux
sa pérennité
exigences changeantes de
l’environnement, de donner
un sens à l’action pour
susciter
l’adhésion
des
acteurs, de cimenter le
collectif en garantissant la
cohésion et la pérennité du
construit organisationnel
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le good will est désormais considéré comme constituant la
part prépondérante de la valeur des organisations marchandes. Les valeurs comptables
appréhendent la seule dimension statutaire des productions de l’entreprise (son chiffre
d’affaires, ses résultats comptables, ses investissements, etc.). Le good will tente, pour sa part,
de capter la part cachée et intangible de l’organisation, en d’autres termes ce qui constitue la
valeur de ses productions instrumentales. Une théorie de la valeur des productions
instrumentales reste à écrire.
Nous avons déjà proposé d’observer la compétence organisationnelle au macroscope (Durand,
2001a). Nous avons aussi mobilisé une métaphore, celle du feuillage, pour caractériser la
nature inattendue et la texture pour partie insaisissable de la compétence organisationnelle
(Durand, 2001b).
Nous nous proposons ici de revisiter ce feuillage au macroscope, en fixant cette fois sur notre
lunette un filtre qui nous aide à nous concentrer sur la part de subjectivité et d’idéologie
contenue dans les productions instrumentales, celles qui façonnent la compétence
organisationnelle.
Nous allons dans un premier temps partir d’une série de 5 cas concrets auxquels nous avons
eu accès à travers différents projets pour ensuite les articuler autour d’un même schéma
conceptuel susceptible de servir d’outil pour repérer l’idéologie dans les productions
instrumentales et en évaluer les effets sur l’organisation et sa stratégie. A l’aide de cet outil
conceptuel, nous analyserons alors un dernier cas pour illustrer le pouvoir explicatif de notre
macroscope à étudier les feuillages organisationnels, muni d’un filtre à idéologie.
II- Cinq premières histoires courtes
Cognition et idéologie
Cas 1 : L’eau minérale : Un aveuglement idéologique coupable
En 2000 en France, au pays de l’eau minérale, un fabriquant atypique d’eau embouteillée, la
société Papillaud devenait, avec la marque Cristaline, le premier producteur en volume devant
Evian de Danone ou Vittel de Nestlé. C’était là l’effet le plus spectaculaire d’une révolution
initiée des années auparavant mais jusque là ignorée voire niée et même refoulée par les plus
grandes marques d’eau minérale.
Le génie marketing de quelques sociétés européennes, et singulièrement françaises, avait
réussi en l’espace de quelques décennies à imposer des marques d’eau minérale prestigieuses
sur le marché mondial (Evian, Perrier, Vittel, Volvic,…). La qualité de ces marques avait
permis de positionner les produits à de tels niveaux de prix que les marges ainsi réalisées
permettaient de consentir des investissements publicitaires et industriels suffisamment
conséquents pour tout à la fois consolider les marques et permettre des croissances fortes des
ventes sur les marchés d’exportation. L’eau des montagnes françaises (enneigées ou non :
Alpes, Vosges, Massif central) avaient ainsi perdu le statut anonyme d’une « commodité »
(H2O) pour devenir un produit « premium ». C’en était devenu un cas d’école, un exemple à
succès en matière de « de-commoditization ».
Or un petit industriel français, le groupe Papillaud, a réussi en quelques années à déstabiliser
ce bel édifice. Fort du constat selon lequel vendre de l’eau minérale embouteillée consiste
principalement à transporter un produit pondéreux et peu cher jusque sur la table du
consommateur, sa stratégie a consisté à s’efforcer de minimiser cette étape logistique : plutôt
que de devoir remplir des bouteilles à une source unique et miraculeuse, aux bienfaits
scientifiquement démontrés mais inévitablement mal localisée, il a fait le pari de proposer aux
consommateurs des eaux provenant de sources situées près des zones de consommation. Il
perdait au passage le côté mythique d’une eau provenant d’une source consacrée par
l’académie mais gagnait en contrepartie suffisamment sur les coûts de transport pour proposer
un premier prix au tiers du prix des marques premium. Toutefois, pour bénéficier d’un
minimum d’effet de marque, il a aussi eu la bonne idée d’utiliser un nom de marque ombrelle
pour toutes ses bouteilles (Cristalline était le nom d’une des sources où il embouteillait : en
enlevant un « l », il a inventé Cristaline, nom de marque pour toutes ses productions dans
toutes ses sources, en prenant soin d’ajouter sur chaque bouteille, conformément à la
réglementation mais en plus petits caractères, le nom de la source réellement utilisée pour
remplir la bouteille…).
Le marché a tranché. Le succès a été spectaculaire. Une partie significative des
consommateurs préférait tout compte fait une bouteille d’eau banale de 1,5L à 0,17 € plutôt
qu’une bouteille équivalente d’eau aux propriétés bienfaisantes garanties et à marque réputée
mais au prix significativement plus élevé de 0,5 €. Cristaline a ainsi pu progressivement se
lancer dans des campagnes publicitaires télévisées, s’implanter aux Etats Unis, etc.
Bien que rapide, cette offensive menée par Cristaline a tout de même pris quelques années.
Quelle a alors été la réaction des grandes marques pendant toute la période de montée en
puissance de Cristaline ?
Il nous faut bien souligner pour en avoir été le témoin direct, en temps réel et en particulier à
plusieurs moments clés pendant cette période, que les managers des grandes marques ont été
victimes de leur idéologie. Pour faire court, ils ont d’abord purement et simplement ignoré la
menace, n’écoutant même pas les quelques signaux qui leur parvenaient. Ils étaient
convaincu, intimement, honnêtement et fermement, par le discours qu’ils avaient eux-mêmes
produit, à savoir que les propriétés et la qualité de leur produit étaient uniques, inimitables,
« un véritable don de la nature ». Pour eux, seule une frange infime de consommateurs
pouvait se laisser leurrer par des eaux ne présentant pas ces mêmes garanties, cette même
qualité. Quand la menace s’est précisée, ils ont eu tendance à la nier, à la minimiser, voire à la
refouler. Ils ont considéré que cette offensive ne résisterait pas à la puissance de feu de leurs
marques établies et réputées, à la pédagogie de leurs discours, à la force de leurs messages
publicitaires redoublés.
Ils ont donc investi plus encore dans la défense de leur marque. Le raisonnement subjectif,
idéologique, a continué à faire écran aux données de marché objectives qui pouvaient
remonter du terrain. Pendant toute cette période, profitant de l’ombrelle de prix ainsi laissée
intacte, Cristaline a bénéficié de l’avantage procuré par l’effet de son positionnement premier
prix. Depuis, sous l’effet de données objectives sur l’évolution des parts de marché enfin
reconnues pour ce qu’elles sont, le discours des managers au sein des grandes marques a dû
s’adapter, l’idéologie a évolué. Des réponses stratégiques ont émergé (stratégie de gamme,
marques distributeurs, etc.) mais le mal était fait.
Avec cet exemple, nous pouvons parler d’un véritable aveuglement cognitif, inscrit dans le
discours idéologique produit par les acteurs stratégiques eux-mêmes (ici les grandes
marques). Le subjectif qui fondait l’idéologie a conduit au choc ultérieur, lorsqu’il est entré en
collision avec la réalité objective de la dynamique des parts de marché et des volumes vendus
par les uns et les autres. Cette collision entre subjectivité et réalité économique a fait voler
l’idéologie en éclat ; pour la remplacer naturellement par une autre idéologie capable de
donner sens à la fois au nouveau contexte concurrentiel et au discours et à la stratégie passés :
pour assurer sa pérennité, l’organisation doit à la fois s’adapter et justifier les erreurs passées
(par exemple à travers des victimes expiatoires ‘les anciens responsables étaient
incompétents’, ou bien par de la production de nouveaux discours parfaitement subjectifs et
idéologiques du style ‘le marché a changé’. Ben voyons.).
Cette première histoire illustre donc l’empreinte de l’idéologie dans la cognition, telle
qu’elle peut être appréhendée à travers le discours.
Attitudes et Idéologie
Cas 2 Les snow blades de Salomon : un comportement capable de libérer l’innovation
Un matin de février 96, Jean-François Gautier alors président de Salomon, accompagne une
équipe de développeurs dans une station de ski de la tarentaise pour participer avec eux à une
journée de tests de prototypes ( skis, fixations et chaussures).
A la fin d’une matinée harassante, passée sur de longs tests systématiques et répétés, l’équipe
s’apprête à aller déjeuner lorsque l’un des techniciens présents mentionne évasivement un
prototype de son cru qui n’était pas prévu au programme et qu’il a développé seul, en
perruque, sur une idée à lui. Il se reprend pour ajouter immédiatement que ce n’est qu’un
gadget, qu’il n’y a probablement pas de marché pour un produit aussi bizarre, qu’il a fait ça
juste pour voir… Il finit par suggérer d’aller déjeuner puisque tout le monde est fatigué… Il a
évidemment suscité la curiosité des autres membres de l’équipe Salomon présents ce matin là.
Naturellement il en a trop dit et pas assez montré. Les autres immédiatement le pressent de
montrer le fruit de son invention, le président y compris. Notre homme se fait un peu prier
puis accepte d’aller chercher son produit. JF Gautier nous raconte avoir alors vu arriver un ski
étrange, ni ski ni patin à neige, mais une sorte de demi ski avec une spatule aux deux bouts.
Malgré l’heure du déjeuner et la fatigue des participants, chacun chausse une paire de ces
demis skis. Les 30 mn qui suivent tournent au spectacle, chacun (le président y compris) y
allant de ses sauts, de ses pas de danse sur neige, de ses facéties. « Nous nous sommes amusés
comme des gamins, c’était vraiment super » nous dira JF Gautier.
Après le déjeuner, toute l’équipe se retrouve comme prévu dans une arrière salle du restaurant
d’altitude pour passer en revue les tests de la matinée et décider de donner les suites qui
conviennent sur les différents prototypes. A la fin de cette séance de travail, vers 17h30 alors
qu’il va être temps de rentrer, JF Gautier constate que personne n’évoque les demi skis de la
fin de la matinée. Il remet donc lui-même ce sujet sur la table et interroge l’équipe sur ce
qu’elle prévoit d’en faire. Le développeur concerné ré-entonne le même refrain que le matin :
‘Oh, ce n’est qu’un gadget, il n’y a pas de marché pour un tel produit atypique, ne dépensons
pas de l’argent et du temps pour rien, je n’ai fait ça que pour voir,…’ Les autres semblant se
ranger à ce propos de façade, le président intervient alors avec vigueur pour souligner
combien chacun a pu prendre du plaisir avec un tel prototype et qu’il ne voit pas comment il
ne pourrait pas y avoir de marché pour une offre de ce type. Il lui faut insister avant que
l’équipe ne finisse par décider de tenter d’aller plus loin sur ce prototype. Naturellement le
développeur jubile en silence.
L’année suivante le produit sort sous le nom de Snow Blade. Salomon en vendra plus de 200
000 paires dès la première année.
L’idéologie apparaît dans le comportement de ce président hors norme et dans la culture qu’il
a, ce faisant, réussi à instiller au sein de l’organisation. Il prend sur son temps pour
accompagner des développeurs sur le terrain. Il s’intéresse à leurs projets et paie de sa
personne. Il ne se fend pas de beaux discours idéologiques sur l’innovation. C’est son
comportement qui véhicule son idéologie, son intérêt viscéral (qui est ensuite
idéologiquement raisonné) pour l’innovation. Il ressent intuitivement l’entreprise comme un
lieu d’expression de la créativité, de l‘inventivité et de l’innovation au service des clients, du
développement de l’entreprise et de l’épanouissement des acteurs : il faut le voir lui-même se
régaler d’avance en nous parlant de son espoir de pénétrer sur un autre marché nouveau pour
Salomon-Taylor Made, les balles de golf, grâce à une innovation encore en émergence. Son
idéologie est dans ses intuitions, dans ses émotions ; elle transparaît dans ses attitudes.
Il est ouvert à une idée nouvelle même s’il est pris par surprise. C’est une posture
comportementale et émotionnelle a priori positive. Il est idéologiquement ouvert et curieux de
toute idée nouvelle, même inattendue. Il accepte qu’un salarié ait distrait des ressources de
l’organisation sans en demander l’autorisation pour explorer une idée à lui, et lancer de fait un
projet pourtant non budgété. Cette posture idéologique a visiblement été intégrée par les
troupes puisque ce technicien a osé agir et travailler en perruque. Il a même osé sortir le fruit
encore imparfait de son invention non seulement devant ses collègues mais surtout devant le
président, sans vraiment craindre de se le faire reprocher. C’est là le résultat d’un contexte
idéologique qui valorise l’intrapreneur.
Cette seconde petite histoire illustre donc l’empreinte de l’idéologie dans les émotions et
dans le comportemental, ce que pour englobons sous le vocable des ‘attitudes’.
Cas 3 : promouvoir l’innovation chez Antinnova : Idéologie et injonction paradoxale
Le président d’Antinnova (le nom est masqué mais il s’agit d’un cas réel) nous demande de
l’aider à relancer les processus d’innovation au sein de son groupe. Il tient un discours très
favorable à l’innovation. Le verbe est haut. L’homme est convaincu que le contexte
concurrentiel du secteur d’activité d’Antinnova requiert une stratégie offensive en matière
d’innovation.
Après une investigation minutieuse, nous constatons que ce même président constitue
paradoxalement un des freins les plus bloquants à l’émergence et au développement d’idées
nouvelles dans l’entreprise.
A titre d’exemple, un épisode significatif nous laissera abasourdis : une université d’entreprise
a été mise en place pour contribuer aux efforts de formation des cadres d’Antinnova. Dans ce
contexte, les managers qui y sont en formation sont alors invités à travailler en sous-groupe
sur des projets concrets qui concernent Antinnova, sa stratégie et son développement. En fin
de programme, après plusieurs semaines, ils présentent la synthèse de leurs travaux devant
l’état major du groupe : c’est une marque d’intérêt indéniable de la part des dirigeants
d’Antinnova, c’est un stimulant efficace pour les sous-groupes de travail… Quelle n’est
cependant pas notre surprise d’apprendre que, lors de ces présentations finales de projets,
chaque fois qu’un cadre expose une piste nouvelle, l’embryon d’une idée d’innovation, le
président immanquablement le contre, lui démontre que son idée ne pourra pas marcher, que
ce serait perdre son temps et de l’argent, que la société Antinnova ne peut essayer de faire ce
qu’aucun autre concurrent n’a jusqu’à aujourd’hui tenté, que la pression concurrentielle est
trop forte pour que l’on se permette de tels errements…
C’est pourtant le même président qui, de séminaires de dirigeants en conventions de
l’encadrement, de réunions du comité exécutif en exposés aux analystes financiers, va prônant
une politique volontariste de l’innovation.
Le discours est pris au piège d’une idéologie affichée mettant en avant l’enjeu de l’innovation
alors que la pratique comportementale (theory in use) véhicule une idéologie focalisée sur la
seule efficacité opérationnelle. Un « double bind » parfait, une injonction paradoxale typique.
Inutile de souligner le malaise des acteurs soumis à ce chaud et froid permanent. Ceci
débouche sur des comportements d’évitement où les hochements de tête permettent aux
acteurs qui n’en pensent pas moins de faire tout à la fois semblant d’acquiescer au discours
volontariste pro-innovation du président et de montrer tacitement aux initiés qu’ils ne sont pas
dupes du discours et qu’ils savent bien où sont les vraies priorités. Un tel comportement
collectif est alors d’autant plus difficile à faire évoluer qu’il est enraciné dans le non-dit
collectif. Inutile de souligner que l’action de l’intervenant extérieur que nous étions dans ce
contexte a d’abord dû passer par un dialogue avec le président de cette organisation.
Cette troisième histoire courte illustre l’effet pervers d’une idéologie traduite par le
comportement mais qui est en parfaite contradiction avec l’idéologie véhiculée par le
discours.
Structure organisationnelle, Processus et idéologie
Cas 4 : Pedro et son stock de composants: un processus biaisé par l’idéologie
L’entreprise Autocomposants (le nom est masqué mais il s’agit ici aussi d’un cas réel) est une
multinationale européenne qui fabrique et commercialise des composants automobiles. Elle
vend en première monte aux constructeurs et en seconde monte à des garages, des
concessionnaires, des rayons spécialisés de grandes surfaces, etc. Si la chaîne logistique
(supply chain) de la première monte recourt à l’EDI (échange de données électroniques) et
suit un chemin direct et en flux tendus vers les usines des constructeurs clients, la seconde
monte passe par toute une organisation de prise de commandes et de livraisons capillaires par
camions livreurs à partir de plates-formes d’expédition réparties sur le territoire européen.
La société Autocomposants dispose ainsi à Madrid d’une équipe de prise de commande par
téléphone, fax (et de plus en plus par e-mail). Chaque membre de cette équipe prend les
appels téléphoniques, écoute la demande du client, vérifie par ordinateur la disponibilité du
composant demandé dans le stock et, en cas de disponibilité, enregistre la commande et
confirme au client une heure de livraison, en général pour le lendemain. (En cas
d’indisponibilité du composant demandé dans le stock madrilène, un processus alternatif
s’enclenche: interrogation des stocks dans les autres plates formes en Espagne voire en
Europe, proposition d’un composant différent mais équivalent, interaction avec la
planification usines pour proposer une livraison dans un délai raisonnable, etc. Nous ne
détaillerons pas ici ce processus palliatif.).
Le stock madrilène est géré dans un entrepôt situé physiquement à côté du bâtiment où
travaille l’équipe des preneurs de commande. Cet entrepôt est placé sous la responsabilité de
Pedro.
Or, il arrive relativement fréquemment qu’une commande pourtant confirmée ne puisse être
livrée : le stock virtuel (l’information gérée dans l’ordinateur) a conduit le preneur de
commande à penser que les produits étaient disponibles alors que le stock physique en était en
fait dépourvu. Ceci conduit aux inévitables insatisfactions des clients qui ne reçoivent pas leur
commande en temps et en heure, puis qui relancent leur commande une seconde fois sans
nécessairement comprendre que leur première commande non honorée est toujours active
chez Autocomposants et en attente d’être satisfaite. (La direction des systèmes d’information
n’a pas encore trouvé le temps de répondre à la demande interne de développement d’une
application qui, à chaque ouverture d’un compte client pour une commande nouvelle, fasse
apparaître un message indiquant les commandes en cours, permettant ainsi au preneur de
commande de vérifier si la nouvelle commande ne vient pas en duplication d’une éventuelle
commande en attente). Le résultat est alors que le client est finalement livré deux fois, donc à
nouveau mécontent, ce qui conduira inévitablement à un retour produits vers l’entrepôt et à
une annulation de la seconde facture (celle qui aura été envoyée automatiquement lors de
l’expédition de la commande la seconde fois), etc. En outre, constatant une apparente hausse
des commandes sur cette référence, le système de prévision de la demande interprètera les
statistiques mensuelles ainsi biaisées et fera produire plus de cette référence le mois suivant,
générant ainsi une production qu’il faudra bien stocker pour rien : d’où des coups d’accordéon
apparemment incompréhensibles sur la planification de production,…
Un jour, la décision est prise de faire conduire une évaluation des coûts associés à ces
dysfonctionnements : il apparaît qu’ils sont considérables. Un travail d’analyse est alors
conduit pour chercher à comprendre les racines du mal. Quelle n’est pas la surprise des
analystes de constater qu’un des principaux fautifs dans ce cas madrilène est Pedro, le
responsable de l’entrepôt lui-même.
Pedro a suivi des séminaires internes de sensibilisation sur le thème du service aux clients. Il a
compris que la rentabilité voire la survie de l’entreprise Autocomposants dépend de la
réactivité dont son équipe fait preuve pour satisfaire les demandes des clients. Or certains
clients insatisfaits du caractère un peu aléatoire de la gestion de leurs commandes par
Autocomposants se sont rendus compte qu’ils peuvent obtenir un service autrement plus
performant, rapide et fiable, en s’adressant directement à Pedro. C’est donc lui qu’ils
appellent personnellement, ignorant gentiment les preneurs de commande qui devraient
pourtant formellement être leurs interlocuteurs. Ils vérifient via Pedro que le composant dont
ils ont un besoin urgent est bien disponible en rayon, demandent qu’on leur en mette de côté
la quantité voulue et viennent eux mêmes chercher les composants au quai de chargement. Ils
sont ravis de cet expédient. Pedro est très fier car il est encensé par ces clients qu’il a, non
sans quelque raison, le sentiment de dépanner. Bien sûr Pedro qui joue là un rôle de pompier,
dans l’urgence, n’a en général pas le temps de mettre à jour l’information pour le stock virtuel
dans l’ordinateur. (C’est déjà bien de sa part de penser à faire facturer le client pour cette
livraison par la bande, ce qu’il oublie d’ailleurs parfois de faire - bien involontairement, car
son honnêteté n’est absolument pas en cause ici). D’où les décalages permanents entre stocks
virtuels et stocks réels. D’où les insatisfactions ainsi générées chez les autres clients… Mais
Pedro pense bien faire, en toute bonne foi. Et, accablé par les reproches qui lui sont enfin
formulés, il se défend bien. Il a assimilé l’idéologie du service au client. A sa façon à lui.
L’idéologie du service au client a perverti un processus. Des clients plus astucieux que les
autres ont cultivé leur relation directe avec Pedro pour routiniser un raccourci au processus de
supply chain et ont conduit à une gestion par exception. Si Pedro est le seul à pratiquer de
telles exceptions, l’organisation en souffre mais peut s’en accommoder. Mais s’il y a autant de
Pedro que de salariés, tous pleins de bonne volonté mais tous interprétant l’idéologie
ambiante à leur façon, alors les choses peuvent être plus compliquées.
Cette quatrième histoire courte illustre comment l’idéologie peut façonner les processus
ou en tout cas ici leur appropriation sous forme de routines dans les organisations.
Cas 5 : ITT vs Ericsson ; l’idéologie dans la définition des structures de multinationales
Au début des années 1970, CIT Alcatel, qui allait devenir Alcatel, lance avec le E10 un
produit révolutionnaire dans le cœur technologique des équipements de télécommunication
d’alors, celui des centraux de commutation publiques temporels. Nous décrivons (Durand et
Stymne, 1990) cette révolution technologique du temporel (également appelée TDM : time
division multiplexing) et ses conséquences stratégiques pour les entreprises du secteur.
Parmi les grands concurrents mondiaux, le suédois Ericsson sera un des premiers à réagir et à
lancer à son tour un produit temporel, le fameux AXE. Il lui faudra 5 ans mais ce sera
suffisant pour se maintenir en bonne position sur le marché mondial. A l’inverse ITT, la
multinationale initialement d’origine américaine mais basée en Europe, sera un des derniers
acteurs à adopter cette technologie pourtant clairement victorieuse depuis plusieurs années.
Son produit le ‘system 12’ ne sera disponible que trop tardivement, 13 ans après le E10 de
CIT Alcatel, 8 ans après le Axe d’Ericsson et surtout après un investissement de
développement bien trop élevé pour ITT. Le groupe finira par jeter l’éponge et cédera sa
division télécom à Alcatel en 1983.
Doz (1986) propose une explication de la vitesse comparée de réaction d’Ericsson et d’ITT
face à l’innovation de CIT Alcatel. Il constate qu’ITT avait choisi de doter sa division télécom
d’une structure décentralisée par pays ‘pour garantir que les développements produits se
feraient au plus près des clients’ , les grands opérateurs publics de télécom de l’époque. Ce
choix était bien évidemment marqué du sceau d’une idéologie managériale parfaitement
subjective : loin du client, point de salut.
Pour sa part, Ericsson avait adopté une structure organisationnelle très différente. Le groupe
suédois était bien parti de l’idée que sa base de marché nationale étant trop petite pour
absorber les coûts de R&D requis dans les télécoms, il n’y avait pour lui aussi d’autre issue
que d’attaquer les marchés mondiaux accessibles. Mais Ericsson avait considéré à l’époque
qu’il lui fallait préserver sa base R&D et industrielle en Suède (choix éminemment
idéologique). Les filiales pays du groupe Ericsson avaient donc eu la portion congrue, à savoir
la responsabilité marketing et commerciale locale. Par effet de compensation, ceci conduisit à
un choix technologique qui s’avèrera déterminant : pour permettre aux filiales pays de
disposer de quelques latitudes pour adapter les produits aux spécificités du marché local, il fut
décidé d’adopter une architecture modulaire pour les centraux téléphoniques. Seuls les
modules seraient à adapter, ce qui accélérerait les processus d’adaptation et en réduirait le
coût.
Il se trouve que pour ces raisons fondamentalement idéologiques, les deux groupes se
retrouvèrent en position très différente lorsque survint la révolution du temporel. ITT laissa
ses filiales française, allemande et belge conduire en parallèle de coûteux développements
disjoints qui, in fine, s’avérèrent parfaitement irréconciliables (malgré des efforts vains de
coordination à partir de 1979). Ericsson, à l’inverse bénéficia de son organisation R&D
centralisée et de l’architecture modulaire de son produit précédent (Ake) qui lui permit de
focaliser son effort de développement de la nouvelle technologie au niveau des seuls modules
de base et lui fit ainsi gagner un temps précieux.
La contingence allait être une fois de plus déterminante. Elle portait cette fois-ci sur les
structures organisationnelles qui reflétaient fidèlement les idéologies prévalant dans chacun
des deux groupes à l’époque…
Cette cinquième histoire illustre donc comment l’idéologie peut marquer les choix de
structures organisationnelles, avec ici des conséquences stratégiques aussi considérables
qu’inattendues.
III-Idéologie et Productions instrumentales
Notre propos dans ce chapitre est de rendre compte de la façon dont l’idéologie traverse et
marque de son empreinte ce que nous appelons les productions instrumentales des
organisations. Pour nous, ce sont ces productions instrumentales, ce que l’organisation génère
pour elle-même, qui construisent la compétence organisationnelle. Celle-ci émerge à travers
un processus de cristallisation et de mémorisation en des éléments de compétence que nous
assimilons métaphoriquement à des feuilles et qui prises toutes ensemble donnent au feuillage
global sa forme, mouvante et foisonnante, sa texture, complexe et inextricable, faite de
redondance et de contradiction, de flexibilité et de résilience (Durand, 2001b).
Pour nous, ces « feuilles » sont constituées de règles de conduites, de dictons, de principes
d’action, de rites qui permettent des économies de moyen (Colas, 1999), aident à donner du
sens, structurent et conditionnent l’apprentissage. Elles forment un patchwork en permanente
évolution. Elles sont mouvantes, multiples, enchevêtrées, interdépendantes, adaptables à
travers l’apprentissage qu’elles rendent possible et qu’elles influencent tout à la fois.
Nous proposons ainsi de reprendre notre modèle de la compétence organisationnelle (Durand,
2000, 2001a) et en particulier ses 3 dimensions ( savoir, savoir faire et savoir être) pour
analyser les productions instrumentales qui à notre sens construisent la compétence
organisationnelle.
Nous suggérons qu’il est possible de regrouper les productions instrumentales en agrégats
intermédiaires qui correspondent à des concepts déjà bien identifiés dans la littérature
managériale et que nous relions aux 3 dimensions de notre modèle.
-La culture et son fondement identitaire constituent l’agrégat le plus évident des productions
instrumentales, même s’il est le plus débattu et le moins palpable. Les productions
symboliques que sont les rites, les tabous, les valeurs de l’organisation font partie intégrante
de ce premier ensemble. Nous sommes là dans le domaine des émotions, des comportements,
des attitudes. La motivation des acteurs est à notre sens également à rapprocher de ce premier
agrégat.
L’exemple des Snow blades de Salomon illustre le rôle joué par l’idéologie dans ces
productions instrumentales comportementales et dans la construction de savoir être collectifs.
Le Cas d’Antinnova opère en contrepoint pour confirmer l’importance de cette dimension.
-La vision constitue un second agrégat essentiel des productions instrumentales. Par vision,
nous entendons la vision stratégique, c’est à dire la capacité à donner du sens à la complexité
des informations reçues par l’organisation, à la diversité des éléments de représentation qui
s’expriment, s’entrechoquent, s’influencent mutuellement et se reconstruisent au travers des
interactions sociales telles qu’elles se déroulent au sein de l’organisation et à ses frontières.
En ce sens, la vision peut être considérée comme la quintessence, l’aboutissement cognitif du
processus d’émergence des représentations dans les organisations.
L’exemple des concurrents de Cristaline illustre le rôle joué par l’idéologie dans
l’aveuglement auto-produit (et auto-reproductif) causé par une vision biaisée, hautement
subjective, fruit de croyances issues du passé. Et cela dure jusqu’à la crise, qui seule permet
une remise en cause et un dépassement. Sur cette base, une idéologie réformée apparaît
progressivement et va fonder les visions renouvelées pour l’action de demain. La mobilisation
des troupes peut alors se faire autour d’un projet commun reformulé, que véhicule un discours
lui même renouvelé et qui fait sens, justifiant le passé, expliquant le présent et balisant un
futur soudain redevenu rassurant.
-Les processus de management (ceux qui ont été appropriés et donc routinisés par
l’organisation) et la structure organisationnelle constituent le troisième agrégat de production
instrumentale que nous identifions. La structure organisationnelle (par exemple à travers des
professions de foi managériale pour ou contre la décentralisation, la constitution de business
units indépendantes, la mise en place de fonctions centrales au niveau corporate,…) comme
les processus de management sont le reflet direct de l’idéologie des managers qui les
définissent. C’est en effet, avec la vision, là que s’exprime le plus l’influence de l’action
managériale. En outre, la façon dont les acteurs de l’organisation s’approprient ces processus
et ces structures organisationnelles, quitte à les distordre quelque peu au passage, est
également le reflet de l’idéologie qui prévaut parmi les acteurs en présence.
L’exemple d’ITT est illustratif d’une structure organisationnelle fondée sur une idéologie
managériale qui avait sa logique mais qui s’est avérée être écologiquement inadaptée lorsque
le changement technologique est survenu.
L’exemple de la gestion faite par Pedro de son stock chez Autocomposants est illustratif d’un
processus de prise de commande et de supply chain perverti par une idéologie mal assimilée.
Au total, la figure 1 illustre graphiquement les 3 dimensions de notre modèle de la
compétence organisationnelle et la façon dont s’y articulent les agrégats conceptuels que nous
identifions pour décrire les productions instrumentales.
Dimensions de la compétence organisationnelle
et agrégats de productions instrumentales
Figure 1
La Vision
Connaissance
La Structure
Organisationnelle
Savoir-faire
Les Processus
de management
Attitudes
Identité,
culture
L’idéologie et la subjectivité traversent ainsi l’ensemble des productions instrumentales et
donc le cœur des compétences de l’organisation :
-Le savoir ou la connaissance s’apparentent à la cognition qui permet l’élaboration de la
vision stratégique, via ce que nous désignons sous le vocable de représentations. La cognition
s’exprime au principal à travers le discours et peut être observée par ce biais. Or le discours,
même lorsqu’il est pour partie documenté et objectivé par des faits, est fondamentalement
empreint d’idéologie.
-Le savoir être ou les attitudes s’apparentent au comportement, aux émotions qui fondent
l’identité culturelle à laquelle se conforment les acteurs de l’organisation. Par nature, la
culture de l’organisation va être marquée par l’idéologie des leaders d’opinion, le charisme
des personnalités marquantes, l’histoire de l’organisation et l’évolution de son contexte socioculturel. Ce sont par les productions symboliques de la culture (rites, tabous, valeurs) que
l’ont peut espérer retrouver la trace de l’idéologie dans le comportemental et l’identitaire.
-Le savoir faire collectif relève de la pratique et se forge par l’action. Il s’exprime au travers
des processus organisationnels qui animent et font vivre concrètement et opérationnellement
les rouages de la structure. C’est dans l’observation (observation participante pour Rouleau,
2001) de l’action quotidienne des processus et du fonctionnement de la structure que l’on peut
espérer toucher du doigt l’empreinte de l’idéologie sur l’organisation.
En ce sens, l’idéologie n’est pas que discours. L’idéologie transpire au travers de l’ensemble
des composantes du feuillage organisationnel.
Mais dans l’empreinte que l’idéologie laisse sur l’organisation, quelle peut être la
responsabilité de la seule action managériale ?
L’action managériale pourrait a priori sembler être concentrée sur les productions statutaires.
Elle s’exprime pourtant aussi au travers des productions instrumentales. L’action managériale
transparaît le plus clairement dans la conception et la mise en place des structures et des
processus organisationnels, mais aussi dans l’élaboration de la stratégie. L’action managériale
a par contre plus de mal, on le sait, à imposer une culture. Elle contribue pourtant, volens
nolens, à façonner les cultures. L’idéologie managériale apparaît dans les productions
instrumentales, à travers les structures et processus organisationnels, à travers les discours qui
expriment (et tout à la fois contribuent à construire) les représentations mais aussi à travers la
culture qui en résulte. Dans le même temps, l’idéologie auto-générée dans l’organisation (ellemême affectée par l’idéologie managériale) influence les trois agrégats de productions
instrumentales. L’idéologie et la subjectivité préexistantes au sein de l’organisation peuvent
en particulier s’exprimer dans la façon dont l’organisation s’approprie une structure ou un
processus pour les routiniser, c’est à dire pour mettre à sa main ce que l’action managériale
propose. D’une certaine façon et dans une certaine mesure, l’action managériale propose,
l’idéologie de l’organisation dispose.
Au total, notre proposition est ainsi d’aller débusquer l’effet de l’idéologie sur l’entreprise à
travers ce triple regard sur les agrégats de productions instrumentales que sont les discours qui
expriment la vision (liée à la cognition), les productions symboliques qui caractérisent la
culture (liée aux émotions, à la motivation et aux attitudes) ainsi que la structure et les
processus organisationnels qui permettent l’action (liés à l’organisation et aux opérations).
Ainsi que l’illustrent nos 5 premières petites histoires, il est clair que l’idéologie peut jouer à
ce triple sens un rôle dans la vie des organisations, leur vision stratégique, leur culture, leurs
opérations.
Pour terminer notre propos, nous allons présenter une 6ème et dernière illustration, intégrée
celle-ci, c’est à dire présentant la triple dimension que propose notre conceptualisation. Cette
6ème petite histoire d’entreprise rend compte d’une dynamique de construction d’une idéologie
partagée. Il s’agit de la construction d’un business plan pour une nouvelle activité. Ce travail
est conduit par une équipe projet composite, constituée de membres aux origine, nationalité et
appartenance organisationnelle différentes, dans le cadre d’une collaboration inter-firmes.
Nous allons brièvement relater ce processus destiné à réduire la subjectivité inhérente à un
projet ambitieux et qui requiert un exercice rigoureux de business plan pour construire une
représentation partagée susceptible d’être « vendue » aux décideurs des entreprises
participantes. Nous allons voir ce qu’il en est de la présence de l’idéologie et de ses
conséquences, quand on tente une relecture analytique de l’histoire de ce projet à l’aide de
notre « macroscope à étudier les feuillages organisationnels », muni de cette lunette à filtrer
l’idéologie.
IV-Exemple d’utilisation du « macroscope à feuillage organisationnel »
Construire et partager une représentation et le discours associé
Cas 6 : EHS-NewCo; l’idéologie du business plan ; ou la conviction par la subjectivité
réduite, reconstruite et partagée
Les grands chimistes mondiaux s’interrogent sur la meilleure façon de traiter une question
lancinante pour eux, celle du respect de la réglementation en matière d’environnement et de
sécurité sanitaire (EHS pour « Environment, Health, Safety »). Il leur faut à chacun suivre en
continu la réglementation dans plus de 130 pays, éditer dans plus de 30 langues des
documents labellisant leurs produits pour en décrire la toxicité et les conditions de transport et
d’utilisation. Ils sont sous la pression réglementaire croissante des Etats, confrontés aux
exigences de leurs clients industriels et sous les projecteurs de la presse et des citoyens
consommateurs qui deviennent de plus en plus exigeants sur ces questions. C’est donc pour
eux une préoccupation constante qui tourne au cauchemar.
A une époque de reflux de la déferlante de l’e-business, quatre d’entre ces grands chimistes
mondiaux, deux européens et deux américains, décident de s’associer pour explorer la
possibilité de construire une plate-forme internet susceptible de les aider à résoudre leur
problème EHS. Il s’agit pour eux de mutualiser le travail et donc les coûts de suivi de ces
réglementations, de production de la documentation sur leurs produits dans les différentes
langues et pour les différents pays requis, d’automatisation de la production de l’étiquetage de
leurs livraisons, etc. Ils envisagent que cette plate-forme puisse proposer ces prestations à
d’autres sociétés, non seulement les autres acteurs de l’industrie chimique mais aussi les
clients en aval, les transformateurs (fabricants de peinture, mélangeurs, …) comme les
utilisateurs des produits (fabricants automobile, laboratoires pharmaceutiques,…). Ils voient
donc dans cette activité une double opportunité, celle de régler un problème majeur qu’ils
rencontrent et celle de développer ce faisant une activité potentiellement rentable.
En association avec un spécialiste réputé des systèmes d’information pour les entreprises et
quelques prestataires techniques spécialisés, ils décident de lancer une équipe projet pour
construire un business plan pour une telle activité. Nous avons pu accompagner cette équipe
projet et assister en temps réel à un processus de production instrumentale (au sein de l’équipe
projet). Ce processus de production instrumentale a été fortement marqué par le choc des
idéologies en présence et par l’émergence d’un discours reconstruit et partagé, lui-même par
essence idéologique. Il s’est agi de construire un business plan, c’est à dire de réduire la part
de subjectivité inhérente à un tel projet en tentant d’en documenter les différents
fondamentaux (marché, concurrence, faisabilité technique, investissements à consentir,
chiffres d’affaires attendus, rentabilité potentielle,…). C’est de cela dont il peut être
intéressant de brièvement rendre compte ici.
Nous allons nous efforcer de décrire ce processus de reconstruction idéologique selon les
différentes facettes que nous avons identifiées jusqu’ici : la cognition à travers le discours,
l’action à travers le structurel et le processuel des routines, l’émotion à travers le
comportemental et les attitudes.
Le point de départ de ce projet est lui même empreint d’une forte idéologie : les technologies
de l’information peuvent être mobilisées au service d’une problématique économique et
sociétale, celle du développement durable pour l’industrie chimique. Qui dit mieux ? En tant
qu'êtres humains, citoyens et consommateurs, nous ne pouvons naturellement que le
souhaiter. En outre, le démarrage du projet se fait au moment du reflux de la (première) vague
de l’e-business. Il faut donc dans ce contexte une certaine dose de foi en l’avenir de platesformes Internet pour continuer à avancer dans cette direction et proposer de développer une
telle application pour la problématique EHS. En d’autres termes, l’intrapreneur comme
l’entrepreneur se trouvent ici encore à ancrer leur démarche sur un socle idéologique marqué.
Enfin, tout ceci se passe dans un contexte managérial où règne en maître l’idée
d’externalisation des activités perçues comme non stratégiques, et les questions de EHS
semblent être de cette catégorie. (Ce dernier aspect pourrait être d’ailleurs discuté, en ce sens
que les impératifs de EHS sont devenus tels pour l’industrie chimique que l’on peut se
demander s’ils peuvent véritablement être considérés comme externalisables). Mais telle a été
l’idéologie de départ.
La composition du tour de table a été évolutive et les fonctions représentées se sont avérées
être hétérogènes. L’initiateur du projet, un chimiste français, a d’abord souhaité s’associer à
un autre grand chimiste européen et à un grand spécialiste des systèmes d’information, outre
quelques petits prestataires. Au bout de quelques mois, il a ensuite fait accepter par ses
premiers partenaires qu’il serait souhaitable de faire monter à bord deux grands chimistes
américains, afin de couvrir ces deux grandes zones de marché que constituent l’Europe d’une
part et le continent américain d’autre part.
Mais si certains des chimistes étaient représentés par des responsables EHS, d’autres étaient
représentés dans le projet par des responsables des directions dites « e-business » situées au
niveau corporate. Leur lecture du projet ne pouvait alors être la même.
Ceci a été à l’origine d’un choc idéologique frontal et permanent au sein de l’équipe projet :
l’objectif commun devait-il être plutôt de résoudre un problème EHS des grands chimistes et
en particulier de partenaires autour de la table (avec dans l’idée de contribuer au passage à
améliorer l’image d’une industrie « considérée à tort comme très pollueuse ») ; ou l’objet du
projet devait-il être de gagner de l’argent en développant un business rentable sur une
opportunité de marché ?
Ce choc idéologique était clairement cognitif. Mais il faut aussi y voir une opposition
culturelle en filigrane, dans la mesure où la culture socio-économique des acteurs en présence,
leur comportement face aux enjeux EHS poussaient les uns à souhaiter se placer au service de
leur industrie, de leur profession, de la protection de l’environnement alors que la culture (et
l’idéologie) principalement libérales des autres les poussaient instinctivement à se placer dans
une logique de création d’une activité nouvelle, rentable et potentiellement valorisable par une
sortie en bourse.
Faire du profit grâce à la pression de la question environnementale ou promouvoir le
développement durable en servant son industrie et en soulageant les grands chimistes du poids
du respect de la réglementation EHS, tel fut un des débats.
Le déroulement du projet a vu émerger trois phases qui rejoignent en partie celles proposées
par Dameron (2001) :
- tout d’abord un accord cognitif sur un objectif supposé commun et la perception de la
forte complémentarité des compétences rassemblées autour de la table. Un acte de foi
donc en la capacité d’une telle coalition à mener à bien le projet, à la condition de bien
se coordonner
- ensuite la mobilisation des compétences complémentaires et leur affirmation au sein
du projet, chacun trouvant sa place et apportant sa pierre tant bien que mal, en
apprenant petit à petit à se connaître
- enfin l’émergence de routines, de rites, de vocabulaires partagés, de liens
interpersonnels qui constituent autant d’économies de moyens pour travailler
ensemble plus efficacement, en connaissant les limites et les biais de chacun
L’idéologie est au cœur même de ce triptyque. La croyance que des compétences
complémentaires peuvent être fertiles si elles sont bien coordonnées. L’idée que c’est en
travaillant ensemble que l’on va mieux s’entendre. La certitude que l’élaboration d’un
business plan est un travail par essence destiné à réduire la subjectivité dans la décision. La
conviction qu’une équipe hétérogène ne peut que formuler des recommandations solides si
chacun y met son énergie et son intelligence,…
Pour ce qui relève du cognitif et à titre d’illustration, intéressons nous à l’une de ces
croyances, le processus d’élaboration d’un business plan comme réducteur de subjectivité :
La construction d’un business plan peut en effet être interprétée comme un travail contre la
subjectivité. Il s’agit en principe de documenter un projet en collectant des données réputées
objectives pour les analyser et en présenter les résultats assortis de recommandations à
l’attention d’un ou plusieurs tiers décisionnaires. Mais la pratique de ce genre d’exercice
montre combien il s’agit plus de construire une représentation partagée et convaincante que de
véritablement s’affranchir de toute subjectivité. Et ce projet n’a pas fait exception. En fait,
personne n’est vraiment dupe. Le business plan doit être partagé entre les acteurs et
convaincant pour les tiers qui en constituent la cible, ceux que chacun des acteurs désigne
avec une certaine emphase sous un vocabulaire à la fois mythique et mystérieux, mon
« board ». Si ce sont les boards qu’il faut convaincre, alors ce n’est pas tant de réduction de la
subjectivité dont il est question que de solidité du discours idéologique que va véhiculer le
business plan. Construire le business plan, c’est reconstruire une idéologie partagée entre les
membres de l’équipe projet, et la mettre en forme pour qu’elle soit vendable aux tiers, ces
boards décisionnaires. Le business plan doit-il être le plus vrai possible ou bien le plus
crédible possible, c’est à dire en mesure d’emporter la conviction tant de ceux qui le
présentent que de ceux qui le reçoivent ? S’il en était besoin, ce projet EHS a montré une fois
de plus que le business plan, comme tout discours idéologique, doit d’abord être convaincant.
Au bout du bout, est-il si important qu’il soit « exact » tant que chacun est persuadé que c’est
là le mieux de ce qui pouvait être présenté ?
Pour ce qui relève de l’organisationnel, qui devait in fine prendre la main sur cette opération
en devenir ? Une fois que les chiffrages ont eu confirmé la réalité d’un marché solvable et la
rentabilité des investissements à consentir pour proposer des offres adaptées, quelle structure
organisationnelle fallait-il mettre en place et quelle implication fallait-il prévoir pour chacun
des acteurs ?
De nombreux débats ont eu lieu autour de différents scénarios sur ces questions. Certains
poussaient pour que le contrôle de la future activité reste l’apanage des grands chimistes.
D’autres considéraient que seuls des prestataires disposeraient de l’agilité nécessaire pour
assurer la qualité du service indispensable au décollage d’un tel « business model ». Choix de
structure éminemment idéologique là encore.
Pour ce qui relève du culturel, des rites ont émergé. Pour respecter les nationalités des parties
prenantes, les réunions bihebdomadaires de l’équipe projet se sont déroulées successivement
en Europe et aux Etats Unis, chaque entreprise opérant à tour de rôle comme puissance
invitante. Pour accélérer le processus de socialisation, des dîners ont été organisées selon un
rituel qui est allé crescendo, chacun mettant un point d’honneur à recevoir ses hôtes encore
mieux que la fois précédente et à déployer des trésors d’imagination pour mobiliser les
ressources gastronomiques ou festives de la ville d’accueil. Cependant, plus prégnants encore
que tous ces efforts de convivialité, les préjugés de certains représentants face à certains
autres, à leur nationalité ou à leurs intérêts supposés se sont avérés déterminants dans la façon
dont les choix des uns et des autres se sont finalement opérés. En ce sens, le comportemental
s’est avéré être très fortement marqué de subjectivité et a clairement influencé les positions
des uns et des autres sur les sujets de fond (et de fonds).
En effet, lorsqu’il s’agit de mettre en commun les informations collectées au travers de
multiples études toxicologiques toutes coûteuses, pour créer des bases de données partagées ;
quand il s’agit de se communiquer les phrases clés qui protègent légalement le fournisseur
d’un produit alors que certains libellés ont résulté d’apprentissage coûteux devant des
tribunaux ; lorsque l’on doit modifier sensiblement ses systèmes d’informations et certaines
des applications pour rendre possibles les compatibilités avec les solutions développées
ailleurs et qui seront reprises par l’activité EHS partagée,… alors la question de la confiance
devient centrale. Ce sont les perceptions et les attitudes bien plus que la rationalité cognitive
qui prend le dessus… L’idéologie et la subjectivité jouent alors à plein.
Au total, l’analyse des productions instrumentales de notre équipe projet montre à notre sens
que les trois agrégats que nous avons retenus pour l’analyse (la cognition, l’organisationnel et
la culture) s’avèrent efficace pour débusquer la trace de la subjectivité et de l’idéologie au
travers de ce cas. Il apparaît que tous les efforts déployés pour réduire la subjectivité en
documentant les analyses ne peuvent au mieux que donner le sentiment de l’avoir chassée,
alors qu’elle revient au galop par toutes les portes. L’idéologie a en permanence marqué le
travail de l’équipe projet, le raisonnement des participants, l’interaction entre les acteurs. Cet
exercice de business plan, supposé réducteur de subjectivité, a en fait ramené sur le sujet
d’autres formes de subjectivité, et a conduit à y projeter d’autres éléments d’idéologie.
V-Conclusion
Nous avons proposé de distinguer d’une part les productions statutaires des organisations (ce
pour quoi l’organisation est rémunérée, ce pour quoi elle existe) et d’autre part les productions
instrumentales (ce qui permet à l’organisation de faire face à son environnement, d’élaborer
des stratégies et de s’adapter). Nous avons souligné combien les productions instrumentales
génèrent une bonne part de ce que nous pouvons désigner comme la compétence
organisationnelle.
A travers 5 cas spécifiques, nous avons ensuite cherché à comprendre en quoi et dans quelle
mesure les productions instrumentales des organisations sont empreintes de subjectivité et
d’idéologie. Ces illustrations ont permis de toucher du doigt la nature de cette influence sur
les organisations.
Nous avons alors fait appel à notre double métaphore du macroscope et du feuillage
organisationnel (le macroscope à étudier les feuillages organisationnels) pour proposer un
modèle en trois volets (la cognition, l’organisationnel et le culturel) et disposer ainsi d’une
grille de lecture analytique susceptible de nous aider à suivre la subjectivité et l’idéologie à la
trace au sein des organisations.
Nous avons alors illustré sur un cas intégré, celui de EHS NewCo, l’utilité de mobiliser cet
outil, cette grille de lecture, pour analyser le poids de l’idéologie et de la subjectivité au
travers de ce projet d’élaboration d’un business plan et de structuration d’une activité
nouvelle.
Pour mobiliser notre outil, la question redevient alors celle que nous posions précédemment
(Durand, 2001a) à savoir celle d’accéder aux routines, aux discours, aux règles internes, aux
rites, symboles et autres valeurs partagées au sein de l’organisation.
Les dispositifs rhétoriques confirment alors toute leur utilité mais ne peuvent être considérés
comme le seul vecteur d’investigation. L’observation participante à la L. Rouleau pour vivre
les routines, les portraits à la H. Colas pour rendre compte des rites, repérer et décoder les
règles et autres dictons internes, traquer les symboles identitaires, analyser l’histoire de
l’organisation et des crises qu’elle a vécues, retracer des cas d’échec et d’autres de succès
constituent à notre sens autant de voies à explorer pour tenter de rendre compte de ce que
l’apprentissage permet aux organisations d’accumuler et de structurer sous la forme de cadres
de compétence ou de « feuilles » du feuillage. C’est là une porte d’entrée nouvelle sur la quête
des empreintes laissées par l’idéologie dans les représentations, la culture, l’organisation.
Il y a là du travail empirique à conduire pour approfondir l’intérêt méthodologique de cette
voie, et ce faisant la pertinence et la solidité de notre macroscope à feuillage organisationnel,
doté d’un filtre à subjectivité et idéologie.
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