Tarif spécial
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Tarif spécial
JEUX D'ÉCRITURE AU CHÂTEAU DE LA ROCHE-GUYON 11ème chez les Benjamin(e)s Tarif spécial par Raphaël-Hadrien Godi, 13 ans École Notre-Dame – Sannois Je suis Maxime Letellier, jeune journaliste de 23 ans. Je dois vous parler de quelque chose, quelque chose qui m'a fait douter de ma santé mentale. C'était un matin venteux de septembre, sûrement le 23 ou le 24, enfin bref. Je devais me rendre au Château de La Roche-Guyon pour mon travail. Je n'y étais jamais allé. Pourtant, je n'habitais pas à des centaines de kilomètres, non, j'habitais Senlis. Quoi qu'il en soit, pour tout vous avouer, je n'étais pas très enthousiaste à l'idée de visiter La Roche-Guyon. Mon esprit était ailleurs, j'avais des problèmes de couple avec ma petite amie Eurydice. À vrai dire, notre relation m'apportait plus de malheurs que de bonheurs. Je m'étais mis avec elle par orgueil. L'orgueil, me direz-vous, pourquoi ? C'était une très belle fille et très intelligente, les chances semblaient minimes pour qu'un être imparfait comme moi finisse avec une si belle fleur. Mais si je suis mélancolique, ce n'est ni de sa faute ni de la mienne ; non, c’est à cause de l'idée même du couple, à cause de l'Amour très exactement. Quel menteur, cet Éros, de nous faire croire que l'amour est beau et pur. Je pense au contraire qu'il n'existe que pour la reproduction et la survie de l'espèce humaine et n’occasionne que des tracas. N’insistons pas sur mon côté pseudo-philosophe, ce que j'ai à vous raconter est plus important, du moins je le crois. Revenons à mon aventure. De l'extérieur, le château avait une apparence médiévale mais en entrant, je pus constater des éléments du XVIIIe siècle. J'allai au guichet où un homme frisant la soixantaine me demanda : – Bonjour monsieur, voulez-vous des billets standards ou des tarifs spéciaux ? – Les spéciaux, j'ai de la monnaie à dépenser, répondis-je agacé. – Vous ne me demandez pas en quoi ils consistent ? – À vrai dire, sans vouloir vous vexer, cela m'importe peu. – Bien, comme vous voudrez. Sur ces mots, il me tendit un ticket en papier. J'avais décidé d'aller d’abord au potager-fruitier. Je me demandai comment les légumes faisaient pour ne pas se dessécher tant le soleil tapait. Il tapait si fort qu'il me donna un étourdissement. Je tombai lourdement sur le sol. Quelqu'un m'aida à me relever mais il était plus qu'étrange, il était vêtu à la manière des gentilshommes du XVIII e siècle et portait une perruque poudrée. Surpris, j'essayai d'échapper à son étreinte. Apparemment vexé, il me répondit d'une voix autoritaire et courroucée : – Allons, mon brave ! Je vous prie de prendre ma main secourable ! Vous n'avez pas des manières de gentilhomme ! Du moins, c'est peut-être l'effet du choc... Ne vous faites point prier davantage ! Encore choqué, je lui donnai ma main timidement, il me releva. Je regardai autour de moi, mon cœur manqua un battement, il n'était pas le seul personnage étrange à être vêtu de la sorte. Non, il y avait des dizaines de personnes qui donnaient l'impression d'être sorties tout droit du XVIIIe siècle ! Des femmes aux grandes perruques et robes rouges en soie, arborant des mouches de taffetas ou de velours sur leur visage à l’air noble et, à vrai dire, quelque peu prétentieux. Et si ? Non, ce n’était pas possible, je n'étais pas revenu dans le passé. Voyons, c'était absurde, nous n’étions pas dans Retour vers le Futur. Je cherchai une explication rationnelle. Mais oui, c'était évident : tous ces gens appartenaient à une troupe de figurants employée par le château. Et c'était donc ça le tarif spécial, tout s'expliquait ! Je demandai donc à l'homme qui m'avait aidé : – Vous êtes des comédiens ? Ma remarque le fit rire. – Voyons mon ami, des comédiens ! Ah ah, avons-nous l'air de vulgaires bohémiens ? Ah ah ! – Sans vouloir vous offenser, vous ressemblez vraiment à des comédiens ! – Ma parole, vous avez de l'humour, mon cher ! – Mais alors, qui êtes-vous ? – Je suis le seigneur Louis-Alexandre de La Rochefoucauld ! Il se payait ma tête, Louis Alexandre de La Rochefoucauld avait été tué par la populace lors de la Révolution. Je jouai son jeu en lui déclarant, avec toutes les manières qu'il fallait : – Mon cher, figurez-vous qu'il a été massacré par le peuple lors de la Révolution française, le roi y est passé un peu plus tard ! – Est-ce une menace ? – Arrêtez de jouer au plus malin avec moi, je ne suis pas d'humeur, écartez-vous de mon chemin où nous en viendrons aux mains ! Il répondit à ma menace en interpellant les autres : – Au secours mes amis ! Ce fou menace de m'ôter la vie ainsi que celle du roi ! Aussitôt, tous les autres hommes prirent leurs épées et essayèrent de fondre sur moi. Je dus courir vite pour échapper à ces individus, si vite que je ne vis pas la souche qui me fit m'écrouler sur le sol. Je tombai dans les limbes de l'inconscience... Quand j'ouvris les yeux, je vis un visage qui me regardait. Ce n'était pas un des autres détraqués, non, c'était celui d'une femme, la jardinière. – Vous allez bien, monsieur ? Vous avez une tête de déterré ! – Vous feriez mieux de surveiller les autres fous ! – De quoi parlez-vous ? – Des comédiens et surtout de celui qui se prend pour Louis-Alexandre de La Rochefoucauld ! – Je ne comprends pas, nous n'avons jamais embauché de figurants. – Allez voir par vous-même, ils doivent se cacher de l'autre côté du potager-fruitier ! – Venez avec moi pour me montrer. – Non, ils veulent ma peau pour je ne sais quelle raison ! – Attendez-moi là, je vais voir ! Sur ces mots, elle partit et revint une poignée de minutes plus tard. – Il n'y a personne qui réponde à vos descriptions. – Mais ce n'est pas possible je vais vous montrer ! Je me rendis là où l'homme m'avait relevé. Il n'y avait plus personne, c'était sûr. Peut-être que la jardinière mentait. – Alors, c'était quoi le tarif spécial ? » lui demandai-je, suspicieux. Elle prit une pomme d'un arbre et me la tendit. C'était donc une pomme, leur offre spéciale ! Dubitatif, je m'en allai voir au guichet et posai à l'homme la question qui me brûlait les lèvres. Il me dit qu'il n'y avait personne qui répondait à mes dires. Je partis dans ma voiture sans écrire mon article. Je pris mon téléphone portable et cherchai sur internet des images de Louis-Alexandre de La Rochefoucauld. C'était bien l'homme que j'avais vu ! Je cherchai des articles connexes et vis les portraits des autres personnes qui l'accompagnaient. Maintenant, je n'ai aucun doute à le dire, j'ai fait un séjour dans le passé !