Contes et légendes

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Contes et légendes
Contes et légendes
Au-delà des mots : pages 160 à 163
Jorinde et Jorindel
Deux jeunes amoureux se promenaient dans la forêt. Ils avaient pour noms
Jorinde et Jorindel. Ils s’aimaient depuis si longtemps, et d'un amour si fort, si
grand, que rien ne pouvait les séparer, semblait-il. Et quand le soir tomba, les
deux jeunes gens, la main dans la main, roucoulaient encore, malgré l’obscurité
qui gagnait les bois. Une chouette soudain cria au-dessus d'eux. Ils comprirent
enfin qu'ils s'étaient perdus et qu'il leur faudrait chercher un abri pour la nuit. Ils
marchèrent longtemps, serrés, l'un contre l'autre. C'est alors qu'ils aperçurent
une lueur entre les arbres. C’était un immense château, noir et lugubre.
Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que la sombre demeure était le château de la
reine des sorcières. Et elle avait jeté un terrible sort autour de son château :
qu'une jeune fille vînt à passer alentour et elle était transformée aussitôt en
oiseau, et bien vite mise en cage par la sorcière. C'était une bien étrange
collection. On disait qu'elle en avait plus de mille !
Mais cela Jorinde et Jorindel l'ignoraient. Ils entrèrent dans le palais ténébreux
simplement heureux d'avoir trouvé un abri pour dormir. « Nous serons bien ici »,
dit Jorindel en se tournant vers sa bien-aimée. Mais Jorinde avait disparu. Et
une hirondelle voletait au-dessus de lui, gazouillait un chant triste, si triste !
Me voilà pauvre hirondelle
Mon pauvre Jorindel !
Que n’es-tu oiseau,
Mon doux damoiseau !
Le jeune homme fut épouvanté. Il demeura figé comme la pierre, incapable de
faire un geste. Alors, dans un nuage de fumée âcre, la reine des sorcières
apparut à ses côtés, comme si elle sortait du néant. Elle est laide comme la
mort, avec son nez crochu, ses verrues, ses dents pointues, ses yeux rouges.
Elle saisit l'hirondelle d'un geste vif, et dit en ricanant : « Je garde ta jouvencelle !
Pars jeune sot ! Et ne reviens jamais » ! Jorindel cria, pleura, supplia la
sorcière de lui rendre, se jeta à ses pieds. Inutile, hélas ! La sorcière s'était déjà
évanouie dans l’obscurité du château.
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Lecture : 4 année.
Contes et légendes ; décembre 2009 : page 29
Longtemps le jeune homme erra dans la forêt, terrassé par un chagrin fou. Il
s’endormit enfin et un songe vint le visiter. Il rêva d'une fleur pourpre au cœur
de perle. Quand il s’éveilla, il sut que cette fleur lui permettrait de retrouver sa
bien-aimée. Il la chercha durant huit longs jours et huit longues nuits. Au matin
du neuvième jour, il la trouva près d'une rivière. Elle était comme le rêve l’avait
peinte : rouge sang avec, au milieu de ses pétales, une goutte de rosée
semblable à une perle. Il la cueillit et s’en revint au château de la sorcière.
La fleur était bien magique. Un coup sur le battant de la porte, et celle-ci éclata
en morceaux. Jorindel se précipita à l’intérieur et, guidé par la fleur cramoisie,
parvint dans la salle aux mille oiseaux. « Je viens chercher ma Jorinde,
méchante femme ! » hurla-t-il. Alors la sorcière lui lança force, maléfices,
malédictions et sortilèges, lui crachant son fiel, l'inondant des poisons les plus
vénéneux. Mais, Jorindel avait la fleur pour armure : il était hors d’atteinte. Et il
cherchait, cherchait, cherchait, parmi les cages, sa Jorinde changée en oiseau. Il
y en avait tant et tant ! « Comment savoir ? » se désespérait-il. Soudain, il
entendit un chant qu’il connaissait bien :
Me voilà pauvre hirondelle
Mon pauvre Jorindel !
Que n’es-tu oiseau,
Mon doux damoiseau !
C'était Jorinde ! Sa Jorinde ! Il se précipita vers la cage de l'hirondelle, la toucha
de sa fleur pourpre, et la jeune fille, plus belle que jamais, se jeta dons les bras
de son ami. Puis, comme si avec Jorinde retrouvée venait la délivrance, les mille
cages s’ouvrirent et les mille oiseaux redevinrent les jeunes filles qu'elles avaient
été jadis. Ce fut un joyeux cortège qui quitta le funeste château, avec, à sa tête,
les deux amoureux, éperdus de bonheur.
[…] Jorinde et Jorindel, Contes d’ogres et de sorcières, Éditions Milan, 1999
Mots en italique et soulignés : vocabulaire à chercher dans le dictionnaire
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Lecture : 4 année.
Contes et légendes ; décembre 2009 : page 30